LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 30 mars 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 397 F-D
Pourvois n°
M 20-19.893
A 20-19.860
D 20-19.909 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 30 MARS 2022
1°/ M. [N] [O], domicilié [Adresse 4] (Chine),
2°/ M. [K] [L], domicilié [Adresse 1],
3°/ M. [H] [C], domicilié [Adresse 3],
4°/ la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention, dont le siège est [Adresse 5],
5°/ l'union locale des syndicats [Adresse 7], dont le siège est [Adresse 2],
ont formé respectivement les pourvois n° M 20-19.893, A 20-19.860 et D 20-19.909 contre trois arrêts rendus le 3 juillet 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans les litiges les opposant à la société Altran technologies, dont le siège est [Adresse 6], défenderesse à la cassation ;
La société Altran technologies a formé un pourvoi incident contre les même arrêts.
Les demandeurs aux pourvois principaux invoquent, à l'appui de leur recours, les deux moyens de cassation communs annexés au présent arrêt.
La demanderesse aux pourvois incidents invoque, à l'appui de ses recours, le moyen unique de cassation commun également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de Mme Ala, conseiller référendaire, les observations de la SCP Didier et Pinet, avocat de MM. [O], [L], [C], de la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention et de l'union locale des syndicats [Adresse 7], de la SCP Celice, Texidor, Perier, avocat de la société Altran technologies, après débats en l'audience publique du 9 février 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ala, conseiller référendaire rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 20-19.893, A 20-19.860 et D 20-19.909 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Lyon, 3 juillet 2020), M. [O] et deux autres salariés ont été engagés par la société Altran technologies en qualité d'ingénieur d'études, statut cadre.
3. La convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, est applicable aux relations de travail.
4. Les salariés ont saisi la juridiction prud'homale de demandes se rapportant à l'exécution de leur contrat de travail.
5. L'union locale [Adresse 7] ainsi que la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention (les syndicats) sont intervenues volontairement à l'instance.
6. Les salariés ont quitté les effectifs de la société après le 1er janvier 2016.
Examen des moyens
Sur le second moyen du pourvoi principal des salariés, ci-après annexé
7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
8. Les salariés font grief aux arrêts de limiter le montant des rappels de salaire au titre des heures supplémentaires, des congés payés et prime de vacances afférents, alors :
« 1°/ qu'aux termes de l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, lequel instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 réalisations de missions, lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent des modalités 2 réalisations de mission ; qu'à défaut, la convention de forfait en heures sur la semaine à laquelle ils ont été soumis leur étant inopposable, la rémunération perçue par les salariés en application de celle-ci est réputée correspondre à la durée légale du travail ; que, pour limiter le montant des rappels d'heures supplémentaires alloués aux salariés exposants, la cour d'appel a retenu que la convention fixe un salaire forfaitaire annuel pour les 218 jours travaillés au titre du forfait et précise que cette rémunération forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures" et qu' il s'en déduit (?) que l'accord entre les parties était de rémunérer le salarié sur une base de 38 heures 30 par semaine, ce qui est confirmé par les mentions figurant sur le bulletin de salaire" ; qu'elle en a déduit que, nonobstant l'inopposabilité de la convention de forfait, ils ont été effectivement rémunérés sur une base de 38 heures 30 et ne peuvent prétendre, entre la 35e et la 38e heure et demie, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais seulement aux majorations afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée convenue ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la neutralisation des conventions de forfait en heures que la rémunération qui avait été servie aux salariés en application de celles-ci était réputée correspondre au paiement des heures de travail dans la limite de la durée légale du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que si le salarié qui a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois et ne peut, en conséquence, solliciter que le paiement des majorations afférentes aux heures supplémentaires, il appartient aux juges du fond de constater le paiement effectif du nombre d'heures prévues audit forfait, lequel ne résulte pas de la référence à la convention de forfait illicite portée sur le contrat de travail et les bulletins de paie ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement de conventions de forfait en heures déclarées inopposables aux salariés et de bulletins de paie portant uniquement la mention 2A Cadre 38h30 218 j", lesquels n'établissaient pas l'existence d'un paiement effectif des heures accomplies entre la 35e et la 38e heure et demie, la cour d'appel a violé l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail en leur rédaction applicable litige. »
Réponse de la Cour
9. Lorsqu'une convention de forfait en heures est déclarée inopposable, le décompte et le paiement des heures supplémentaires doit s'effectuer selon le droit commun, au regard de la durée légale de 35 heures hebdomadaires ou de la durée considérée comme équivalente.
