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01/06/2022 | FRANCE | N°20-16303

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 01 juin 2022, 20-16303


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 349 F-D

Pourvoi n° J 20-16.303

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2022
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 1er juin 2022

Cassation partielle

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 349 F-D

Pourvoi n° J 20-16.303

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 1ER JUIN 2022

La société Asiatex, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° J 20-16.303 contre l'arrêt rendu le 3 mars 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [O] [H], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Briard, avocat de la société Asiatex, de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de M. [H], et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 3 mars 2020), M. [H] a exercé comme agent commercial indépendant pour la société Asiatex à compter du 27 décembre 2010.

2. Reprochant à M. [H], notamment, des erreurs de commandes, dont l'une avait entraîné l'application de pénalités à son préjudice, la société Asiatex a, par lettre du 7 novembre 2011, mis fin à son contrat d'agent commercial sans préavis et sans indemnité.

3. Contestant cette décision, M. [H] a assigné la société Asiatex en paiement du solde des commissions, d'une indemnité de préavis et de rupture. La société Asiatex a demandé reconventionnellement le remboursement de pénalités de retard.

Examen des moyens

Sur les premier et troisième moyens, ci-après annexés

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le deuxième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La société Asiatex fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à M. [H] une somme de 26 902,76 euros TTC pour solde des commissions lui restant dues au titre de son contrat d'agence en refusant d'exclure de ces commissions les pénalités de retard appliquées par la société Leclerc Landerneau à la société Asiatex, pour un montant de 4 752,11 euros, dans le cadre de la commande passée par la société Leclerc Landerneau auprès de la société Asiatex par l'intermédiaire de l'agent et, ce faisant, de rejeter la demande de la société Asiatex visant à voir condamner M. [H] à lui verser cette somme de 4 752,11 euros à titre de dommages-intérêts pour sa faute dans l'exécution de son contrat d'agence, alors « que, en se bornant à considérer la transmission par M. [H] d'une "commande qui, faute d'avoir été livrée à la date convenue avec le client, a généré l'application de pénalités de retard par celui-ci, la société Asiatex les ayant dès lors déduites des commissions dues à son agent", sans rechercher si le retard dans la livraison de la commande ne résultait pas d'une erreur de l'agent commercial dans sa transmission à la société Asiatex, la cour n'a pas répondu aux conclusions de cette dernière qui, exposant avec précision la chronologie des événements, faisant valoir que cette livraison tardive résultait de la "faute commise exclusivement par M. [H]" ; qu' en statuant ainsi, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 455 du code de procédure civile :

6. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé.

7. Pour rejeter la demande de remboursement des pénalités versées à la société Leclerc Landerneau au titre du retard apporté à sa commande, formée par la société Asiatex, l'arrêt retient que celle-ci ne justifie pas du fondement juridique l'autorisant à pratiquer une retenue en forme de compensation entre la créance de M. [H] à son égard, qui est incontestable s'agissant des commissions d'agence qui lui étaient dues, et celle, incertaine, qu'elle invoque.

8. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la société Asiatex qui soutenait que le retard de livraison ayant entraîné le paiement de pénalités résultait d'une faute commise par M. [H], la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette la demande en remboursement des pénalités appliquées par la société Leclerc Landerneau à la société Asiatex et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 3 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes, autrement composée ;

Condamne M. [H] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [H] et le condamne à payer à la société Asiatex la somme de 1 500 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour la société Asiatex.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Asiatex à régler à M. [H] la somme de 1.907,34 euros en remboursement de la TVA afférente à une facture du 14 septembre 2012 ;

Aux motifs propres que faute pour la société Asiatex d'expliquer en quoi le tribunal se serait trompé en la condamnant à régler à M. [H] une somme de 1.907,34 € en remboursement de la TVA afférente à une facture du 14 septembre 2012, le jugement sera confirmé sur ce point ;

Et Aux motifs adoptés que la société Asiatex ne conteste pas sérieusement cette demande ;

