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11/05/2022 | FRANCE | N°20-20595

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 mai 2022, 20-20595


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mai 2022

Cassation partielle

Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 378 F-D

Pourvoi n° Z 20-20.595

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

Mme [M] [U]

, domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-20.595 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6),...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 11 mai 2022

Cassation partielle

Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 378 F-D

Pourvoi n° Z 20-20.595

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 11 MAI 2022

Mme [M] [U], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 20-20.595 contre l'arrêt rendu le 3 juin 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 6), dans le litige l'opposant à la société HSBC Continental Europe, anciennement dénommée HSBC France, dont le siège est [Adresse 1], société anonyme, défenderesse à la cassation.

La société HSBC Continental Europe a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

La demanderesse au pourvoi incident éventuel invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de Mme [U], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société HSBC Continental Europe, après débats en l'audience publique du 15 mars 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, M. Mornet, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 03 juin 2020), [I] [U], son épouse, [D] [U], et leur fils, [R] [U], respectivement père, mère et frère de Mme [M] [U], étaient titulaires de comptes ouverts à la société HSBC France, dénommée désormais HSBC Continental Europe (la banque).

2. Devenue seule héritière de ses parents et de son frère, Mme [M] [U] a assigné la banque en restitution de fonds versés par ses parents et en paiement de dommages-intérêts, en lui reprochant d'avoir, sur la présentation de chèques revêtus d'une signature qui n'était pas celle de sa mère, de faux ordres de virements, de faux documents d'ouverture de compte et d'instructions irrégulièrement données par son frère, permis le détournement de ces fonds.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

3. Mme [U] fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande de restitution de fonds, alors « que si les fautes ainsi imputées à la banque ont eu pour effet de porter atteinte au patrimoine de ses ayants cause à hauteur des montants dissipés, Mme [M] [U] a recueilli à l'occasion du décès de son frère le 15 septembre 2007 puis de celui de sa mère et cohéritière, le 5 novembre 2009, l'entièreté du patrimoine de celui-ci dans lequel les fonds litigieux ont été versés, de sorte qu'elle ne peut justifier de l'existence d'une créance de restitution à l'encontre de la banque dépositaire, peu important les conditions dans lesquelles les fonds déposés par ses parents sont venus abonder le patrimoine de son frère », quand la qualité d'héritière de celui à qui les fonds ont été indûment remis par la banque était sans incidence sur l'obligation de restitution et l'existence de la créance, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a violé les articles 1937 et 1939 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1937 et 1939, alinéa 1, du code civil :

4. Aux termes du premier de ces textes, le dépositaire ne doit restituer la chose déposée qu'à celui qui la lui a confiée, ou à celui au nom duquel le dépôt a été fait, ou à celui qui a été indiqué pour le recevoir.

5. Selon le second, en cas de mort de la personne qui a fait le dépôt, la chose déposée ne peut être rendue qu'à son héritier.

6. Pour rejeter la demande de restitution de fonds formée par Mme [U], l'arrêt retient que, si les fautes imputées à la banque, à les supposer avérées, ont eu pour effet de porter atteinte au patrimoine de ses parents à hauteur des montants dissipés, Mme [U] a recueilli l'intégralité du patrimoine de son frère dans lequel les fonds litigieux ont été versés, de sorte qu'elle ne peut justifier de l'existence d'une créance de restitution envers la banque dépositaire, peu important les conditions dans lesquelles les fonds déposés par ses parents sont venus abonder le patrimoine de son frère.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le second moyen, pris en sa seconde branche, du pourvoi principal

Enoncé du moyen

8. Mme [U] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts, alors « qu'en se bornant à relever, pour exclure l'existence du préjudice de Mme [M] [U], que cette dernière avait la double qualité d'héritière de ses parents déposants de fonds auprès de la banque et de son frère qui les a irrégulièrement appréhendés, sans rechercher si les sommes s'étaient effectivement retrouvées dans l'actif de la succession de [R] [U], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1937 et 1939 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1147 du même code dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 1134 et 1147 du code civil, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :

9. Pour rejeter la demande de dommages-intérêts formée par Mme [U], l'arrêt retient que celle-ci ne démontre pas un préjudice financier comme moral qui lui serait propre découlant des manquements reprochés à la banque, ayant permis le détournement des fonds déposés par ses parents dans ses livres, préjudices tenant en réalité à la diminution de leur actif successoral, alors même qu'elle réunit la qualité d'ayant cause des déposants de ces fonds et de bénéficiaire des détournements en sa qualité d'héritière de son frère, qui les a reçus dans son patrimoine et dont elle a accepté la succession.

10. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'actif de la succession de [R] [U] représentait un montant au moins égal à celui des fonds dont le détournement était allégué, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Et sur le moyen unique du pourvoi incident

Enoncé du moyen

11. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et d'intérêt à agir en restitution de Mme [U], alors « que le déposant ou son ayant droit qui a ratifié la remise de fonds déposés entre les mains d'un tiers est irrecevable, faute d'intérêt, à agir en restitution à l'encontre du banquier dépositaire ; qu'en l'espèce la banque faisait valoir que Mme [M] [U] avait ratifié les opérations bancaires prétendument irrégulières réalisées au profit de son frère, en n'élevant aucune contestation, que ce soit dans le cadre de ses missions d'administratrice légale de sa mère ou au moment des dévolutions successorales successives ; qu'en se bornant, pour écarter cette fin de non-recevoir, à énoncer que la ratification des opérations litigieuses était contestée par Mme [M] [U], sans se prononcer elle-même sur la ratification invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 1937 et 1939 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 31 du code de procédure civile et les articles 1937 et 1939 du code civil :

12. Pour rejeter la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir en restitution de Mme [U], l'arrêt énonce que celle-ci conteste la ratification des opérations litigieuses et qu'elle indique, pour ce faire, ne pas avoir eu connaissance des faux ayant permis la dissipation, au profit de son frère, des fonds déposés par ses parents sur leurs comptes ouverts dans les livres de la banque, avant que celle-ci ne lui communique des pièces lors de l'instance judiciaire.

13. En se déterminant ainsi, sans se prononcer elle-même sur la ratification invoquée par la banque, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il écarte des débats les pièces communiquées ne figurant pas sur le bordereau annexé aux dernières conclusions de Mme [M] [U], l'arrêt rendu le 3 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;

Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du onze mai deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SAS Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour Mme [U], demanderesse au pourvoi principal.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Mme [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté l'ensemble de ses demandes tendant à voir condamner la banque au paiement de diverses sommes au titre des restitution ;

1°) ALORS QUE en l'absence de faute du déposant, ou d'un préposé de celui-ci, et même s'il n'a lui-même commis aucune faute, le banquier n'est pas libéré envers le client qui lui a confié des fonds ou, en cas de décès de ce dernier, de ses héritiers, de son obligation de les restituer, nonobstant toute circonstance extérieure de nature à laisser penser que le créancier de restitution aurait pu récupérer les fonds par un autre biais et notamment en sa qualité d'héritier du tiers qui les a irrégulièrement appréhendés ; qu'en considérant, pour rejeter les demandes en restitution de Mme [U] à l'encontre de la banque HSBC, que « si les fautes ainsi imputées à la banque ont eu pour effet de porter atteinte au patrimoine de ses ayants-cause à hauteur des montants dissipés, Mm [M] [U] a recueilli à l'occasion du décès de son frère le 15 septembre 2007 puis de celui de sa mère et cohéritière, le 5 novembre 2009, l'entièreté du patrimoine de celui-ci dans lequel les fonds litigieux ont été versés, de sorte qu'elle ne peut justifier de l'existence d'une créance de restitution à l'encontre de la banque dépositaire, peu important les conditions dans lesquelles les fonds déposés par ses parents sont venus abonder le patrimoine de son frère » (arrêt, p. 9, pén. al.), quand la qualité d'héritière de celui à qui les fonds ont été indument remis par la banque était sans incidence sur l'obligation de restitution et l'existence de la créance, la cour d'appel qui s'est prononcée par des motifs inopérants, a violé les articles 1937 et 1939 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, la qualité d'héritier du déposant décédé et du tiers qui a irrégulièrement appréhendé les fonds déposés ne peut exclure l'existence d'une créance de restitution sur le banquier dépositaire que s'il est établi que les sommes non restituées par ce dernier et qui auraient dû figurer dans l'actif de la succession du déposant sont identifiées à l'actif de la succession du tiers qui les irrégulièrement appréhendées ; qu'en se bornant à relever, pour exclure toute créance de restitution sur la banque au bénéfice de Mme [U], que celle-ci était tout à la fois héritière de ses parents et de son frère, pour en déduire que les sommes irrégulièrement obtenues par ce dernier avait abonder son patrimoine, sans rechercher si lesdites sommes figuraient effectivement à l'actif de sa succession, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1937 et 1939 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1147 du même code dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Mme [U] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rejeté ses demandes tendant à la condamnation de la banque à lui verser des dommages-intérêts ;

1°) ALORS QUE la remise d'une chose déposée à une personne autre que celle qui l'a confiée n'a pas pour effet de libérer le dépositaire de son obligation de restituer la chose au déposant, sans que ce dernier n'ait à démontrer l'existence d'un préjudice dont l'existence découle nécessairement du défaut de restitution ; qu'en retenant, pour débouter Mme [U] de ses demandes de dommages et intérêts, que cette dernière « ne démontre pas plus un préjudice financier comme moral qui lui serait propre découlant des manquements reprochés à la société HSBC France ayant permis le détournement des fonds déposés par ses parents dans ses livres, préjudice tenant en réalité à la diminution de leur actif successoral alors même qu'elle réunit la qualité d'ayant-cause des dépositaires de ces fonds et de bénéficiaire desdits détournements en sa qualité d'héritière de son frère, M. [R] [U], qui les a reçu dans son patrimoine et dont elle a accepté la succession » (arrêt, p. 9, dernier al.), la cour d'appel a violé les articles 1937 et 1939 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1147 du même code dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 ;

2°) ALORS QUE, subsidiairement, en se bornant à relever, pour exclure l'existence du préjudice de Mme [U], que cette dernière avait la double qualité d'héritière de ses parents déposants de fonds auprès de la banque HSBC et de son frère qui les a irrégulièrement appréhendés, sans rechercher si les sommes s'étaient effectivement retrouvées dans l'actif de la succession de [R] [U], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1937 et 1939 du code civil, ensemble les articles 1134 et 1147 du même code dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. Moyen produit par la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseil, pour la société HSBC France, demanderesse au pourvoi incident éventuel.

La société HSBC France fait grief à l'arrêt confirmatif de ce chef attaqué d'avoir écarté les fins de non-recevoir tirées du défaut de qualité et du défaut d'intérêt à agir de madame [M] [U] ;

Alors que le déposant ou son ayant droit qui a ratifié la remise de fonds déposés entre les mains d'un tiers est irrecevable, faute d'intérêt, à agir en restitution à l'encontre du banquier dépositaire ; qu'en l'espèce la société HSBC France faisait valoir que madame [M] [U] avait ratifié les opérations bancaires prétendument irrégulières réalisées au profit de son frère, en n'élevant aucune contestation, que ce soit dans le cadre de ses missions d'administratrice légale de sa mère ou au moment des dévolutions successorales successives (conclusions d'appel, p. 13 § 8) ; qu'en se bornant, pour écarter cette fin de nonrecevoir, à énoncer que la ratification des opérations litigieuses était contestée par madame [M] [U], sans se prononcer elle-même sur la ratification invoquée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 31 du code de procédure civile, ensemble les articles 1937 et 1939 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-20595
Date de la décision : 11/05/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 03 juin 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 mai. 2022, pourvoi n°20-20595


Composition du Tribunal
Président : Mme Duval-Arnould (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SAS Buk Lament-Robillot

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.20595
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