10. Après avoir retenu l'inopposabilité de la convention de forfait en heures, la cour d'appel, recherchant la commune intention des parties, a décidé que celles-ci étaient convenues d'une rémunération contractuelle fixée pour une durée hebdomadaire de 38 heures 30 et constaté que cette rémunération de base avait été payée par l'employeur. Elle en a déduit à bon droit que les salariés ne pouvaient prétendre qu'au paiement des majorations applicables aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée légale du travail.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen du pourvoi incident de l'employeur
Enoncé du moyen
12. L'employeur fait grief aux arrêts de le condamner à verser des dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence déguisée, alors « que la clause de non-concurrence est la stipulation par laquelle le salarié s'engage à ne pas exercer une activité concurrente de celle de l'employeur postérieurement à la rupture du contrat de travail ; que ne constitue pas une clause de non-concurrence, la clause interdisant au salarié de solliciter ou de répondre au sollicitation d'un client en vue d'une embauche au cours des missions exercées auprès de ce client pour le compte de l'employeur ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que la clause de loyauté stipulait que dans le cadre de son activité salariée au sein de la société, [le salarié] s'engage à toujours agir de manière loyale et de bonne foi dans l'exécution de son contrat de travail" et qu' au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients du groupe, [le salarié] s'engage également à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client, en vue de négocier son éventuelle embauche, conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté" ; que cette clause, qui limitait donc expressément l'obligation du salarié aux seules périodes d'exécution du contrat de travail exercées auprès des clients et ne comportait aucune limitation à la liberté d'exercer une activité professionnelle postérieurement à la rupture du contrat ; qu'en jugeant qu'une telle clause « a incontestablement vocation à s'appliquer après la rupture du contrat de travail » et devait s'analyser en une clause de non-concurrence illicite, la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses propres constatations et violé les articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1, L. 1222-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 :
13. Selon le premier de ces textes le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.
14. Aux termes du deuxième, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
15. Pour condamner l'employeur au paiement de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence déguisée, les arrêts retiennent que la clause litigieuse a incontestablement vocation à s'appliquer après la rupture du contrat de travail et a pour effet de limiter la liberté du salarié de travailler chez une société concurrente, ce dont ils déduisent qu'elle constitue une clause de non-concurrence laquelle, en l'absence de toute contrepartie financière et de limitation dans l'espace, est nulle. Les arrêts ajoutent que cette clause qui interdit au salarié de solliciter un client au cours des missions qui lui sont confiées en vue de négocier une éventuelle embauche occasionne incontestablement un préjudice à celui-ci en ce qu'elle lui interdit d'anticiper une reconversion professionnelle.
16. En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que la clause litigieuse faisait interdiction aux salariés, au cours des missions qui leur étaient confiées, de solliciter ou de répondre à un client en vue de négocier une éventuelle embauche, ce dont il résultait que ces stipulations, qui s'appliquaient uniquement au cours de la relation de travail, ne pouvaient relever d'une clause de non-concurrence, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
17. La cassation du chef de dispositif critiqué par le moyen du pourvoi incident, entraîne, en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation du chef de dispositif qui confirme les jugements en ce qu'ils disent que la clause de loyauté incluse dans les contrats de travail était une clause de non-concurrence déguisée, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.
