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01/06/2022 | FRANCE | N°21-15822

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 juin 2022, 21-15822


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 471 F-D

Pourvoi n° H 21-15.822

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

La société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [A

dresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-15.822 contre l'arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le liti...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Rejet

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 471 F-D

Pourvoi n° H 21-15.822

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

La société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 21-15.822 contre l'arrêt rendu le 16 février 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant à la société Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (MACIF), sociétés d'assurances mutuelles, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Gallet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société Generali IARD, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la MACIF, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Gallet, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 16 février 2021), le 7 mars 2004, l'association Enghien tennis club, assurée par la société Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce (la MACIF), a confié à la société JCCD, assurée auprès de la société Generali IARD (la société Generali), l'exploitation de l'espace de restauration et de convivialité d'un ensemble immobilier comprenant des terrains de tennis, un local à usage de bar restaurant et un local d'habitation.

2. Le 15 février 2012, un incendie est survenu dans le local de restauration.

3. La MACIF a exercé un recours subrogatoire à l'encontre de la société Generali.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La société Generali fait grief à l'arrêt de retenir l'existence d'un contrat de louage et de la condamner, en conséquence, en paiement, alors « que le contrat de mise à disposition d'un bien immobilier ne stipulant pas une contrepartie significative doit être qualifié de prêt à usage ; que les obligations portant sur la contribution aux charges inhérentes à la jouissance de la chose et les conditions de son usage personnalisé ne constituent pas une contrepartie à la mise à disposition d'un bien immobilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de concession d'exploitation conclu le 7 mars 2004 entre l'association Enghien Tennis Club et la société JCCD stipule qu'il ne sera perçu aucune indemnité de concession d'exploitation, ni aucun loyer ; qu'elle a également relevé que les obligations mises à la charge de la société JCCD se limitaient au paiement des contributions aux charges inhérentes à la jouissance (impôts, factures EDF/GDF, assurance incendie, entretien des locaux) et à la fixation des conditions de l'usage personnalisé du bien mis à disposition (horaires d'ouverture, information sur les tarifs, organisation de soirées, conditions d'accès, déclarations d'activité aux administrations et organismes de sécurité sociale) ; qu'en qualifiant ce contrat de bail, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une contrepartie significative à la mise à disposition de l'ensemble immobilier comprenant un local d'habitation, un local de restauration et des terrains de tennis, a violé par fausse application les articles 1709 et 1733 du code civil et, par refus d'application, les articles 1875, 1876 et 1880 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Ayant relevé, au terme d'une interprétation souveraine du contrat du 7 mars 2004, que la société JCCD devait assumer, en sus de diverses charges en lien direct avec son activité de restaurateur, de nombreuses autres obligations qui, par leur nature et leur nombre, ne correspondaient pas à un usage personnalisé des lieux et bénéficiaient exclusivement à l'association, la cour d'appel, faisant ainsi ressortir l'existence d'une contrepartie en nature conférant à l'occupation des lieux un caractère onéreux, en a exactement déduit que la MACIF était fondée à se prévaloir de l'existence d'un bail.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Generali IARD aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Generali IARD et la condamne à payer à la société Mutuelle assurance des commerçants et industriels de France et des cadres et salariés de l'industrie et du commerce la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société Generali IARD

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit la société JCCD responsable du sinistre survenu le 15 février 2012 sur le fondement de l'article 1733 du code civil, d'AVOIR dit qu'aucun cas fortuit exonératoire de responsabilité n'est démontré et, en conséquence, d'AVOIR condamné la compagnie Generali Assurance Iard à payer à la Macif subrogée la somme de 250.372,18 euros et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance de l'assignation ;