Alors que tout jugement doit être motivé à peine de nullité ; Que, pour accueillir la demande de M. [H] en paiement d'un prétendu solde de TVA afférente à une facture du 14 septembre 2012, l'arrêt attaqué, comme le jugement qu'il confirme, se borne à énoncer que la société Asiatex ne justifie pas les motifs de son opposition ; Qu' en se déterminant ainsi, sans viser ni analyser, même de façon sommaire, les éléments de preuve produits sur lesquels il fonde sa décision, la cour n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société Asiatex à payer à M. [H] une somme de 26.902,76 euros TTC pour solde des commissions lui restant dues au titre de son contrat d'agence en refusant d'exclure de ces commissions les pénalités de retard appliquées par la société Leclerc Landerneau à la société Asiatex, pour un montant de 4.752,11 euros, dans le cadre de la commande passée par la société Leclerc Landerneau auprès de la société Asiatex par l'intermédiaire de l'agent et, ce faisant, d'avoir rejeté la demande de la société Asiatex visant à voir condamner M. [H] à lui verser cette somme de 4.752,11 euros à titre de dommages intérêts pour sa faute dans l'exécution de son contrat d'agence ;

Aux motifs qu' il résulte des pièces du dossier et des explications données par les parties que M. [H] a transmis à la société Asiatex une commande qui, faute d'avoir été livrée à la date convenue avec le client, a généré l'application de pénalités de retard par celui-ci, la société Asiatex les ayant dès lors déduites des commissions dues à son agent ; Que cependant, faute de justifier du fondement juridique qui l'autoriserait à pratiquer cette retenue en forme de compensation entre une créance incontestable (celle de M. [H] à titre de commissions d'agence) et celle, pour le moins incertaine, alléguée par la société Asiatex, celle-ci sera déboutée de sa demande tendant à voir mettre à la charge de l'agent la somme de 4.752,11€ ; Que réciproquement, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Asiatex, après partage de responsabilité opéré par le tribunal entre les parties, à payer à M. [H] une somme de 2.841,76 €, étant en effet rappelé que la condamnation précédemment prononcée au profit de l'intéressé pour solde de ses commissions intègre déjà celles indûment retenues par la société ;

1°) Alors d'une part que, en se bornant à considérer la transmission par M. [O] [H] d'une « commande qui, faute d'avoir été livrée à la date convenue avec le client, a généré l'application de pénalités de retard par celui-ci, la société Asiatex les ayant dès lors déduites des commissions dues à son agent », sans rechercher si le retard dans la livraison de la commande ne résultait pas d'une erreur de l'agent commercial dans sa transmission à la société Asiatex, la cour n'a pas répondu aux conclusions de cette dernière qui, exposant avec précision la chronologie des évènements, faisant valoir que cette livraison tardive résultait de la « faute commise exclusivement par M. [H] » (Conclusions d'Asiatex, p.42 §. 3) ; Qu' en statuant ainsi, la cour a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) Alors d'autre part qu' en tout état de cause et par application de l'article 1147 ancien du code civil alors applicable, « le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part » ; Que ce principe général trouve à s'appliquer en matière de mandat, les articles 1991 et 1992 du code civil disposant que « le mandataire est tenu d'accomplir le mandat tant qu'il en demeure chargé, et répond des dommages-intérêts qui pourraient résulter de son inexécution » et que « le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion » ; Qu' en conséquence, l'agent commercial, en sa qualité de mandataire, doit répondre des conséquences dommageables de ses fautes dans l'exécution de ses commandes et, partant, des dommages-intérêts résultant de ses retards ; Qu' au demeurant, ce principe de responsabilité s'accorde avec les dispositions relatives à ses commissions, l'article L. 134–10 du code de commerce précisant que le droit à la commission s'éteint s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et que l'inexécution n'est pas due à des circonstances imputables au mandant ; Qu' en considérant que la société Asiatex ne justifiait pas du fondement juridique de la retenue de commission en forme de « compensation entre une créance incontestable (celle de M. [H] à titre de commission d'agence) et celle pour le moins incertaine alléguée par la société », la cour a violé par refus d'application les textes précités.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir condamné la société Asiatex à payer à M. [H] une somme de 13.040,40 euros TTC à titre d'indemnité de préavis et une somme de 52.161,60 euros TTC à titre d'indemnité de rupture, avec intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance, et d'avoir rejeté les demandes reconventionnelles en dommages-intérêts formulées par la société Asiatex à l'encontre de M. [H] ;

