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01/06/2022 | FRANCE | N°20-17691

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 01 juin 2022, 20-17691


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 456 FS-D

Pourvoi n° T 20-17.691

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

La société Comangle, société à responsabilité l

imitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-17.691 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

MF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 456 FS-D

Pourvoi n° T 20-17.691

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER JUIN 2022

La société Comangle, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° T 20-17.691 contre l'arrêt rendu le 7 mai 2020 par la cour d'appel de Dijon (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société K6, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Comangle, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société K6, et l'avis de M. Sturlèse, avocat général, après débats en l'audience publique du 20 avril 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, Mme Andrich, MM. Jessel, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 7 mai 2020), le 27 octobre 2003, la société Eurosic, aux droits de laquelle se trouve la société Comangle, a, à compter du 1er novembre 2003, donné en location à la société K6 des locaux à usage commercial.

2. Le contrat comporte une clause d'indexation annuelle du loyer stipulant que celle-ci ne s'appliquera qu'en cas de variation à la hausse de l'indice de référence.

3. Le 23 septembre 2015, la société K6 a assigné la société Comangle aux fins de voir déclarer la clause d'indexation réputée non écrite, de restitution du trop-perçu de loyer et de fixation du loyer du bail renouvelé le 1er juillet 2013 à son montant initial.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société Comangle fait grief à l'arrêt de dire la clause d'indexation non écrite en son entier, de la condamner à restituer à la société K6 la somme de 160 584,38 euros au titre du trop-perçu de loyers pour la période du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2015 et la somme de 18 241,30 euros détenue à titre de dépôt de garantie, de dire que le bail a été renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er juillet 2013 aux clauses et conditions du bail expiré, le loyer de référence applicable à compter du 1er juillet 2013 s'élevant à 52 000 euros par an, et de la condamner à payer à la société K6 la somme de 106 547,56 euros au titre du trop-perçu des loyers pour la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018, alors « que n'institue aucune prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision, la clause qui se borne à écarter l'application de la clause d'indexation en cas de baisse de l'indice sur lequel l'indexation est fondée ; qu'en jugeant cependant, pour dire la clause d'indexation non écrite, qu'elle était contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé. » Réponse de la Cour

5. L'article L. 145-15 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 18 juin 2014, qui a substitué à la nullité des clauses ayant pour effet de faire échec aux dispositions des articles L. 145-37 à L. 145-41 du code de commerce leur caractère réputé non écrit, est applicable aux baux en cours lors de l'entrée en vigueur de cette loi.

6. Aux termes de l'article L. 145-39 du code de commerce, dans sa rédaction applicable, par dérogation à l'article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire.

7. D'une part, le propre d'une clause d'échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse, de sorte que la clause figurant au bail et écartant toute réciprocité de variation, si elle ne crée pas la distorsion prohibée par l'article L. 112-1 du code monétaire et financier, fausse le jeu normal de l'indexation.

8. D'autre part, la neutralisation des années de baisse de l'indice de référence a mathématiquement pour effet de modifier le délai d'atteinte du seuil de variation du quart, conditionnant la révision du loyer, tel qu'il résulterait de l'évolution réelle de l'indice.

9. La cour d'appel a relevé que la clause d'indexation excluait toute réciprocité de la variation en prévoyant que l'indexation ne s'effectuerait que dans l'hypothèse d'une variation à la hausse de l'indice.

10. Il s'ensuit que cette stipulation, qui a pour effet de faire échec au mécanisme de révision légale prévu par l'article L. 145-39 du code de commerce, doit être réputée non écrite.

11. Par ce motif de pur droit, substitué à celui justement critiqué, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié.

Mais sur le premier moyen, pris en ses quatrième et sixième branches

Enoncé du moyen

12. La société Comangle fait le même griefà l'arrêt, alors :

« 4°/ que l'illicéité de la clause contractuelle prévoyant l'exclusion de l'application de la clause d'indexation, en cas de baisse de l'indice retenu, n'emporte le caractère non écrit de la clause d'indexation que si la clause d'exclusion présente un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation ou si les deux clauses sont indivisibles ; que ne présente un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation que la clause qui a été déterminante du consentement des parties à l'indexation ; qu'en affirmant, pour dire non écrite la clause d'indexation, que « l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer présent(e) un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation » et que « c'est à bon droit que le tribunal a déclaré qu'elle, (la clause d'indexation), devait être réputée non écrite dans son entier, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation qui aurait été voulu par les parties et les modalités de sa mise en oeuvre dont une partie seule devrait être écartée », sans relever aucun élément de nature à établir que les parties au contrat de bail n'auraient pas maintenu la clause d'indexation, en l'absence de clause excluant l'ajustement à la baisse du loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble, le principe jurisprudentiel selon lequel est nulle la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation ;

6°/ que l'illicéité de la clause qui exclut l'indexation en cas de baisse de l'indice retenu n'emporte le caractère non écrit de la clause d'indexation que si l'exclusion illicite présente un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation, ou si les deux clauses sont indivisibles ; que sont indivisibles les clauses contractuelles qui ne peuvent être isolées sans que la cohérence du reste de la clause soit atteinte et qui ne peuvent, en conséquence, être exécutées l'une sans l'autre ; qu'en l'espèce, le contrat de bail stipulait, sous l'intitulé « indexation et révision du montant du loyer » et en trois alinéas successifs, que « le montant du loyer sera assujetti à une indexation annuelle, basée sur l'indice INSEE du coût de la construction - échelon national - base 100 au 4ème trimestre 1953. Il variera le 1er juin de chaque année, par application du dernier indice connu et pour la première fois, le 1er juin 2004, sur l'indice de référence 1183 (indice du 1er trimestre 2003) », que « dans l'hypothèse où l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction entraînerait une diminution du montant du loyer, celui-ci demeurerait inchangé jusqu'à ce que l'application de l'indice permette une nouvelle augmentation » et que « le loyer sera ajusté à chaque échéance, proportionnellement à la variation constatée entre le dernier indice connu à la date de réajustement et l'indice de référence arrêtée à la date d'entrée en jouissance, sans pouvoir être inférieur à celui-ci », de sorte que la clause excluant l'application de la clause d'indexation en cas de baisse de l'indice pouvait être isolée et réputée non écrite sans que la clause d'indexation ne puisse pas être exécutée ; qu'en énonçant cependant, pour dire que la clause d'indexation en son intégralité devait être réputée non écrite, que « la clause d'indexation, telle qu'elle est rédigée, est indivisible » et qu'« il n'y a pas lieu de distinguer le principe de l'indexation, qui aurait été voulu par les parties et les modalités de sa mise en oeuvre dont une partie seule devrait être écartée », la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe jurisprudentiel selon lequel est nulle la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut qu'être révisé à la hausse, ensemble et par refus d'application l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

13. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

14. Pour réputer la clause d'indexation non écrite en son entier, l'arrêt retient que l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer présente un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation et que la clause, telle qu'elle est rédigée, constitue un ensemble indivisible.

15. En se déterminant ainsi, alors que seule la stipulation prohibée doit être réputée non écrite, sans relever d'éléments de nature à établir que les parties au contrat de bail n'auraient pas maintenu la clause d'indexation en l'absence de dispositions excluant l'ajustement du loyer à la baisse et par des motifs impropres à caractériser l'indivisibilité, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que l'action en invalidation d'une clause d'indexation est imprescriptible, l'arrêt rendu le 7 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne la société K6 aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Comangle

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit la clause d'indexation insérée au bail du 27 octobre 2003 non écrite en son entier, condamné la société Comangle à restituer à la société K6, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2015, la somme de 160 584,38 euros TTC au titre du tropperçu de loyers et la somme de 18 241,30 € détenue à titre de dépôt de garantie, d'avoir dit que le bail avait été renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er juillet 2013 aux clauses et conditions du bail expiré, le loyer de référence applicable à compter du 1er juillet 2013 s'élevant 52 000 € HT/HC/an, et d'avoir condamné la société Comangle à payer à la société K6 la somme de 106 547,56 € TTC au titre du trop-perçu des loyers pour la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018 ;