18. En revanche elle n'entraîne pas la cassation des chefs de dispositif qui condamnent l'employeur à verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, justifiés par d'autres condamnations non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE les pourvois principaux ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'ils disent que la clause de loyauté incluse dans les contrats de travail est une clause de non-concurrence déguisée et condamnent la société Altran technologies à verser aux salariés des dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence déguisée, les arrêts rendus le 3 juillet 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne les salariés, l'union locale [Adresse 7] et la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts partiellement cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president
Le greffier de chambre
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens communs produits par la SCP Didier et Pinet, avocat aux Conseils, pour MM. [O], [L], [C], la Fédération CGT des sociétés d'études, de conseil et de prévention et l'union locale des syndicats [Adresse 7] demandeurs aux pourvois principaux n° M 20-19.893, A 20-19.860 et D 20-19.909
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués d'AVOIR limité le montant des rappels d'heures supplémentaires, de congés payés y afférents et de primes de vacances qui leur ont été alloués ;
1°) ALORS QU'aux termes de l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, lequel instaure une convention de forfait en heures sur une base hebdomadaire pour les salariés relevant des modalités 2 réalisations de missions, lesdites modalités s'appliquent aux salariés non concernés par les modalités standard ou les réalisations de missions avec autonomie complète, et que tous les ingénieurs et cadres sont a priori concernés, à condition que leur rémunération soit au moins égale au plafond de la sécurité sociale ; qu'il en résulte que seuls les ingénieurs et cadres dont la rémunération est au moins égale au plafond de la sécurité sociale relèvent des modalités 2 réalisations de mission ; qu'à défaut, la convention de forfait en heures sur la semaine à laquelle ils ont été soumis leur étant inopposable, la rémunération perçue par les salariés en application de celle-ci est réputée correspondre à la durée légale du travail ; que, pour limiter le montant des rappels d'heures supplémentaires alloués aux salariés exposants, la cour d'appel a retenu que « la convention fixe un salaire forfaitaire annuel pour les 218 jours travaillés au titre du forfait et précise que cette rémunération forfaitaire englobe les variations horaires éventuellement accomplies dans une limite dont la valeur est au maximum de 10 % pour un horaire hebdomadaire de 35 heures » et qu'« il s'en déduit (?) que l'accord entre les parties était de rémunérer le salarié sur une base de 38 heures 30 par semaine, ce qui est confirmé par les mentions figurant sur le bulletin de salaire » ; qu'elle en a déduit que, nonobstant l'inopposabilité de la convention de forfait, ils ont été effectivement rémunérés sur une base de 38 heures 30 et ne peuvent prétendre, entre la 35e et la 38e heure et demie, au paiement du salaire de base une deuxième fois, mais seulement aux majorations afférentes aux heures supplémentaires effectuées au-delà de la durée convenue ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de la neutralisation des conventions de forfait en heures que la rémunération qui avait été servie aux salariés en application de celles-ci était réputée correspondre au paiement des heures de travail dans la limite de la durée légale du travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
2°) ET ALORS, subsidiairement, QUE, si le salarié qui a été rémunéré sur la base du nombre d'heures stipulé dans la convention de forfait en heures reconnue irrégulière ne peut prétendre au paiement du salaire de base une deuxième fois et ne peut, en conséquence, solliciter que le paiement des majorations afférentes aux heures supplémentaires, il appartient aux juges du fond de constater le paiement effectif du nombre d'heures prévues audit forfait, lequel ne résulte pas de la référence à la convention de forfait illicite portée sur le contrat de travail et les bulletins de paie ; qu'en statuant comme elle l'a fait sur le fondement de conventions de forfait en heures déclarées inopposables aux salariés et de bulletins de paie portant uniquement la mention « 2A Cadre 38h30 218 j », lesquels n'établissaient pas l'existence d'un paiement effectif des heures accomplies entre la 35e et la 38e heure et demie, la cour d'appel a violé l'article 3 chapitre II de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail et annexé à la convention collective nationale Syntec, ensemble les articles L. 3121-1 et L. 3171-4 du code du travail en leur rédaction applicable litige.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Les salariés exposants font grief aux arrêts attaqués d'AVOIR dit que le travail dissimulé n'est pas caractérisé et de les AVOIR déboutés de leurs demandes à ce titre ;
