LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 15 juin 2022
Cassation partielle sans renvoi
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 504 F-D
Pourvoi n° K 20-12.440
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022
La société Continental investissement automobiles, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], exerçant sous l'enseigne Continental automobile RL auto, a formé le pourvoi n° K 20-12.440 contre l'arrêt rendu le 27 novembre 2019 par la cour d'appel d'Agen (chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [D] [M], domicilié chez Mme [L] [H], [Adresse 1],
2°/ à M. [R] [F], domicilié [Adresse 3],
3°/ à M. [J] [A], domicilié [Adresse 5], exerçant sous l'enseigne Ta Bel Auto,
4°/ à la société Mapfre Warranty SPA, dont le siège est [Adresse 6] (Italie), société de droit étranger, ayant un établissement en France sis [Adresse 2] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SARL Corlay, avocat de la société Continental investissement automobiles, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [M], après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1.Il est donné acte à la société Continental investissement automobiles du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. [F], M. [A], exerçant sous l'enseigne Ta Bel Auto et la société Mapfre Warranty Spa.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Agen, 27 novembre 2019), après avoir acquis, le 18 juillet 2012, de la société Continental investissement automobiles (le vendeur originaire), un véhicule d'occasion, M. [M] (le vendeur intermédiaire) l'a revendu le 27 décembre 2012 à M. [F] par l'intermédiaire de M. [A] qui lui a fait souscrire une assurance auprès de la société Mapfre Warranty SPA.
3. A la suite d'une panne, survenue le 23 avril 2013, l'acheteur final a obtenu une expertise en référé et a, le 27 février 2015, assigné le vendeur intermédiaire en indemnisation de son préjudice sur le fondement de la garantie des vices cachés. Le 2 juillet 2015, le vendeur intermédiaire a appelé en garantie le vendeur originaire.
4. Le vendeur intermédiaire a été condamné à payer différentes sommes à l'acheteur final, au titre de la garantie des vices cachés.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
5. Le vendeur originaire fait grief à l'arrêt de dire recevable l'action du vendeur intermédiaire, alors « que l'action en garantie des vices cachés doit être introduite dans les deux ans de la découverte du vice ; qu'il ressort des propres constatations de la cour d'appel que l'action du vendeur intermédiaire, qui avait eu connaissance du vice au plus tard au moment de la revente le 27 décembre 2012, n'a été introduite à l'encontre du vendeur originaire qu'en juillet 2015, soit plus de deux ans après que le vendeur intermédiaire ait eu connaissance du vice de la chose ; qu'en faisant droit à l'appel en garantie de M. [M] à l'égard du vendeur originaire, après avoir constaté que ce dernier avait connaissance du vice caché affectant le véhicule litigieux au moment de la revente de ce véhicule, le 27 décembre 2012, sans en informer son propre acheteur, et qu'il n'avait introduit d'action à l'encontre du vendeur originaire qu'en juillet 2015, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1648 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1648, alinéa 1er, du code civil :
6. Aux termes de ce texte, l'action résultant des vices rédhibitoires doit être intentée par l'acquéreur dans un délai de deux ans à compter de la découverte du vice.
7. L'arrêt déclare recevable l'appel en garantie formé le 2 juillet 2015 par le vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire et condamne celui-ci à le garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge au profit de l'acheteur final, après avoir constaté que, le 27 décembre 2012, lorsque le vendeur intermédiaire avait revendu le véhicule à l'acheteur final, il avait connaissance du vice qui l'affectait.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le vendeur intermédiaire avait agi contre le vendeur initial plus de deux ans après la découverte du vice, la cour d'appel, a violé le texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
11. La prescription de l'action en garantie formée par le vendeur intermédiaire contre le vendeur originaire étant acquise depuis le 28 décembre 2014, cette action est irrecevable.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Continental investissement automobiles à garantir M. [M] des condamnations prononcées à son encontre au profit de M. [F], l'arrêt rendu le 27 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel d'Agen ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare prescrite l'action en garantie formée par M. [M] ;
Condamne M. [M] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Corlay, avocat aux Conseils, pour la société Continental investissement automobiles
La société Continental Investissement Automobiles fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR retenu que les conditions de mise en oeuvre de la garantie des vices cachés étaient réunies dans le cadre de l'action récursoire de Monsieur [M] et en conséquence de l'AVOIR condamnée à le garantir de l'ensemble des condamnations mises à sa charge au profit de Monsieur [F].
