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13/04/2022 | FRANCE | N°20-21946

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 13 avril 2022, 20-21946


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 467 F-D

Pourvoi n° T 20-21.946

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

La société Modelage et

techniques dérivées, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-21.946 contre l'arrêt rendu le 2...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 467 F-D

Pourvoi n° T 20-21.946

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 AVRIL 2022

La société Modelage et techniques dérivées, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° T 20-21.946 contre l'arrêt rendu le 25 septembre 2020 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [L] [T], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pion, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Modelage et techniques dérivées, de Me Balat, avocat de M. [T], après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Pion, conseiller rapporteur, Mme Capitaine, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 25 septembre 2020), M. [T], engagé le 4 janvier 1991 en qualité de modeleur par la société Modelage et Techniques Dérivées, a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 25 août 2016.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches, ci-après annexé

2. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'inaptitude, d'origine professionnelle, est imputable au moins partiellement aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, de déclarer en conséquence le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, et de le condamner à payer au salarié les sommes de 15 266,27 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement, 6 574,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 657,42 euros à titre de congés payés y afférents et 28 000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors
« que les règles protectrices des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que ces deux conditions sont cumulatives ; qu'en l'espèce, pour retenir que l'inaptitude de M. [T] était professionnelle, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'en dépit des préconisations constantes du médecin du travail, M. [T] a continué d'être affecté, plusieurs années durant, à un poste impliquant la manutention de charges lourdes, que les outils inadaptés mis à sa disposition ont contribué à la détérioration de son état de santé et que l'inaptitude trouve sa cause, au moins partiellement, dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni caractériser la connaissance par la société MTD de cette origine professionnelle au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1226-10 et L. 1226-14 du code du travail, le premier dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 applicable au litige :

4. Il résulte de ces textes que les règles protectrices applicables aux victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent dès lors que l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a, au moins partiellement, pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine au moment du licenciement.

5. Pour allouer au salarié des sommes en application de l'article L. 1226-14 du code du travail, l'arrêt retient qu'en dépit des préconisations constantes du médecin du travail de non-port de charges lourdes, le salarié avait continué de manipuler occasionnellement de telles charges, que l'employeur n'avait fait procéder à aucune étude d'aménagement du poste de travail et que la mise à disposition du salarié d'outils de levage inadaptés n'avait pu pallier ses carences dans l'organisation du travail et la protection de la santé du salarié, ces manquements ayant entraîné une aggravation de l'état de santé de ce dernier au cours des années et qu'il s'en déduisait que l'inaptitude trouvait sa cause, au moins partiellement, dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention.

6. En se déterminant ainsi, sans rechercher si l'inaptitude avait pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, et si l'employeur avait connaissance de cette origine à la date du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Portée et conséquences de la cassation

7. La cassation prononcée n'atteint pas les chefs de dispositif disant le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et condamnant l'employeur au paiement de dommages-intérêts à ce titre, que la critique articulée par la troisième branche du moyen n'est pas susceptible d'atteindre.

8. Elle n'emporte pas par ailleurs la cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Modelage et techniques dérivées à payer à M. [T] les sommes de 15 266,27 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement et de 6 574,29 euros et 657,42 euros au titre de l'indemnité égale à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents, l'arrêt rendu le 25 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Modelage et techniques dérivées

La société MTD reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit que l'inaptitude, d'origine professionnelle, est imputable au moins partiellement aux manquements de l'employeur à son obligation de sécurité, a déclaré en conséquence le licenciement dénué de cause réelle et sérieuse, a condamné la société MTD à payer à M. [T] les sommes de 15.266,27 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement, 6.574,29 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, 657,42 euros à titre de congés payés y afférents et 28.000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1°) ALORS QUE ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ; que ne manque pas, par conséquent, à son obligation de sécurité l'employeur qui, conformément aux recommandations du médecin du travail préconisant « d'éviter » les charges lourdes, met à disposition du salarié des outils de levage permettant de prévenir le plus possible le port de telles charges ; qu'en l'espèce, pour juger que le licenciement de M. [T] était sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a estimé qu'en dépit des préconisations constantes du médecin du travail, M. [T] a continué d'être affecté, plusieurs années durant, à un poste impliquant la manutention de charges lourdes, que les outils inadaptés mis à sa disposition ont contribué à la détérioration de son état de santé, qu'il ne résulte d'aucune pièce que l'employeur ait étudié un aménagement de son poste de travail afin de rendre ses conditions de travail moins pénibles, que dans ce contexte, la fourniture d'équipements de protection ou d'engins de levage ne suffit pas à pallier ses carences dans l'organisation du poste de travail et la protection de la santé du travail et que l'inaptitude trouve sa cause, au moins partiellement, dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait expressément que les avis du médecin du travail en 2011, 2012 et 2013 avaient seulement préconisé l'évitement du port de charges lourdes, sans l'interdire, que l'employeur avait mis à la disposition des salariés des chariots élévateurs permettant de déplacer les pièces de bois et que la manipulation de charges lourdes était en conséquence occasionnelle, et non habituelle, ce dont il se déduisait que l'employeur justifiait avoir bien pris des mesures visant à respecter les recommandations du médecin du travail et à protéger la santé et la sécurité du salarié, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L 1222-1, L 1226-10, L 1232-1, L 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE le licenciement pour inaptitude du salarié n'est dépourvu de cause réelle et sérieuse que lorsqu'il est démontré que l'inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée ; que le seul non-respect par l'employeur des préconisations du médecin du travail, constitutif d'un manquement à son obligation de sécurité, ne suffit pas à caractériser l'existence d'un lien de causalité certain entre l'activité professionnelle du salarié et l'inaptitude ; qu'en se bornant en l'espèce à affirmer, pour considérer que l'inaptitude était d'origine professionnelle, qu'en dépit des préconisations constantes du médecin du travail, M. [T] a continué d'être affecté, plusieurs années durant, à un poste impliquant la manutention de charges lourdes, que les outils inadaptés mis à sa disposition ont contribué à la détérioration de son état de santé et que l'inaptitude trouve sa cause, au moins partiellement, dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention, la cour d'appel, qui s'est fondée sur un motif impropre à caractériser la cause de l'inaptitude et l'existence d'un lien de causalité certain avec l'activité professionnelle du salarié, a privé sa décision de base légale au regard des articles L 1222-1, L.1226-10, L.1232-1, L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail ;

3°) ALORS QUE les règles protectrices des victimes d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle s'appliquent lorsque l'inaptitude du salarié, quel que soit le moment où elle est constatée ou invoquée, a au moins partiellement pour origine cet accident ou cette maladie et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement ; que ces deux conditions sont cumulatives ; qu'en l'espèce, pour retenir que l'inaptitude de M. [T] était professionnelle, la cour d'appel s'est bornée à relever qu'en dépit des préconisations constantes du médecin du travail, M. [T] a continué d'être affecté, plusieurs années durant, à un poste impliquant la manutention de charges lourdes, que les outils inadaptés mis à sa disposition ont contribué à la détérioration de son état de santé et que l'inaptitude trouve sa cause, au moins partiellement, dans les manquements de l'employeur à son obligation de sécurité et de prévention ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher ni caractériser la connaissance par la société MTD de cette origine professionnelle au moment du licenciement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1226-10, L. 1226-14 et L. 1226-15 du code du travail, dans leur rédaction applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21946
Date de la décision : 13/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 25 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 13 avr. 2022, pourvoi n°20-21946


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : Me Balat, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21946
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