Aux motifs que, sur l'assiette du commissionnement, le contrat d'agence conclu entre les parties se limite à une simple lettre adressée le 27 décembre 2010 par M. [H] à la société Asiatex, lettre qui est rédigée dans les termes suivants : "Suite à notre entretien téléphonique de ce jour, je vous confirme mon souhait de prendre le statut d'agent commercial avec votre accord à compter du 1er janvier 2011 et de continuer à représenter en exclusivité la société Asiatex sur la région Ouest pour les départements 14, 22, 29, 35, 37, 50, 56 ,44, 49, 53, 61, 72. Je suis inscrit au registre spécial des agents commerciaux au greffe du tribunal de commerce de Nantes sous le n° 2004 AC 00005. Nous avons convenu d'un commun accord un taux de commission de 10,50 % sur le chiffre d'affaires hors taxes. Les commissions seront payables au trimestre d'après le relevé de commandes établi par la société Asiatex." ; Qu' il est certain que cette lettre manque de précisions quant à la notion de "chiffre d'affaires hors taxes" devant servir d'assiette au calcul des commissions d'agence ; Que toutefois, il est logique que celles-ci ne soient calculées que sur le chiffre d'affaires effectivement réalisé par la mandante, c'est-à-dire après déduction des remises accordées par celle-ci ; Qu' en effet, le mandataire n'a pas de raisons de prétendre à un commissionnement calculé sur une partie du prix que la société n'a pas perçue elle-même, ce d'autant plus que c'est précisément pour réussir à obtenir la commande que la société, par l'intermédiaire de son agent, est contrainte d'accepter la remise sollicitée par son client ; Que cette pratique est d'ailleurs conforme aux usages appliqués dans l'entreprise (?); Que les parties divergent en revanche sur l'assiette réelle de ses commissions, M. [H] revendiquant en effet qu'elles soient calculées sur l'ensemble des commandes passées par son intermédiaire, tandis que la société Asiatex n'entend retenir pour assiette que les seules commandes qui lui ont été effectivement réglées par ses clients, la mandante reprochant en effet à son agent commercial de lui avoir présenté de trop nombreuses commandes qui ne pouvaient pas être honorées :

- soit parce qu'elles étaient douteuses voire inexistantes : absence de bon de commande, commandes purement verbales, commandes jamais transmises à la société, commandes dépourvues d'indication du nom du client etc,

- soit parce qu'elles émanaient de clients dont la solvabilité était insuffisante et, en conséquence, ne permettaient pas de les livrer;

- soit encore parce qu'elles n'étaient pas conformes aux tarifs appliqués par la société qui, en conséquence, n'était pas tenue de les accepter, la société Asiatex reprochant ainsi à M. [H] de trop nombreuses prises de commandes inconsidérées à des tarifs inférieurs à ceux du catalogue de la société qui, en conséquence, était fondée à les refuser ;

