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09/06/2022 | FRANCE | N°20-17126

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 juin 2022, 20-17126


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 698 F-D

Pourvoi n° D 20-17.126

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juin 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022

M. [Y] [V], domicil...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 juin 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 698 F-D

Pourvoi n° D 20-17.126

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [V].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 18 juin 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022

M. [Y] [V], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-17.126 contre l'arrêt rendu le 2 avril 2019 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société du Casino de Briançon, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société d'Expansion touristique de Briançon, défenderesse à la cassation.

La société du Casino de Briançon a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le demandeur au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [V], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société du Casino de Briançon, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 2 avril 2019), M. [V] a été engagé le 1er décembre 2010 par la société d'exploitation touristique de Briançon, devenue société du Casino de Briançon (la société), en qualité de membre du comité de direction, soumis à un forfait de 218 jours de travail par an.

2. Il a été licencié le 12 novembre 2014.

3. Le 16 janvier 2015, contestant le bien-fondé et les conditions de son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes à ce titre, ainsi que de demandes de rappels de salaires en raison de la nullité de la convention de forfait en jours.

Examen des moyens

Sur le second moyen du pourvoi principal du salarié, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le premier moyen du pourvoi principal

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande au titre des heures supplémentaires, alors « qu'une contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en énonçant, d'une part, dans ses motifs que la SETB ne contestant pas ni le mode de calcul, ni le nombre des heures supplémentaires réclamées par le salarié résultant du planning de l'employeur, mis à part la déduction des temps de pause, il serait par conséquent fait droit à la demande de rappels de salaires de M. [V] à hauteur de 7 000 euros, outre les congés payés afférents, et qu'en déboutant d'autre part M. [V] de sa demande au titre des heures supplémentaires dans le dispositif de sa décision, la cour d'appel qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. La contradiction entre les motifs et le dispositif d'une décision équivaut à une absence de motifs.

7. Après avoir énoncé, dans ses motifs, qu'il serait fait droit, eu égard aux éléments soumis à l'appréciation de la cour et au constat que l'employeur ne contestait ni le mode de calcul, ni le nombre des heures supplémentaires réclamées par le salarié, à la demande de rappel de salaire de ce dernier à hauteur de 7 000 euros, outre 700 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt déboute, dans son dispositif, ce même salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires.

8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui s'est contredite, n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [V] de sa demande au titre des heures supplémentaires et le condamne aux dépens ainsi qu'à payer à la société du Casino de Briançon la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 2 avril 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société du Casino de Briançon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société du Casino de Briançon et la condamne à payer à la SCP Alain Bénabent la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Alain Bénabent, avocat aux Conseils, pour M. [V]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté M. [V] de sa demande au titre des heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'exécution du contrat de travail

Sur la convention de forfait-jours et la demande au titre des heures supplémentaires

Que M. [V] soutient que la convention de forfaits-jours prévue dans son contrat de travail est nulle faute d'accord d'entreprise, la convention collective applicable ne prévoyant pas de recours possible au forfait-jours dansa sa situation de cadre VI ; qu'il conteste le calcul fait par la SETB de la prescription s'agissant de cette demande de nullité et sollicite le paiement d'heures supplémentaires pour la période de 2011 à 2014 ;

Que la SETB ne conteste pas la nullité de la clause de forfait mais fait valoir, d'une part que la loi du 14 juin 2013 a réduit de 5 à 3 ans le délai de prescription applicable aux rappels de salaires et que M. [V], ayant saisi le Conseil de prud'hommes de Gap le 16 janvier 2015, la prescription triennale lui est opposable, le rappel d'heures supplémentaires effectuées antérieurement au 16 janvier 2012 étant irrecevable car prescrit ; que d'autre part, la SETB explique que le casino applique pour ses salariés non soumis à une convention de forfait, une modulation du temps de travail dans un cadre pluri-hebdomadaire de 4 semaines qu'il convient d'appliquer à M. [V] en fonction de ses plannings mensuels, et que M. [V] ne peut justifier de l'existence d'heures supplémentaires non payées en application de cette organisation du temps de travail ;

