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13/04/2022 | FRANCE | N°20-17511

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 3, 13 avril 2022, 20-17511


LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° X 20-17.511

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022

Mme [N] [X], épouse [E], domiciliée [Adresse 3], a formé le p

ourvoi n° X 20-17.511 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), dans le litige l'opposant :

1°/ à ...

LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 3

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 13 avril 2022

Cassation

Mme TEILLER, président

Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° X 20-17.511

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 AVRIL 2022

Mme [N] [X], épouse [E], domiciliée [Adresse 3], a formé le pourvoi n° X 20-17.511 contre l'arrêt rendu le 19 mai 2020 par la cour d'appel d'Amiens (chambre baux ruraux), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [D] [F], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à M. [Z] [K], domicilié [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Echappé, conseiller doyen, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [E], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de Mme [F], de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 8 mars 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Echappé, conseiller doyen rapporteur, Mme Andrich, conseiller, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens,19 mai 2020), par acte du 30 mai 2014, Mme [F] a consenti un bail rural sur diverses parcelles à [L] [X], décédé le 9 décembre 2015.

2. Par acte du 23 février 2016, elle a consenti un bail sur le même tènement à M. [K].

3. Par acte du 10 novembre 2016, intitulé congé rural pour défaut d'autorisation d'exploiter, délivré aux héritiers de [L] [X], Mme [F] leur a enjoint de quitter les lieux à la fin de l'année culturale.

4. Par requête du 22 février 2017, Mme [E], soeur du preneur décédé, a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en reconnaissance de son droit à la poursuite du bail recueilli dans la succession de [L] [X].

5. Mme [F] a appelé M. [K] en intervention forcée et formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail invoqué par Mme [E].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

6. Mme [E] fait grief à l'arrêt de prononcer la résiliation du bail, d'ordonner l'expulsion, de la condamner à payer une indemnité d'occupation et de rejeter ses demandes, alors « que les motifs de résiliation à la demande du bailleur sont limitativement énumérés ; que le non-respect du contrôle des structures des exploitations agricoles ne peut entraîner que la nullité du bail et seulement après un refus définitif de l'autorisation d'exploiter lorsqu'elle est nécessaire ou la non-présentation par le preneur de la demande dans le délai imparti par l'autorité administrative ; qu'en prononçant la résiliation du bail en raison de la prétendue irrégularité de Mme [E] au regard du contrôle des structures, la cour d'appel a violé les articles L. 331-6, L. 411-31 et L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 331-6, L. 411-31 et L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime :

7. Il résulte du troisième de ces textes que, lorsque le bailleur s'oppose à la dévolution du bail aux ayants droit du preneur décédé, la résiliation doit être notifiée par lui dans un délai de six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance.

8. Selon le deuxième, le bailleur peut demander la résiliation du bail s'il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l'expiration d'un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l'échéance. Ce motif peut être écarté en cas de force majeure ou de raisons sérieuses et légitimes établies par le preneur.

9. Selon le premier, seul le refus définitif de l'autorisation d'exploiter, lorsqu'elle est nécessaire, ou la non-présentation par le preneur de la demande d'autorisation dans le délai imparti par l'autorité administrative emporte la nullité du bail.

10. Pour prononcer la résiliation du bail consenti à [L] [X], l'arrêt retient que l'action de la bailleresse n'est pas enfermée dans le délai de forclusion de six mois prévu à l'article L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime, dès lors que le motif de cette résiliation tient à la non-conformité de la situation de Mme [E] aux règles du contrôle des structures.

11. En statuant ainsi, alors que la méconnaissance, en cours de bail, du dispositif de contrôle des structures ne constitue pas un motif de résiliation prévu par la loi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 19 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai. ;

Condamne Mme [F] et M. [K] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [F] et celle formée par M. [K] et les condamne in solidum à payer à Mme [E] la somme globale de 3 000 euros

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour Mme [E]