AUX MOTIFS QUE : « Sur l'action en garantie pour vices cachés de l'acquéreur : Si le premier juge a retenu à juste titre l'existence d'un vice caché au sens de l'article 1641 du code civil selon lequel le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus, les éléments versés aux débats établissent la connaissance du vice par le vendeur de ce qui justifie une infirmation partielle de sa décision. En effet, il ressort du rapport d'expertise judiciaire de [C] [Y] que le véhicule acquis par [R] [F] présente une absence d'étanchéité du haut moteur qui a pour conséquence une fuite d'huile. Cette huile provenant du moteur s'est répandue progressivement sur l'ensemble des organes mécaniques, a pénétré dans l'alternateur et provoqué sa défaillance, à la suite de laquelle le véhicule a pu fonctionner temporairement en consommant la réserve d'énergie électrique contenue dans la batterie ; l'épuisement de cette réserve d'énergie a généré une mise en défaut de l'ensemble des systèmes du véhicule et un arrêt de fonctionnement total. Il est ainsi établi, comme l'ont relevé l'expert et le tribunal que le défaut d'étanchéité du moteur affecte sa fiabilité et impose une réparation. Il est en outre avéré, le véhicule ayant cessé de fonctionner, et étant non roulant lors de l'expertise, que le défaut d'étanchéité l'a rendu inutilisable. Ce défaut de fonctionnement ne saurait être réduit à la défaillance de l'alternateur qui est la conséquence et non la cause du vice et dont la seule réparation ne serait de nature ni à éviter un renouvellement de la même panne, ni à prévenir la survenance de pannes des autres organes du véhicule exposés à des infiltrations d'huile. Les constatations de l'expert l'ont conduit à conclure à l'existence d'un vice évolutif suivant un processus très lent qui opère sur une longue durée. Or le véhicule acquis le 27 décembre 2012 est tombé en panne le 29 avril 2013 soit quatre mois seulement après la vente. L'expert comme le tribunal ont donc pu en déduire que le défaut était antérieur à la vente. [R] [F] est ainsi fondé à solliciter le bénéfice de la garantie des vices cachés de l'article 1641 du code civil. S'agissant de la connaissance du vice par le vendeur, il résulte du rapport d'expertise non judiciaire mais régulièrement versé aux débats dans le cadre du présent litige établi par [U] [P] à la demande de la compagnie Pacifica, assureur de protection juridique de [R] [F], que le 11 juillet 2013, l'expert a contacté [D] [M] en vue d'obtenir des informations complémentaires, et que celui-ci a alors indiqué que le véhicule avait subi « une grosse intervention mécanique », sans apporter plus de précisions ou justificatifs et sans indiquer le nom du garage ayant réalisé cette remise en état. [U] [P] a relancé à plusieurs reprises [D] [M] à ce sujet, lequel ne lui a apporté ni justificatif ni réponse relative à cette intervention mécanique. [U] [P] a alors contacté l'expert [O], missionné par la compagnie d'assurance Juridica, assureur de [D] [M] le 31 juillet 2013, afin de solliciter les justificatifs de cette intervention. La réponse de ce dernier fait état d'un questionnement adressé à la société Continental Automobile et de l'absence de réponse de cette dernière. Aucune réponse au questionnement précité concernant [D] [M] n'a été fournie. Or [U] [P] a constaté la présence de pâte à joint sur le moteur de la voiture évocatrice d'une intervention de fortune destinée à pallier un défaut d'étanchéité, et lors de l'expertise judiciaire, [C] [Y] a constaté la présence de marques et de repères de démontage des joints de cache culbuteur et de carter de distribution caractéristiques d'une longue et lourde opération sur le haut moteur d'où provient la fuite. De plus, [D] [M] a revendu le 27 décembre 2012 le véhicule qu'il avait acquis lui-même le 18 juillet 2012 après l'avoir conservé très peu de temps alors qu'il était supposé lui apporter un usage durable s'agissant d'une BMW 645 CI, modèle de haut de gamme construit par une grande marque suivant des méthodes de fabrication éprouvées. Ces éléments démontrent que contrairement à ses affirmations, [D] [M] avait connaissance du vice affectant le véhicule. Il doit donc être tenu de réparer l'entier préjudice subi par son acheteur conformément à l'article 1645 du Code civil. S'agissant des sommes sollicitées par [R] [F], l'expert a évalué la réparation de l'alternateur à 1 000 € et la réfection de l'étanchéité du moteur à 11 000 €, sommes légèrement inférieures au devis établi par la société Ecm Car Sas produit par [R] [F] qu'aucun élément ne permet d'écarter. Il est en outre justifié de lui allouer les frais de nettoyage de l'ensemble mécanique du véhicule préalable à sa réparation et de remise à la route comprenant le remplacement d'éléments dégradés par suite