Qu'il doit d'abord être constaté que les parties s'accordent sur la nullité de la convention de forfait jours de M. [V] ;

Que s'agissant de la prescription des demandes de M. [V], en application des dispositions de l'article 2222 du code civil, la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise ; qu'elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'est pas expiré à la date de son entrée en vigueur ; qu'il est alors tenu compte du délai déjà écoulé ; qu'en cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure ;

Qu'ainsi au terme de la loi du 14 juin 2013 qui réduit le délai de prescription de 5 ans à 3 ans pour les actions en paiement ou en répétition du salaire, le nouveau délai de 3 ans court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure c'est-à-dire 5 ans ; qu'or en juin 2013, il ne s'était écoulé qu'un délai de 2 ans et 5 mois et demi depuis janvier 2011, laissant donc persister un délai de 2 ans et 6 mois pour que M. [V] agisse en demande de rappel de salaires, soit postérieurement à la date de saisine du Conseil de prud'hommes de Gap le 16 janvier 2015 ; que par conséquent les demandes de M. [V] ne sont pas prescrites par voie de réformation du jugement déféré ;

Que l'article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail prévoit que les accords conclus en application des articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du Code du travail ou des articles L. 713-8 et L. 713-14 du Code Rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente en loi restent en vigueur ;

Qu'il est de principe que si l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 insère dans le Code du travail l'article L. 3122-6, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, ce texte, qui, modifiant l'état du droit existant, n'a ni caractère interprétatif, ni effet rétroactif, n'est applicable qu'aux décisions de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi ;

Que dès lors, l'organisation du temps de travail par cycle requérait l'accord préalable du salarié pour lui être applicable ;

Qu'or, en l'espèce, s'il est prévu au sein de la SETB au terme d'une note interne de mai 2010, un aménagement du temps de travail sur quatre semaines avec un décompte des heures supplémentaires au regard de deux seuils de déclenchement mis en place : les heures au-delà de 39 heures sur une semaine civile et les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire moyenne de 35 heures de travail calculée sur la période de référence de quatre semaines, cette organisation, n'ayant pas reçu l'accord préalable de M. [V] puisqu'il lui a été appliqué à tort une convention de forfait-jours, ne lui est pas applicable ;

Que par conséquent, M. [V] non soumis à la convention de forfait-jours n'était pas soumis à l'organisation par cycle de travail sur quatre semaines à l'instar des autres salariés de la SETB et il y a lieu d'appliquer les modalités de droit commun en matière d'heures supplémentaires ;

Que s'agissant des temps de pause des membres du comité de direction, Messieurs [O] et [G] attestent avoir pu bénéficier de pauses journalières de 1 heure à 1 heure 30 par jour et que M. [V] ne justifie pas qu'il soit toujours resté sous la subordination de son employeur pendant ses pauses ; qu'il y a lieu par conséquent de déduire les temps de pause du calcul de son temps de travail effectif et donc du calcul des heures supplémentaires ;

Que la SETB ne contestant pas ni le mode de calcul, ni le nombre des heures supplémentaires réclamées par le salarié résultant du planning de l'employeur, mis à part la déduction des temps de pause comme susvisé, il sera par conséquent fait droit, eu égard aux éléments soumis à l'appréciation de la cour, à la demande de rappel de salaires de M. [V] à hauteur de 7 000 € outre 700 € au titre des congés payés afférents ;