AUX MOTIFS QU'il convient liminairement de qualifier juridiquement le contrat liant l'association et la société JCCD afin de déterminer le régime de droit applicable. L'article 1709 du code civil définit le contrat de louage ainsi qu'il suit : « le louage des choses est un contrat par lequel l'une des parties s'oblige à faire jouir l'autre d'une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s'oblige de lui payer ». L'article 1875 du code civil définit quant à lui le prêt à usage comme « un contrat par lequel l'une des parties livre une chose à l'autre pour s'en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s'en être servi » et il résulte de l'article 1876 du même code que le prêt à usage est un contrat « essentiellement gratuit ». Ainsi, le contrat de bail se distingue d'un prêt à usage par son caractère onéreux impliquant une contrepartie à l'occupation des lieux, soit par le paiement d'un loyer, soit sous la forme d'avantages en nature au bénéfice du bailleur. S'agissant d'un contrat à titre onéreux, une convention qui ne comporterait pas la stipulation d'une contrepartie réelle et déterminée ne pourrait être qualifiée de bail. Il sera par ailleurs rappelé que le bail de la chose d'autrui n'est pas nul mais seulement inopposable au propriétaire. Il produit ses effets dans le rapport entre le bailleur et le preneur, tant que celui-ci en a la jouissance paisible. Ainsi, un bailleur n'a pas l'obligation d'être propriétaire du bien donné en location, pourvu qu'il soit en mesure d'en procurer la jouissance à son locataire par un moyen quelconque. Au cas particulier la jouissance paisible du bien par la société JCCD n'est pas contestée. Si le contrat de concession accordée par l'association bénéficiant à la société JCCD ne prévoit pas le versement d'un loyer, il met cependant à la charge de cette dernière les obligations suivantes : - ouvrir le club tous les jours de 8h30 à la tombée de la nuit du 1er avril le 15 novembre, - recevoir les nouveaux membres, leur faire connaître les conditions d'inscription, recevoir leur cotisation et les transmettre aux membres du bureau qui sont chargés d'établir l'inscription définitive, - interdire l'accès aux cours aux personnes non inscrites au club, - gérer le planning des cours répondre au téléphone et donner tout renseignement à leur connaissance concernant les convocations de championnat ou match par équipe, - donner aux membres du bureau et du comité directeur du tennis l'accès aux locaux mis à la disposition du concessionnaire (exceptés les lieux d'habitation), - au début de la saison, indiquer au responsable des relations avec le concessionnaire les tarifs des consommations et repas ; en cours de saison le prévenir des augmentations éventuelles, - organiser des soirées à son initiative ou sur proposition des adhérents : toute soirée devra être accessible aux joueurs du club aux conditions d'entrée définies par le concessionnaire, des personnes extérieures pourront y participer sous contrôle du concessionnaire, - déclarer son activité aux administrations et organismes de sécurité sociale, payer les impôts et taxes afférents ; le concessionnaire remboursera l'intégralité des factures EDF/GDF concernant l'ensemble du bâtiment. Il souscrira à toutes assurances nécessaires au bon fonctionnement de son activité (assurance incendie, contrat d'entretien et nettoyage de la hotte) - entretenir le logement occupé et les locaux exploités, ainsi que les vestiaires des installations d'été à raison d'une fois par jour, les grosses réparations du club House des logements et des locaux mis à disposition seront à la charge du club, à l'exception des réparations dites locatives l'entretien courant et le remplacement du petit matériel mis à disposition seront à la charge du concessionnaire qui s'y oblige. Ces obligations consistent en la prise en charge des frais courants d'occupation (entretien locatif, EDF-GDF, assurances, impôts, taxes?) transfèrent également à la société JCCD diverses charges en lien avec son activité de restaurateur mais prévoient en sus de nombreux autres obligations (heures de ménage, permanences, gardiennage, gestion administration et organisation de nombreux évènements, et de travaux à réaliser tout au long de l'année) qui ne constituent pas un usage personnalisé des lieux par la SARLJCCD et bénéficie exclusivement à l'association. Compte tenu de leur nature et de leur nombre ces obligations, qui dépassent largement la prise en charge de frais courants d'occupation, constituent une contrepartie en nature conférant à l'occupation des lieux un caractère onéreux. Il s'ensuit que le contrat doit être qualifié de bail et que c'est à bon droit que la Macif invoque l'application de l'article 1733 du code civil qui dispose que « Il [le locataire] répond de l'incendie à moins qu'il ne prouve que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure ou par vice de construction ou que le feu a été communiqué par une maison voisine ». Cette présomption de responsabilité du locataire peut être combattue en présence d'un cas fortuit ou de force majeure. Cependant, en l'espèce, l'expertise a conclu que l'incendie a pour origine l'embrassement d'une friteuse utilisée par la société JCCD pour les besoins de son activité de restauration. S'il a été relevé qu'une employée de la société était présente sur place et n'a pu maîtriser les flammes, il n'est nullement rapporté par la compagnie Generali la preuve directe et positive que la société JCCD a bien pris toutes les mesures requises permettant d'éviter la réalisation de l'événement. Dès lors, aucun cas fortuit exonérant la société JCCD de sa responsabilité n'est démontrée ;

ALORS QUE le contrat de mise à disposition d'un bien immobilier ne stipulant pas une contrepartie significative doit être qualifié de prêt à usage ; que les obligations portant sur la contribution aux charges inhérentes à la jouissance de la chose et les conditions de son usage personnalisé ne constituent pas une contrepartie à la mise à disposition d'un bien immobilier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le contrat de concession d'exploitation conclu le 7 mars 2004 entre l'association Enghien Tennis club et la société JCCD stipule qu'il ne sera perçu aucune indemnité de concession d'exploitation, ni aucun loyer ; qu'elle a également relevé que les obligations mises à la charge de la société JCCD se limitaient au paiement des contributions aux charges inhérentes à la jouissance (impôts, factures EDF/GDF, assurance incendie, entretien des locaux) et à la fixation des conditions de l'usage personnalisé du bien mis à disposition (horaires d'ouverture, information sur les tarifs, organisation de soirées, conditions d'accès, déclarations d'activité aux administrations et organismes de sécurité sociale) ; qu'en qualifiant ce contrat de bail, la cour d'appel qui n'a pas caractérisé une contrepartie significative à la mise à disposition de l'ensemble immobilier comprenant un local d'habitation, un local de restauration et des terrains de tennis, a violé par fausse application les articles 1709 et 1733 du code civil et, par refus d'application, les articles 1875, 1876 et 1880 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 21-15822
Date de la décision : 01/06/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 16 février 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 jui. 2022, pourvoi n°21-15822


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.15822
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