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux d'Amiens du 28 mai 2018 en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail conclu entre Mme [D] [F] et feu [L] [X], ordonné l'expulsion de [L] [X] dans le délai d'un mois à compter de la signification du jugement, condamné Mme [N] [X] épouse [E] à payer à Mme [D] [F] une indemnité d'occupation et fixé le montant de celle indemnité d'occupation, d'AVOIR fixé la date de résiliation du bail au 28 mai 2018, d'AVOIR débouté Mme [D] [E] de l'intégralité de ses demandes ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE – Sur la demande de Mme [D] [F] en résiliation de bail et la demande contraire de Mme [N] [X] épouse [E] tendant à voir poursuivre le bail à son profit - L'article 1742 du code civil énonce que le contrat de louage n'est point résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur. En vertu de cet article, en cas de décès du preneur, le bail passe alors à ses héritiers universels ou à titre universel qui ont accepté sa succession et qui répondent alors en application de l'article 785 du code civil, indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent. En matière de baux ruraux, cette règle est à combiner avec l'article L.411-34 du code rural qui dispose qu' « en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d'un pacte civil de solidarité ou à l'un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l'aptitude des différents demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir. Les ayants droit du preneur ont également la faculté de demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du décès de leur auteur. Le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa. (...)». Il résulte de cet article qu'une distinction est opérée entre les ayants droits du preneur décédé ; ainsi certains priment les autres de sorte que la transmission du bail n'est pas régie par les seules règles habituelles de la dévolution successorale ; ces ayants droits prioritaires ou privilégiés sont le conjoint ou le partenaire pacsé du preneur défunt, ses ascendants ou descendants mais leur position n'est privilégiée qu'à la condition qu'ils participaient au moment du décès du preneur à l'exploitation de ce dernier ou y aient participé dans les cinq années précédant son décès. Par ailleurs, l'article L.411-34 permet au bailleur de faire échec à la dévolution du bail aux ayants droits du preneur, à savoir ses héritiers par application des règles successorale en demandant la résiliation du bail dans les six mois où le décès du preneur a été porté à sa connaissance. En l'occurrence, Mme [N] [X] épouse [E] en tant que soeur du preneur défunt n'est pas un des ayants droits (conjoint, partenaire de PACS, descendant ou ascendant) que le premier alinéa de l'article L.411-34 du code rural a prévu qu'ils pouvaient être prioritaires. Elle ne peut donc prétendre sur le fondement de cette disposition à la continuation du bail ou à l'attribution du droit au bail à son profit. Dès lors, peu importe qu'elle ait participé ou non à l'exploitation du preneur défunt au cours des cinq années précédant son décès, puisque même à considérer que cette participation serait acquise, elle ne peut lui permettre d'obtenir la continuation du bail sur le fondement de l'article susvisé. En conséquence, les nombreuses attestations produites par Mme [N] [X] épouse [E] pour tenter de démontrer qu'elle a participé à l'exploitation de feu [L] [X] avant le décès de ce dernier et les pièces n°49 et 50 produites par M. [Z] [K] pour démontrer le contraire sont dépourvues de toute utilité pour la solution du litige ; la demande de l'appelante tendant à voir écarter des débats ces dernières pièces se trouve vidée de toute substance de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur une telle demande. Ainsi, en l'absence d'un conjoint, d'un partenaire de Pacs, d'un ascendant ou d'un descendant ayant participé effectivement à l'exploitation dans les cinq années antérieures au décès, le bail n'étant pas résolu par la mort du preneur en vertu de l'article 1742 du code civil, il appartenait à Mme [D] [F] pour faire échec à la dévolution du bail aux héritiers du preneur par application des règles successorales, selon les termes de l'article L.411-34 du code rural de demander la résiliation du bail dans les six mois où le décès du preneur a été porté à sa connaissance. En l'espèce, [L] [X] étant célibataire et sans descendance et dont les ascendants étaient pré-décédés, Mme [D] [F] a fait délivrer les 9 et 10 novembre 2016 par acte d'huissier aux frères et soeurs du preneur défunt qui étaient donc ses seuls héritiers un congé rural pour demander la résiliation sur le fondement de l'article L.411-33 du code rural motivé par le défaut d'autorisation d'exploiter, visant notamment la mise en demeure notifiée le 29 septembre 2016 par le préfet de la Région Nord à M. [P] [E] époux de Mme [N] [X] épouse [E]. Certes cette mise en demeure a été adressée à M. [P] [E] et non à Mme [N] [X] épouse [E] ; pour autant, cette dernière ne justifie pas de la conformité de sa propre situation pour exploiter les terres qui étaient données à bail à [L] [X] au regard de la réglementation sur le contrôle des structures. Mme [N] [X] épouse [E] postérieurement à cette mise en demeure alors qu'elle avait fait valoir ses droits à la retraite depuis le 1er janvier 2014 en tant que conjoint collaborateur de l'exploitation de son époux a déposé le 10 février 2017 auprès de la chambre d'agriculture de la Seine-Maritime (département dans lequel se situe le siège de l'exploitation qu'elle prétend créer) un dossier de création d'une entreprise agricole (pièce n°12 de Mme [N] [X] épouse [E]) ; ce dossier était transmis à la MSA qui l'inscrivait en tant que chef d'exploitation à compter du 1er janvier 2017 (pièce n°21 de Mme [N] [X] épouse [E]). Mme [N] [X] épouse [E] soutient avoir formé par un courrier de son conseil en date du 20 février 2017 une demande de rescrit auprès de la DDTM des Hauts de France afin de connaître sa position sur le régime applicable à sa situation au regard de la réglementation des structures agricoles (pièce n°18 de Mme [N] [X] épouse [E]). Cette demande était réitérée et complétée par des courriers en date des 2 mai et 9 juin2017 devant les services de la préfecture de la région de Normandie et qui serait donc compétente pour instruire cette demande (pièces 23 et 24 de Mme [N] [X] épouse 1-[E]). Le conseil de Mme [D] [F] par un courrier du 29 juin 2017 dénonçait aux services de la préfecture régionale de Normandie le caractère frauduleux de l'installation de Mme [N] [X] épouse [E] en tant qu'agricultrice au motif que celle installation serait fictive et ne viserait en fait qu'à agrandir l'exploitation de son époux (pièce n° 63 de Mme [D] [F]). Par un courrier du 12 septembre 2017 (pièce n°30 de Mme [N] [X] épouse [E]), la préfète de la région Normandie faisait savoir au conseil de Mme [N] [X] épouse [E] que l'opération envisagée par cette dernière « ne peut être (...) considérée comme non soumise au contrôle des structures ». Il résulte du recours que Mme [N] [X] épouse [E] a formé par la suite devant le tribunal administratif de Rouen statuant au fond qu'elle avait précédemment formé un référé devant le juge administratif aux fins de voir suspendre la décision préfectorale du 12 septembre 2017 qui a été rejetée par une décision du 6 novembre 2017 ; son recours au fond indique également que le Conseil d'Etat a déclaré non admis le pourvoi à l'encontre de la décision du juge des référés (pièce 36 de Mme [N] [X] épouse [E]). Après la décision préfectorale du 6 novembre 2017, Mme [N] [X] épouse [E] a déposé le 17 novembre 2017 devant les services de la préfecture régionale une demande d'autorisation d'exploiter les terres faisant l'objet du bail consenti à feu [L] [X] ; par un arrêté préfectoral du 14 mars 2018 Mme [N] [X] épouse [E] se voyait refuser l'autorisation d'exploiter ces terres (pièce n°24 de Mme [N] [X] épouse [E]). Outre le recours formé par Mme [N] [X] épouse [E] devant le tribunal administratif de Rouen contre la décision de la préfète de la région Normandie du 12 septembre 2017, elle a formé également un recours contentieux contre l'arrêté préfectoral du 14 mars 2018. Si Mme [N] [X] épouse [E] s'abstient de produire le ou les jugements du tribunal administratif statuant sur ces deux recours, son mémoire d'appelant devant la cour administrative d'appel de Douai (pièce n°39 de Mme [N] [X] épouse [E]) qu'elle produit indique que le tribunal administratif de Rouen par jugement du 16 juillet 2019 a rejeté ses deux recours. L'article L.411-58 du code rural ouvre la faculté pour le juge judiciaire amené à statuer sur le droit de reprise du bailleur d'ordonner le sursis à statuer dans l'attente de l'obtention d'une décision administrative définitive sur la demande du bénéficiaire de la reprise ; cet article prévoit que le sursis à statuer est seulement obligatoire dans l'hypothèse où l'autorisation administrative a été suspendue dans le cadre d'une procédure de référé. Le sursis à statuer hormis l'hypothèse précitée n'est pas envisagé par le statut du fermage, étant observé que le litige dont est saisi la cour est totalement étranger à l'exercice du droit de reprise du bailleur. Par ailleurs, il n'échappe pas à la cour que Mme [N] [X] épouse [E] qui avait déjà fait valoir ses droits à la retraite depuis quasiment deux ans à la date du décès de [L] [X], n'a projeté de s'installer en tant qu'agricultrice à titre individuel que postérieurement au courrier de mise en demeure du 29 septembre 2015 adressé par l'administration à M. [P] [E] de cesser d'exploiter les terres faisant l'objet du bail consenti à [L] [X] ; cette installation apparaît indubitablement un moyen de contourner la mise en demeure adressée par l'administration ; en l'absence de tout élément du dossier portant sur les moyens matériels ou financiers dont dispose Mme [N] [X] épouse [E] pour exploiter personnellement les terres de façon effective et permanente, le caractère purement opportuniste et fictif de son installation n'est pas levé. Le tribunal administratif de Rouen a rejeté le recours formé par Mme [N] [X] épouse [E] à l'encontre des deux décisions administratives précipitées. Quand bien même Mme [N] [X] épouse [E] a formé appel du jugement du tribunal administratif, le sursis à statuer dans l'attente de l'arrêt à intervenir de la cour administrative d'appel n'étant pas de droit, il n'apparaît