AUX MOTIFS QUE le contrat de bail signé le 27 octobre 2003 entre la société Eurosic, aux droits de laquelle se trouve la société Comangle, à effet du 1er novembre 2003, stipulait en son article intitulé « Montant du loyer », que le bail est fait moyennant un loyer annuel et principal de :
- pour la première année 50 000 € HT,
- pour la deuxième année 51 000 € HT auquel s'ajoute le montant correspondant à la variation résultant de l'indexation annuelle du loyer de la première année en fonction de l'indice INSEE du coût de la construction, comme il sera dit ci-après,
- pour la troisième année 52 000 € HT auquel s'ajoute le montant correspondant à la variation résultant de l'indexation annuelle du loyer de la première année en fonction de l'indice INSEE du coût de la construction, comme il sera dit ci-après ;
Qu'en son article intitulé « indexation et révision du montant du loyer », le bail stipule que « sans qu'il soit besoin d'aucune notification préalable, le montant du loyer sera assujetti à une indexation annuelle, basée sur l'indice INSEE du coût de la construction - échelon national - base 100 au 4ème trimestre 1953. Il variera le 1er juin de chaque année, par application du dernier indice connu et pour la première fois, le 1er juin 2004, sur l'indice de référence 1183 (indice du 1er trimestre 2003).
Dans l'hypothèse où l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction entrainerait une diminution du montant du loyer, celui-ci demeurerait inchangé jusqu'à ce que l'application de l'indice permette une nouvelle augmentation.
Le loyer sera ajusté à chaque échéance, proportionnellement à la variation constatée entre le dernier indice connu à la date de réajustement et l'indice de référence arrêtée à la date d'entrée en jouissance, sans pouvoir être inférieur à celui-ci » ;
Qu'en application de l'article L 112-1 du code monétaire et financier, est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, tel que le bail commercial, prévoyant la prise en compte, dans l'entier déroulement du contrat, d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision ; que la distorsion entre la période de variation indiciaire et la durée écoulée entre deux révisions, prohibée par ce texte, doit résulter de la clause d'indexation elle-même et non du seul décalage entre la date de renouvellement du bail et la date prévue pour l'indexation ; (?) ; Que la clause d'indexation excluait, en cas de baisse de l'indice, l'ajustement du loyer prévu pour chaque période annuelle en fonction de la variation de l'indice publié dans le même temps ; que, par la prise en considération de la seule variation de l'indice à la hausse, la clause d'indexation organisait, en cas de baisse de l'indice choisi, un gel de loyer de telle sorte que les révisions du loyer n'étaient pas opérées chaque année successive sur la base de l'indice du trimestre de la révision, opérant ainsi une distorsion entre la période de variation de l'indice et la période d'indexation et contrevenant à l'article L 112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier ; que, par ailleurs, est nulle une clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse, faussant ainsi le jeu de l'indexation, et, ce, sans qu'il y ait lieu d'apprécier la manière dont elle s'est effectivement appliquée en cours d'exécution du contrat, c'est-à-dire si le bailleur s'est prévalu de la restriction au jeu normal de l'indexation ;
que l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer présentant un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation et la clause d'indexation, telle qu'elle est rédigée, constituant un ensemble indivisible, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré qu'elle devait être réputée non écrite dans son entier, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation qui aurait été voulu par les parties et les modalités de sa mise en oeuvre dont une partie seule devrait être écartée ;
que la demande de la SARL K6 en restitution des sommes indûment perçues par la bailleresse au titre de la clause d'indexation réputée non écrite est donc non fondée, dans la limite de la prescription quinquennale, ainsi qu'il a été jugé par le tribunal de grande instance de Dijon, pour les montants de 160 584,38 euros TTC et 18 241,30 euros majorés des intérêts au taux légal à compter du 21 août 2018, date de la demande ; qu'à la demande du créancier, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produiront intérêt en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
qu'enfin, ainsi que l'a, à bon droit, retenu le tribunal, en l'absence de réaction du bailleur à la demande de renouvellement du bail formée par le preneur le 10 avril 2013 et faute pour les parties d'avoir agi en fixation du loyer du bail renouvelé dans le délai légal, le bail s'est trouvé renouvelé aux clauses et conditions du bail expiré pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er juillet 2013, pour un loyer de référence de 52 000 euros HT/HC/AN ;

