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25/05/2022 | FRANCE | N°20-16554

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 25 mai 2022, 20-16554


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 646 F-D

Pourvoi n° H 20-16.554

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 novembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________

________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022

La société H...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mai 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 646 F-D

Pourvoi n° H 20-16.554

Aide juridictionnelle partielle en défense
au profit de Mme [O].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 24 novembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 25 MAI 2022

La société Hôtel du Cap Eden Roc, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-16.554 contre l'arrêt rendu le 12 mars 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 4-5), dans le litige l'opposant à Mme [T] [O], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Mme [T] [O] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Hôtel du Cap Eden Roc, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [O], après débats en l'audience publique du 30 mars 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Monge, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence,12 mars 2020), Mme [O] a été engagée à compter du 20 mai 1996 et jusqu'en octobre 2015, selon plusieurs contrats à durée déterminée, par la société Hôtel du Cap Eden Roc en qualité de femme de chambre.

2. La relation de travail ayant pris fin, elle a saisi la juridiction prud'homale, le 22 avril 2016, d'une demande de requalification des contrats à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée et de demandes pécuniaires subséquentes.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen du pourvoi incident

Enoncé du moyen

4. La salariée fait grief à l'arrêt de limiter le montant de l'indemnité légale de licenciement à une certaine somme, alors « qu'en application de l'article L. 1242-1 du code du travail, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ; que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier ; qu'il en résulte que, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié remonte à la date de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ; qu'en limitant le montant de l'indemnité allouée à la salariée aux motifs que celle-ci ne pouvait se prévaloir d'une ancienneté de 19 ans, quand elle a prononcé la requalification de ses contrats à durée déterminée du 20 mai 1996 au 11 octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9 et L. 1242-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 :

5. Selon ce texte, les effets de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée remontent à la date de la conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier.

6. Pour limiter le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 8 562,10 euros, calculée sur une période de dix années, l'arrêt retient que la salariée ne peut se prévaloir d'une ancienneté de 19 ans.

7. En statuant ainsi, alors qu'elle avait prononcé la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 26 mai 1996, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il limite la condamnation de la société Hôtel du Cap Eden Roc à payer à Mme [O] la seule somme de 8 562,10 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, l'arrêt rendu le 12 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;

Condamne la société Hôtel du Cap Eden Roc aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Hôtel du Cap Eden Roc et la condamne à payer à Mme [O] la somme de 172 euros et à la SCP Thouvenin Coudray Grévy la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour la société Hôtel du Cap Eden Roc, demanderesse au pourvoi principal

Le moyen fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir requalifié les contrats à durée déterminée du 20 mai 1996 au 11 octobre 2015 en contrat à durée indéterminée, d'avoir dit que la rupture du contrat de travail par la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC constituait un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir, par conséquent, condamné la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC à payer à Madame [T] [O], épouse [E], les sommes de 8 562 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 856,21 euros à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis, 8 562,10 euros à titre d'indemnité légale de licenciement, 45 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 4 281,05 euros à titre d'indemnité de requalification, et d'avoir ordonné à la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC de remettre à Madame [T] [O], épouse [E] ses bulletins de salaire, le certificat de travail et l'attestation Pôle emploi rectifiés conformément à l'arrêt ;