ALORS QUE une contradiction entre les motifs et le dispositif équivaut à une absence de motifs ; qu'en énonçant, d'une part, dans ses motifs que la SETB ne contestant pas ni le mode de calcul, ni le nombre des heures supplémentaires réclamées par le salarié résultant du planning de l'employeur, mis à part la déduction des temps de pause , il serait par conséquent fait droit à la demande de rappels de salaires de M. [V] à hauteur de 7 000 euros outre 700 euros au titre des congés payés afférents, et qu'en déboutant d'autre part M. [V] de sa demande au titre des heures supplémentaires dans le dispositif de sa décision, la cour d'appel qui s'est contredite, a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir jugé que le licenciement de M. [V] était valablement fondé sur une faute grave et d'avoir débouté M. [V] de ses demandes liées à l'absence de cause réelle et sérieuse de la rupture de son contrat de travail ainsi que de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement vexatoire ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la rupture du contrat de travail :

Sur le licenciement pour faute grave et la demande d'annulation de la mise à pied :

Qu'il est de principe que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de l'intéressé au sein de l'entreprise même pendant la durée du préavis ; que la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l'employeur ait eu connaissance des faits fautifs mais le maintien du salarié dans l'entreprise est possible pendant le temps nécessaire pour apprécier le degré de gravité des fautes commises ; que l'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve ;

Qu'il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du Code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement ;

Qu'en l'espèce, à l'appui de la lettre de licenciement, l'employeur reproche à M. [V] :

? deux validations d'erreurs de caisses au niveau du coffre des jeux de tables le 9 octobre 2014 de 262,50 € et de 30 € le 16 octobre 2014,
? un comportement autoritaire et agressif vis-à-vis de nombreux salariés, comportement de « petit chef » dénigrement régulier de la direction en leur présence,
? des propos racistes concernant les étrangers,
? la provocation de situation de stress chez ses collaborateurs ;

Que pour caractériser la faute grave reprochée à M. [V] en ce qui concerne les erreurs de caisse, l'employeur verse aux débats, une fiche de poste de membre du comité de direction, les mains courantes se rapportant aux deux erreurs de caisse précitées signées par Mme [R], responsable de caisse qui confirme les erreurs de caisse signées par M. [V], une attestation de Mme [R] indiquant qu'elle avait été amenée à faire des mains courantes pour des caisses mal contrôlées alors que celles-ci avaient été dites vérifiées et qui précise que « M. [V] ne sait pas rechercher une erreur que ce soit sur les caisses MAS ou JT » ;

Que M. [V] ne conteste pas les erreurs qu'il a validées mais fait valoir que si tant est qu'elles lui soient imputables, elles ne justifient pas un licenciement pour faute grave, qu'il n'est pas le caissier qui a techniquement fait l'erreur de caisse, que les erreurs sont régulières dans l'établissement et qu'il n'avait pas, en sa qualité de membre du comité de direction, le droit de manipuler d'argent ni ne doit donc être tenu pour responsable des erreurs de caisse des caissiers ;

Qu'en l'espèce, aux termes de son contrat de travail, M. [V] est employé en qualité de membre du comité de direction, statut cadre et la SETB ne démontre pas que la fiche versée aux débats corresponde à celle existante lors de l'embauche de M. [V] ;

Que s'il n'est pas contesté que M. [V] n'avait pas pour mission de manipuler de l'argent, il n'est pas pour autant conclu par l'employeur que les erreurs de caisse soient le fait de M. [V] mais bien le fait du caissier ; que toutefois il est établi que M. [V] avait pour mission de contrôler le travail des caissiers et de vérifier le soir l'existence d'éventuelles erreurs de caisse de la part du caissier et valider ou non les caisses avec celui-ci ; qu'or les 9 et 16 octobre 2014, des caisses erronées ont été validées par M. [V] sans recompte et Mme [R], responsable du coffre du casino a constaté a posteriori ces erreurs sur les caisses et atteste « avoir été amenée à faire des mains courantes sur différentes caisses mal contrôlées alors qu'elles avaient été dites vérifiées, M. [V] ne sachant pas rechercher une erreur de caisse » ; que ces faits sont donc établis peu important l'existence ou non d'une perte financière pour le casino ;

Que s'agissant du comportement de M. [V] à l'égard des autres salariés, la SETB verse aux débats une pétition dactylographiée signée par 18 salariés dans le but « que la direction fasse le nécessaire et leur permette de travailler dans de meilleures conditions » et se plaignant notamment « du ton autoritaire et agressif de M. [V], de son comportement de petit chef, qu'il ne supportait pas être dirigé par un plus jeune que lui, de ses propos racistes à l'égard des étrangers, de son dénigrement envers la direction et ses collègues les plaçant dans des situations inconfortables et le travail sans savoir si les procédures financières sont respectées quand il est là » ; que si cette pétition n'est effectivement pas datée, elle détaille avec précision les différents comportements reprochés par ses subordonnés à M. [V] et elle est confortée par différents témoignages, dont celui de Mme [X], caissière qui décrit « le comportement et les réflexions piquantes selon son humeur, le personnel lui servant de tête de turc, venant la boule au ventre à l'idée de devoir travailler avec lui », de Mme [Z] qui décrit M. [V] comme « une personne lunatique dans son travail, qui met la pression au caissier en service pour qu'il aille plus vite, se plaignant de faire trop d'heures et que le directeur général était trop jeune pour ce poste? », de Mme [R] attestant que M. [V] a tenu « des propos irrespectueux et diffamatoires à son égard l'accusant d'entretenir une relation avec le directeur général, mettant son travail et sa parole en doute, la menaçant de ne pas en rester là » et décrivant « un comportement autoritaire et irrespectueux?une personne jalouse de ses collègues ne se remettant jamais en question » ; que cinq autres salariés ou anciens salariés témoignent également de paroles blessantes, dénigrantes à leur égard et à l'égard de la direction les stressant au point d'appréhender de travailler sous sa direction, M. [E] précisant même « se faire siffler comme un chien par M. [V] dans l'établissement » et M. [D], ancien salarié du casino, indiquant avoir subi de la part de M. [V] « de nombreuses blagues racistes envers (s)es origines » ; que Mme [U], une cliente du casino confirme que M. [V] se plaignait de la direction et de ses conditions de travail auprès d'elle ; que M. [V] ne démontrant pas que cette attestation soit de complaisance ; qu'en outre le seul fait que certains anciens salariés attestent n'avoir jamais été « terrorisés ou intimidés » ou « menacés » par M. [V] ne démontre pas la fausseté des nombreuses attestations susvisées à son encontre ;

Que compte tenu du statut de cadre de M. [V], des responsabilités lui incombant s'agissant notamment du respect vis-à-vis des personnels qui lui étaient subordonnés et du défaut de loyauté à l'égard de son employeur devant le personnel et la clientèle de l'établissement, outre les erreurs établies dans le contrôle des caisses, il est démontré l'existence de violations des obligations résultant de son contrat de travail d'une importance telle qu'elles rendent impossible son maintien dans l'entreprise et justifient sa mise à pied à titre conservatoire ; que la faute grave de M. [V] est donc constituée et le licenciement bien fondé par voie de réformation ;

Sur les demandes financières au titre de la mise à pied et la rupture du contrat de travail

Que la demande de rappel de salaires de M. [V] durant sa mise à pied conservatoire est par conséquent devenue sans objet et il convient de le débouter de l'ensemble de ses demandes financières au titre de la rupture de son contrat de travail ;

Que s'agissant de la demande de dommages-intérêts pour le préjudice distinct résultant de la mise à pied vexatoire devant deux employés du casino et deux anciens employés, M. [V] ne démontre pas l'existence de celui-ci et sera débouté de la demande à ce titre » ;

1°ALORS QUE la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce, le salarié, à qui il était reproché des erreurs de caisse, avait mis en évidence un certain nombre de points permettant d'exclure la qualification de faute grave en dehors du fait qu'il n'avait pas pour mission de manipuler de l'argent ; qu'ainsi, M. [V] avait fait valoir que les erreurs de caisse étaient régulières, parfois inexplicables et pouvaient être corrigées dès le lendemain sans aucune incidence pour le casino et que, quand bien même sa mission était de contrôler le travail des caissiers, l'absence de toute sanction à leur égard confortait l'exclusion de la qualification de faute grave ; qu'en se bornant néanmoins à constater que M. [V] avait validé des caisses erronées pour juger que le licenciement pour faute grave était caractérisé, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;

2°ALORS QUE la qualification de faute grave suppose la constatation de faits objectifs matériellement vérifiables ; que pour juger que le comportement de M. [V] aurait justifié la qualification de faute grave, la cour d'appel s'est contentée de se référer aux seules pièces versées par l'employeur, à savoir une pétition certes signée de 18 salariés mais qui n'était pas datée et dont les termes généraux n'étaient pas davantage précisés par les attestations produites par l'employeur faisant état d'accusations non circonstanciées émanant pour l'essentiel de salariés du casino ; qu'en retenant pourtant la qualification de faute grave la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1234-1 du Code du travail ;

3°ALORS QU' en tout état de cause les juges du fond ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en affirmant, pour retenir l'existence d'une faute grave imputable à M. [V] que « le seul fait que certains anciens salariés attestent n'avoir jamais été « terrorisés ou intimidés » ou « menacés » par M. [V] ne démontre pas la fausseté des nombreuses attestations susvisées à son encontre », sans cependant procéder à un examen identique des attestations de salariés produites par M. [V] et de celles produites par l'employeur et sans du tout examiner les attestations de M. [V] émanant de clients du casino , lesquelles établissaient justement l'exact contraire de ce qui était reproché au salarié, la cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile. Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société du Casino de Briançon, demanderesse au pourvoi incident

