LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° H 21-84.684 F-D
N° 00670
ECF
1ER JUIN 2022
CASSATION PARTIELLE
M. DE LAROSIÈRE DE CHAMPFEU conseiller le plus ancien faisant fonction de président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 1ER JUIN 2022
M. [N] [S] et M. [O] [Z] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Toulouse, chambre correctionnelle, en date du 12 mai 2021, qui, pour provocation à l'usage illicite de stupéfiants, les a condamnés, chacun, à six mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis, 15 000 euros d'amende, et a ordonné une mesure de confiscation.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire commun aux demandeurs et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de Mme Slove, conseiller, les observations de la SCP Spinosi, avocat de M. [N] [S] et de M. [O] [Z], et les conclusions de M. Bougy, avocat général, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. de Larosière de Champfeu, conseiller le plus ancien faisant fonction de président en remplacement du président empêché, Mme Slove, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, conseiller de la chambre, et Mme Coste-Floret, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. MM. [N] [S] et [O] [Z], co-gérants du magasin
« Street-Shop » qui proposait à la vente directe ou via un site internet, des produits « CBD » à base de cannabidiol, ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants.
3. Le juges du premier degré les ont déclarés coupables des faits reprochés, les ont condamnés à douze mois d'emprisonnement dont dix mois avec sursis, et ont ordonné la confiscation des biens et sommes saisis.
4. Les deux prévenus et le ministère public ont relevé appel de cette décision.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné MM. [Z] et [S] à la peine de six mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis et à la peine de 15 000 euros d'amende délictuelle, alors :
« 1°/ qu'en matière correctionnelle, le juge répressif ne peut prononcer une peine d'emprisonnement ferme qu'après avoir spécialement motivé le choix de cette peine, laquelle ne peut être prononcée que si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur ainsi que la situation matérielle, familiale et sociale de celui-ci rendent cette peine nécessaire, et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en condamnant MM. [Z] et [S] à six mois d'emprisonnement, dont deux mois sans sursis, en considération de « la gravité objective » du délit de provocation à l'usage de cannabis qui leur est reproché, sans s'interroger sur leurs personnalités, ni justifier du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal ;
2°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'en condamnant MM. [Z] et [S] à une peine de six mois d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende délictuelle, sans motiver sa décision au regard des éléments de personnalité des prévenus, la cour d'appel a violé les articles 132-1 et 132-19 du code pénal, 464-2 et 512 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale :
6. Il résulte des ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.
7. Pour condamner MM. [Z] et [S] à six mois d'emprisonnement dont quatre mois avec sursis chacun, la cour d'appel, après avoir rappelé leur situation matérielle, familiale et sociale et l'absence de condamnation antérieure pour crime ou délit de droit commun inscrite à leur casier judiciaire, retient que le magasin « Street Shop » de [Localité 1], pour lequel les prévenus étaient associés, réalisait un chiffre d'affaire quotidien oscillant entre 1 000 et 2 000 euros dont la moitié généralement réglée en numéraires et que les avoirs bancaires de M. [Z] s'élevaient à 49 680 euros et qu'au total la somme de 71 359 euros a été saisie et déposée à l'AGRASC.
8. Les juges ajoutent que dans ce contexte, la gravité objective du délit qui leur est reproché est établie s'agissant d'une incitation caractérisée à la consommation de cannabis, produit dont la nocivité a été encore solennellement rappelée par la Cour de justice de l'Union européenne et que la peine d'emprisonnement a pour objectif d'assurer l'avenir.
9. En prononçant par ces seuls motifs, sans s'expliquer sur la personnalité des prévenus et sur le caractère inadéquat de toute autre peine que l'emprisonnement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
10. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines d'emprisonnement et d'amende prononcées à l'encontre des deux prévenus. Les autres dispositions seront donc maintenues.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Toulouse, en date du 12 mai 2021, mais en ses seules dispositions relatives aux peines d'emprisonnement et d'amende prononcées à l'encontre des deux prévenus, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Toulouse, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Toulouse, et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le premier juin deux mille vingt-deux.