Qu' ainsi et pour justifier de l'assiette du commissionnement dû à son agent, la société Asiatex verse aux débats l'ensemble des factures qu'elle a pu honorer, contestant au contraire le relevé établi par M. [H] qui, selon elle, n'a aucune valeur en ce qu'il comprend des commandes fantaisistes auxquelles elle n'a pas pu donner suite ; Qu'à cet égard, il convient de rappeler les dispositions des articles L 134-9 et L 134-10 selon lesquelles : "la commission est acquise dès que le mandant a exécuté l'opération ou devrait l'avoir exécutée en vertu de l'accord conclu avec le tiers ou bien encore dès que le tiers a exécuté l'opération. La commission est acquise au plus tard lorsque le tiers a exécuté sa part de l'opération ou devrait l'avoir exécutée si le mandant avait exécuté sa propre part. Elle est payée au plus tard le dernier jour du mois qui suit le trimestre au cours duquel elle était acquise" et "Le droit à la commission ne peut s'éteindre que s'il est établi que le contrat entre le tiers et le mandant ne sera pas exécuté et si l'inexécution n'est pas due à des circonstances imputables au mandant. Les commissions que l'agent commercial a déjà perçues sont remboursées si le droit y afférent est éteint" ; Qu' ainsi, s'il est constant que c'est au mandant qu'il incombe de rapporter la preuve de l'extinction de son obligation à payer les commissions correspondant aux contrats souscrits, encore faut-il que le mandataire rapporte lui-même la preuve de la réalité, et par là même du sérieux, des commandes passées par son intermédiaire ; Or, la société Asiatex produit de très nombreux courriers et messages adressés à M. [H] pour lui faire part de son désaccord quant aux tarifs auxquels certaines de ses commandes ont été prises, celles-ci n'étant pas conformes à la grille tarifaire de la société, et, par suite, de sa décision de ne pas les honorer ; Que cette pratique est légitime, étant en effet rappelé que l'agent commercial n'est que le mandataire de la société et qu'il est tenu, par là même, par les tarifs de celle-ci ; Que de même, il est logique que la société Asiatex ait refusé d'honorer des commandes passées pour le compte de clients affichant déjà un encours débiteur trop important pour que la société puisse prendre le risque d'un impayé supplémentaire ; Que cette pratique était d'ailleurs conforme aux usages de l'entreprise, ainsi qu'en témoigne Mme [D], salariée de la société dont l'attestation est produite en pièce n° 23 par M. [H], la salariée expliquant en effet que celui-ci "appelait systématiquement M. [I] [Y] [responsable de la société] pour valider les remises demandées par ses clients ou pour les commandes spéciales", ou encore que "toutes les commandes étaient validées par M. [Y] après vérification de la solvabilité des clients" ; Que dès lors, M. [H] ne saurait exiger le paiement de commissions sur des ventes qui n'ont finalement jamais eu lieu dans la mesure où la société Asiatex avait des motifs légitimes de les refuser ; (?)

Que pour justifier son refus de verser à son ex-agent commercial les indemnités de préavis et de rupture prévues aux articles L 134-11 et L 134-12 du code de commerce, la société Asiatex fait valoir que M. [H] s'est rendu coupable de plusieurs fautes graves, notamment des "erreurs grossières" dans la prise de commandes (et des manoeuvres destinées à majorer artificiellement le montant des commissions) ;

Que (la société Asiatex) reproche à M. [H] de s'être affranchi des tarifs pratiqués par sa mandante, quitte à lui imposer des commandes à des prix très défavorables ; Que cependant, il a déjà été expliqué précédemment que la société Asiatex demeurait libre d'honorer ou non de telles commandes, celle-ci ne s'étant d'ailleurs pas privée de ne pas y donner suite lorsqu'elle les estimait insuffisamment rentables ; Que par ailleurs et au vu des pièces du dossier, il est manifeste que M. [H] bénéficiait d'une très grande liberté de négociation tarifaire tant avec les clients qu'avec la société Asiatex, laquelle, toujours informée des tarifs auxquels son agent parvenait à obtenir ses commandes, conservait toujours sa liberté de ne pas les valider ; Qu'ainsi, cette pratique de l'agent commercial, au demeurant parfaitement connue de sa mandante, ne relève nullement d'une faute, a fortiori grave au sens de la définition précitée ; (?)

