LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 avril 2022
Cassation partielle
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 356 F-D
Pourvoi n° D 20-16.942
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 AVRIL 2022
Mme [X] [P], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 20-16.942 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2019 par la cour d'appel de Grenoble (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société BNP Paribas Personal Finance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de Mme [P], de la SCP Spinosi, avocat de la société BNP Paribas Personal Finance, après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 3 décembre 2019), par acte notarié du 9 avril 2009, la société BNP Paribas Personal Finance (la banque) a consenti à Mme [P] (l'emprunteur) un crédit, dénommé Helvet immo, libellé en francs suisses, remboursable en euros et destiné à l'acquisition d'un appartement en état futur d'achèvement.
2. Invoquant un manquement de la banque à son devoir d'information et de mise en garde concernant les stipulations prévoyant une évolution de l'amortissement du capital en fonction des variations du taux de change, ainsi que l'irrégularité du taux effectif global, l'emprunteur a assigné la banque en responsabilité, en indemnisation et en annulation de la stipulation d'intérêts. En appel, il a demandé que les clauses du contrat de prêt relatives aux modalités de remboursement du crédit et aux conséquences des variations du taux de change, ainsi que celles relatives au calcul du taux effectif global, soient réputées non écrites en raison de leur caractère abusif.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'emprunteur fait grief à l'arrêt de déclarer irrecevable sa demande relative aux clauses abusives, alors « que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose ; que bien qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, les mensualités étaient susceptibles d'augmenter, sans plafond, lors des cinq dernières années, la cour d'appel qui, nonobstant le caractère nouveau en appel de la demande, s'est abstenue de rechercher d'office, notamment, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur les emprunteurs et si, en conséquence, la clause litigieuse n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des consommateurs, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 132-1 du code de la consommation, dans sa version antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :
4. Il résulte de ces textes que, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives et réputées non écrites les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
5. La Cour de justice des Communautés européennes a dit pour droit que le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires. Lorsqu'il considère qu'une telle clause est abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose (CJCE, arrêt du 4 juin 2009, C-243/08).
6. Pour déclarer irrecevable la demande de l'emprunteur tendant à déclarer abusives certaines clauses du contrat de prêt, l'arrêt retient que celle-ci est présentée pour la première fois en appel.
7. En statuant ainsi, alors qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, toute dépréciation de l'euro par rapport au franc suisse avait pour conséquence d'augmenter le montant du capital restant dû et, ainsi, la durée d'amortissement du prêt d'un délai maximal de cinq ans, de sorte qu'il lui incombait, à supposer que les stipulations litigieuses ne définissent pas l'objet principal du contrat ou, dans le cas contraire, qu'elle ne soit pas rédigée de façon claire et compréhensible, de rechercher d'office si la banque avait satisfait à son exigence de transparence à l'égard du consommateur en lui fournissant des informations suffisantes et exactes lui permettant d'évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de telles clauses sur ses obligations financières pendant toute la durée du contrat dans l'hypothèse d'une dépréciation importante de la monnaie dans laquelle il percevait ses revenus par rapport à la monnaie de compte et qu'il avait été averti du contexte économique susceptible d'avoir des répercussions sur la variations des taux de change, et si, en conséquence, ladite clause n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare Mme [P] irrecevable en sa demande relative aux clauses abusives, l'arrêt rendu le 3 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;
Remet, sur ce point ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BNP Paribas Personal Finance et la condamne à payer à Mme [P] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour Mme [P].
Mme [P] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir déclaré irrecevable sa demande relative aux clauses abusives ;
ALORS QUE le juge national est tenu d'examiner d'office le caractère abusif d'une clause contractuelle dès qu'il dispose des éléments de droit et de fait nécessaires à cet effet et que, lorsqu'il considère une telle clause comme étant abusive, il ne l'applique pas, sauf si le consommateur s'y oppose ; que bien qu'il résultait des éléments de fait et de droit débattus devant elle que, selon le contrat litigieux, les mensualités étaient susceptibles d'augmenter, sans plafond, lors des cinq dernières années, la cour d'appel qui, nonobstant le caractère nouveau en appel de la demande, s'est abstenue de rechercher d'office, notamment, si le risque de change ne pesait pas exclusivement sur les emprunteurs et si, en conséquence, la clause litigieuse n'avait pas pour objet ou pour effet de créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au détriment des consommateurs, a violé l'article L. 132-1, devenu L. 212-1 et L. 241-1, du code de la consommation.