Et AUX MOTIFS, adoptés du premier juge, QU'en l'espèce, alors que le bail prévoit une fixation du loyer par paliers (augmentation du loyers sur trois ans), en prévoyant une référence constante à l'indice fixe du 1er trimestre 2003, la clause d'indexation organise manifestement, en présence d'un loyer qui a varié entre la première et la troisième année du bail, une distorsion entre la période de variation de l'indice et la période de révision du loyer et, ce, à compter de la deuxième année du bail en appliquant à un nouveau loyer (à compter du 1er novembre 2004) le même indice fixe de référence du 1er trimestre 2003 pour le calcul de l'indexation ; que, de même, alors que le propre d'une clause d'échelle mobile est de faire varier à la hausse et à la baisse le loyer, la clause du bail prévoyant que le loyer ne peut plus être révisé qu' à la hausse a pour effet d'écarter toute réciprocité de variation et de ne plus faire coïncider la période de révision du loyer avec celle de variation des indices ; que la circonstance que le preneur ait payé spontanément et sans contestation durant douze années le loyer comprenant l'indexation est sans emport sur l'appréciation de la validité intrinsèque de la clause d'indexation ; que le moyen selon lequel la bailleresse a, dans les faits, appliqué la variation de l'indice à la hausse comme à la baisse notamment en 2016, écartant ainsi la clause contractuelle, sans que cet élément ne soit contesté, est inopérant dès lors que le bail est susceptible d'être cédé avec le fonds, ou le bien immobilier vendu et que ces dispositions seraient alors susceptibles de recevoir application dans tous leurs effets, à défaut de manifestation expresse du bailleur de voir écarter l'application des clauses dans toute leur étendue ; que la bailleresse ne saurait se prévaloir de l'application dans les faits d'une variation à la hausse comme à la baisse du loyer en fonction de l'indice choisi et du paiement sans contestation des factures par le preneur alors qu'elle ne justifie pas avoir renoncé de façon claire et non équivoque à l'application pour l'avenir de la clause d'indexation dans tous ses effets de sorte qu'elle ne peut pas invoquer un accord des deux parties pour ne pas voir appliquer la clause litigieuse ; qu'à défaut de divisibilité de la clause prévue par le texte susvisé et de convention entre les parties emportant renonciation à agir, la clause d'indexation doit être écartée en son entier ;

1 – ALORS QUE n'institue aucune prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision, la clause qui se borne à écarter l'application de la clause d'indexation en cas de baisse de l'indice sur lequel l'indexation est fondée ; qu'en jugeant cependant, pour dire la clause d'indexation non écrite, qu'elle était contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L 112-1 du code monétaire et financier, la cour d'appel a violé, par fausse application, le texte susvisé ;

2 – ALORS, en tout état de cause, QU' à supposer même que la clause écartant le jeu de l'indexation en cas de baisse de l'indice institue une distorsion entre la période de variation de l'indice et la période d'indexation, seule la stipulation créant la distorsion prohibée est réputée non écrite en son entier ; que la cour d'appel a constaté qu'en son article intitulé « indexation et révision du montant du loyer », le bail stipulait que « le montant du loyer sera assujetti à une indexation annuelle, basée sur l'indice INSEE du coût de la construction - échelon national - base 100 au 4ème trimestre 1953. Il variera le 1er juin de chaque année, par application du dernier indice connu et pour la première fois, le 1er juin 2004, sur l'indice de référence 1183 (indice du 1er trimestre 2003) », que « dans l'hypothèse où l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction entrainerait une diminution du montant du loyer, celui-ci demeurerait inchangé jusqu'à ce que l'application de l'indice permette une nouvelle augmentation » et que « le loyer sera ajusté à chaque échéance, proportionnellement à la variation constatée entre le dernier indice connu à la date de réajustement et l'indice de référence arrêtée à la date d'entrée en jouissance, sans pouvoir être inférieur à celui-ci » ; qu'en déclarant non écrite la clause d'indexation en son entier, quand seules les stipulations des deux derniers alinéas créaient la distorsion prohibée, la cour d'appel a encore violé l'article L 112-1 alinéa 2 du code monétaire et financier ;

