LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
MF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er juin 2022
Rejet
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 473 F-D
Pourvoi n° P 21-15.069
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022
La société Investissements fonciers et participations, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 2], a formé le pourvoi n° P 21-15.069 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [J] [N], domicilié [Adresse 9], [Localité 2],
2°/ à M. [H] [G], domicilié [Adresse 12], [Localité 1],
3°/ à Mme [T] [R], domiciliée [Adresse 9], [Localité 2],
4°/ à Mme [W] [X] épouse [G], domiciliée [Adresse 12], [Localité 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Jessel, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Investissements fonciers et participations, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. et Mme [G], après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Jessel, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon,18 mars 2021),rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-13.374), M. et Mme [G], propriétaires de parcelles à bâtir cadastrées AS [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8], ont assigné la société Investissements fonciers et participations (la société IFP), propriétaire de la parcelle voisine cadastrée AS [Cadastre 11], ainsi que d'autres voisins, en revendication d'une servitude de passage pour cause d'enclave, afin de permettre, notamment, la pose de canalisations nécessaires aux bâtiments en construction.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. La société IFP fait grief à l'arrêt d'accueillir la demande de M. et Mme [G] en revendication d'une servitude de passage sur la parcelle AS [Cadastre 11] lui appartenant et de juger que l'assiette de la servitude de passage pourra être utilisée pour la pose de canalisations nécessaires aux constructions édifiées sur le fonds enclavé, alors :
« 1°/ que le propriétaire d'un fonds ne peut pas bénéficier d'une servitude légale de passage lorsque l'état d'enclave de ce fonds résulte de son propre fait ou de celui de ses auteurs ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, l'état d'enclave résultant de l'impossibilité d'élargir le passage existant n'était pas due au fait des époux [G] ; qu'en se bornant à énoncer que l'état d'enclave résultait de l'évolution des modes de déplacement, quand elle devait seulement s'interroger sur les possibilités d'élargir le passage existant, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, et l'a privée de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil ;
2°/ que la cour d'appel qui devait rechercher si les époux [G] n'avaient pas rendu impossible l'élargissement du passage, ne pouvaient se borner à énoncer que l'élargissement était impossible du fait de la présence d'un mur de soutènement et de « la maison existante », sans rechercher si ce mur et cette maison n'avaient pas été édifiés par les époux [G] ; qu'elle a ainsi derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. La cour d'appel a constaté que, à l'inverse de la servitude de passage revendiquée sur la parcelle AS [Cadastre 11] goudronnée et à usage exclusif de voie de circulation, le passage par la bande de terre située sur la parcelle cadastrée AS [Cadastre 10], très étroit avec une largeur de un mètre environ, ne permettait pas d'accéder aux parcelles enclavées de M. et Mme [G] avec un véhicule automobile, correspondant de nos jours à l'usage normal d'un fonds destiné à l'habitation.
4. Procédant à la recherche qui lui était demandée, elle a relevé que l'élargissement de ce passage était impossible, non seulement en raison du mur de soutènement édifié par M. et Mme [G] et rendu nécessaire du fait de la déclivité du terrain constructible, mais également de la présence de constructions situées sur des parcelles appartenant à des tiers, de sorte que l'état d'enclave ne résultait pas du seul fait de M. et Mme [G] ou de leurs auteurs mais de l'évolution des modes de déplacement au regard de la configuration des lieux, justifiant ainsi légalement sa décision.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Investissements fonciers et participations aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Investissements fonciers et participations et la condamne à payer à M. et Mme [G] la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Investissements fonciers et participations
La société IFP reproche à l'arrêt attaqué d'avoir dit que les parcelles AS [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6], [Cadastre 7] et [Cadastre 8] étaient enclavées, qu'elles accéderont à la voie publique par la parcelle cadastrée [Cadastre 11] appartenant à la société IFP et que l'assiette de la servitude de passage pourra être utilisée par le propriétaire du fonds enclavé pour la pose des canalisations nécessaires à la satisfaction des besoins des constructions qui y seront édifiées ;
1- ALORS QUE le propriétaire d'un fonds ne peut pas bénéficier d'une servitude légale de passage lorsque l'état d'enclave de ce fonds résulte de son propre fait ou de celui de ses auteurs ; que la cour d'appel devait donc rechercher si, comme il était soutenu, l'état d'enclave résultant de l'impossibilité d'élargir le passage existant n'était pas due au fait des époux [G] ; qu'en se bornant à énoncer que l'état d'enclave résultait de l'évolution des modes de déplacement, quand elle devait seulement s'interroger sur les possibilités d'élargir le passage existant, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs impropres à justifier sa décision, et l'a privée de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil ;
2- ALORS QUE, de même, la cour d'appel qui devait rechercher si les époux [G] n'avaient pas rendu impossible l'élargissement du passage, ne pouvaient se borner à énoncer que l'élargissement était impossible du fait de la présence d'un mur de soutènement et de « la maison existante », sans rechercher si ce mur et cette maison n'avaient pas été édifiés par les époux [G] ; qu'elle a ainsi derechef privé sa décision de base légale au regard des articles 682 et 684 du code civil.