pas opportun au vu des éléments précités de faire droit à sa demande de ce chef. En vertu de l'autorité de la chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif, Mme [N] [X] épouse [E] plus de quatre ans après le décès de son frère ne justifie pas d'une situation régulière au regard du contrôle des structures pour exploiter les terres formant l'assiette du bail précédemment consenti à ce dernier dont elle prétend être devenue titulaire. Les autres héritiers de [L] [X] à savoir ses frères et soeurs à l'exception de l'appelante en réponse à l'acte intitulé « congé rural pour défaut d'autorisation d'exploiter » qui leur a été délivré à la requête de Mme [D] [F] par acte 9 et 10 novembre 2016, les informant que celle-ci entendait résilier le bail consenti à feu [L] [X], faisaient tous savoir par un courrier du 1er janvier 2017 (pièce n°23 de Mme [D] [F]) dont ils étaient signataires que depuis le 1er octobre 2016, aucun d'eux n'exploitaient les terres faisant l'objet de ce bail et qu'ils laissaient M. [Z] [K] exploiter ces terres. Il résulte de ce courrier que ces héritiers à l'exception de l'appelante n'entendent pas poursuivre le bail qui avait été consenti à leur frère décédé. Le bénéfice du statut du fermage de celui qui l'invoque à son profit est lié à la conformité de sa situation au regard de la réglementation sur le contrôle des structures des exploitations agricoles fixée par les dispositions des articles L.331-1 et suivants du code rural. Ainsi, la continuation du bail en vertu de l'article L.411-34 au profit des ayants droits du preneur décédé ou de l'un d'eux et qui répondent aux conditions de cet article (le conjoint, le partenaire de PACS, ses descendants ou ascendants participant à l'exploitation lors de son décès ou au cours des cinq années antérieures au décès) ne peut intervenir que si ces ayants droits ou l'un d'eux présentent une situation régulière au regard du contrôle des structures des exploitations agricoles ; à défaut de satisfaire à cette réglementation, il est de principe que le bailleur peut demander la résiliation du bail sans être enfermé dans le délai de forclusion prévu à l'article L.411- 34. Cette règle s'applique de plus fort à l'ayant droit qui revendique la dévolution du bail à son profit par le seul jeu des règles successorales et que la loi n'a pas entendu privilégier à l'inverse des ayants droits qui répondent aux conditions de l'article L.411-34 du code rural. L'irrégularité de la situation de Mme [N] [X] épouse [E] au regard du contrôle des structures pour exploiter les terres faisant l'objet de l'assiette du bail dont elle prétend devenir titulaire autorise dès lors Mme [D] [F] à demander la résiliation du bail consenti à feu [L] [X] sans être enfermée dans le délai de forclusion de six mois prévu à l'article L.411-34 du code rural dès lors que le motif de résiliation ne repose pas sur les dispositions de cet article mais sur la non-conformité de sa situation au regard de la réglementation sur le contrôle des structures. De plus le motif de résiliation retenu étant étranger aux règles de la dévolution successorale du bail rural, l'argument de Mme [N] [X] épouse [E] selon lequel elle dispose d'un droit propre indépendant de celui des autres héritiers de [L] [X] pour prétendre à la continuation du bail est inopérant, étant relevé que ces derniers n'entendent pas remettre en cause l'autorisation d'exploiter accordée à M. [Z] [K] et n'ont pas sollicité d'autorisation à leur profit. Partant, Mme [N] [X] épouse [E] s'étant vue refuser une autorisation d'exploiter que l'autorité administrative avait retenue comme étant nécessaire, appréciation validée par la juridiction administrative saisie du recours contre les décisions de l'administration, le jugement du tribunal paritaire des baux ruraux du 28 mai 2018 pour les motifs qui précèdent qui se substituent aux motifs contraires retenus par les premiers juges, est confirmé en ce qu'il a prononcé la résiliation du bail. La résiliation du bail étant prononcée judiciairement pour un motif lié à la non-conformité de la situation de Mme [N] [X] épouse [E], elle prend en conséquence effet à la date de son prononcé par le jugement dont appel assorti de l'exécution provisoire, soit le 28 mai 2018 et non le 9 décembre 2015 date du décès de [L] [X] comme l'ont retenu à tort les premiers juges qui voient donc leur décision infirmée sur ce point. Le prononcé de la résiliation du bail conduit à rejeter la demande de Mme [N] [X] épouse [E] en annulation de l'acte délivré les 9 et 10 novembre 2016 intitulé « congé rural pour défaut d'autorisation d'exploiter ». De même sont confirmés les chefs de ce jugement ayant ordonné l'expulsion de Mme [N] [X] épouse [E] à défaut pour elle d'avoir quitté les parcelles en cause dans le délai d'un mois à compter de sa signification et l'ayant condamné à payer à Mme [D] [F] une indemnité d'occupation égale au montant du fermage jusqu'à la libération complète des lieux. Le bail consenti à feu [L] [X] dont Mme [N] [X] épouse [E] prétendait devenir titulaire étant résilié, elle se voit déboutée de sa demande de réintégration et le bail consenti à M. [Z] [K] constitue à son égard un fait juridique qui peut valablement lui être opposé ;