de l'immobilisation, tels les pneus et la batterie, éléments de préjudice résultant de la fuite d'huile soit 2 500 €. De la même manière [R] [F] est fondé à obtenir la condamnation de [D] [M] au paiement de la somme de 384 € en remboursement des frais de contrôle et de diagnostic facturés par la Sarl Ecm Car, et la somme de 10 170 € en remboursement des frais de gardiennage, correspondant à l'actualisation de la facture du 28 avril 2015 au prix de 15 € par jour, ce qui correspond à un complément de 113 jours qu'il est justifié de prendre en considération. [R] [F] sollicite au titre du préjudice de jouissance occasionné par l'immobilisation du véhicule depuis le 26 avril 2013, dont il observe qu'il a subi une décote avec le temps, une indemnisation égale à un millième de la valeur du véhicule par jour d'immobilisation, soit une somme de (20 000 x 1/1000) x 1711 jours (à la date de ses dernières conclusions) = 34 220 €. Toutefois, à défaut de justificatif permettant de déterminer les conséquences concrètes que l'immobilisation a occasionnée pour son propriétaire, et le trouble de jouissance se distinguant de la perte normale de valeur du véhicule résultant de son ancienneté, ce préjudice s'établit à hauteur de 5 000 €. Les sommes allouées seront majorées des intérêts au taux légal à compter de la présente décision en application de l'article 1153-1 ancien devenu l'article 1231-7 du Code civil, aucune circonstance ne justifiant de retenir une date antérieure, et la présente décision n'emportant pas confirmation pure et simple du jugement de première instance. Sur la garantie de la société Continental Automobile Le développement du vice traduit selon l'expert, comme indiqué précédemment, un processus très lent opérant sur une longue durée. Il s'agit d'un véhicule mis en circulation le 16 septembre 2004, soit huit années, ayant parcouru plus de 120 000 kilomètres avant son acquisition par [R] [F] le 27 décembre 2012. Celui-ci n'a pu l'utiliser que peu de temps. La présence d'huile en quantité parfois faible et parfois plus importante a été relevée sur de nombreux éléments du moteur et à l'intérieur de l'alternateur, ce qui rapporté à la faiblesse de la fuite dont la localisation précise n'a pu être effectuée en l'absence d'un nettoyage approfondi du véhicule, confirme un processus d'origine ancienne. Or, [D] [M] avait lui-même acquis ce véhicule le 18 juillet 2012, quelques mois seulement avant de le revendre. Le véhicule n'a donc été possédé par ces deux propriétaires successifs que durant huit mois. Il doit donc être retenu que le vice, d'origine ancienne, était antérieur à cette précédente acquisition. [D] [M] est donc fondé à agir à l'encontre de son vendeur, qui en qualité de professionnel est réputé informé de l'existence du vice affectant le véhicule. La société Continental Automobile doit donc garantir [D] [M] des condamnations prononcées à son encontre par les dispositions confirmées du jugement du tribunal du grande instance d'Agen du 28 mars 2017 et par la présente décision à l'exception des sommes mises à sa charge pour frais irrépétibles à l'égard des parties attraites de manière infondée à la procédure d'appel » (arrêt attaqué p. 9 à 11).
ALORS QUE 1°) le vendeur intermédiaire perd le droit d'exercer l'action récursoire à l'encontre de son vendeur s'il était de mauvaise foi, in concreto, lors de la revente du bien ; qu'en l'espèce la cour d'appel a retenu que le vendeur intermédiaire, M. [M], avait une connaissance réelle du vice caché affectant le véhicule litigieux au moment de la revente de ce véhicule, qu'il n'en a pas informé son propre acheteur, et n'a pas dénoncé le vice auprès de son vendeur ; qu'en retenant néanmoins que l'exposante devait garantir M. [M] des condamnations prononcées à son encontre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1641 du code civil ;
ALORS QUE 2°) en toute hypothèse, que l'action en garantie des vices cachés doit être introduite dans les deux ans de la découverte du vice ; qu'il ressort des propres constatations de la cour d'appel que l'action du vendeur intermédiaire, qui avait eu connaissance du vice au plus tard au moment de la revente le 27 décembre 2012, n'a été introduite à l'encontre de l'exposante qu'en juillet 2015, soit plus de deux ans après que M. [M] ait eu connaissance du vice de la chose ; qu'en faisant droit à l'appel en garantie de Monsieur [M] à l'égard de la société Continental Automobiles, après avoir constaté que ce dernier avait connaissance du vice caché affectant le véhicule litigieux au moment de la revente de ce véhicule, le 27 décembre 2012, sans en informer son propre acheteur, et qu'il n'avait introduit d'action à l'encontre de l'exposant qu'en juillet 2015, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1648 du code civil.