1°) ALORS QUE la cassation qui interviendra sur le premier moyen relatif au paiement des heures supplémentaires entraînera, par voie de conséquence et en application de l'article 624 du code de procédure civile, la censure de l'arrêt attaqué en ce qu'il a débouté les salariés de leur demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé ;
2°) ALORS, subsidiairement, QUE la dissimulation partielle d'emploi salarié est caractérisée lorsqu'il est établi que l'employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui effectué ; que, pour débouter les salariés de leurs demandes au titre du travail dissimulé, la cour d'appel a retenu que les salariés ont été payés « à hauteur de 38 heures 30, ce qui correspond aux mentions du bulletin de salaire », et que « l'absence de mention sur lesdits bulletins de ce qu'une partie des heures effectuées étaient des heures supplémentaires ne suffit pas à démontrer le caractère intentionnel du travail dissimulé » ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait que les salariés avaient été soumis à une convention de forfait en heures sur la semaine qui ne leur était pas applicable faute de percevoir une rémunération au moins égale au plafond de la sécurité sociale, ce que ne pouvait ignorer l'employeur, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail ;
3°) ALORS, plus subsidiairement, QUE l'infraction de travail dissimulé est constituée lorsque l'employeur persiste à appliquer aux salariés un dispositif conventionnel dont l'illicéité a été définitivement établie et dont il sait qu'il ne leur est pas applicable ; que selon les salariés exposants, l'employeur avait continué -en dépit de décision de justice définitive reconnaissant le caractère illicite des conventions de forfait en heures sur la semaine- de leur appliquer une telle convention, au moins jusqu'au 31 décembre 2015 (cf. arrêt page 11 § 2 ; conclusions d'appel pages 53 et 54) ; qu'en s'abstenant de rechercher si cette volonté délibérée de l'employeur de persister à soumettre les salariés exposants à des conventions de forfait qu'il savait ne pas leur être applicables n'était pas constitutive d'une dissimulation partielle d'emploi salarié, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 8221-5 du code du travail.
Moyen commun produit par la SCP Célice, Texidor, Perier, avocat de la société Altran technologies, demanderesse aux pourvois incidents n° M 20-19.893, A 20-19.860 et D 20-19.909
La société Altran Technologies reproche aux arrêts attaqués de l'avoir condamnée à payer aux salariés la somme de 1 000 € au titre de la clause de non-concurrence déguisée ;
ALORS QUE la clause de non-concurrence est la stipulation par laquelle le salarié s'engage à ne pas exercer une activité concurrente de celle de l'employeur postérieurement à la rupture du contrat de travail ; que ne constitue pas une clause de non-concurrence, la clause interdisant au salarié de solliciter ou de répondre au sollicitation d'un client en vue d'une embauche au cours des missions exercées auprès de ce client pour le compte de l'employeur ; qu'au cas présent, il résulte des constatations de l'arrêt que la clause de loyauté stipulait que « dans le cadre de son activité salariée au sein de la société, [le salarié] s'engage à toujours agir de manière loyale et de bonne foi dans l'exécution de son contrat de travail » et qu' « au cours des missions qui lui sont confiées auprès des différents clients du groupe, [le salarié] s'engage également à ne pas solliciter ou/et à ne pas répondre à un client, en vue de négocier son éventuelle embauche, conscient que cela constituerait un manquement à son obligation de loyauté » ; que cette clause, qui limitait donc expressément l'obligation du salarié aux seules périodes d'exécution du contrat de travail exercées auprès des clients et ne comportait aucune limitation à la liberté d'exercer une activité professionnelle postérieurement à la rupture du contrat ; qu'en jugeant qu'une telle clause « a incontestablement vocation à s'appliquer après la rupture du contrat de travail » et devait s'analyser en une clause de non-concurrence illicite, la cour d'appel a méconnu les conséquences de ses propres constatations et violé les articles L. 1221-1 et L. 1222-1 du code du travail et 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Le greffier de chambre