ET AUX MOTIFS EVENUTELLEMENT ADOPTES QUE – Sur la demande de transfert du bail au profit de Mme [N] [E] née [X] - Les dispositions de l'article L 411-34 du code rural prévoient qu'en cas de décès du preneur, le bail continue au profit de son conjoint, du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité, de ses ascendants et de ses descendants participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès. Le droit au bail peut, toutefois, être attribué par le tribunal paritaire au conjoint, au partenaire d'un pacte civil de solidarité ou à l'un des ayants droit réunissant les conditions précitées. En cas de demandes multiples, le tribunal se prononce en considération des intérêts en présence et de l'aptitude des différents demandeurs à gérer l'exploitation et à s'y maintenir. Les ayants droit du preneur ont également la faculté de demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du décès de leur auteur. Le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit réunissant les conditions énoncées au premier alinéa. Si la fin de l'année culturale est postérieure au décès de neuf mois au moins, la résiliation peut, au choix des ayants droit, prendre effet soit à la fin de l'année culturale en cours, soit à la fin de l'armée culturale suivante. Dans le cas contraire, la résiliation ne prendra effet qu'à la fin de l'année culturale suivante. En l'espèce, il est établi que Mme [D] [F] n'a pas résilié le bail dans le délai imparti alors qu'elle avait connaissance du décès de M. [X] puisqu'elle a reloué les terres deux mois après son décès. L'absence de notification de résiliation dans les 6 mois ne supprime toutefois pas l'obligation, pour celui qui réclame la poursuite du bail à son profit de remplir les conditions de réalisation du transfert du bail et notamment celle tenant au contrôle des structures. Mme [N] [E] née [X] Mme [N] prétend pouvoir bénéficier du bail de son frère, il convient donc d'examiner sa situation et vérifier si elle remplit les conditions pour bénéficier de ce transfert. Il apparaît qu'elle n'a pas la qualité de conjoint, de partenaire pacsé, d'ascendants ou de descendants, dès lors le bail ne pourrait continuer automatiquement à son profit au vu des termes de l'article précité. Cependant la Cour de cassation estime qu'à défaut de conjoint, de partenaire pacsé, d'ascendants ou de descendants participant effectivement à l'exploitation depuis au moins 5 ans avant le décès, le droit au bail passe néanmoins à ses héritiers ou ses légataires universels. Or Mme [N] [E] née [X] présente cette qualité. Sa situation n'en est pas pour autant simple, car elle n'est pas la seule héritière et se trouve en indivision avec d'autres héritiers qui ont manifesté leur volonté de ne pas revendiquer la transmission du bail et de laisser les terres au bon soin de Monsieur [Z] [K]. Ils n'ont pas été appelés à la procédure. Mme [N] [E] née [X] ne démontre aucunement disposer d'un droit supplémentaire lui permettant de revendiquer le transfert à son profit du bail dont bénéficiait son frère. II a été jugé que dans l'hypothèse où le défiait laisse des ayants droit ne remplissant pas les conditions d'exploitation, le bail est alors transmis selon le droit commun successoral. Ce transfert n'est pas sans conséquence puisque dans l'hypothèse où les terres sont libérées, les héritiers peuvent prétendre à des indemnités de sortie ce qui n'est pas le cas si le bail est poursuivi au profit d'un des héritiers. Autres points, Mme [N] [E] née [X] doit établir d'une part, qu'elle est en règle avec le contrôle des structures, et d'autre part qu'elle a participé à l'exploitation de manière effective durant les cinq ans précédant le décès. S'agissant de l'autorisation d'exploiter, il résulte de la lecture des pièces communiquées que les services de la préfecture lui ont refusé l'autorisation d'exploiter et ne lui ont pas reconnu la possibilité de bénéficier du régime déclaratif. Ce seul élément suffit à refuser de valider le transfert du bail au profit de Mme [E] née [X]. Concernant la participation à l'exploitation, si Mme [N] [E] née [X] verse aux débats trois attestations de personnes indiquant qu'elle participait à l'exploitation de l'entreprise de son frère depuis plus de 5 ans, la partie adverse en communique seize faisant état de sa non-participation à l'exploitation des parcelles louées par son frère. Aux termes de l'une d'entre elles, il est mentionné qu'un des témoins, M. [Y] est associé du mari de Mme [E] [X], elle ne le conteste pas mais le dénommé [Y] ne l'a pas indiqué dans son attestation. Elle doit donc être écartée des débats. Il est aussi fait référence, également dans les pièces communiquées, â l'intervention de M. [P] [E], époux de Mme [N] [E] née [X], mais en qualité d'entrepreneur sur les parcelles de M. [X]. Mme [X] ne remet pas en cause cette allégation et précise qu'elle a participé en qualité de conjoint collaborateur de son mari jusqu'à la date de sa retraite en mai 2015. Elle prétend que les dispositions de l'article L 411-34 du code rural et de la pêche maritime ne fixent pas les modalités d'intervention du candidat à la reprise et les modalités selon lesquelles il doit avoir participé à l'exploitation au cours des cinq années antérieures au décès. II n'en demeure pas moins que les témoins dans leur grande majorité affirment qu'elle n'a pas participé effectivement à l'exploitation de son frère or cette condition est essentielle. Le tribunal considère donc au vu des éléments communiqués et discutés que Mme [N] [E] née [X] ne remplit aucune des conditions pour bénéficier du transfert du bail de son frère à son profit. Dès lors, il y a lieu de la débouter de l'intégralité de ses demandes y compris celle concernant le sursis à statuer puisque les conditions principales ne sont pas remplies pour la reprise, de prononcer la résiliation du bail à compter du 9 décembre 2015, de prononcer l'expulsion de Mme [E] des parcelles sous astreinte de 300€ par jour commençant à courir 30 jours après la signification de la présente décision ;

