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18/05/2022 | FRANCE | N°21-82205

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 18 mai 2022, 21-82205


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 21-82.205 FS-B

N° 00517

MAS2
18 MAI 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 MAI 2022

M. [TL] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Charente, en date du 5 mars 2021, qui, pour viols et agressions sexuelles, l'a condamné à q

uatorze ans de réclusion criminelle, sept ans de suivi socio-judiciaire, a décerné mandat d'arrêt et a ordonné une mesure de ...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° N 21-82.205 FS-B

N° 00517

MAS2
18 MAI 2022

CASSATION

M. SOULARD président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 18 MAI 2022

M. [TL] [X] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'assises de la Charente, en date du 5 mars 2021, qui, pour viols et agressions sexuelles, l'a condamné à quatorze ans de réclusion criminelle, sept ans de suivi socio-judiciaire, a décerné mandat d'arrêt et a ordonné une mesure de confiscation, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils.

Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.

Sur le rapport de Mme Issenjou, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de M. [TL] [X], les observations de la SCP Spinosi, avocat de Mmes [P] [L], [W] [K], [U] [M], [B] [O], [C] [Z], [WD] [V], [G] [A], [T] [E], [R] [D], [I] [F], [Y] [SJ], [J] [BC], [T] [ZJ], [MN] [CO] et [I] [S], et les conclusions de Mme Mathieu, avocat général, après débats en l'audience publique du 23 mars 2022 où étaient présents M. Soulard, président, Mme Issenjou, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, Mmes Slove, Leprieur, Sudre, MM. Turbeaux, Laurent, conseillers de la chambre, Mme Barbé, M. Mallard, Mme Guerrini, conseillers référendaires, Mme Mathieu, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [TL] [X] a été renvoyé devant la cour d'assises de la Gironde, par arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, du 21 décembre 2017, des chefs susvisés.

3. Cette cour d'assises, par arrêt du 8 février 2019, l'a reconnu coupable, l'a condamné à neuf ans d'emprisonnement, sept ans de suivi socio-judiciaire, a ordonné la confiscation des scellés et, par arrêt distinct, la cour a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [X] a relevé appel de ces décisions, le ministère public a formé appel incident et des parties civiles appel incident de l'arrêt civil.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième et cinquième moyens

5. Ils ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.

Sur le troisième moyen

Enoncé du moyen

6. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] coupable de viols et agressions sexuelles et l'a condamné de ces chefs, alors « que les témoins déposent oralement et ne peuvent, aux termes de l'article 331 du code de procédure pénale, s'aider de documents que s'ils y ont été préalablement autorisés par le président ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal des débats et de l'arrêt incident rendu le 4 mars 2021 que Mme [H] [N], témoin, « s'est aidée d'une note écrite au début de sa déposition puis librement dès que la remarque lui en a été faite », que la violation de l'article 331 est caractérisée. »

Réponse de la Cour

7. Selon l'article 331 du code de procédure pénale, les témoins, lors de leur audition devant la cour d'assises, peuvent s'aider de documents au cours de leur déposition, à la condition d'y avoir été autorisés par le président.

8. La Cour de cassation casse les arrêts de condamnation prononcés par la cour d'assises, lorsqu'il résulte du procès-verbal des débats qu'au cours de ceux-ci, un témoin s'aide d'un document, sans y avoir été autorisé par le président, si cette irrégularité fait l'objet d'un donné-acte ou d'un incident (Crim., 7 novembre 2007, pourvoi n° 07-80.437, Bull. crim. 2007, n° 267). La cassation est alors prononcée, même en l'absence de grief causé par cette irrégularité aux droits de la défense.

9. Cependant, l'article 802 du code de procédure pénale dispose qu'en cas de violation ou d'inobservation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, toute juridiction, y compris la Cour de cassation, qui est saisie d'une demande d'annulation ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la nullité que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne.

10. Par application de cette disposition, la cassation d'un arrêt de cour d'assises, en cas de méconnaissance, au cours des débats, de la formalité précitée de l'article 331 du code de procédure pénale, n'est encourue que lorsque cette inobservation a porté atteinte aux intérêts du demandeur au pourvoi.

