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06/04/2022 | FRANCE | N°20-23234

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 06 avril 2022, 20-23234


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 avril 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 438 F-D

Pourvoi n° T 20-23.234

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022

La société ITM formation, société par ac

tions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],[Localité 4]s, a formé le pourvoi n° T 20-23.234 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cou...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CA3

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 avril 2022

Cassation

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 438 F-D

Pourvoi n° T 20-23.234

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022

La société ITM formation, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],[Localité 4]s, a formé le pourvoi n° T 20-23.234 contre l'arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la cour d'appel de Nancy (chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à M. [T] [I], domicilié [Adresse 1], [Localité 3], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Marguerite, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société ITM formation, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Marguerite, conseiller référendaire rapporteur, Mme Le Lay, conseiller, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 3 décembre 2020), M. [I] a été engagé en qualité de conseiller formation, à compter du 8 novembre 2011, avec reprise d'ancienneté au 30 mai 1990, par la société Fordis. Le 1er janvier 2016, son contrat de travail a été transféré à la société ITM formation. Le 18 novembre 2016, il a été licencié pour motif économique en raison de la cessation d'activité de la société ITM formation.

2. Il a saisi la juridiction prud'homale afin notamment de contester son licenciement.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié une somme à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que, hors situation de co-emploi, la cessation complète et définitive d'activité d'une filiale d'un groupe constitue un motif autonome de licenciement, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur ; que la circonstance que d'autres entreprises du groupe poursuivent une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive ; qu'en retenant, pour dire que la cessation d'activité de la société ITM formation ne constituait pas un motif légitime de licenciement, que ‘'l'activité de formation a continué d'exister au sein du groupe avec une intégration de tâches que les autres entités n'assuraient pas quand ITM formation fonctionnait'‘ et que ‘'l'activité de formation de la société ITM formation se poursuivait dans chacune des entreprises métiers du groupe'‘, la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

4. La cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement.

5. Pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient qu'en dépit de la perte de l'activité de gestion du financement de la formation qu'assumait la société ITM formation, consécutive à la loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale, ayant prévu l'obligation de verser la contribution formation professionnelle à un organisme paritaire collecteur agréé, l'activité de formation qu'elle exerçait a subsisté dès lors qu'elle a été intégrée au sein des entreprises métier du groupe, qui ont organisé en leur sein les moyens nécessaires à la satisfaction des besoins de formation des magasins de chaque enseigne. Il en déduit que l'employeur ne rapporte pas la preuve de la cessation définitive de l'activité.

6. En statuant ainsi, alors que la seule circonstance que d'autres entreprises du groupe aient poursuivi une activité de même nature ne faisait pas par elle-même obstacle à ce que la cessation d'activité de la société ITM formation soit regardée comme totale et définitive, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 décembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Reims ;
Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société ITM formation

La société ITM Formation fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de M. [I] sans cause réelle et sérieuse et de l'AVOIR condamnée à payer à M. [I] 28.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

1. ALORS QUE hors situation de co-emploi, la cessation complète et définitive d'activité d'une filiale d'un groupe constitue un motif autonome de licenciement, sauf faute ou légèreté blâmable de l'employeur ; que la circonstance que d'autres entreprises du groupe poursuivent une activité de même nature ne fait pas, par elle-même, obstacle à ce que la cessation d'activité de l'entreprise soit regardée comme totale et définitive ; qu'en retenant, pour dire que la cessation d'activité de la société ITM Formation ne constituait pas un motif légitime de licenciement, que « l'activité de formation a continué d'exister au sein du groupe avec une intégration de tâches que les autres entités n'assuraient pas quand ITM Formation fonctionnait » et que « l'activité de formation de la société ITM Formation se poursuivait dans chacune des entreprises métiers du groupe », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige ;

