LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CA3
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Rejet
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 417 F-D
Pourvoi n° K 20-19.915
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 MARS 2022
1°/ M. [N] [K], domicilié [Adresse 3],
2°/ la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention, dont le siège est [Adresse 2],
3°/ l'union locale des syndicats CGT 5e et 9e de [Localité 5], dont le siège est [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° K 20-19.915 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige les opposant à la société Altran technologies, dont le siège est [Adresse 4], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de M. [K], de la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention, et de l'union locale des syndicats CGT 5e et 9e de [Localité 5], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Altran technologies, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 3 juillet 2020), M. [K] a été engagé le 11 septembre 2012 par la société Altran technologies en qualité d'ingénieur d'études, statut cadre.
2.La convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, est applicable à la relation de travail.
3. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution de son contrat de travail.
4. L'union locale CGT 5e et 9e de [Localité 5] ainsi que la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention (les syndicats) sont intervenues volontairement à l'instance.
5. Le salarié a quitté les effectifs de la société le 24 janvier 2014.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter le montant des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés et prime de vacances afférents, alors :
« 1° / qu'aux termes de l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, lequel instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 réalisations de missions, lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent des modalités 2 réalisations de mission ; qu'à défaut, la convention de forfait en heures sur la semaine à laquelle ils ont été soumis leur étant inopposable, la rémunération perçue par les salariés en application de celle-ci est réputée correspondre à la durée légale du travail ; que, pour limiter le montant des rappels d'heures supplémentaires alloués au salarié exposant, la cour d'appel a retenu que la convention fixe un salaire forfaitaire annuel pour les 218 jours travaillés au titre du forfait et précise que cette rémunération forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures" et qu' il s'en déduit (?) que l'accord entre les parties était de rémunérer le salarié sur une base de 38 heures 30 par semaine, ce qui est confirmé par les mentions figurant sur le bulletin de salaire" ; qu'elle en a déduit que, nonobstant l'inopposabilité de la convention de forfait, il a été effectivement rémunéré sur une base de 38 heures 30 et ne peut prétendre, entre la 35e et la 38e heure et demie, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais seulement aux majorations afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée convenue ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la neutralisation de la convention de forfait en heures que la rémunération qui avait été servie au salarié en application de celle-ci était réputée correspondre au paiement des heures de travail dans la limite de la durée légale du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que le salarié qui a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois et ne peut, en conséquence, solliciter que le paiement des majorations afférentes aux heures supplémentaires, il appartient aux juges du fond de constater le paiement effectif du nombre d'heures prévues audit forfait, lequel ne résulte pas de la référence à la convention de forfait illicite portée sur le contrat de travail et les bulletins de paie ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement d'une convention de forfait en heures déclarée inopposable au salarié et de bulletins de paie portant uniquement la mention 2A Cadre 38 h 30 218 j ", lesquels n'établissaient pas l'existence d'un paiement effectif des heures accomplies entre la 35ème et la 38ème heure et demie, la cour d'appel a violé l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail en leur rédaction applicable litige. »
Réponse de la Cour
8. Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
9. Après avoir retenu l'inopposabilité de la convention de forfait en heures, la cour d'appel, recherchant la commune intention des parties, a décidé que celles-ci étaient convenues d'une rémunération contractuelle fixée pour une durée hebdomadaire de 38 h 30 et constaté que cette rémunération de base avait été payée par l'employeur. Elle en a déduit à bon droit que le salarié ne pouvait prétendre qu'au paiement des majorations applicables aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [K], l'union locale CGT 5e et 9e de [Localité 5] et la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour M. [K], la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention, et l'union locale des syndicats CGT 5e et 9e de [Localité 5]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Le salarié exposant fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR limité le montant des rappels d'heures supplémentaires, de congés payés y afférents et de primes de vacances qui lui ont été alloués ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, lequel instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 réalisations de missions, lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent des modalités 2 réalisations de mission ; qu'à défaut, la convention de forfait en heures sur la semaine à laquelle ils ont été soumis leur étant inopposable, la rémunération perçue par les salariés en application de celle-ci est réputée correspondre à la durée légale du travail ; que, pour limiter le montant des rappels d'heures supplémentaires alloués au salarié exposant, la cour d'appel a retenu que "la convention fixe un salaire forfaitaire annuel pour les 218 jours travaillés au titre du forfait et précise que cette rémunération forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures" et qu'"il s'en déduit (?) que l'accord entre les parties était de rémunérer le salarié sur une base de 38 heures 30 par semaine, ce qui est confirmé par les mentions figurant sur le bulletin de salaire" ; qu'elle en a déduit que, nonobstant l'inopposabilité de la convention de forfait, il a été effectivement rémunéré sur une base de 38 heures 30 et ne peut prétendre, entre la 35ème et la 38ème heure et demie, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais seulement aux majorations afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée convenue ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la neutralisation de la convention de forfait en heures que la rémunération qui avait été servie au salarié en application de celle-ci était réputée correspondre au paiement des heures de travail dans la limite de la durée légale du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE, si le salarié qui a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois et ne peut, en conséquence, solliciter que le paiement des majorations afférentes aux heures supplémentaires, il appartient aux juges du fond de constater le paiement effectif du nombre d'heures prévues audit forfait, lequel ne résulte pas de la référence à la convention de forfait illicite portée sur le contrat de travail et les bulletins de paie ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement d'une convention de forfait en heures déclarée inopposable au salarié et de bulletins de paie portant uniquement la mention "2A Cadre 38h30 218 j", lesquels n'établissaient pas l'existence d'un paiement effectif des heures accomplies entre la 35ème et la 38ème heure et demie, la cour d'appel a violé l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail en leur rédaction applicable litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Le salarié exposant fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le travail dissimulé n'est pas caractérisé et de l'AVOIR débouté de sa demande à ce titre ;
1°) ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le premier moyen relatif au paiement des heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE la dissimulation partielle d'emploi salarié est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué ; que, pour débouter le salarié de sa demandes au titre du travail dissimulé, la cour d'appel a retenu que le salarié a été payé " à hauteur de 38 heures 30, ce qui correspond aux mentions du bulletin de salaire ", et que " l'absence de mention sur lesdits bulletins de ce qu'une partie des heures effectuées étaient des heures supplémentaires ne suffit pas à démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé " ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que le salarié avait été soumis à une convention de forfait en heures sur la semaine qui ne lui était pas applicable faute de percevoir une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, ce que ne pouvait ignorer l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail.