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20/04/2022 | FRANCE | N°20-22591

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 20 avril 2022, 20-22591


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 avril 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 352 F-D

Pourvoi n° U 20-22.591

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

La société Lyonnaise de Banque, exerçant sous le nom c

ommercial CIC Lyonnaise de Banque, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-22.591 contre l'arrêt rendu le 27 f...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 avril 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 352 F-D

Pourvoi n° U 20-22.591

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022

La société Lyonnaise de Banque, exerçant sous le nom commercial CIC Lyonnaise de Banque, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° U 20-22.591 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Bourges (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [F] [G],

2°/ à M. [C] [G],

3°/ à M. [O] [G],

4°/ à M. [T] [G],

domiciliés tous quatre [Adresse 4], [Localité 3],

tous quatre pris tant en leur nom propre qu'en leur qualité d'ayant droit de [H] [G].,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Champ, conseiller référendaire, les observations de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société Lyonnaise de Banque, de la SCP Le Bret-Desaché, avocat de Mme [G], de MM. [G], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Champ, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ( Bourges, 27 février 2020), entre avril 2011 et janvier 2014, la société CIC-Lyonnaise de Banque (la banque) a consenti au GAEC [Adresse 4] (le GAEC) plusieurs prêts, garantis par les cautionnements solidaires de [H] [G], Mme [F] [G], MM. [C], [O] et [T] [G] (les cautions).

2. Le 20 juillet 2015, le GAEC a été placé en redressement judiciaire.

3. Le 31 mai 2017, la banque a assigné les cautions en paiement, lesquelles ont invoqué la disproportion manifeste de leurs engagements.

4. [H] [G] est décédé le [Date décès 1] 2018, en laissant pour lui succéder Mme [F] [G], MM. [C], [O] et [T] [G], lesquels ont indiqué reprendre l'instance en leur qualité d'héritiers.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

5. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter sa demande en paiement formée contre les héritiers de [H] [G], alors « qu'il incombe à la caution qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement d'apporter la preuve de l'existence, lors de la souscription de celui-ci, d'une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus, lesquels incluent la valeur des parts sociales qu'elle détient au sein de la société cautionnée, peu important l'absence de fiche de renseignement ; que dans ses conclusions notifiées le 2 avril 2019, la banque faisait valoir – comme l'avait d'ailleurs relevé les premiers juges
– que M. [H] [G] passait sous silence ses véritables revenus puisqu'il ne faisait pas état de la valeur des parts sociales qu'il détenait au sein de la société cautionnée ; que pour s'abstenir de constater la carence de la caution à rapporter la preuve de la disproportion manifeste de ses engagements souscrits respectivement le 13 avril 2011, les 3 mai et 8 juin 2012 et le 25 avril 2013, faute d'apporter la moindre précision sur la valeur, à ces mêmes dates, des parts sociales qu'elle reconnaissait détenir au sein du GAEC [Adresse 4], la cour d'appel retient que la fiche patrimoniale établie le 24 décembre 2013 ne fait pas état de parts sociales [?] de sorte qu'il n'existe aucune raison de porter au patrimoine de M. [G] d'éventuelles parts sociales dont l'existence même n'est pas démontrée ; qu'en statuant ainsi, par ces motifs, impropres à établir, en l'absence de justification par la caution de la valeur des parts sociales faisant partie de son patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de souscription de chacun de ses engagements entre le 13 avril 2011 et 8 juin 2013, le caractère manifestement disproportionné des cautionnements litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble l'article L 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, et l'article 1315, devenu 1353, du code civil :

6. Aux termes du premier de ces textes, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. Aux termes du second, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

7. Il en résulte qu'il incombe à la caution qui entend opposer au créancier la disproportion de son engagement par rapport à ses biens et revenus, à la date de sa souscription, d'en rapporter la preuve.

8. Pour apprécier le caractère manifestement disproportionné des engagements de caution consentis par [H] [G], l'arrêt retient que l'examen des pièces produites doit se limiter à ce dont la banque disposait au moment de la conclusion des contrats en cause et que celle-ci produit une « fiche patrimoniale » établie le 24 décembre 2013 par celui-ci et ne faisant pas état de parts sociales, de sorte qu'il n'existe aucune raison de porter au patrimoine de [H] [G] d'éventuelles parts sociales dont l'existence même n'est pas démontrée.

9. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

10. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « que pour apprécier la proportionnalité de l'engagement d'une caution au regard de ses biens et revenus, les biens, quoique grevés de sûretés, lui appartenant doivent être pris en compte, leur valeur étant appréciée en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évalué au jour de l'engagement de la caution ; que pour dire disproportionnés les cautionnements souscrits le 13 avril 2011 par M. [G], la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés, que le bien immobilier donné en garantie à la banque à hauteur de 120 000 euros a été acquis le 28 août 2006 au prix de 171 795 euros et fait l'objet d'un privilège du vendeur de premier rang jusqu'au 1er novembre 2021, de sorte que le produit de la vente du bien n'aurait pas permis de désintéresser le CIC Lyonnaise de Banque en totalité et vraisemblablement pas en partie ; qu'en se déterminant ainsi au lieu de prendre en considération la valeur du bien immobilier à la date de souscription des cautionnements litigieux ainsi que le montant du capital restant dû à cette date pour le prêt afférent à son acquisition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble l'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

11. Aux termes de ce texte, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation.

12. Pour apprécier le caractère manifestement disproportionné de l'engagement de caution consenti le 13 avril 2011 en garantie des prêts accordés le même jour, l'arrêt retient encore que, si [H] [G] possédait un bien immobilier situé à [Localité 3], celui-ci était grevé du privilège de premier rang du vendeur depuis le 28 août 2006 à hauteur de 120 000 euros, de sorte que le produit de la vente des terres n'aurait pas permis de désintéresser en totalité la banque.

13. En se déterminant ainsi, sans prendre en considération la valeur du bien immobilier à la date de souscription des engagements de la caution afin d'en déduire le montant du capital restant dû à cette date pour le prêt afférent à son acquisition, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société CIC Lyonnaise de banque à l'encontre de Mme [F] [G], M. [C], [O] et [T] [G] pris en leur qualité d'héritiers de [H] [G], l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;

Condamne Mme [G], M. [C] [G], M. [O] [G], M. [T] [G] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Le Prado-Gilbert, avocat aux Conseils, pour la société Lyonnaise de Banque

Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté le CIC Lyonnaise de Banque de sa demande en paiement formée contre les héritiers de M. [H] [G], décédé.

