LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 6 avril 2022
Cassation
M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 455 F-D
Pourvoi n° J 20-21.593
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 AVRIL 2022
1°/ la coopérative Lur Berri,
2°/ la société LB, société par actions simplifiée,
3°/ la société LBO, société par actions simplifiée,
4°/ la société Lur Berri distribution, société par actions simplifiée,
5°/ la société Lur Berri Holding, société par actions simplifiée
6°/ la société Lur Berri jardineries, société par actions simplifiée,
7°/ la société Praviland, société par actions simplifiée,
8°/ la société Lurali, société coopérative par action simplifiée,
ayant toutes les huit leur siège [Adresse 4]
9°/ la société Cornelis, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],
10°/ la société Etablissements Pedefer, société par actions simplifiée, dont le siège est [Localité 5],
11°/ la société Lurali, société coopérative par action simplifiée, venant aux droits de la société U.C.A.A.B,
12°/ la société Palmitou,société par actions simplifiée ,
13°/ la société Lur' Innov, société par actions simplifiée,
ayant toutes les trois leur siège [Adresse 4]
ont formé le pourvoi n° J 20-21.593 contre l'ordonnance de référé rendue le 7 avril 2020 par le président du tribunal judiciaire de Bayonne et l'ordonnance rendue le 19 octobre 2020 par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux, dans le litige les opposant à la société d'expertise Syndex, société coopérative ouvrière de production à forme anonyme et capital variable, dont le siège est [Adresse 2], ayant un établissement [Adresse 3], défenderesse à la cassation.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la coopérative Lur Berri, des sociétés LB, LBO, Lur Berri distribution, Lur Berri Holding, Lur Berri jardineries, Praviland, Lurali, Cornelis, établissements Pedefer, Lurali, Palmitou, et Lur' Innov, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société d'expertise Syndex, après débats en l'audience publique du 16 février 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Donné acte
1. Il est donné acte à la société Syndex de ce qu'elle renonce à se prévaloir des mentions de l'ordonnance du premier vice-président du tribunal judiciaire de Bordeaux du 19 octobre 2020 arguées de faux.
Faits et procédure
2. Selon les ordonnances attaquées (président du tribunal judiciaire de Bayonne, 7 avril 2020 ; président du tribunal judiciaire de Bordeaux, 19 octobre 2020), par acte du 14 février 2020, la société coopérative Lur Berri et les douze sociétés du groupe ont fait assigner la société d'expertise Syndex devant le président du tribunal judiciaire en contestation de l'étendue de sa mission et de son devis d'intervention.
3. Par ordonnance de référé du 7 avril 2020, le président du tribunal judiciaire de Bayonne s'est déclaré incompétent au profit du président du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant selon la procédure accélérée au fond.
4. Par ordonnance du 19 octobre 2020, le président du tribunal judiciaire de Bordeaux a déclaré irrecevables les sociétés Coopérative Lur Berri et autres.
Examen du moyen
Sur le moyen en ce qu'il concerne l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Bayonne du 7 avril 2020
Enoncé du moyen
5. La société Coopérative Lur Berri et les sociétés LB, LBO, Lur Berri Distribution, Lur Berri Holding, Lur Berri Jardineries, Praviland, Lurali (en son nom personnel et venant aux droits de la société UCAAB), Cornelis, Etablissements Pedefer, Palmitou et Lur' Innov font grief à l'ordonnance du 7 avril 2020 de déclarer compétent le président du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant suivant la procédure accélérée au fond et de dire qu'à l'expiration du délai d'appel prévu par l'article 84 du code de procédure civile tel qu'issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le dossier de procédure serait transmis par les soins du greffe à la juridiction compétente, alors :
