LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 25 mai 2022
Rejet
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 328 F-D
Pourvoi n° N 19-18.625
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 25 MAI 2022
M. [C] [W], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 19-18.625 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2019 par la cour d'appel de Cayenne (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Antilles Guyane, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Guerlot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [W], de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de la société BNP Paribas Antilles Guyane, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Guerlot, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Cayenne, 8 avril 2019), par un acte du 4 juillet 2011, la société BNP Paribas (la banque) a consenti à la société ETPS (la société) un prêt garanti pour partie par le cautionnement de M. [W], gérant de la société ETPS. La société ayant été mise en sauvegarde puis en redressement et liquidation judiciaires, la banque a assigné la caution en paiement.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. [W] fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à la banque une certaine somme, alors :
« 1°/ que l'interdiction, pour un créancier professionnel, de se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, n'est pas limitée aux cautionnements garantissant les seules opérations de crédit mais s'applique quelle que soit la nature de l'obligation garantie ; qu'en déclarant le code de la consommation inapplicable au crédit litigieux en raison de sa finalité professionnelle et de la qualité de l'emprunteur, personne morale, la cour d'appel a violé [l'article] L. 341-4, du code de la consommation [,alors applicable] ;
2°/ que la qualité de caution avertie ne peut résulter de son seul statut de dirigeant social ; qu'en se fondant sur ses qualités de gérant principal de la société emprunteuse, de PDG salarié de la société HMP et de dirigeant d'autres sociétés pour considérer l'exposant comme une caution avertie, la cour d'appel a violé l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil ;
3°/ qu'en relevant que le parcours professionnel antérieur d'ingénieur au sein de la société EDF avait rompu l'exposant aux affaires, sans mieux expliquer en quoi de telles fonctions constituaient une expérience de nature à lui permettre de mesurer le risque pris en se portant caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147, devenu 1231-1, du code civil. »
Réponse de la Cour
3. En premier lieu, bien que fondé, le grief pris de la violation de l'article L. 341-4 du code de la consommation, alors applicable, est inopérant dès lors que la cour d'appel a par ailleurs retenu que les revenus de M. [W], comme son patrimoine, étaient proportionnés au montant de son engagement.
4. En second lieu, c'est sans se fonder sur sa seule qualité de dirigeant de la société cautionnée, mais sur son expérience professionnelle, sur son aptitude à appréhender des montages financiers et fiscaux et sur sa connaissance du monde des affaires résultant, non seulement de son parcours professionnel antérieur, mais aussi de son expérience de dirigeant d'entreprises, que la cour d'appel a retenu que M. [W] était une caution avertie, de sorte que la banque n'était pas tenue d'un devoir de mise en garde à son égard.
5. Inopérant en sa première branche, le moyen n'est donc pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [W] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [W] et le condamne à payer à la société BNP Paribas Antilles Guyane la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mai deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [W].
Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné une caution (M. [W], l'exposant) à payer au prêteur de deniers (la BNP Paribas Guyane) la somme de 121 204 €, avec intérêts au taux légal à compter du 20 mars 2015 ;
AUX MOTIFS QUE, pour retenir la responsabilité de la banque, les premiers juges avaient fait application des dispositions du code de consommation, notamment de son article L. 341-18 ; que, en l'espèce, le code de consommation ne s'appliquait pas ; qu'il ressortait des dispositions des articles L. 311-1 du code de la consommation, dans ses dispositions en vigueur à la conclusion du contrat litigieux, que, « au sens du présent chapitre, sont considérés comme (?) 2° emprunteur ou consommateur, toute personne physique qui est en relation avec un prêteur, dans le cadre d'une opération de crédit réalisée ou envisagée dans un but étranger à son activité commerciale ou professionnelle » ; que le contrat de crédit litigieux ayant été consenti à une société commerciale par nature, la Sarl ETPS, était exclu du champ d'application du code de la consommation à raison de la qualité de l'emprunteur, personne morale ; qu'il était également exclu à raison de la finalité professionnelle du crédit souscrit ; que la motivation du jugement entrepris ne pouvait dès lors être retenue (arrêt attaqué, p. 3) ; que le devoir de mise en garde consistait pour l'établissement de crédit à alerter l'emprunteur non averti au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt ; qu'il était à distinguer de l'obligation d'information et de conseil ; qu'en l'espèce, la banque BNP Paribas Guyane apportait la preuve que, au moment de la conclusion du prêt en cause et de la souscription de la caution litigieuse : - M. [W] était le seul gérant de la Sarl emprunteuse, - il était le PDG salarié de la Sas HMP (Holding [C] [W]), holding notamment titulaire du capital de la Sarl ETPS, mais aussi d'autres sociétés dans lesquelles il exerçait des fonctions de dirigeant et disposait de parts du capital, notamment la Sarl Guyabornes, comme le démontraient les K-bis et statuts de ces deux sociétés, - son parcours professionnel antérieur de cadre ingénieur dans la société EDF et de dirigeant de société l'avait rompu aux affaires, - il avait une capacité à gérer ses affaires générant des revenus fonciers, et une habileté fiscale, à savoir profiter des mesures de défiscalisation, comme le démontraient ses avis d'imposition 2010 et 2011 ; qu'il en ressortait que M. [W] disposait bien des compétences et de l'expérience pour mesurer le risque pris en s'engageant, qu'il n'était pas inexpérimenté, ni non impliqué dans la Sarl ETPS emprunteuse ;
ALORS QUE, d'une part, l'interdiction, pour un créancier professionnel, de se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, n'est pas limitée aux cautionnements garantissant les seules opérations de crédit mais s'applique quelle que soit la nature de l'obligation garantie ; qu'en déclarant le code de la consommation inapplicable au crédit litigieux en raison de sa finalité professionnelle et de la qualité de l'emprunteur, personne morale, la cour d'appel a violé les articles L. 341-4, devenu L. 314-18 du code de la consommation ;
ALORS QUE, d'autre part, la qualité de caution avertie ne peut résulter de son seul statut de dirigeant social ; qu'en se fondant sur ses qualités de gérant principal de la société emprunteuse, de PDG salarié de la SAS HMP et de dirigeant d'autres sociétés pour considérer l'exposant comme une caution avertie, la cour d'appel a violé l'article 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code ;
ALORS QUE, en outre, en relevant que le parcours professionnel antérieur d'ingénieur au sein de la société EDF avait rompu l'exposant aux affaires, sans mieux expliquer en quoi de telles fonctions constituaient une expérience de nature à lui permettre de mesurer le risque pris en se portant caution, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil, devenu 1231-1 du même code.