11. Le procès-verbal des débats indique qu'au cours de l'audition du témoin Mme [N], l'avocat de l'accusé a demandé à ce qu'il lui soit donné acte de ce que ce témoin déposait avec des notes à la main.

12. Le procès-verbal mentionne que le président lui a donné acte de ce que, pendant quelques minutes, le témoin s'était aidé de notes pour faire sa déposition, et a invité le témoin à les poser pour poursuivre.

13. En cet état, et dès lors que le demandeur ne prétend pas que le recours du témoin à ses notes a porté atteinte à ses intérêts, le moyen ne peut être accueilli.

Mais sur le quatrième moyen

Enoncé du moyen

14. Le moyen critique l'arrêt pénal attaqué en ce qu'il a déclaré M. [X] coupable de viols et agressions sexuelles et l'a condamné de ces chefs, alors « que les jurés ont le devoir de ne pas manifester leur opinion ; qu'au cas d'espèce, il résulte du procès-verbal des débats que le 3 mars 2021, « le président a posé la question suivante émanant d'un juré « Monsieur [X], pensez pour vos enfants, qu'ils sauront ce que vous avez fait et ne vous le pardonneront pas tandis que si vous le reconnaissiez, ils vous pardonneraient », ce dont le président a donné acte, sur sa demande, à l'avocat de M. [X] ; que l'arrêt attaqué, rendu par un jury dans lequel siégeait le juré ayant posé cette question et ayant ainsi manifesté son opinion sur la culpabilité de M. [X], encourt la cassation. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 311 et 328 du code de procédure pénale :

15. Il résulte de ces textes que, lors des débats devant la cour d'assises, le président, les assesseurs et les jurés ne peuvent manifester leur opinion sur la culpabilité de l'accusé.

16. Le procès-verbal des débats mentionne qu'à la demande de l'avocat de la défense, le président a donné acte de ce qu'il venait de poser à l'accusé la question suivante, émanant d'un juré : « M. [X] pensez pour vos enfants, qu'ils sauront ce que vous avez fait et ne vous le pardonneront pas tandis que si vous le reconnaissiez, ils vous pardonneraient ».

17. En posant ainsi une question dans laquelle un juré donnait son opinion sur la culpabilité de l'accusé en la présentant comme établie ce qui résulte de l'emploi de l'expression « ce que vous avez fait », à propos des infractions, objet de l'accusation, le président de la cour d'assises a méconnu son obligation d'impartialité.

18. Il en résulte que la cassation est encourue de ce chef.

Portée et conséquence de la cassation

19. La cassation, qui portera sur toutes les dispositions de l'arrêt pénal, entraînera la mise en liberté immédiate, s'il n'est détenu pour autre cause, de M. [X] qui, placé sous contrôle judiciaire, a comparu libre devant la cour d'assises statuant en appel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt pénal susvisé de la cour d'assises de la Charente, en date du 5 mars 2021, ensemble la déclaration de la cour et du jury et les débats qui l'ont précédée ;

CASSE et ANNULE, par voie de conséquence, l'arrêt du même jour par lequel la cour a prononcé sur les intérêts civils ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'assises de la Dordogne, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

Ordonne la mise en liberté de M. [X], s'il n'est détenu pour autre cause ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'assises de la Charente et sa mention en marge ou à la suite des arrêts annulés.

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le dix-huit mai deux mille vingt-deux.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 21-82205
Date de la décision : 18/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

COUR D'ASSISES - Débats - Président - Manifestation d'opinion sur la culpabilité de l'accusé - Interdiction - Illustration

Constitue une manifestation prohibée d'opinion, au sens des articles 311 et 328 du code de procédure pénale, le fait pour un président de cour d'assises de poser à l'accusé une question émanant d'un juré, formulée en ces termes : « pensez pour vos enfants, qu'ils sauront ce que vous avez fait et ne vous le pardonneront pas tandis que si vous le reconnaissiez, ils vous pardonneraient »


Références :

Décision attaquée : Cour d'assises de la Charente, 05 mars 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 18 mai. 2022, pourvoi n°21-82205, Bull. crim.
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle

Composition du Tribunal
Président : M. Soulard
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 14/06/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:21.82205
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