Que l'appelante explique avoir appris incidemment que son agent commercial vendait des produits concurrents des siens et ce, pour le compte des sociétés Mod'Express et Texpoint ; Que M. [H] s'en défend, faisant valoir d'une part que ces deux sociétés ne vendaient pas les mêmes vêtements que la société Asiatex, d'autre part qu'il était libre de représenter d'autres mandants que la seule société Asiatex, alors au surplus que celle-ci connaissait parfaitement cette triple activité puisque M. [H] l'exerçait déjà à l'époque où il était salarié de la société ; Qu' en effet et ainsi que le tribunal l'a justement observé, il résulte des pièces du dossier : - qu'avant d'accéder au statut d'agent commercial au début de l'année 2011, M. [H] travaillait déjà pour le compte de la société Asiatex en qualité de salarié sous le statut de VRP "multi-cartes", représentant dès cette époque les sociétés Mod'Express et Texpoint dont les noms étaient d'ailleurs enregistrés par l'organisme de sécurité sociale auprès duquel M. [H] était alors enregistré (la CCVRP) ; - qu'en sa qualité d'employeur de l'intéressé, la société Asiatex ne pouvait pas ignorer cette situation, la cour constatant en effet : * que l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Rennes dans le litige prud'homal opposant M. [H] à la société Asiatex qualifie l'intéressé de "VRP multi- cartes", ce qualificatif étant présenté comme un fait acquis et connu de tous ; * que d'ailleurs, la société Asiatex se garde bien de produire le contrat de travail qui, par hypothèse, aurait pu faire mention de l'exclusivité qu'elle revendique aujourd'hui ; Que l'article L 134-3 autorise par principe un agent commercial indépendant à travailler pour le compte de plusieurs mandants, sauf pour l'un d'entre eux à faire savoir à son mandataire qu'il s'y oppose, opposition que la société Asiatex ne justifie pas avoir manifestée auprès de l'intéressé lorsqu'elle a accepté de transformer son contrat de travail en contrat d'agence ; Que "l'exclusivité" évoquée par M. [H] dans sa lettre du 27 décembre 2010 ne s'entend pas de celle à laquelle il se serait engagée envers la société Asiatex, mais seulement de celle que la mandante lui a accordée "sur la région Ouest pour les départements 14, 22, 29, 35, 37, 50, 56 ,44, 49, 53, 61, 72" ;

Qu' enfin, il n'est pas non plus justifié de ce que M. [H] aurait manqué à son obligation de loyauté envers sa mandante, alors en effet qu'il résulte de nombreuses pièces et attestations produites par lui que les vêtements qu'il a commercialisés pour le compte des sociétés Mod'Express et Texpoint ne sont pas les mêmes que ceux qu'il commercialisait alors pour le compte de la société Asiatex ;

Qu' ainsi, ce reproche, tiré d'un prétendu manquement au devoir de loyauté, qui est apparu pour la première fois dans la lettre de rupture du 7 novembre 2011, apparaît comme un moyen très opportun de se débarrasser sans frais d'un agent commercial qui commençait à se montrer très insistant pour réclamer le paiement de ses commissions au taux convenu entre les parties, alors que la société Asiatex prétendait lui imposer une réduction de ce taux; à cet égard, la cour rappelle que cette rupture est intervenue seulement quelques jours après l'envoi d'une lettre de l'agent commercial qui, en date du 24 octobre 2011, non seulement maintenait sa réclamation de commissions au taux unique de 10,5 %, mais également contestait le relevé de commissions qu'il venait de recevoir et qu'il estimait incomplet.

Qu' en conséquence et dans la mesure où aucune faute, a fortiori grave, n'est établie à l'encontre de M. [H], celui-ci a droit aux indemnités légales de préavis et de rupture ;

1° Alors d'une part que les contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants étant conclus dans l'intérêt commun des parties (article L. 134-4 du code de commerce), les manquements répétés de l'agent commercial aux tarifs de son mandant constitue une faute grave dès lors qu'ils portent atteinte aux intérêts commerciaux de ce dernier et, partant, à une obligation essentielle découlant du contrat et rendant sa continuation impossible ; Que pour dire que le non-respect par M. [H] des directives tarifaires de la société Asiatex – jusqu'à obtenir « des commandes à des prix très défavorables » – était une « pratique » non fautive, a fortiori non constitutive de faute grave, la cour retient que la société mandante demeurait libre de ne pas honorer ces commandes ; Qu'en statuant ainsi la cour, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations sur le caractère très fréquent de cette « pratique » de commandes « insuffisamment rentables », alors que l'agent est « tenu (?) par les tarifs » de sa mandante et qu'en conséquence, celle-ci avait « des motifs légitimes de les refuser » ce qu'elle avait dû faire à de nombreuses reprises, a violé ensemble par refus d'application les articles 1147 ancien du code civil, L. 134-4, L 134–11, alinéa 5 et L. 134-13, 1° du code de commerce ;

