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09/06/2022 | FRANCE | N°20-23688

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 09 juin 2022, 20-23688


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 615 F-B

Pourvoi n° M 20-23.688

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

La société GBTP développement, société à responsabilitÃ

© limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° M 20-23.688 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2019 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 615 F-B

Pourvoi n° M 20-23.688

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 9 JUIN 2022

La société GBTP développement, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° M 20-23.688 contre l'arrêt rendu le 26 avril 2019 par la cour d'appel de Reims (1re chambre civile - section instance), dans le litige l'opposant au comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Aube, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de l'Aube et du directeur général des finances publiques, domicilié [Adresse 4], [Localité 1], défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ghestin, avocat de la société GBTP développement, de la SCP Foussard et Froger, avocat du comptable, responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Aube, agissant sous l'autorité du directeur départemental des finances publiques de l'Aube et du directeur général des finances publiques, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 19 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Reims, 26 avril 2019) et les productions, le comptable des finances publiques responsable du pôle de recouvrement spécialisé de l'Aube (le comptable public) a notifié à la société GBTP développement (la société), dont le gérant est M. [F], deux avis à tiers détenteur à fin de recouvrer les sommes dues par ce dernier puis l'a assignée en paiement, devant un juge de l'exécution, sur le fondement des articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales, L. 123-1, L. 211-2 et R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution.

2. Par jugement du 5 septembre 2017, le juge de l'exécution, d'une part, s'est déclaré incompétent, au profit d'un tribunal d'instance, pour connaître de la demande tendant à la condamnation de la société, en sa qualité de tiers saisi défaillant pris en sa qualité d'employeur de M. [F], à lui verser les sommes dues au titre de ses rémunérations, d'autre part, a condamné la société à payer au comptable public une certaine somme au titre des avis à tiers détenteurs.

3. Par jugement du 16 avril 2018, le juge du tribunal d'instance a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société, rejeté la contestation élevée par cette dernière, constaté que la créance du comptable public s'élève à la somme de 1 026 846 euros, ordonné la saisie des rémunérations de M. [F] à concurrence de cette somme, dit que la créance cause de la saisie produirait à compter de l'autorisation de la saisie des intérêts au taux légal sans majoration, dit que la somme retenue sur les rémunérations de M. [F] s'imputera en priorité sur le capital et dit que, conformément aux dispositions des articles R. 3252-21 et R. 3252-23 du code de travail, l'acte de saisie serait dressé par les soins du greffe dans les huit jours suivant l'expiration des délais de recours contre le jugement.

Sur le moyen, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le moyen relevé d'office

5. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles L. 262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, du livre des procédures fiscales, L. 263, alors applicable, du même code, R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution :

6. Il résulte des deux premiers de ces textes que si la procédure d'avis à tiers détenteur peut porter sur les rémunérations du débiteur, elle demeure distincte de la procédure de saisie des rémunérations prévue par le code du travail.

7. Il résulte du troisième de ces textes que l'administration peut, en cas de refus de paiement par le tiers saisi auquel un avis à tiers détenteur a été notifié, solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à son encontre, dans la limite de son obligation envers le débiteur, procédure elle-même distincte de celle prévue par les articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail lorsque l'employeur s'abstient de faire une déclaration ou omet d'effectuer les versements en exécution de la saisie des rémunérations.

8. L'arrêt confirme le jugement ayant ordonné la saisie des rémunérations de M. [F].

9. En statuant ainsi, alors que le comptable public avait engagé, à l'encontre de la société, une action en paiement sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, et non une procédure tendant à la saisie des rémunérations de son gérant, la cour d'appel, qui a excédé ses pouvoirs, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la société GBTP développement, l'arrêt rendu le 26 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Reims ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai.