1) ALORS QUE lorsque le preneur décédé ne laisse pas de conjoint, de partenaire d'un pacte civil de solidarité ou d'ayant droit participant à l'exploitation ou y ayant participé effectivement au cours des cinq années antérieures au décès, le bailleur peut demander la résiliation du bail dans les six mois à compter du jour où le décès est porté à sa connaissance ; que ce délai constitue un délai de forclusion entraînant la déchéance du droit de résiliation qui n'a pas été exercé en temps utile ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [F] n'a pas demandé la résiliation du bail consenti le 30 mai 2014 à [L] [X] dans le délai de six mois à compter du jour où elle a eu connaissance du décès de ce dernier ; qu'en prononçant néanmoins la résiliation du bail à la demande Mme [F], la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé les articles L. 331-6 et L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime ;

2) ALORS QUE la transmission successorale du bail opère indépendamment du contrôle des structures ; que le délai de six mois laissé au bailleur à compter du jour où le décès du preneur est porté à sa connaissance pour demander la résiliation du bail est un délai de forclusion qui joue quels que soient les ayants cause du preneur décédé ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que Mme [F] n'a pas résilié le bail consenti le 30 mai 2014 à [L] [X] dans le délai imparti ; qu'en retenant néanmoins, pour prononcer la résiliation du bail, que le bailleur peut demander la résiliation du bail sans être enfermé dans le délai de forclusion prévu à l'article L. 411-34 à défaut pour l'héritier de satisfaire à la réglementation du contrôle des structures, la cour d'appel a violé les articles L. 331-6 et L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime ;