2. ALORS QUE si, en cas de cessation d'activité de l'entreprise, le juge peut prendre en compte la situation économique de l'entreprise pour apprécier le comportement de l'employeur, il ne peut apprécier l'opportunité des choix de gestion de l'employeur, ni déduire l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'absence de gravité des difficultés économiques rencontrées ou de l'existence de solutions alternatives à la fermeture de l'entreprise ; qu'en l'espèce, il est constant qu'à la suite de la réforme du financement de la formation professionnelle, effective au 1er janvier 2015, le syndicat professionnel Fordis, qui gérait les budgets de formation et offrait aux adhérents du groupement Les Mousquetaires différentes prestations d'aide à l'élaboration et la mise en oeuvre des plans de formation, a perdu la gestion des budgets de formation de ses membres, ce qui a entraîné une baisse de ses produits d'exploitation de 13 % en 2015, une dégradation de son résultat de plus de 87 % et une perte de 19 % du nombre de jours de formation vendus ; que la société ITM Formation, qui a repris l'activité formation de ce syndicat, a elle-même vu son activité se dégrader en 2016, avec des pertes prévisionnelles de plus d'un million d'euros ; qu'en relevant encore, pour dire que l'employeur ne justifiait pas d'un motif légitime de licenciement, que selon les appréciations de l'expert-comptable désigné par le comité d'entreprise, « à la fin mai 2016, la situation économique n'apparaît pas aussi désastreuse que le PSE ne l'indique », « la perte d'exploitation [prévisionnelle pour 2016] a probablement été surestimée », « si l'activité doit décroître fortement (?), il est difficile d'évaluer dans la baisse ce qui relève de l'aspect « prophétie auto-réalisatrice » et que « le PSE montre que le groupe n'a pas envisagé un autre scénario autre que la cessation d'activité d'ITM formation », la cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, ensemble le principe de la liberté d'entreprendre ;

3. ALORS QUE la fermeture d'une filiale qui rencontre des difficultés économiques en raison d'une modification de la législation ne présente pas un caractère fautif, même si elle conduit à réduire certains coûts pour le groupe ; qu'en retenant encore, pour dire que le licenciement ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse, que la cessation d'activité de la société ITM Formation s'accompagnait de l'intégration de certaines formations « coeur de métier » au sein d'autres structures du groupe et du transfert des formations transverses à des prestataires externes avec « pour effet de diminuer la masse salariale de l'entreprise au profit d'intervenants indépendants », cependant qu'il n'était pas contesté que la réforme du financement de la formation professionnelle était à l'origine d'une importante perte d'activité pour le syndicat professionnel Fordis, puis la société ITM Formation, et de la cessation d'activité de cette dernière, la cour d'appel s'est encore fondée sur un motif impropre à caractériser une faute ou une légèreté blâmable de l'employeur, en violation de l'article L. 1233-3 du code du travail, ensemble le principe de la liberté d'entreprendre ;

4. ALORS QUE sauf à méconnaître l'autonomie de ce motif de licenciement, la cessation d'activité d'une filiale n'a pas à être justifiée par des difficultés économiques ou une menace sur la compétitivité du secteur d'activité du groupe ; que si le juge peut tenir compte de la situation économique de l'entreprise pour apprécier l'existence d'une faute ou d'une légèreté blâmable de l'employeur, il ne peut faire dépendre le bien-fondé du licenciement de la justification, par l'employeur, de la situation économique du groupe auquel l'entreprise appartient ; qu'en relevant, pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, que cour d'appel a violé l'article L. 1233-3 du code du travail, ensemble l'expert-comptable du comité d'entreprise faisait état dans son rapport du refus de la direction du groupe de transmettre certaines informations de comptabilité de gestion permettant d'apprécier la rentabilité du groupe et que la société ITM Formation ne justifie pas de la situation économique du groupe auquel elle appartient, la le principe de la liberté d'entreprendre.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-23234
Date de la décision : 06/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 03 décembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 06 avr. 2022, pourvoi n°20-23234


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23234
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