AUX MOTIFS, D'UNE PART, QU'à l'action en requalification, la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription ; qu'en application de l'article 2262 du code civil, les actions en requalification et en contestation de la rupture d'un contrat de travail étaient initialement soumises à la prescription trentenaire, dont la durée a été substantiellement réduite à cinq ans puis à deux ans par les lois n° 2008-56l du 17juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile (article 2224 du code civil) et n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, entrée en vigueur le 17 juin 2013, (article L. 1471-1 du code du travail) ; qu'il résulte de ces dispositions que les actions en cause sont soumises à la prescription fixée par l'article L. 1471-1 du code du travail, aux termes duquel, « toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit » ; qu'à titre transitoire, il est cependant prévu que les nouvelles dispositions s'appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de la promulgation de la loi sans que leur durée totale puisse excéder celle prévue par la loi ancienne (cinq ans) ; qu'en matière de requalification du contrat à durée déterminée, il est constant que le délai de prescription court à compter de sa conclusion dans l'hypothèse où l'action est fondée sur l'absence de mention obligatoire au contrat nu à compter de la date de la rupture de la relation contractuelle ; qu'en application de ces principes, Madame [O] disposait d'un délai pour agir de deux ans à compter de la cessation de la relation de travail ; que celle-ci ayant pris fin au 11 octobre 2015, Madame [O] pouvait agir jusqu'au 11 octobre 2017 ; que la juridiction prud'homale ayant été saisie le 22 avril 2016, soit dans le délai prévu à l'article L. 1471-1 précité, son action est recevable ;

AUX MOTIFS, D'AUTRE PART, QUE sur le bienfondé de la demande en requalification en contrat à durée indéterminée ; qu'il est constant que la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite, au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée, dans la mesure où la durée, même très longue, pendant laquelle un salarié occupe un emploi saisonnier ne fait pas pour autant disparaître le caractère saisonnier de cet emploi et donc la possibilité pour l'employeur, en application des dispositions de l'article L. 1242-2-3°, de continuer à conclure avec ce salarié, des contrats à durée déterminée pour les saisons à venir ; que cependant, l'employeur ne bénéficie pas de cette faculté lorsque les contrats saisonniers sont assortis d'une clause de reconduction pour la saison suivante ou encore, lorsque, de façon récurrente sur une longue période, le salarié occupe chaque année un emploi pour la durée d'une saison qui coïncide avec la période d'activité de l'entreprise ; que l'embauche d'un salarié pour la durée d'une saison qui correspond elle-même à la période d'activité de l'entreprise, dès lors que cette embauche se renouvelle chaque année, même en l'absence d'une clause de reconduction, a nécessairement pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que l'article L. 1242-l du code du travail, auquel ne déroge en rien l'article L. 1242-2-3°, énonce en effet qu'un contrat à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise ; que dès lors, des contrats saisonniers qui auraient un tel objet ou un tel effet doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée ; qu'en l'espèce, Madame [O] a régulièrement été embauchée entre 1996 et 2015, pour occuper le poste de femme de chambre pendant la totalité de la période d'ouverture au public de l'établissement qui recouvre toute la saison estivale d'avril à septembre ou octobre, l'établissement étendant par ailleurs son activité sur l'année ; qu'en conséquence, les contrats saisonniers conclus avec cet établissement doivent être requalifiés en contrat à durée indéterminée ;