3) ALORS QUE les motifs de résiliation à la demande du bailleur sont limitativement énumérés ; que le non-respect du contrôle des structures des exploitations agricoles ne peut entraîner que la nullité du bail et seulement après un refus définitif de l'autorisation d'exploiter lorsqu'elle est nécessaire ou la non-présentation par le preneur de la demande dans le délai imparti par l'autorité administrative ; qu'en prononçant la résiliation du bail en raison de la prétendue irrégularité de Mme [E] au regard du contrôle des structures, la cour d'appel a violé les articles L. 331-6, L. 411-31 et L. 411-34 du code rural et de la pêche maritime ;

4) ALORS QUE le congé doit mentionner les motifs allégués par le bailleur ; que le congé ne peut être validé pour un motif différent de celui qui a été indiqué ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le congé délivré par Mme [F], fondé sur l'article L. 411-33 du code rural et de la pêche maritime - qui ne concerne que les cas de résiliation ouverts au preneur -, était motivé par le défaut d'autorisation d'exploiter et ne visait que la mise en demeure notifiée le 29 septembre 2016 à [P] [E] ; qu'en retenant néanmoins, pour prononcer la résiliation du bail et rejeter la demande de Mme [E] en annulation du congé délivré les 9 et 10 novembre 2016, que si cette mise en demeure a été adressée à [P] [E] et non à [N] [X] épouse [E], pour autant, cette dernière ne justifie pas de la conformité de sa propre situation pour exploiter les terres qui étaient données à bail à [L] [X] au regard de la réglementation sur le contrôle des structures, la cour d'appel a violé l'article L. 411-47 du code rural et de la pêche maritime ;

5) ALORS, en toute hypothèse, QUE seul le refus définitif de l'autorisation d'exploiter lorsqu'elle est nécessaire caractérise la méconnaissance du contrôle des structures ; qu'il s'ensuit qu'à défaut de surseoir à statuer dans l'attente d'une décision administrative définitive sur l'autorisation d'exploiter du preneur, le juge judiciaire doit s'assurer lui-même de la conformité du preneur au contrôle des structures ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, après avoir constaté que Mme [E] avait interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Rouen ayant rejeté ses recours contre l'arrêté préfectoral de refus d'autorisation d'exploiter les terres litigieuses, n'a pas sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive ; qu'en se fondant néanmoins, pour considérer que Mme [E] ne justifiait pas d'une situation régulière au regard du contrôle des structures et prononcer la résiliation du bail, sur l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif quand il lui appartenait de rechercher elle-même si Mme [E] était ou non en règle avec le contrôle des structures, la cour d'appel a violé l'article L. 331-6 du code et de la pêche maritime.


Synthèse
Formation : Chambre civile 3
Numéro d'arrêt : 20-17511
Date de la décision : 13/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Amiens, 19 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 3e, 13 avr. 2022, pourvoi n°20-17511


Composition du Tribunal
Président : Mme Teiller (président)
Avocat(s) : SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17511
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