« 1°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'avait invoqué ni le délai de forclusion de 10 jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise à compter de la réception par l'employeur du cahier des charges, ni l'irrecevabilité des demandes des exposantes ; que dans son courrier du 19 octobre 2020 adressé au Président du tribunal judiciaire de Bordeaux et dans son message RPVA daté du 20 octobre suivant, Maître Taillard, avocat des exposantes, avait indiqué ne pas avoir été destinataire de la demande d'observations qui aurait été sollicitée en cours de délibéré sur la question de la recevabilité de la demande au regard de l'article R. 2315-49 du code du travail ; que dans son message RPVA du 20 octobre 2020, Maître Saulnier, avocat de la société Syndex, avait également précisé qu'aucune demande d'observations ne lui avait été adressée ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes des exposantes tendant à contester le coût prévisionnel de l'expertise en raison du non respect du délai de forclusion de 10 jours à compter de la réception le 29 janvier 2020 de la lettre de mission de la société Syndex valant cahier des charges, quand malgré les mentions de l'ordonnance attaquée, les parties n'avaient pas été invitées à s'expliquer sur ce point, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°/ que l'employeur dispose d'un délai de dix jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise à compter du jour où le dernier coût prévisionnel lui a été notifié ; qu'en l'espèce, le tribunal a relevé qu'il résultait des déclaration des parties que les exposantes avaient reçu le 29 janvier 2020 une lettre de mission de la société Syndex en date du 27 janvier 2020 précisant qu'elle valait cahier des charges et indiquant le coût prévisionnel de la mission, et que suite à une contestation portant sur la durée d'exécution de la mission, le taux journalier de facturation et les frais annexes, la société Syndex avait adressé aux exposantes le 7 février 2020, un courrier portant révision de 18 à 16,75 jours le temps nécessaire, compte tenu de deux modifications apportées aux conditions d'exercice de la mission ; qu'en affirmant pourtant que les exposantes étaient forcloses et que leurs demandes devaient être déclarées irrecevables, puisqu'elles n'avaient introduit l'instance que le 14 février 2020, et que le délai de 10 jours qui courait à compter du 29 janvier 2020 avait expiré le lundi 10 février à minuit, le tribunal a violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 978, alinéa 3, du code de procédure civile :
6. Selon ce texte, à peine d'être déclaré d'office irrecevable, chaque moyen ou chaque élément de moyen doit préciser le cas d'ouverture invoqué, la partie critiquée de la décision et ce en quoi celle-ci encourt le reproche allégué.
7. Or, le moyen n'articule aucun grief quant aux dispositions de l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Bayonne du 7 avril 2020 déclarant compétent le président du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant suivant la procédure accélérée au fond et disant qu'à l'expiration du délai d'appel prévu par l'article 84 du code de procédure civile tel qu'issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le dossier de procédure serait transmis par les soins du greffe à la juridiction compétente.
8. Dès lors, le moyen n'est pas recevable.
Mais sur le moyen en ce qu'il concerne l'ordonnance du président du tribunal judiciaire de Bordeaux du 19 octobre 2020, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
9. La société Coopérative Lur Berri et les sociétés LB, LBO, Lur Berri Distribution, Lur Berri Holding, Lur Berri Jardineries, Praviland, Lurali (en son nom personnel et venant aux droits de la société UCAAB), Cornelis, Etablissements Pedefer, Palmitou et Lur' Innov font grief à l'ordonnance du 19 octobre 2020 de les déclarer irrecevables, alors « que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'avait invoqué ni le délai de forclusion de 10 jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise à compter de la réception par l'employeur du cahier des charges, ni l'irrecevabilité des demandes des exposantes; que dans son courrier du 19 octobre 2020 adressé au Président du tribunal judiciaire de Bordeaux et dans son message RPVA daté du 20 octobre suivant, Maître Taillard, avocat des exposantes, avait indiqué ne pas avoir été destinataire de la demande d'observations qui aurait été sollicitée en cours de délibéré sur la question de la recevabilité de la demande au regard de l'article R. 2315-49 du code du travail ; que dans son message RPVA du 20 octobre 2020, Maître Saulnier, avocat de la société Syndex, avait également précisé qu'aucune demande d'observations ne lui avait été adressée ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes des exposantes tendant à contester le coût prévisionnel de l'expertise en raison du non respect du délai de forclusion de 10 jours à compter de la réception le 29 janvier 2020 de la lettre de mission de la société Syndex valant cahier des charges, quand malgré les mentions de l'ordonnance attaquée, les parties n'avaient pas été invitées à s'expliquer sur ce point, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 16, alinéa 3, du code de procédure civile :
