LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 19 mai 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 523 F-D
Pourvoi n° V 20-21.419
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 19 MAI 2022
1°/ la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ M. [S] [P] [V] [N], domicilié [Adresse 5], exploitant une entreprise individuelle à l'enseigne Entreprise CTA,
ont formé le pourvoi n° V 20-21.419 contre l'arrêt rendu le 27 août 2020 par la cour d'appel de Papeete (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [X] [K], domicilié [Adresse 3],
2°/ à M. [Y] [Z], domicilié [Adresse 8],
3°/ au laboratoire des travaux publics, société anonyme d'économie mixte, dont le siège est [Adresse 1],
4°/ à la société Mahuru, société civile agricole, dont le siège est [Adresse 6],
5°/ à Mme [M] [D] épouse [L], domiciliée [Adresse 7],
6°/ à la société Chunne, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Kermina, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD et de M. [V] [N], de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et Associés, avocat de M. [Z], et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Kermina, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société Axa France IARD et à M. [V] [N] du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Laboratoire des travaux publics, la société Mahuru, Mme [D] et la société Chunne.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Papeete, 27 août 2020), statuant sur renvoi après cassation (3e Civ., 26 novembre 2015, pourvoi n° 14-17.002), la maison de M. [K], située sur une parcelle en contrebas de la parcelle sur laquelle M. [V] [N] effectuait des travaux sous la maîtrise d'oeuvre de M. [Z], a été détruite à la suite du glissement d'un terrain.
3. M. [K] a assigné en indemnisation M. [Z] et celui-ci a appelé en cause M. [V] [N] en invoquant la garantie contractuelle de ses fautes en application des stipulations du marché de terrassement conclu entre eux.
4. M. [Z] a relevé appel du jugement l'ayant déclaré, avec M. [V] [N], responsable des dommages subis par M. [K] et les ayant condamnés in solidum à lui payer une certaine somme en réparation de son préjudice, comprenant un préjudice locatif de 33 mois.
5. L'arrêt de la cour d'appel de Papeete du 29 août 2013 rejetant l'appel et les appels incidents, confirmant le jugement, et, y ajoutant, condamnant M. [Z] et M. [V] [N] in solidum à payer à M. [K] une certaine somme pour la perte de ses revenus locatifs et le coût de la reconstruction d'un mur de soutènement et réservant ses droits pour le surplus de sa perte de revenus locatifs, a été cassé en ses seules dispositions rejetant la demande en garantie de M. [Z] à l'encontre de M. [V] [N].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
7. La société Axa France Iard et M. [V] [N] font grief à l'arrêt de condamner M. [V] [N], in solidum avec M. [Z] à verser à M. [K] la somme complémentaire de 9.400.000 FCP, en réparation de sa perte nette de revenus locatifs pour la période de septembre 2010 à février 2019 et de dire que la charge de cette indemnité complémentaire sera répartie entre eux sur la base de leur contribution à la dette présentement fixée, alors «, en toute hypothèse, que les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance ; que, dans son arrêt du 29 août 2013, la cour d'appel de Papeete, après lui avoir alloué une indemnisation pour la perte de revenus locatifs sur la période allant jusqu'au 25 août 2010, a « réservé les droits de [X] [K] pour le surplus de sa perte de revenus locatifs » ; qu'en condamnant M. [V] [N], in solidum avec M. [Z], à indemniser M. [K] pour la perte de revenus locatifs pour la période postérieure au 25 août 2010 cependant que cette demande n'avait jamais été présentée aux juges de première instance, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 349 du code de procédure civile de Polynésie française. »
Réponse de la Cour
8. Aux termes de l'article 349 du code de procédure civile de la Polynésie française, les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance et il ne peut être formé en cause d'appel aucune demande nouvelle à moins qu'elle ne soit défense ou connexe à la demande principale ou qu'il s'agisse de compensation.
9. Ayant constaté que la demande en paiement de perte de revenus locatifs formée par M. [K], qui couvrait une période allant de septembre 2010 à février 2019, était nouvelle en cause d'appel, la perte de revenus locatifs précédemment indemnisée par le tribunal de première instance, de manière irrévocable, ayant couvert une période s'achevant au 25 août 2010 et M. [K] n'ayant pas saisi le tribunal d'une demande d'indemnisation pour la période ultérieure, c'est à bon droit que la cour d'appel, retenant, par un motif non critiqué, que la demande nouvelle de M. [K] était connexe à sa demande principale d'indemnisation, s'est prononcée sur une demande dont elle était valablement saisie.
10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Axa France IARD et M. [V] [N] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf mai deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD et M. [V] [N]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. [V] [N], in solidum avec M. [Z], à verser à M. [K] la somme complémentaire de 9.400.000 FCP, en réparation de sa perte nette de revenus locatifs pour la période de septembre 2010 à février 2019 et d'AVOIR dit que la charge de cette indemnité complémentaire serait répartie entre eux sur la base de leur contribution à la dette présentement fixée ;
1. ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'en condamnant M. [V] [N], in solidum avec M. [Z], à verser à M. [K] la somme complémentaire de 9.400.000 FCP, en réparation de sa perte nette de revenus locatifs pour la période de septembre 2010 à février 2019 cependant que ce dernier n'avait pas conclu devant elle dans cette instance et n'avait donc pas formulé une telle demande, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et ainsi violé l'article 3 du code de procédure civile de Polynésie française ;
2. ALORS EN TOUTE HYPOTHÈSE QUE les juges d'appel ne peuvent se prononcer que sur les demandes qui ont été soumises aux juges de première instance ; que, dans son arrêt du 29 août 2013, la cour d'appel de Papeete, après lui avoir alloué une indemnisation pour la perte de revenus locatifs sur la période allant jusqu'au 25 août 2010, a « réservé les droits de [X] [K] pour le surplus de sa perte de revenus locatifs » ; qu'en condamnant M. [V] [N], in solidum avec M. [Z], à indemniser M. [K] pour la perte de revenus locatifs pour la période postérieure au 25 août 2010 cependant que cette demande n'avait jamais été présentée aux juges de première instance, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 349 du code de procédure civile de Polynésie française ;
3. ALORS ENFIN QUE l'autorité de chose jugée s'oppose à ce que la même demande déjà jugée soit présentée, dans la même cause et entre les mêmes parties agissant en la même qualité, à une autre juridiction ; que la cour d'appel de Papeete, saisie par M. [K] d'une demande tendant à voir condamner MM. [V] [N] et [Z] à lui verser la somme de 9.400.000 FCP correspondant à son préjudice causé par la perte de revenus locatifs de septembre 2010 à février 2019, avait, par arrêt du 16 janvier 2020, renvoyé celui-ci à mieux se pourvoir en constatant que sa demande n'avait pas été soumise aux juges du premier degré ; que cette décision ayant autorité de chose jugée s'opposait à ce que la même cour d'appel statue sur cette même demande, sans que celle-ci ne soit soumise aux juges de première instance ; qu'en jugeant pourtant cette demande recevable et en y faisant droit, la cour d'appel de Papeete a violé l'article 1355 du code civil.