ET AUX MOTIFS ENFIN QUE sur les sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail : que Madame [O] fait valoir que la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC a rompu la relation de travail sans invoquer le moindre motif, lui remettant en main propre le 7 octobre 2015 une lettre lui indiquant que le contrat arrivait à échéance et qu'il ne sera pas renouvelé pour la prochaine saison ; que la société HÔTEL DU CAP RDEN ROC soutient que les demandes indemnitaires liées à la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse sont particulièrement injustifiées compte tenu du départ à la retraite de Madame [O] de manière définitive en octobre 2015, à l'issue de son dernier contrat saisonnier, observant que ses démarches en vue de liquider ses droits à retraite postérieurement au 11 octobre 2015, soit après la rupture de la relation de travail, n'auraient pu permettre la notification de l'ouverture desdits droits dès les 16 novembre et 29 décembre 2015 ; que pour autant, il n'en résulte pas que la décision de la salariée de faire valoir ses droits à la retraite est indépendante de celle de l'employeur de rompre la relation contractuelle ; que par ailleurs, l'argument selon lequel en cas de cumul emploi-retraite, la « relation globale à durée indéterminée » existant entre Madame [O] et la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC depuis 1996 aurait nécessairement été rompue à l'issue de la saison 2015 à l'initiative de la salariée même si elle avait été amenée à retravailler pour l'hôtel, est inopérant, dès lors qu'elle se trouvait alors sous contrat à durée déterminée ; Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés y afférents : qu'en application des dispositions de l'article 30 de la convention collective nationale des Hôtels, Cafés, Restaurants, en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, la durée du préavis est fixée en fonction de l'ancienneté continue ; que les employés bénéficient d'un préavis de 2 mois pour une ancienneté supérieure à 2 ans ; que la demande de Madame [O] est fondée ; qu'il lui sera alloué les sommes de 8 562 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et de 856,21 euros à titre de congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis ; Sur l'indemnité légale de licenciement : qu'en application de l'article L. 1234-9 du code du travail, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte une année d'ancienneté ininterrompue au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement ; qu'il lui sera alloué la somme de 8 562,10 euros de ce chef, calculée comme suit : 4281, 05/5 x 10 ans, dès lors que la salariée ne peut se prévaloir d'une ancienneté de 19 ans ; Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'au moment de la rupture de son contrat de travail, Madame [O] comptait au moins deux années d'ancienneté et la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC employait habituellement au moins onze salariés ; qu'en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, Madame [O] peut prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ne peut être inférieure au montant des salaires bruts qu'elle a perçus pendant les six derniers mois précédant son licenciement, soit en l'espèce un salaire de 4 281,05 euros ; qu'en raison de l'âge de la salariée au moment de son licenciement, comme étant née en 1950, de son ancienneté dans l'entreprise, du montant de la rémunération qui lui était versée, il lui sera alloué une somme de 45000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation du préjudice matériel et moral qu'elle a subi ; Sur l'indemnité de requalification : qu'en application des dispositions de l'article L. 1245-2 du code du travail, la salariée a droit à une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire ; qu'il lui sera alloué la somme de 4 281,05 euros ; Sur les autres demandes : que la cour ordonnera à la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC de remettre à Madame [O] les documents de fin de contrat rectifiés : l'attestation destinée au Pôle emploi, le certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision ;

1° ALORS QU'aux termes de l'article L. 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l'exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit ; qu'ainsi le délai de prescription d'une action en requalification d'un ou de plusieurs contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée fondée sur son utilisation pour pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise court à compter du jour où le salarié a su qu'il était affecté à cette activité normale et permanente ; qu'en affirmant qu'en matière de requalification du contrat à durée déterminée, il était constant que le délai de prescription courait à compter de sa conclusion dans l'hypothèse où l'action était fondée sur l'absence de mention obligatoire au contrat ou à compter de la date de la rupture de la relation contractuelle pour les autres cas, pour décider que le délai de prescription de l'action en requalification de Madame [O] courait à compter du terme du dernier contrat, soit à partir du 11 octobre 2015, sans rechercher la date à laquelle la salariée avait connu ou aurait dû connaître le fait qu'elle occupait un emploi correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1471-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

2° ALORS QUE le contrat de travail à durée déterminée présente un caractère saisonnier lorsque l'emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixe en fonction du rythme des saisons et des modes de vies collectifs ; qu'en se bornant à énoncer, pour requalifier les contrats saisonniers conclus entre 1996 et 2015 en contrat à durée indéterminée, que Madame [O] avait été régulièrement embauchée entre 1996 et 2015 pour occuper le poste de femme de chambre pendant la totalité de la période d'ouverture au public de l'établissement qui recouvrait toute la saison estivale d'avril à septembre ou octobre, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé les articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et L. 1245-1 du code du travail ;

3° ALORS QU'il ressort des dispositions des articles L. 1242-2 et L. 1244-1 du code du travail que la faculté pour un employeur de conclure des contrats à durée déterminée successifs avec le même salarié afin de pourvoir un emploi saisonnier n'est assortie d'aucune limite au-delà de laquelle s'instaurerait entre les parties une relation de travail globale à durée indéterminée ; qu'en jugeant le contraire, au motif que l'embauche de la salariée pour la durée d'une saison correspondait elle-même à la période d'activité de l'entreprise, et que cette embauche, qui se renouvelait chaque année, même en l'absence d'une clause de reconduction, avait nécessairement pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, quand elle avait constaté que l'établissement étendait son activité sur l'année, ce dont il résultait que la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC était ouverte toute l'année, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