AUX MOTIFS PROPRES QU' « aux termes de l'article L 341-4 ancien du code de la consommation en sa rédaction applicable au présent litige, un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation ; qu'il est constant que ces dispositions s'appliquent à toute caution, avertie ou non ; qu'il appartient à la caution qui invoque la disproportion de son engagement d'en rapporter la preuve ; que la disproportion de l'engagement de caution s'apprécie à la date de conclusion du cautionnement sur la base des éléments alors connus, au vu des déclarations de la caution concernant ses biens et revenus que le créancier, en l'absence d'anomalies apparentes, n'a pas à vérifier ; que les revenus escomptés de l'opération garantie n'ont pas à être pris en considération, mais les parts sociales dont la caution est titulaire au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement ; qu'il doit être tenu compte des revenus et patrimoine de la caution, ainsi que de son endettement global ; qu'il est également constant qu'il n'existe pas d'obligation, pour l'organisme prêteur, de recueillir les informations relatives à la situation patrimoniale et financière des cautions, celui-ci s'exposant simplement, en l'absence de vérification de ces éléments, à ne pouvoir opposer aux cautions leur manquement à leur obligation déclarative ; qu'en cas de pluralité de cautions, la disproportion de leur engagement s'apprécie au regard de leurs biens propres et revenus respectifs et non de leurs revenus et patrimoines cumulés, dans la mesure où chaque caution peut être appelée pour le tout à raison de la nature solidaire de l'engagement de chaque caution ; qu'en l'espèce, au soutien de sa demande concernant les cautionnements consentis par M. [H] [G] et Mme [F] [X] épouse [G], ainsi que par M. [H] [G] seul, la SA CIC Lyonnaise de Banque produit une « fiche patrimoniale caution » établie par celui-ci, le 24 décembre 2013 (soit postérieurement à trois des engagements de caution litigieux), mentionnant la qualité d'agriculteur de l'intéressé, la propriété d'une maison et d'un terrain respectivement évalués à 150 000 et 400 000 euros, sans qu'il soit fait état de parts sociales dans le GAEC [Adresse 4], et une rémunération annuelle de 15 000 euros ; qu'il doit être observé à cet égard que la banque ne saurait prétendre intégrer les parts sociales dont elle affirme, sans verser aucun élément étayant cette hypothèse, qu'« on peut penser [qu'elles] sont d'un montant élevé et permettent de couvrir le montant de ses emprunts » tout en refusant que soient pris en considération les éléments d'information produits dans le cadre de la présente instance par M. et Mme [G] de nature à établir le montant de leurs revenus réels et de leur endettement à l'époque des engagements de caution, l'examen des pièces produites devant se limiter à ce dont la banque disposait au moment de la conclusion des contrats en cause, il n'existe aucune raison de porter au patrimoine de M. et Mme [G] d'éventuelles parts sociales dont l'existence même n'est pas démontrée ; que la SA CIC Lyonnaise de Banque ne produit par ailleurs aucune « fiche patrimoniale caution » concernant Mme [G] ; qu'au vu des éléments versés en procédure, il n'est pas contesté qu'en moins de trois ans, la SA CIC Lyonnaise de Banque a recueilli des engagements de caution successifs de la part de M. et Mme [G] à hauteur de la somme globale de 520 000 euros, et de M. [H] [G] seul pour 120 000 euros supplémentaires, tout en indiquant n'avoir obtenu à titre de renseignements relatifs à leur situation financière et patrimoniale que ceux figurant à la « fiche patrimoniale caution » de M. [G] ; que concernant les cautionnements acceptés dans le cadre des deux premiers prêts, la banque peut se prévaloir de deux affectations hypothécaires consenties à son profit sur leurs biens immobiliers par M. et Mme [G], aucune information quant à leur situation financière et patrimoniale n'étant par ailleurs rapportée à cette époque ; qu'au sujet du prêt de 75 000 euros, il convient de relever que le bien immobilier situé à [Localité 3] avec affectation hypothécaire au profit de la SA CIC Lyonnaise de Banque à hauteur de 120 000 euros faisait déjà l'objet d'un privilège du vendeur de premier rang depuis le jour de son acquisition, soit au 28 août 2006 ; que la date extrême d'effet de cette garantie était fixée au 1er novembre 2021 et rien n'indique qu'elle ait ultérieurement donné lieu à radiation ; que les premiers juges en ont ainsi justement déduit que le produit de la vente des terres, après désintéressement du créancier de premier rang, n'aurait pas permis de désintéresser en totalité la SA CIC Lyonnaise de Banque ; qu'au sujet du prêt de 400 000 euros, l'affectation hypothécaire du bien immobilier (« terres ou bâtiments agricoles ») situé à [Localité 3] au profit de la SA CIC Lyonnaise de Banque à hauteur de 400 000 euros est également une garantie de second rang ; que ce bien a été acquis, le 28 août 2006, au prix de 465 450 euros, acquitté au moyen d'un prêt consenti par le Crédit agricole à hauteur de 348 000 euros ; que ces éléments conduisent encore à estimer qu'en cas de vente de ce bien, l'essentiel du prix de vente aurait été appréhendé par le créancier inscrit de premier rang, le solde ne pouvant servir à honorer, la dette contractée envers la SA CIC Lyonnaise de Banque que de façon très partielle ; que le second rang de chacune de ces garanties constituait déjà un élément qui aurait dû inciter un prêteur normalement diligent à vérifier la cause des garanties de premier rang, et à s'informer plus avant de la situation patrimoniale et financière des cautions ; que les engagements de caution de M. [H] [G] recueillis les 8 juin 2012 et 25 avril 2013, en garantie des prêts de 34 000, 15 000 et 75 000 euros, ont été acceptés, en l'état des pièces versées aux débats, par la SA CIC Lyonnaise de Banque sans avoir eu communication du moindre élément concernant la situation financière et patrimoniale de la caution et alors qu'elle ne pouvait ignorer qu'une grande partie au moins de son patrimoine immobilier était déjà doublement grevée de sûretés réelles ; que la SA CIC Lyonnaise de Banque ne peut en conséquence prétendre avoir estimé que ces engagements, qui correspondaient à des prêts représentant des échéances annuelles globales de 50 368 euros, étaient proportionnés aux biens et revenus de la caution alors qu'elle n'a sollicité au préalable aucune information à cet égard ; que les engagements de caution de M. [H] [G] recueillis les 24 décembre 2013 et 22 janvier 2014, en garantie des prêts de 43 000, 20 000 et 33 000 euros, ont été acceptés par la SA CIC Lyonnaise de Banque au vu de la fiche patrimoniale caution » fournie par l'intéressé, aux termes de laquelle il déclarait percevoir une rémunération annuelle s'élevant à 15 000 euros et être propriétaire d'une maison d'une valeur de 150 000 euros ainsi que d'un terrain d'une valeur de 400 000 euros, dont la banque ne pouvait ignorer l'affectation hypothécaire déjà consentie à son bénéfice à titre de garantie de second rang ; que la SA CIC Lyonnaise de Banque, qui ne pouvait estimer au vu de la déclaration de patrimoine de M. [H] [G], qu'il disposait d'autres biens immobiliers, a accepté ces engagements de caution successifs en prenant en compte les revenus annuels de M. [G], soit 15 000 euros, et ses deux biens immobiliers grevés chacun de deux sûretés réelles ; que le montant global annuel du remboursement de ces prêts s'élevant à hauteur de 10 727 euros, soit plus des deux tiers du revenu annuel déclaré par M. [G], il ne pouvait raisonnablement être estimé que la caution puisse être en mesure, en cas de défaillance de l'emprunteur principal, d'assurer le remboursement des prêts en cause, a fortiori en prenant en considération l'existence des engagements de caution déjà antérieurement accordés à la SA CIC Lyonnaise de Banque elle-même ».

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « la charge de la preuve de la disproportion incombe à la caution poursuivie qui l'invoque et celle-ci doit être appréciée à la date de l'engagement, en tenant compte de ses revenus et patrimoine ainsi que de son endettement global ; que si l'article L. 341-4, devenu L. 332-1 et L. 343-4, du code de la consommation, interdit à un créancier professionnel de se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation, ce texte ne lui impose pas de vérifier la situation financière de la caution lors de son engagement, laquelle supporte, lorsqu'elle l'invoque, la charge de la preuve de démontrer que son engagement de caution était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus (voir par exemple: Cass. com.,13 sept. 2017, n° 15-20.294) ; qu'ainsi, il ne saurait être reproché à faute à la banque de ne pas produire aux débats de fiches d'information patrimoniale contemporaines des premiers prêts; qu'au demeurant, il n'existe pas d'obligation faite à la banque de faire déclarer aux cautions les informations sur leur situation patrimoniale et financière, l'organisme prêteur s'exposant simplement, en l'absence de vérification de ces éléments, à ne pouvoir opposer aux cautions leur manquement à leur obligation déclarative ; que par ailleurs la proportionnalité de l'engagement de la caution ne peut être appréciée au regard des revenus escomptés de l'opération garantie (voir par exemple en ce sens: Cass 1ère civ., 3 juin 2015, n° 14-13.126) ; que, pour autant, les parts sociales dont est titulaire la caution au sein de la société cautionnée font partie du patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de la souscription de son engagement, au sens de l'article L 341-4 précité (voir par exemple en ce sens: Cass com., 26 janv. 2016, n° 13-28.378) ; que M et Mme [G] produisent aux débats leur avis d'imposition 2011 sur les revenus de l'année 2010 faisant état de revenus agricoles de 3.647 € pour Monsieur [G] et de 6.218 € pour Madame [G] ; que leur déclaration commune fait par ailleurs état de déficits globaux des années antérieures à hauteur de la somme de 141.252 € ; que conformément aux motifs qui précèdent, la banque n'est pas fondée à opposer à la caution l'absence de déclaration de ses engagements de caution auprès d'un autre créancier pour les prêts antérieurs au 24 décembre 2013, date d'établissement de la fiche patrimoniale par Monsieur [G], étant observé que la banque ne produit aucune déclaration s'agissant de Madame [G] ; qu'en l'absence de vérification justifiée par la banque de la situation patrimoniale et financière de la caution, elle ne peut en effet lui opposer un manquement à son obligation déclarative ; [?] qu'il est constant que Monsieur et Madame [G] étaient associés du GAEC [Adresse 4] ; que le tribunal ne dispose toutefois d'aucun élément susceptible de lui permettre de déterminer la valeur de ces participations, à quelque époque que ce soit; qu'au vu de ces éléments, lors de la souscription des prêts n° 100961825400036432502 et n° 100961825400036432503 le 13 avril 2011, d'un montant total de 150.000 €, et remboursables par mensualités totales de 1.126 €, les revenus annuels du couple s'élevaient à 9.865 € ; qu'ils étaient déjà engagés en qualité de cautions solidaires à hauteur de la somme totale de 411.473,80 € auprès du CRÉDIT AGRICOLE ; que le remboursement des prêts est assorti d'un cautionnement personnel solidaire des époux [G] et d'un cautionnement hypothécaire, les diverses parcelles de terre dont ces derniers étaient propriétaires situé à [Localité 3] (18) faisant l'objet d'une hypothèque conventionnelle donné au prêteur à hauteur de la somme de 120 000 € ; que l'examen de l'état hypothécaire annexé à l'acte révèle toutefois que cet immeuble, acquis le 28 août 2006 au prix de 171 795 € faisait l'objet d'un privilège du vendeur du même jour, dont la date extrême d'effet était fixée au 1er novembre 2021 et dont rien n'indique qu'il ait donné lieu à radiation ; que, s'agissant de la proportionnalité de l'engagement, la loi ne distingue pas entre le cautionnement personnel et le cautionnement réel, de sorte qu'un créancier ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné qu'il fut personnel ou réel ; qu'au vu de ces éléments, le tribunal estime qu'à la date du cautionnement litigieux, les époux [G] ne disposaient que de ressources modestes, ne leur permettant en aucun cas de se substituer au GAEC dans le paiement des mensualités courantes en cas de défaillance de celui-ci ; qu'ils étaient par ailleurs très lourdement engagés auprès du CRÉDIT AGRICOLE en qualité de cautions solidaires du GAEC pour les engagements antérieurs de celui-ci auprès de cette banque, et pour des durées encore significatives ; que le bien immobilier donné en garantie était encore lourdement grevé d'un privilège du vendeur de premier rang, puisque la date extrême d'exigibilité du prix de vente était fixée au 1er novembre 2021, de sorte que le produit de la vente des terres, après désintéressement du créancier de premier rang, n'aurait pas permis de désintéresser en totalité la LYONNAISE DE BANQUE, et vraisemblablement même pas en partie ; que cet engagement s'avère donc disproportionné à leurs biens et revenus à la date du cautionnement, de sorte que la banque ne peut s'en prévaloir ; que le même raisonnement est valable pour le prêt n° 100961825400036432510 du 3 mai 2012 d'un montant de 400.000 € et remboursable en 180 mensualités de 3.001 € ; qu'aucun élément du dossier ne fait apparaître d'évolution des revenus des époux [G] depuis l'année 2010 et que, même à retenir la somme de 15.000 € déclarée par Monsieur [H] [G] le 24 décembre 2013, les revenus annuels du couple (30.000 €) sont encore inférieurs aux annuités de remboursement ; que le bien donné en garantie dans le cadre du cautionnement réel, à savoir une maison d'habitation avec bâtiments d'exploitation et terres située à [Localité 3] (18) avait été acquis, d'après les mentions de l'acte de prêt produit par la banque, le 28 août 2006, au prix de 465.450 €, payé au moyen d'un prêt consenti par le CRÉDIT AGRICOLE d'un montant de 348.000 € ; que l'hypothèque conventionnelle consentie à la LYONNAISE DE BANQUE était une garantie de second rang, de sorte qu'en cas de vente de bien, l'essentiel du prix de vente aurait été appréhendé par le créancier inscrit de premier rang et ce prix n'aurait pas permis de payer en totalité la dette contractée auprès de la LYONNAISE DE BANQUE; que même à supposer que les parts du GAEC dont étaient propriétaires les époux [G], rien n'indique que celles-ci auraient présenté une valeur supérieure à l'engagement de caution donné au CRÉDIT AGRICOLE et ci-avant analysé ; que le cautionnement de ce prêt par les époux [G] apparaît donc également disproportionné aux biens et revenus des cautions, de sorte que la banque ne peut s'en prévaloir ; que les prêts ultérieurs n'ont été cautionnés que par Monsieur [H] [G], à l'exclusion de son épouse ; que le prêt n° 100961825400036432512 du 8 juin 2012 d'un montant de 34.000 € est remboursable en 48 mensualités de 759,35 €, soit 9.108 € annuellement; que cette somme apparaît en totale disproportion avec les revenus de 2010 (3.647 €) et apparaît largement excessive eu égard aux revenus déclarés le 24 décembre 2013 (15.000 €, soit 61 %) ; qu'aucun élément de la procédure ne laisse supposer que Monsieur [H] [G] disposerait d'un autre patrimoine que les biens immobiliers évoqués ci- avant, qui, d'une part, ont été donnés en garantie à la banque pour la sûreté d'autres engagements et, d'autre part, présentaient une valeur insuffisante pour permettre le remboursement de ces derniers ; compte tenu des autres inscriptions de premier rang prises par des tiers sur ces biens; que pour les motifs qui précèdent, Monsieur [H] [G] était déjà largement engagé en qualité de caution auprès du CRÉDIT AGRICOLE; que cet engagement apparaît également disproportionné aux biens et revenus de la caution, de sorte que la banque ne peut s'en prévaloir ; que le prêt n° 100961825400036432516 du 25 avril 2013, d'un montant de 75.000 €, est remboursable en 3 annuités de 26.260 € ; qu'ainsi, le montant des annuités est supérieur aux revenus déclarés de la caution (15.000 €) ; que son patrimoine n'est pas de nature à permettre de quelque manière que ce soit à la caution de faire face à son engagement à la date de celui-ci compte tenu des inscriptions antérieures dont il est grevé, et qui représentent déjà un montant supérieur aux cautionnements antérieurs; qu'en outre, il convient de prendre en compte le montant des engagements déjà donnés à la LYONNAISE DE BANQUE ci-avant évoqués, en plus de ceux encore en cours auprès du CRÉDIT AGRICOLE, qui rendaient tout à fait impossible pour la caution d'assurer le remboursement de ce prêt à la place du débiteur principal en sus des engagements antérieurs; que les mêmes motifs sont applicables aux prêts : - n° 100961825400036432519 du 24 décembre 2013 d'un montant de 43.000 €, remboursable en 10 annuités de 4.540 €, - n° 100961825400036432520 du 22 janvier 2014, d'un montant de 20.000 €, remboursable en 9 annuités de 2.335 €, - n° 100961825400036432521 du 22 janvier 2014 d'un montant de 33.000 €, remboursable en 9 annuités de 3.852 € ; qu'en effet, s'il n'y a pas lieu pour ces prêts de prendre en compte les engagements de caution encore en cours auprès du CRÉDIT AGRICOLE, qui n'ont pas été déclarés auprès de la LYONNAISE DE BANQUE dans le cadre de la fiche patrimoniale du 24 décembre 2013, il n'en demeure pas moins que les revenus de la caution (15.000 €) rapportés aux mensualités des prêts antérieurement cautionnés, soit au total 84.892 € (13.512 + 36.012 + 9.108 + 26.260) étaient parfaitement insuffisants à la prise en charge par la caution des annuités de ces trois derniers prêts n° 19, 20 et 21 ; que le patrimoine de la caution était déjà très largement obéré par les cautionnements antérieurement donnés à la LYONNAISE DE BANQUE, étant précisé que celui-ci ne permettait pas, déjà, à celle-ci de faire face à ses engagements antérieurs envers le créancier ».

ALORS, D'UNE PART, QU' il incombe à la caution qui se prévaut du caractère disproportionné de son engagement d'apporter la preuve de l'existence, lors de la souscription de celui-ci, d'une disproportion manifeste entre le montant de la somme garantie et la valeur de ses biens et revenus, lesquels incluent la valeur des parts sociales qu'elle détient au sein de la société cautionnée, peu important l'absence de fiche de renseignement ; que dans ses conclusions notifiées le 2 avril 2019 (p 9 avant dernier §), la banque faisait valoir – comme l'avait d'ailleurs relevé les premiers juges (jugement p 7 § 7) – que M. [H] [G] passait sous silence ses véritables revenus puisqu'il ne faisait pas état de la valeur des parts sociales qu'il détenait au sein de la société cautionnée ; que pour s'abstenir de constater la carence de la caution à rapporter la preuve de la disproportion manifeste de ses engagements souscrits respectivement le 13 avril 2011, les 3 mai et 8 juin 2012 et le 25 avril 2013, faute d'apporter la moindre précision sur la valeur, à ces mêmes dates, des parts sociales qu'elle reconnaissait détenir au sein du GAEC [Adresse 4], la cour d'appel retient que la fiche patrimoniale établie le 24 décembre 2013 ne fait pas état de parts sociales [?] de sorte qu'il n'existe aucune raison de porter au patrimoines de M. [G] d'éventuelles parts sociales dont l'existence même n'est pas démontrée ; qu'en statuant ainsi, par ces motifs, impropres à établir, en l'absence de justification par la caution de la valeur des parts sociales faisant partie de son patrimoine devant être pris en considération pour l'appréciation de ses biens et revenus à la date de souscription de chacun de ses engagements entre le 13 avril 2011 et 8 juin 2013, le caractère manifestement disproportionné des cautionnements litigieux, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble l'article L 341-4 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

ALORS, D'AUTRE PART, QUE la sureté réelle consentie pour garantir la dette d'un tiers n'impliquant aucun engagement personnel à satisfaire l'obligation d'autrui n'est pas un cautionnement et que, limité au bien hypothéqué, elle est nécessairement proportionnée aux facultés contributives de son souscripteur ; qu'en affirmant par motifs adoptés des premiers juges que s'agissant de la proportionnalité de l'engagement, la loi ne distingue pas entre le cautionnement personnel et le cautionnement réel, de sorte qu'un créancier ne peut se prévaloir d'un cautionnement manifestement disproportionné, qu'il fut personnel ou réel, la cour d'appel a violé l'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.

ALORS, ENFIN, QUE pour apprécier la proportionnalité de l'engagement d'une caution au regard de ses biens et revenus, les biens, quoique grevés de sûretés, lui appartenant doivent être pris en compte, leur valeur étant appréciée en en déduisant le montant de la dette dont le paiement est garanti par ladite sûreté, évalué au jour de l'engagement de la caution ; que pour dire disproportionnés les cautionnements souscrits le 13 avril 2011 par M. [G], la cour d'appel retient, par motifs propres et adoptés que le bien immobilier donné en garantie à la banque à hauteur de 120 000 euros a été acquis le 28 août 2006 au prix de 171 795 euros et fait l'objet d'un privilège du vendeur de premier rang jusqu'au 1er novembre 2021 (de sorte) que le produit de la vente du bien n'aurait pas permis de désintéresser le CIC Lyonnaise de Banque en totalité et vraisemblablement pas en partie ; qu'en se déterminant ainsi au lieu de prendre en considération la valeur du bien immobilier à la date de souscription des cautionnements litigieux ainsi que le montant du capital restant dû à cette date pour le prêt afférent à son acquisition, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1315, devenu 1353 du code civil, ensemble l'article L 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-22591
Date de la décision : 20/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Bourges, 27 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 20 avr. 2022, pourvoi n°20-22591


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Le Bret-Desaché

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.22591
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