3 – ALORS QUE le juge est tenu de respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office, pour dire la clause d'indexation non écrite, le moyen tiré de la nullité d'une clause d'indexation excluant la réciprocité de la variation, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4 – ALORS QUE l'illicéité de la clause contractuelle prévoyant l'exclusion de l'application de la clause d'indexation, en cas de baisse de l'indice retenu, n'emporte le caractère non écrit de la clause d'indexation que si la clause d'exclusion présente un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation ou si les deux clauses sont indivisibles ; que ne présente un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation que la clause qui a été déterminante du consentement des parties à l'indexation ; qu'en affirmant, pour dire non écrite la clause d'indexation, que « l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer présent(e) un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation » et que « c'est à bon droit que le tribunal a déclaré qu'elle, (la clause d'indexation), devait être réputée non écrite dans son entier, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation qui aurait été voulu par les parties et les modalités de sa mise en oeuvre dont une partie seule devrait être écartée », sans relever aucun élément de nature à établir que les parties au contrat de bail n'auraient pas maintenu la clause d'indexation, en l'absence de clause excluant l'ajustement à la baisse du loyer, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble, le principe jurisprudentiel selon lequel est nulle la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation ;

5 – ALORS, en tout état de cause, QUE la clause écartant le jeu de la clause d'indexation prévue au contrat de bail, en cas de baisse de l'indice, est stipulée dans le seul intérêt du bailleur ; que la société Comangle, bailleresse, faisait valoir, dans ses conclusions et preuves à l'appui, qu'elle n'avait pas appliqué la clause écartant le jeu de l'indexation en cas de baisse l'indice INSEE, ce qui établissait l'absence de tout caractère essentiel et déterminant de ladite clause ; qu'en affirmant, pour dire non écrite la clause d'indexation, que « l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer présent(e) un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation » et que « c'est à bon droit que le tribunal a déclaré qu'elle, (la clause d'indexation), devait être réputée non écrite dans son entier, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation qui aurait été voulu par les parties et les modalités de sa mise en oeuvre dont une partie seule devrait être écartée », sans rechercher s'il ne ressortait pas de l'absence d'application par la bailleresse de la clause écartant l'indexation du loyer à la baisse, l'absence de tout caractère déterminant, partant essentiel, de la clause d'exclusion, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble le principe jurisprudentiel selon lequel est nulle la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut qu'être révisé à la hausse ;

