LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2022
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 616 F-D
Pourvoi n° J 21-10.005
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022
La société Axyme, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4], prise en la personne de M. [S] [K], en qualité de liquidateur judiciaire de la société de recherche et de production des mélanges industriels, a formé le pourvoi n° J 21-10.005 contre l'arrêt rendu le 14 octobre 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 3), dans le litige l'opposant à M. [L] [R], domicilié [Adresse 1], [Localité 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société Axyme, ès qualités, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lacquemant, conseiller rapporteur, M. Ricour, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 14 octobre 2020) et les productions, M. [R], soutenant qu'un contrat de travail l'unissait à la société de recherche et de production des mélanges industriels (la société SRPMI), a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir la résiliation de ce contrat de travail et la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
2. Par arrêt du 9 février 2017, la cour d'appel de Paris, statuant sur contredit, a dit que les parties étaient liées par un contrat de travail et renvoyé l'affaire devant le conseil des prud'hommes.
3. Par jugement du 25 novembre 2020, la liquidation judiciaire de la société SRPMI a été prononcée et la société Axyme, en la personne de M. [S] [K], désignée en qualité de liquidatrice.
Examen du moyen
Sur le moyen pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
5. La société Axyme, ès qualités, fait grief à l'arrêt de fixer le salaire net mensuel du salarié à 5 000 euros, de dire que la résiliation judiciaire s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de condamner l'employeur à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires pour la période du 1er novembre 2008 à fin février 2012, d'indemnité de préavis et de congés payés afférents, d'indemnités de licenciement et pour travail dissimulé, alors « qu'en tout état de cause, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois pour un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté, dans une entreprise employant habituellement plus de dix salariés ; qu'en condamnant la société SRPMI à verser à M. [R] l'équivalent de six mois de salaire à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans avoir constaté que l'entreprise employait habituellement plus de dix salariés, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
6. Le salarié soutient que l'employeur n'a, à aucun moment, contesté l'application de l'article L. 1235-3 du code du travail invoqué dans les conclusions du salarié et que la critique présentée dans le moyen est dès lors incompatible avec la thèse soutenue en appel.
7. Cependant, le moyen n'est pas incompatible avec l'argumentation soutenue par l'employeur qui indiquait dans ses conclusions employer moins de dix salariés et contestait l'indemnisation sollicitée par le salarié au visa de l'article L. 1235-5 du code du travail.
8. Le moyen est donc recevable.
Bien fondé du moyen
Vu l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 et l'article L. 1235-5 du même code dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
9. Il résulte de ces textes que le salarié dont le licenciement n'est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse a droit à l'indemnité pour licenciement abusif prévue par l'article L. 1235-5 du code du travail quand il a moins de deux ans d'ancienneté ou quand son entreprise employait habituellement moins de onze salariés, et à l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prévue à l'article L. 1235-3 dans les autres cas.
10. Pour condamner l'employeur à payer au salarié la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt, après avoir fixé le montant mensuel du salaire à la somme de 5 000 euros, retient qu'aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable en l'espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse et qu'il n'y a pas de réintégration du salarié dans l'entreprise, il est octroyé au salarié à la charge de l'employeur une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et que compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté et de sa capacité à trouver un nouvel emploi, les premiers juges ont fait une juste appréciation du préjudice subi en application de l'article L. 1235-3 du code du travail en lui allouant cette somme.
11. En se déterminant ainsi, sans constater que l'entreprise occupait habituellement au moins onze salariés, alors que l'employeur indiquait, sans être contredit, employer moins de dix salariés, la cour d'appel, qui n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, n'a pas donné de base légale à sa décision.
Portée et conséquences de la cassation
13. La cassation prononcée ne s'étend pas aux autres chefs de dispositif visés par le moyen que la critique qu'il formule n'est pas susceptible d'atteindre.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société SRPMI à payer à M. [R] la somme de 30 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 14 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour la société de recherche et de production des mélanges industriels
La société Axyme, ès qualités, fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir fixé le salaire net mensuel de M. [R] à 5.000 euros, d'avoir dit que la résiliation judiciaire s'analyse comme un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Srpmi à verser à M. [R] les sommes suivantes avec intérêts : - 180.000 euros à titre de rappel de salaire du 1er novembre 2008 à fin février 2012, période fixée par le conseil comme étant la période du contrat de travail, - 18.000 euros au titre des congés pays afférents, - 15.000 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, - 1.500 euros au titre des congés payés afférents, - 6.666,66 euros à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement, - 30.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, - 30.000 euros au titre du travail dissimulé ;
1°) ALORS QU'il appartient au salarié qui sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail de démontrer qu'il est resté au service de son employeur au-delà de la date à laquelle il a formé sa demande ; qu'en retenant, pour fixer au 1er avril 2012 la date d'effet de la résiliation judiciaire sollicitée par M. [R] le 15 septembre 2009, et ainsi condamner l'employeur au versement de salaires jusqu'à cette date, que ce dernier ne démontrait pas la volonté du salarié de mettre fin au contrat avant mars 2012, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315 du code civil, dans sa rédaction antérieur à l'ordonnance du 10 février 2016 ;
2°) ALORS QUE, en tout état de cause, le montant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ne peut être inférieur aux salaires des six derniers mois pour un salarié ayant au moins deux ans d'ancienneté, dans une entreprise employant habituellement plus de dix salariés ; qu'en condamnant la société Srpmi à verser à M. [R] l'équivalent de six mois de salaire à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans avoir constaté que l'entreprise employait habituellement plus de dix salariés, ce qui était contesté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1235-3 et L. 1235-5 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause ;
3°) ALORS QUE le travail dissimulé suppose la caractérisation de l'intention ; qu'en se bornant à relever, pour retenir l'existence d'un travail dissimulé, et indemniser le salarié à ce titre, que l'employeur s'était délibérément soustrait à ses obligations d'établir un contrat de travail et de fournir des bulletins de salaire, sans rechercher, comme elle y était invitée, si la circonstance que la relation entre la société Srpmi et M. [R] ait d'abord été de nature commerciale, avant d'évoluer vers une relation salariale, n'était pas de nature à exclure l'intention de l'employeur de dissimuler le travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail.