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06/04/2022 | FRANCE | N°20-22332

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 06 avril 2022, 20-22332


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 avril 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 312 F-D

Pourvoi n° N 20-22.332

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022

La société Axa France IARD, société anonyme, venant aux

droits de l'UAP, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° N 20-22.332 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2020 par la cour d'appel d...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 6 avril 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 312 F-D

Pourvoi n° N 20-22.332

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 AVRIL 2022

La société Axa France IARD, société anonyme, venant aux droits de l'UAP, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° N 20-22.332 contre l'arrêt rendu le 28 septembre 2020 par la cour d'appel de Nancy (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Bas-Rhin, dont le siège est [Adresse 3],

3°/ à la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale, dont le siège est [Adresse 2], représentée par le ministre des solidarités et de la santé,

4°/ à l'Etablissement français du sang (EFS), société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Mornet, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Mornet, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Désistement partiel

1. Il est donné acte à la société Axa France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin, la Mission nationale de contrôle et d'audit des organismes de sécurité sociale et l'Etablissement français du sang.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 28 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (1re Civ., 12 décembre 2018, pourvoi n° 17-27.922), après avoir subi plusieurs transfusions sanguines, en 1976, au cours d'hospitalisations au sein de l'hôpital militaire [6], puis, en 1984, au sein des hôpitaux universitaires de [Localité 7] (les hôpitaux universitaires), [J] [T] a appris, en 1993, qu'il était contaminé par le virus de l'hépatite C.

3. Il a assigné en responsabilité et indemnisation, au titre des produits fournis aux hôpitaux universitaires, le Centre régional de transfusion sanguine de [Localité 7] (le CRTS), aux droits et obligations duquel est venu l'Etablissement français du sang (l'EFS). Celui-ci a appelé en garantie l'assureur de ce centre, la société UAP, dont les droits et obligations ont été repris par la société Axa France IARD (l'assureur). L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (l'ONIAM), appelé en intervention forcée, s'est substitué à l'EFS.

4. [J] [T] étant décédé le 9 janvier 2013, ses ayants droit ont repris l'instance. L'origine transfusionnelle de la contamination ayant été admise, l'ONIAM a été condamné à indemniser les ayants droit.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. L'assureur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer à l'ONIAM la somme de 290 112,15 euros versée aux ayants droits de [J] [T], outre des intérêts, alors « que si le législateur a confié à l'ONIAM et non plus à l'EFS, venant aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, la mission d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles, il n'a pas modifié le régime de responsabilité auquel ces derniers ont été soumis et a donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées aux victimes de dommages par les assureurs de ces structures ; qu'il s'ensuit que, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurances est épuisée, le délai de validité de la couverture est expiré ou les assureurs peuvent se prévaloir de la prescription, leur garantie est due à l'ONIAM, lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée ; que, cette garantie étant due à l'ONIAM au titre des seuls produits fournis par leur assuré, il incombe au juge de tenir compte de la fourniture par d'autres établissements de transfusion sanguine de produits sanguins dont l'innocuité n'a pu être établie ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que [J] [T] a reçu plusieurs transfusions sanguines en 1976, au cours d'hospitalisations au sein de l'hôpital militaire [6], et, en 1984, au sein des hôpitaux Universitaires de [Localité 7] et qu'il avait pu être contaminé par le virus de l'hépatite C à l'occasion de l'une ou l'autre de ces hospitalisations ; que l'assureur faisait valoir que [J] [T] avait reçu soixante-dix-sept ou soixante-dix-huit produits sanguins – ce qui n'était pas contesté – et qu'il était démontré que l'ETS de [Localité 7] avait seulement fourni seize des soixante-dix-sept ou soixante-dix-huit produits transfusés dont il était constant que pour six des produits administrés en 1984, leur innocuité n'avait pu être établie ; qu'en ne tenant pas compte de la circonstance selon laquelle il était seulement établi que sur soixante-dix-sept ou soixante-dix-huit transfusions reçues par M. [T], seules six transfusions de produits sanguins fournis par l'ETS de [Localité 7] pouvaient être incriminées dans la contamination de M. [T] et décider que la garantie de l'assureur était totale de ce seul fait, la cour d'appel, qui a statué à l'aide de considérations inopérantes, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 complété par l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, ensemble l'article L. 1221-14 du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 102 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, 67, IV, de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 et 72, II, de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 et l'article L. 1221-14 du code de la santé publique :

7. À l'issue d'une reprise par l'EFS des droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, en application des articles 18 de la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998, 60 de la loi n° 2000-1353 du 30 décembre 2000 et 14 de l'ordonnance n° 2005-1087 du 1er septembre 2005, la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 a, en son article 67, confié à l'ONIAM la mission d'indemniser les victimes de telles contaminations par le virus de l'hépatite C et prévu une substitution de celui-ci à l'EFS dans les procédures en cours au titre des préjudices mentionnés à l'article L. 1221-14 du code de la santé publique n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable. L'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012 a conféré à l'ONIAM le droit d'être garanti des sommes versées aux victimes de dommages par les assureurs des structures reprises par l'EFS, que le dommage subi par la victime soit ou non imputable à une faute.

8. Il en résulte que, si le législateur a confié à l'ONIAM et non plus à l'EFS, venant aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, la mission d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles, il n'a pas modifié le régime de responsabilité auquel ces établissements ont été soumis et a donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées aux victimes de dommages par les assureurs de ces structures.

9. Il s'ensuit que, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurances est épuisée, le délai de validité de la couverture est expiré ou les assureurs peuvent se prévaloir de la prescription, leur garantie est due à l'ONIAM, lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée. Cette garantie étant due à l'ONIAM au titre des seuls produits fournis par leur assuré, il incombe au juge de tenir compte de la fourniture, par d'autres établissements de transfusion sanguine, de produits sanguins dont l'innocuité n'a pu être établie.

10. Après avoir relevé que la provenance des produits transfusés en 1976 n'était pas établie, que soixante et onze produits sanguins avaient été transfusés en 1984, que l'assureur invoquait que seize avaient alors été fournis par son assuré et que l'innocuité de six d'entre eux n'avait pu être déterminée par l'enquête transfusionnelle, l'arrêt condamne l'assureur à payer à l'ONIAM la totalité de la somme versée aux ayants droit de [J] [T]

11. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Axa France IARD à payer à l'ONIAM la somme de 290 112,15 euros versée aux ayants-droits de [J] [T], l'arrêt rendu le 28 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;

Condamne l'ONIAM aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action de l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) envers elle ;

ALORS DE PREMIÈRE PART QUE les tribunaux ne pourront prendre directement ou indirectement aucune part à l'exercice du pouvoir législatif, ni empêcher ou suspendre l'exécution des décrets du Corps législatif, sanctionnés par le Roi, à peine de forfaiture ; qu'en décidant que la police en litige, simple contrat-type reproduisant le modèle des conditions générales annexé à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, pris pour l'application de l'article L. 667 du code de la santé publique, contrevenait aux dispositions des articles L. 114-1 et R. 112-1 du code des assurances, la cour d'appel a porté atteinte au principe de la séparation des pouvoirs et violé l'article 10 du décret des 16 et 24 août 1790, ensemble l'article L. 111-4 du code des assurances ;

ALORS DE SECONDE PART, et en toute hypothèse, QUE l'autorité administrative peut imposer l'usage de clauses types de contrats ; que les contrats d'assurance souscrits par les centres de transfusion sanguine pour satisfaire à l'obligation établie par l'article L. 667 du code de la santé publique doivent comporter des garanties au moins égales à celles contenues dans le modèle des conditions générales annexé à l'arrêté interministériel du 27 juin 1980, ce dont il résulte que l'assureur satisfait à ses obligations en adoptant le modèle sans être tenu de rappeler les dispositions des titres Ier et II, du livre Ier de la partie législative du code des assurances concernant la prescription des actions dérivant du contrat d'assurance, non rappelées dans le modèle annexé à l'arrêté ; qu'en décidant le contraire, pour en déduire l'inopposabilité de la prescription biennale opposée par la société Axa France Iard à l'action de l'Oniam, la cour d'appel a violé l'article L. 111-4 du code des assurances, ensemble l'article 1er de l'arrêté interministériel du 27 juin 1980.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire) :

La société Axa France Iard fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à l'office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) la somme de 290 112,15 euros (deux cent quatre vingt dix mille cent douze euros et quinze centimes) versée aux ayants-droits de [J] [T], décédé le 9 janvier 2013, assortie des intérêts au taux légal à compter du 15 novembre 2020, d'AVOIR dit que ces intérêts seront capitalisés selon les modalités de l'article 1343-2 du code civil et de l'AVOIR condamnée aux entiers dépens et à payer à l'Oniam la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

ALORS QUE si le législateur a confié à l'ONIAM et non plus à l'EFS, venant aux droits et obligations des établissements de transfusion sanguine, la mission d'indemniser les victimes de contaminations transfusionnelles, il n'a pas modifié le régime de responsabilité auquel ces derniers ont été soumis et a donné à l'ONIAM la possibilité de demander à être garanti des sommes versées aux victimes de dommages par les assureurs de ces structures ; qu'il s'ensuit que, hors les hypothèses dans lesquelles la couverture d'assurances est épuisée, le délai de validité de la couverture est expiré ou les assureurs peuvent se prévaloir de la prescription, leur garantie est due à l'ONIAM, lorsque l'origine transfusionnelle d'une contamination est admise, que l'établissement de transfusion sanguine qu'ils assurent a fourni au moins un produit administré à la victime et que la preuve que ce produit n'était pas contaminé n'a pu être rapportée ; que, cette garantie étant due à l'ONIAM au titre des seuls produits fournis par leur assuré, il incombe au juge de tenir compte de la fourniture par d'autres établissements de transfusion sanguine de produits sanguins dont l'innocuité n'a pu être établie ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que [J] [T] a reçu plusieurs transfusions sanguines en 1976, au cours d'hospitalisations au sein de l'hôpital militaire [6], et, en 1984, au sein des hôpitaux Universitaires de [Localité 7] et qu'il avait pu être contaminé par le virus de l'hépatite C à l'occasion de l'une ou l'autre de ces hospitalisations ; que la société Axa France Iard faisait valoir que M. [T] avait reçu soixante-dix-sept ou soixante-dix-huit produits sanguins – ce qui n'était pas contesté – et qu'il était démontré que l'ETS de [Localité 7] avait seulement fourni seize des soixante-dix-sept ou soixante-dix-huit produits transfusés dont il était constant que pour six des produits administrés en 1984, leur innocuité n'avait pu être établie (concl. p. 24 et p. 25) ; qu'en ne tenant pas compte de la circonstance selon laquelle il était seulement établi que sur soixante-dix-sept ou soixante-dix-huit transfusions reçues par M. [T], seules six transfusions de produits sanguins fournis par l'ETS de [Localité 7] pouvaient être incriminées dans la contamination de M. [T] et décider que la garantie de la société Axa France Iard était totale de ce seul fait, la cour d'appel, qui a statué à l'aide de considérations inopérantes, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002, 67 de la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 complété par l'article 72 de la loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, ensemble l'article L. 1221-14 du code de la santé publique.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-22332
Date de la décision : 06/04/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 28 septembre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 06 avr. 2022, pourvoi n°20-22332


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Sevaux et Mathonnet

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.22332
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