Laisse les dépens à la charge du Trésor public ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils, pour la société GBTP développement

La société GBTP Développement fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, par substitution de motifs, confirmé en toutes ses dispositions le jugement entrepris rendu le 16 avril 2018 par le tribunal d'instance de Troyes qui a notamment déclaré irrecevable sa fin de non-recevoir, rejeté sa contestation et ordonné la saisie des rémunérations de M. [F] entre ses mains par le comptable des finances publiques de l'Aube à concurrence de la somme totale de 1 026 846 euros ;

1°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que dans ses conclusions d'appel, la société GBTP Développement a contesté la compétence du tribunal d'instance pour statuer sur la saisie entre ses mains des sommes qu'elle pourrait devoir à M. [F], son gérant majoritaire et que dans les siennes, l'agent comptable des finances publiques du pôle recouvrement spécialisé de l'Aube n'a pas invoqué ni même évoqué l'autorité de la chose jugée dont aurait été revêtu le jugement prononcé le 5 septembre 2017 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Troyes s'agissant de la question de fond de la nature des rémunérations versées par la société GBTP Développement à son gérant majoritaire ; qu'en relevant dès lors d'office cette fin de non-recevoir sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations contradictoires, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE c'est seulement lorsque le juge, en se prononçant sur la compétence, a tranché par un chef de dispositif distinct la question de fond dont dépend cette compétence que sa décision a autorité de la chose jugée sur la question de fond ; que dans le dispositif de sa décision, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Troyes s'est dans un seul chef « déclaré incompétent pour connaître de la demande du comptable des finances publiques ? tendant à la condamnation de la société GBTP Développement, en sa qualité de tiers saisi défaillant prise en sa qualité d'employeur de M. [E] [F], à lui verser les sommes dues au titre de ses rémunérations » ; qu'en décidant que ce jugement qui n'avait pas tranché dans son dispositif la question de fond dont dépendait la compétence, par des dispositions distinctes, était revêtu de l'autorité de la chose jugée sur cette question de fond, la cour d'appel a violé l'article 1355 du code civil (ancien 1351 du code civil), ensemble l'article 79 du code de procédure civile (anciennement les articles 77 et 95 du même code) ;

3°) ALORS QUE les dispositions spécifiques relatives à la saisie des rémunérations ne sont applicables qu'aux sommes dues à titre de rémunération à toute personne salariée ? ou travaillant pour un ou plusieurs employeurs ; que la société GBTP Développement versait à M. [F] des rémunérations soumises au régime social TNS en sa qualité de gérant majoritaire de ladite société ; qu'en s'abstenant dès lors de rechercher la qualification de la rémunération versée à ce mandataire social non salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3252-1, R. 3252-1 et R. 3252-7 et R. 3252-8 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-23688
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Avis à tiers détenteur - Absence de paiement du tiers saisi - Titre exécutoire à l'encontre du tiers saisi - Domaine d'application - Saisie des rémunérations

Il résulte des articles L. 262, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017, et L. 263, alors applicable, du livre des procédures fiscales que si la procédure d'avis à tiers détenteur peut porter sur les rémunérations du débiteur, elle demeure distincte de la procédure de saisie des rémunérations prévue par le code du travail. Il résulte de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution que l'administration peut, en cas de refus de paiement par le tiers saisi auquel un avis à tiers détenteur a été notifié, solliciter la délivrance d'un titre exécutoire à son encontre, dans la limite de son obligation envers le débiteur, procédure elle-même distincte de celle prévue par les articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail lorsque l'employeur s'abstient de faire une déclaration ou omet d'effectuer les versements en exécution de la saisie des rémunérations. Viole ces dispositions et excède ses pouvoirs la cour d'appel qui ordonne la saisie des rémunérations du gérant d'une société, alors que le comptable public avait engagé, à l'encontre de la société, une action en paiement sur le fondement de l'article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution, et non une procédure tendant à la saisie des rémunérations de son gérant


Références :

Articles L. 262 et L. 263 du livre des procédures fiscales

article R. 211-9 du code des procédures civiles d'exécution

articles L. 3252-9, L. 3252-10, alinéa 2, et R. 3252-28 du code du travail.

Décision attaquée : Cour d'appel de Reims, 26 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 09 jui. 2022, pourvoi n°20-23688, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Ghestin, SCP Foussard et Froger

Origine de la décision
Date de l'import : 21/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23688
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