LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 avril 2022
Cassation partielle
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 401 F-B
Pourvoi n° R 20-18.310
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 AVRIL 2022
La société [3], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-18.310 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2020 par la cour d'appel d'Amiens (2e chambre, protection sociale et du contentieux de la tarification), dans le litige l'opposant à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lapasset, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [3], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er mars 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Lapasset, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 29 mai 2020), la société [3] (la société) ayant demandé le 18 juin 2019, plus de deux mois après la notification de son taux de cotisation 2019, le retrait de son compte employeur 2017 des incidences financières de la maladie de l'un de ses salariés et leur inscription sur le compte spécial, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie lui a opposé la forclusion de son recours.
2. La société a saisi d'un recours la juridiction de la tarification.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa seconde branche
Enoncé du moyen
4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risque par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail ; que la décision de notification du taux de cotisation n'acquiert donc un caractère définitif qu'à compter de sa notification pour l'année en cours et n'interdit pas à l'employeur de contester l'imputation sur son compte employeur de dépenses relatives à un sinistre lorsque ces dépenses sont susceptibles d'avoir une incidence sur les taux de la cotisation pour d'autres exercices qui ne lui ont pas été notifiés ; qu'au cas présent, après avoir expressément constaté que la maladie de la victime avait une incidence sur le taux de cotisation 2019 notifié à l'employeur, mais également sur ceux des années 2020 et 2021, qui ne lui avaient pas encore été notifiés, la cour d'appel a jugé que « la recevabilité de la contestation des coûts litigieux suppose que la contestation du taux 2019 ne soit pas atteinte de forclusion », pour considérer que l'employeur n'était pas recevable ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'employeur était recevable à contester l'imputation sur son compte employeur des dépenses afférentes à la maladie litigieuse dès lors qu'elles devaient être prises en compte pour le calcul des taux de cotisation pour les exercices 2020 et 2021 qui ne lui avaient pas été notifiés et n'avaient pas acquis un quelconque caractère définitif à son égard, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, le second dans sa rédaction issue du décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018, applicable au litige :
5. Selon le premier de ces textes, le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risques par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'après les règles fixées par décret.
6. Selon le second, le recours de l'employeur mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 242-5 et à l'article L. 242-7, est introduit dans le délai de deux mois à compter de la date de réception de la notification par cette caisse de sa décision concernant les taux de cotisation.
7. L'arrêt retient que le taux de cotisation 2019 ayant été notifié par courrier du 1er janvier reçu le 11 janvier 2019 et qu'aucun recours n'ayant été adressé à la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail dans le délai de deux mois de cette notification, la forclusion de la contestation de ce taux entraîne l'irrecevabilité de la contestation de l'inscription au compte employeur 2017 des coûts de la maladie de son salarié ainsi que de la demande d'inscription de ceux-ci au compte spécial.
8. En statuant ainsi, alors que l'employeur est en droit de contester l'imputation des conséquences d'une maladie professionnelle à son compte employeur sans que puisse lui être opposée la forclusion de la contestation du dernier taux de cotisation notifié et sans qu'il ait à attendre la notification des taux à venir, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit que le taux de cotisation 2019 de l'établissement 451329908 03973 de la société [3] est devenu définitif, l'arrêt rendu le 29 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée.
Condamne la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail de Normandie et la condamne à payer à la société [3] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société [3]
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit le taux de cotisations 2019 de l'établissement 451329908 03973 de la société [3] était devenu définitif faute de recours gracieux ou contentieux de la part de cette dernière dans le délai de deux mois de la notification de ce taux et d'avoir déclaré par voie de conséquence irrecevable la contestation par l'inscription au compte employeur 2017 de son établissement 451329908 03973 des coûts de la maladie ressortissant du tableau n°42 déclarée par Monsieur [M] ainsi que la demande de cette société en inscription au compte spécial ;
1°) ALORS QUE l'employeur est recevable à demander l'imputation au compte spécial des dépenses relatives à une maladie inscrite sur son compte employeur sans que ne puisse lui être opposé le délai de forclusion de deux mois pour contester le calcul du taux annuel qui lui a été notifié ; qu'au cas présent, la société [3] a formé une action tendant à obtenir le retrait de son compte employeur 2017 des conséquences de la maladie de M. [M] et leur imputation au compte spécial ; que pour rejeter ce recours, la cour d'appel d'Amiens a considéré que cette action était forclose, à défaut pour l'employeur d'avoir formé un recours dans un délai de deux mois à compter de la date de réception de son taux de cotisation pour l'année 2019 ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'action dont elle était saisie portait sur l'inscription du coût afférent à une maladie professionnelle au compte spécial et au retrait d'un compte employeur et qu'une telle demande n'est pas soumise au délai de forclusion de deux mois courant à compter de la notification du taux de cotisation AT-MP, la cour d'appel a violé les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 ;
2°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE le taux de la cotisation due au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles est déterminé annuellement pour chaque catégorie de risque par la CARSAT ; que la décision de notification du taux de cotisation n'acquiert donc un caractère définitif qu'à compter de sa notification pour l'année en cours et n'interdit pas à l'employeur de contester l'imputation sur son compte employeur de dépenses relatives à un sinistre lorsque ces dépenses sont susceptibles d'avoir une incidence sur les taux de la cotisation pour d'autres exercices qui ne lui ont pas été notifiés ; qu'au cas présent, après avoir expressément constaté que la maladie de M. [M] avait une incidence sur le taux de cotisation 2019 notifié à l'employeur, mais également sur ceux des années 2020 et 2021, qui ne lui avaient pas encore été notifiés, la cour d'appel a jugé que « la recevabilité de la contestation des coûts litigieux suppose que la contestation du taux 2019 ne soit pas atteinte de forclusion » (arrêt p. 4), pour considérer que l'employeur n'était pas recevable ; qu'en statuant ainsi, cependant que l'employeur était recevable à contester l'imputation sur son compte employeur des dépenses afférentes à la maladie litigieuse dès lors qu'elles devaient être prises en compte pour le calcul des taux de cotisation pour les exercices 2020 et 2021 qui ne lui avaient pas été notifiés et n'avaient pas acquis un quelconque caractère définitif à son égard, la cour d'appel a méconnu les conséquences qui s'évinçaient de ses constatations et a violé les articles L. 242-5 et R. 142-13-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige issue du décret n°2018-928 du 29 octobre 2018.