6 – ALORS QUE l'illicéité de la clause qui exclut l'indexation en cas de baisse de l'indice retenu n'emporte le caractère non écrit de la clause d'indexation que si l'exclusion illicite présente un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation, ou si les deux clauses sont indivisibles ; que sont indivisibles les clauses contractuelles qui ne peuvent être isolées sans que la cohérence du reste de la clause soit atteinte et qui ne peuvent, en conséquence, être exécutées l'une sans l'autre ; qu'en l'espèce, le contrat de bail stipulait, sous l'intitulé « indexation et révision du montant du loyer » et en trois alinéas successifs, que « le montant du loyer sera assujetti à une indexation annuelle, basée sur l'indice INSEE du coût de la construction -
échelon national - base 100 au 4ème trimestre 1953. Il variera le 1er juin de chaque année, par application du dernier indice connu et pour la première fois, le 1er juin 2004, sur l'indice de référence 1183 (indice du 1er trimestre 2003) », que « dans l'hypothèse où l'évolution de l'indice INSEE du coût de la construction entrainerait une diminution du montant du loyer, celui-ci demeurerait inchangé jusqu'à ce que l'application de l'indice permette une nouvelle augmentation » et que « le loyer sera ajusté à chaque échéance, proportionnellement à la variation constatée entre le dernier indice connu à la date de réajustement et l'indice de référence arrêtée à la date d'entrée en jouissance, sans pouvoir être inférieur à celui-ci », de sorte que la clause excluant l'application de la clause d'indexation en cas de baisse de l'indice pouvait être isolée et réputée non écrite sans que la clause d'indexation ne puisse pas être exécutée ; qu'en énonçant cependant, pour dire que la clause d'indexation en son intégralité devait être réputée non écrite, que « la clause d'indexation, telle qu'elle est rédigée, est indivisible » et qu' « il n'y a pas lieu de distinguer le principe de l'indexation, qui aurait été voulu par les parties et les modalités de sa mise en oeuvre dont une partie seule devrait être écartée », la cour d'appel a violé, par fausse application, le principe jurisprudentiel selon lequel est nulle la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut qu'être révisé à la hausse, ensemble et par refus d'application l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
, (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la clause d'indexation insérée au bail du 27 octobre 2003 est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L 112-1 du code monétaire et financier, déclaré cette clause non écrite en son entier, condamné la société Comangle à restituer à la société K6, avec intérêts au taux légal à compter du 23 septembre 2015, la somme de 160 584,38 euros TTC au titre du trop-perçu de loyers réglé résultant de l'indexation illicite opérée par le bailleur sur la période non prescrite allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2015 et la somme de 18 241,30 € détenue à titre de dépôt de garantie suite à la révision de ce dernier en fonction de la révision du loyer et dit que le bail du 27 octobre 2003 a été renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er juillet 2013, soit jusqu'au 30 juin 2022, aux clauses et conditions du bail expiré, y compris en terme de loyer, le loyer de référence applicable à compter du 1er juillet 2013 s'élevant à hauteur de 52 000 € HT/HC/an et, ajoutant au jugement, d'avoir condamné la société Comagle à payer à la société K6 la somme de 106 547,56 € TTC au titre du trop-perçu des loyers pour la période du 1er octobre 2015 au 30 septembre 2018, avec intérêts au taux légal à compter du 21 août 2018 et ordonné la capitalisation des intérêts dans les conditions prévues à l'article 1343-2 du code civil,

AUX MOTIFS QUE l'exclusion d'un ajustement à la baisse du loyer présentant un caractère essentiel à la soumission du loyer à l'indexation et la clause d'indexation, telle qu'elle est rédigée, constituant un ensemble indivisible, c'est à bon droit que le tribunal a déclaré qu'elle devait être réputée non écrite dans son entier, sans qu'il n'y ait lieu de distinguer le principe de l'indexation qui aurait été voulu par les parties et les modalités de sa mise en oeuvre dont une partie seule devrait être écartée ; (?)
qu' ainsi que l'a, à bon droit, retenu le tribunal, en l'absence de réaction du bailleur à la demande de renouvellement du bail formée par le preneur le 10 avril 2013 et faute pour les parties d'avoir agi en fixation du loyer du bail renouvelé dans le délai légal, le bail s'est trouvé renouvelé aux clauses et conditions du bail expiré pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er juillet 2013, pour un loyer de référence de 52 000 euros HT/HC/AN, le jugement méritant également confirmation sur ce point ;