4° ALORS QUE pour être considérée comme saisonnière, l'activité doit varier en fonction du rythme des saisons et non en fonction de la seule volonté de l'employeur ; qu'en décidant que l'embauche de la salariée pour la durée d'une saison correspondait elle-même à la période d'activité de l'entreprise, et que cette embauche, qui se renouvelait chaque année, même en l'absence d'une clause de reconduction, avait nécessairement pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, sans rechercher, comme elle y était invité, si la période d'activité était indépendante de l'employeur (cf. prod n° 3, p. 15 § 3), la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-1, L. 1242-2, 3° et L. 1245-1 du code du travail ;

5° ALORS QUE la reconduction de contrats saisonniers en application du mécanisme conventionnel prévu par les dispositions susvisées n'a pas pour effet d'entraîner la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée ; qu'en affirmant, pour dire qu'il y avait lieu de requalifier les contrats de travail saisonniers de 1996 à 2015 en contrat de travail à durée indéterminée, que l'embauche d'un salarié pour la durée d'une saison qui correspond elle-même à la période d'activité de l'entreprise, dès lors que cette embauche se renouvelle chaque année, même en l'absence d'une clause de reconduction, a nécessairement pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, la cour d'appel a violé l'article 14.2 de la convention collective des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997 ensemble les articles L. 1242-l, L. 1242-2 3°, L. 1244-1, L. 1244-2 et L. 1245-1 du code du travail ;

6° ALORS QUE la société HÔTEL DU CAP EDEN ROC faisait valoir que les demandes indemnitaires liées à la requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse étaient particulièrement injustifiées compte tenu du départ à la retraite de Madame [O] de manière définitive en octobre 2015, à l'issue de son dernier contrat saisonnier, et faisait observer que ses démarches en vue de liquider ses droits à retraite postérieurement au 11 octobre 2015, soit après la rupture de la relation de travail, n'auraient pu permettre la notification de l'ouverture desdits droits dès les 16 novembre et 29 décembre 2015 ; qu'elle ajoutait que lesdites démarches devaient être engagées six à quatre mois avant la date de départ envisagé (cf. prod n° 3, p. 24) ; qu'en décidant qu'il n'en résultait pas pour autant que la décision de la salariée de faire valoir ses droits à la retraite aurait été indépendante de celle de l'employeur de rompre la relation contractuelle sans prendre en compte la circonstance que la démarche de la salariée nécessitait d'être engagée quatre à six à quatre mois avant la date de départ envisagé, ce dont il résultait que l'initiative de la rupture du contrat procédait de la salariée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1242-l, L. 1244-1, L. 1244-2 et L. 1245-1 du code du travail.

Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour Mme [O], demanderesse au pourvoi incident

Mme [O] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité le montant de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 8.562,10 euros.

ALORS QU'en application de l'article L. 1242-1 du code du travail, par l'effet de la requalification des contrats à durée déterminée, le salarié est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ; que le salarié est en droit, lorsque la demande en requalification est reconnue fondée, de se prévaloir d'une ancienneté remontant au premier contrat irrégulier ; qu'il en résulte que, pour le calcul de l'indemnité de licenciement, l'ancienneté du salarié remonte à la date de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier ; qu'en limitant le montant de l'indemnité allouée à la salariée aux motifs que celle-ci ne pouvait se prévaloir d'une ancienneté de 19 ans, quand elle a prononcé la requalification de ses contrats à durée déterminée du 20 mai 1996 au 11 octobre 2015, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-9 et L. 1242-1 du code du travail, le premier dans rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-16554
Date de la décision : 25/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 12 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 25 mai. 2022, pourvoi n°20-16554


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16554
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