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR condamné l'employeur à payer à M. [V] 7 000 € outre 700 € au titre des congés payés afférents au titre des heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE « M. [V] soutient que la convention de forfaits-jours prévue dans son contrat de travail est nulle faute d'accord d'entreprise, la convention collective applicable ne prévoyant pas de recours possible au forfait-jours dans sa situation de cadre VI. Il conteste le calcul fait par la SETB de la prescription s'agissant de cette demande de nullité et sollicite le paiement d'heures supplémentaires pour la période de 2011 à 2014.
La SETB ne conteste pas la nullité de la clause de forfait, mais fait valoir, d'une part que la loi du 14 juin 2013 a réduit de 5 à 3 ans le délai de prescription applicable aux rappels de salaires et que M. [V], ayant saisi le conseil des prud'hommes de Gap le 16 janvier 2015, la prescription triennale lui est opposable, le rappel d'heures supplémentaires effectuées antérieurement au 16 janvier 2012 étant irrecevable car prescrit. D'autre part, la SETB explique que le casino applique pour ses salariés non soumis à une convention de forfait, une modulation du temps de travail dans un cadre pluri hebdomadaire de 4 semaines qu'il convient d'appliquer à M. [V] en fonction de ses plannings mensuels, et que M. [V] ne peut justifier de l'existence d'heures supplémentaires non payées en application de cette organisation du temps de travail.
Il doit d'abord être constaté que les parties s'accordent sur la nullité de la convention de forfait jours de M. [V].
S'agissant de la prescription des demandes de M. [V], en application des dispositions de l'article 2222 du code civil, la loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé. En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Ainsi au terme de la loi du 14 juin 2013 qui réduit le délai de prescription de 5 ans à 3 ans pour les actions en paiement ou en répétition du salaire, le nouveau délai de 3 ans court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure c'est-à-dire 5 ans. Or en juin 2013, il ne s'était écoulé qu'un délai de 2 ans et 5 mois et demi depuis janvier 2011, laissant donc encore persister un délai de 2 ans et 6 mois pour que M. [V] agisse en demande de rappel de salaires, soit postérieurement à la date de saisine du conseil des prud'hommes de Gap le 16 janvier 2015. Par conséquent les demandes de M. [V] ne sont pas prescrites par voie de réformation du jugement déféré.
L'article 20 V de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail prévoit que les accords conclus en application des articles L. 3122-3, L. 3122-9, L. 3122-19 et L. 3123-25 du code du travail ou des articles L. 713-8 et L. 713-14 du code rural dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restent en vigueur. Il est de principe que si l'article 45 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 insère dans le code du travail l'article L. 3122-6, selon lequel la mise en place d'une répartition des horaires sur une période supérieure à la semaine et au plus égale à l'année prévue par un accord collectif ne constitue pas une modification du contrat de travail, ce texte, qui, modifiant l'état du droit existant, n'a ni caractère interprétatif, ni effet rétroactif, n'est applicable qu'aux décisions de mise en oeuvre effective de la modulation du temps de travail prises après publication de ladite loi. Dès lors, l'organisation du temps de travail par cycle requérait l'accord préalable du salarié pour lui être applicable. Or en l'espèce, s'il est prévu au sein de la SETB au terme d'une note interne de mai 2010, un aménagement du temps de travail sur quatre semaines avec un décompte d'heures supplémentaires au regard de deux seuils de déclenchement mis en place : les heures au-delà de 39 heures sur une semaine civile et les heures effectuées au-delà de la durée hebdomadaire moyenne de 35 heures de travail calculée sur la période de référence de quatre semaines, cette organisation, n'ayant pas reçu l'accord préalable de M. [V] puisqu'il lui a été appliqué à tort une convention de forfait-jours, ne lui est pas applicable. Par conséquent, M. [V] non soumis à la convention de forfait-jours n'était pas soumis à l'organisation par cycle de travail sur quatre semaines à l'instar des autres salariés de la SETB et il y a lieu d'appliquer les modalités de droit commun en matière d'heures supplémentaires.
S'agissant des temps de pause des membres du comité de direction, Messieurs [O] et [G] attestent avoir pu bénéficier de pauses journalières de 1 heure à 1 heure 30 par jour et de M. [V] ne justifie pas qu'il soit toujours resté sous la subordination de son employeur pendant ses pauses. Il y a lieu par conséquent de déduire les temps de pause du calcul de son temps de travail effectif et donc du calcul des heures supplémentaires.
La SETB ne contestant pas ni le mode de calcul, ni le nombre des heures supplémentaires réclamées par le salarié résultant du planning de l'employeur, mis à part la déduction des temps de pause comme susvisé, il sera par conséquent fait droit, eu égard aux éléments soumis à l'appréciation de la cour, à la demande de rappel de salaires de M. [V] à hauteur de 7 000 € outre 700 € au titre des congés payés afférents » ;

ALORS QU'en l'absence d'accord collectif prévu par l'article L. 3122-2 du code du travail (issu de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008), l'article D. 3122-7-1 du code du travail donne la possibilité à l'employeur d'organiser la durée du travail sous forme de périodes de travail et d'imposer unilatéralement la répartition du travail sur une période n'excédant pas quatre semaines ; qu'en l'espèce, il ressort de la décision attaquée que l'employeur avait unilatéralement mis en place en mai 2010 un aménagement du temps de travail sur quatre semaines avec un décompte d'heures supplémentaires au regard de deux seuils de déclenchement ; que s'agissant de mettre en oeuvre une répartition du travail sur une période n'excédant pas quatre semaines, l'employeur pouvait l'imposer unilatéralement, sans que l'accord de chaque salarié soit requis ; qu'en affirmant cependant que « cette organisation, n'ayant pas reçu l'accord préalable de M. [V] puisqu'il lui a été appliqué à tort une convention de forfait-jours, ne lui est pas applicable », la cour d'appel a violé les articles L. 3122-2, D. 3122 -7-1 et D. 3122-7-2 du code du travail dans leur version applicable au litige


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-17126
Date de la décision : 09/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Grenoble, 02 avril 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 jui. 2022, pourvoi n°20-17126


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Alain Bénabent , SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17126
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