ET AUX MOTIFS, adoptés des premiers juges, QUE la société bailleresse soutient que le loyer applicable à compter du renouvellement devrait être celui facturé et convenu entre les parties depuis le 1er juillet 2013, soit la somme de 80 852,12 euros hors taxe par an et non le loyer du bail initial de sorte que trop perçu de loyer serait de 68 903,50 € et celui du dépôt de garantie serait de 1 091,72 € ; qu'ensuite de la demande de renouvellement du preneur du 10 avril 2013, de l'absence de réaction du bailleur dans les trois mois de cette date et faute pour les parties d'avoir agi dans le délai légal en fixation du loyer, le bail s'est trouvé renouvelé aux clauses et conditions du bail venu à expiration ; que si les parties peuvent convenir d'un nouveau prix à chaque échéance, y compris supérieur au prix légal, il appartient à celui qui se prévaut de cet accord d'en rapporter la preuve ; qu'or, en l'espèce, la SARL Comangle ne démontre aucunement que le preneur savait, avant le courrier du 22 septembre 2015, que la clause d'indexation était atteinte de nullité absolue et qu'il réglait les loyers en connaissance de cause ; que la preuve de ce que la SARL K6 aurait renoncé de façon claire et non équivoque au droit de se prévaloir de cette nullité n'étant pas établi, la demande de répétition telle que formulée par le preneur doit être accueillie dans son intégralité ; (?) ; qu'il convient de juger que le bail du 27 octobre 2003 a été renouvelé pour une nouvelle période de neuf ans à compter du 1er juillet 2013, soit jusqu'au 30 juin 2022, aux clauses et conditions du bail expiré, y compris en terme de loyer, le loyer de référence applicable à compter du 1er juillet 2013 s'élevant à hauteur de 52 000 euros HT/HC/an ;

1 – ALORS QUE seule la stipulation contraire aux dispositions de l'article L 112-2 du code monétaire et financier ou au principe jurisprudentiel selon lequel est nulle la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation est réputée non écrite ; qu'en déclarant non écrite la clause d'indexation convenue par les parties dans le bail initial et, en fixant, en conséquence, le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2013, au montant initial du bail originel, la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, ensemble et par fausse application l'article L 112-1 du code monétaire et financier et le principe jurisprudentiel selon lequel est nulle la clause d'indexation qui exclut la réciprocité de la variation et stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse ;

2 – ALORS, en tout état de cause, QUE le renouvellement du bail commercial donne lieu à la conclusion d'un nouveau contrat, conclu aux mêmes clauses et conditions que le bail initial, à l'exception du loyer dont le montant peut, dans la limite prévue à l'article L 145-34 du code de commerce, être librement modifié ; que la circonstance que la clause d'indexation figurant au contrat de bail initial soit réputée non écrite est sans incidence sur l'accord conclu par les parties sur le montant du loyer du bail renouvelé ; qu'en affirmant cependant, pour fixer le montant du loyer du bail renouvelé au montant de référence du bail initial, soit 52 000 euros hors taxe par an, que « la SARL Comangle ne démontre aucunement que le preneur savait, avant le courrier du 22 septembre 2015, que la clause d'indexation était atteinte de nullité absolue et qu'il réglait les loyers en connaissance de cause » et que « la preuve de ce que la SARL K6 aurait renoncé de façon claire et non équivoque au droit de se prévaloir de cette nullité n'était pas établie », la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, privant sa décision de base légale au regard des articles L 145-33 du code de commerce et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige ;

3 – ALORS, en tout état de cause, QUE le renouvellement du bail commercial donne lieu à la conclusion d'un nouveau contrat, conclu aux mêmes clauses et conditions que le bail initial, à l'exception du loyer dont le montant peut, dans la limite prévue à l'article L 145-34 du code de commerce, être librement modifié ; que la cour d'appel a constaté que le preneur, par acte du 10 avril 2013, avait demandé le renouvellement du bail dont le loyer était fixé, en son dernier état, à la somme de 80 852,12 euros hors taxe par an, renouvellement qui a été tacitement accepté par la bailleresse ; qu'en fixant cependant le montant du loyer du bail renouvelé au montant de référence du bail initial, soit 52 000 euros hors taxe par an, la cour d'appel n'a pas déduit les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles L 145-33 du code de commerce et 1134 du code civil, ce dernier dans sa rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-17691
Date de la décision : 01/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Dijon, 07 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 01 jui. 2022, pourvoi n°20-17691


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Didier et Pinet, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17691
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