10. Le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.
11. Pour déclarer irrecevables la société Coopérative Lur Berri et les autres sociétés, l'ordonnance retient qu'il résulte des déclarations des demandeurs qu'ils ont reçu de la société Syndex, par message électronique le 27 janvier et par lettre recommandée avec avis de réception le 29 janvier, une lettre de mission précisant qu'elle valait cahier des charges et indiquant le coût prévisionnel de la mission, que les sociétés de l'UES Lur Berri disposaient d'un délai de dix jours expirant au plus tard le 8 février pour saisir le tribunal, que, ce jour étant un samedi, le délai pour agir expirait le lundi 10 février à minuit, que ce n'est que par assignation du 14 février que les demandeurs ont saisi le juge des référés à Bayonne, qu'à la réception du courrier du 29 janvier la direction du groupe Lur Berri a saisi la société Syndex d'une contestation portant sur la durée d'exécution de la mission, le taux journalier de facturation et les frais annexes, que la société Syndex a répondu le 7 février 2020 en maintenant pour l'essentiel les éléments de sa mission et son taux de facturation journalier, acceptant toutefois de réviser de 18 à 16,75 jours le temps nécessaire, compte tenu de deux modifications apportées aux conditions d'exercice de la mission (réunions par conférence téléphonique et réunions préparatoires plénières sur deux jours consécutifs diminuant les frais et temps de déplacement), que cette modification ne peut être considérée comme un nouveau cahier des charges faisant courir un nouveau délai de contestation, qu'en n'introduisant l'instance que le 14 février 2020 les demandeurs étaient forclos.
12. En statuant ainsi, sans avoir invité les parties à présenter leurs observations sur le moyen, tiré de l'application des articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail, qu'il relevait d'office, le président du tribunal judiciaire n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen, la Cour :
REJETTE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre l'ordonnance rendue le 7 avril 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Bayonne ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 19 octobre 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Bordeaux ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette ordonnance et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Bordeaux autrement composé ;
Condamne la société d'expertise Syndex aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'ordonnance cassée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour les demanderesses
Les sociétés composant l'UES LUR BERRI font grief aux ordonnances attaquées d'AVOIR, par ordonnance du 7 avril 2020 déclaré compétent le Président du tribunal judiciaire de Bordeaux statuant suivant la procédure accélérée au fond, et dit qu'à l'expiration du délai d'appel prévu par l'article 84 du code de procédure civile tel qu'issu du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, le dossier de procédure serait transmis par les soins du Greffe à la juridiction compétente et d'AVOIR par ordonnance du 19 octobre 2020 déclaré irrecevables la société coopérative Lur Berri et les autres sociétés de l'UES et condamné ces dernières in solidum aux dépens ainsi qu'à payer à la société Syndex la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
1°) ALORS QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer luimême le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, aucune des parties n'avait invoqué ni le délai de forclusion de 10 jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise à compter de la réception par l'employeur du cahier des charges, ni l'irrecevabilité des demandes des exposantes (conclusions d'appel des exposantes p.4 à p.7 ; conclusions d'appel adverses p. 6 à 10) ; que dans son courrier du 19 octobre 2020 adressé au Président du tribunal judiciaire de Bordeaux et dans son message RPVA daté du 20 octobre suivant, Maître Taillard, avocat des exposantes, avait indiqué ne pas avoir été destinataire de la demande d'observations qui aurait été sollicitée en cours de délibéré sur la question de la recevabilité de la demande au regard de l'article R. 2315-49 du code du travail ; que dans son message RPVA du 20 octobre 2020, Maître Saulnier, avocat de la société Syndex, avait également précisé qu'aucune demande d'observations ne lui avait été adressée ; qu'en soulevant d'office le moyen tiré de l'irrecevabilité des demandes des exposantes tendant à contester le coût prévisionnel de l'expertise en raison du non respect du délai de forclusion de 10 jours à compter de la réception le 29 janvier 2020 de la lettre de mission de la société Syndex valant cahier des charges, quand malgré les mentions de l'ordonnance attaquée, les parties n'avaient pas été invitées à s'expliquer sur ce point, le tribunal a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE l'employeur dispose d'un délai de dix jours pour contester le coût prévisionnel de l'expertise à compter du jour où le dernier coût prévisionnel lui a été notifié ; qu'en l'espèce, le tribunal a relevé qu'il résultait des déclaration des parties que les exposantes avaient reçu le 29 janvier 2020 une lettre de mission de la société Syndex en date du 27 janvier 2020 précisant qu'elle valait cahier des charges et indiquant le coût prévisionnel de la mission, et que suite à une contestation portant sur la durée d'exécution de la mission, le taux journalier de facturation et les frais annexes, la société Syndex avait adressé aux exposantes le 7 février 2020, un courrier portant révision de 18 à 16,75 jours le temps nécessaire, compte tenu de deux modifications apportées aux conditions d'exercice de la mission ; qu'en affirmant pourtant que les exposantes étaient forcloses et que leurs demandes devaient être déclarées irrecevables, puisqu'elles n'avaient introduit l'instance que le 14 février 2020, et que le délai de 10 jours qui courait à compter du 29 janvier 2020 avait expiré le lundi 10 février à minuit, le tribunal a violé les articles L. 2315-86 et R. 2315-49 du code du travail.