2° Alors de deuxième part que pour rejeter le grief de la société Asiatex qui reprochait à M. [H] une concurrence déloyale et un manquement à son obligation de loyauté en commercialisant des produits des sociétés concurrentes Mod'Express et Texpoint sans l'en avoir préalablement informée ni a fortiori obtenu son autorisation, la cour a considéré que la société Asiatex avait une connaissance de cette triple activité puisque M. [H] l'exerçait déjà à l'époque où il était salarié de la société « sous le statut de VRP "multi-cartes", représentant dès cette époque les sociétés Mod'Express et Texpoint dont les noms étaient d'ailleurs enregistrés par l'organisme de sécurité sociale auprès duquel M. [H] était alors enregistré (la CCVRP) » ; Qu' en statuant ainsi, alors que ce document (versées aux débats en pièce n° 32 produite par l'agent) ne mentionnait nullement le nom de ces deux sociétés comme l'avait souligné la société Asiatex, la cour en a dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 ancien du code civil ;

3° Alors de troisième part que pour rejeter le grief de la société Asiatex qui reprochait à M. [H] une concurrence déloyale et un manquement à son obligation de loyauté en commercialisant des produits des sociétés concurrentes Mod'Express et Texpoint sans l'en avoir préalablement informée ni a fortiori obtenu son autorisation, la cour a considéré que la société Asiatex avait une connaissance de cette triple activité puisque M. [H] l'exerçait déjà à l'époque où il était salarié et « qu'en sa qualité d'employeur de l'intéressé, la société Asiatex ne pouvait pas ignorer cette situation, la cour constatant en effet que l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Rennes dans le litige prud'homal opposant M. [H] à la société Asiatex qualifie l'intéressé de "VRP multi- cartes", ce qualificatif étant présenté comme un fait acquis et connu de tous » ; Qu' en statuant ainsi, alors que cette décision se bornait à dire, dans la présentation des faits qui lui étaient soumis que « M [O] [H] a été engagé le 7 mai 2009 par la SA Asiatex (?) en qualité de VRP multicartes dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée » et que « à compter du 1er janvier 2011, la relation s'est poursuivie dans le cadre d'un contrat d'agent commercial » la cour en a derechef dénaturé les termes clairs et précis, en violation de l'article 1134 ancien du code civil ;

4° Alors de quatrième part qu' en disposant que « l'agent commercial peut accepter sans autorisation la représentation de nouveaux mandants. Toutefois, il ne peut accepter la représentation d'une entreprise concurrente de celle de l'un de ses mandants sans accord de ce dernier », l'article L. 134-3 du code de commerce met à la charge de l'agent la preuve de l'autorisation donnée par son mandant d'une représentation concurrente ; Que pour rejeter le grief de la société Asiatex qui reprochait à M. [H] une concurrence déloyale et un manquement à son obligation de loyauté en commercialisant des produits des sociétés concurrentes Mod'Express et Texpoint sans l'en avoir préalablement informée ni a fortiori obtenu son autorisation, la cour a considéré que la société Asiatex avait une connaissance de cette triple activité et que « l'article L 134-3 autorise par principe un agent commercial indépendant à travailler pour le compte de plusieurs mandants, sauf pour l'un d'entre eux à faire savoir à son mandataire qu'il s'y oppose, opposition que la société Asiatex ne justifie pas avoir manifestée auprès de l'intéressé lorsqu'elle a accepté de transformer son contrat de travail en contrat d'agence » ; Qu' en statuant ainsi, la cour a renversé la charge de la preuve, violant ainsi, ensemble, les articles 1315 ancien du code civil et L. 134-3 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-16303
Date de la décision : 01/06/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 03 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 01 jui. 2022, pourvoi n°20-16303


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Cabinet Briard, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16303
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