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30/03/2022 | FRANCE | N°20-18861

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 30 mars 2022, 20-18861


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 282 F-D

Pourvoi n° Q 20-18.861

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2022

La société Caisse d'épargne et de prévoyance Grand-Est Europe, s

ociété coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-18.861 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par l...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 mars 2022

Cassation

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 282 F-D

Pourvoi n° Q 20-18.861

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 MARS 2022

La société Caisse d'épargne et de prévoyance Grand-Est Europe, société coopérative à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° Q 20-18.861 contre l'arrêt rendu le 27 février 2020 par la cour d'appel de Metz (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [V],
2°/ à Mme [B] [O], épouse [V],

domiciliés tous deux [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Avel, conseiller, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse d'épargne et de prévoyance Grand-Est Europe, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. et Mme [V] et l'avis de M. Lavigne, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Avel, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Metz, 27 février 2020), suivant offre de prêt du 14 août 2008, acceptée le 27 août 2008, la société Caisse d'épargne et de prévoyance de Lorraine Champagne Ardenne, aux droits de laquelle vient la société Caisse d'épargne et de prévoyance Grand-Est Europe (la banque) a consenti à M. et Mme [V] (les emprunteurs) un prêt immobilier destiné à financer l'acquisition de leur résidence principale d'un montant de 250 000 euros au taux conventionnel de 4,95 % l'an et au taux effectif global de 5,04 %.

2. Par un avenant du 21 janvier 2012, les parties sont convenues d'un report de trois échéances, avec un taux effectif global de 4,899 %, et, par un second du 16 décembre 2013, un report de deux échéance avec un taux effectif global de 5,097 %.

3. Invoquant des irrégularités affectant l'offre de prêt et des erreurs dans le calcul du taux effectif global, les emprunteurs ont assigné la banque en annulation de la clause d'intérêts conventionnels figurant dans l'offre de prêt et les avenants, et en substitution de l'intérêt légal.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La banque fait grief à l'arrêt d'annuler les stipulations d'intérêts des avenants des 20 janvier 2012 et 16 décembre 2013, d'ordonner, en conséquence, la substitution au taux conventionnel du taux légal en vigueur au jour de la signature de ces avenants, de la condamner à payer aux emprunteurs la différence entre les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon les taux conventionnels des avenants et les intérêts au taux légal et de la condamner à remettre aux emprunteurs un nouvel échéancier, alors « que l'inexactitude du TEG mentionné dans l'avenant d'un prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l'emprunteur ; qu'au cas présent, après avoir constaté que les TEG des deux avenants au prêt immobilier du 27 août 2008 étaient erronés au-delà de la première décimale pour ne pas avoir pris en compte les frais liés à l'assurance invalidité-décès, la cour d'appel a prononcé l'annulation des stipulations d'intérêts de ces avenants et la substitution du taux légal aux taux conventionnels ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 :

5. Il résulte de ces textes que la mention d'un taux effectif global erroné dans l'avenant d'un prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge.

6. Pour prononcer l'annulation de la clause conventionnelle d'intérêts contenue dans chacun des avenants et la substitution du taux d'intérêt légal au jour de l'acceptation des avenants, l'arrêt retient que l'absence d'inclusion des frais d'assurance décès-invalidité dans le taux effectif global de l'avenant du 20 janvier 2012, et dans celui du 16 décembre 2013 a entraîné, dans le calcul de ces taux, une erreur supérieure à la décimale.

7. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 27 février 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Metz ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy ;

Condamne M. et Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Caisse d'épargne et de prévoyance Grand-Est Europe.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré nulles les stipulations d'intérêts des avenants du 20 janvier 2012 et du 16 décembre 2013, d'avoir ordonné en conséquence la substitution au taux conventionnel de 4,899 % pour l'avenant du 20 janvier 2012 et au taux conventionnel de 5,097 % pour l'avenant du 16 décembre 2013 par le taux légal en vigueur au jour de la signature de ces avenants, soit 0,04 % à compter du 5 mars 2012 et ce, pour toute la durée ultérieure du prêt sans révision en fonction de l'évolution du taux légal, d'avoir condamné la banque à régler aux époux [V] la différence entre les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon les taux conventionnels des avenants et les intérêts au taux légal de 0,04 % depuis le 5 mars 2012 et d'avoir condamné sous astreinte la banque à remettre aux emprunteurs un nouvel échéancier prenant en compte le taux de 0,04 % depuis le 5 mars 2012 ;

aux motifs que « M. et Mme [V] font grief au préteur de n'avoir pas inclus, dans le calcul du TEG prévu dans l'offre de prêt puis dans les avenants, les coûts de l'assurance décès-invalidité qu'ils estiment avoir été contraints de souscrire en vue d'obtenir le prêt litigieux. Les griefs relatifs à l'offre de prêt initiale étant prescrits, il y a lieu de n'examiner ce moyen qu'en ce qu'il affecterait les deux avenants. La Caisse d'épargne conteste le caractère obligatoire de la souscription d'une telle assurance et fait valoir que les emprunteurs avaient renoncé à l'assurance qu'elle proposait, de sorte qu'elle ne pouvait connaître le montant de l'assurance choisie par M. et Mme [V] et ne pouvait l'inclure dans le calcul du TEG. Aux termes de l'article L. 313-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'époque du contrat et des avenants : « dans tous les cas pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commission ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ». Selon l'alinéa 2 de l'article 1907 du Code civil, le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit, exigence qui s'applique également au taux effectif global, de sorte qu'il est constant que l'exigence de la forme écrite du taux d'intérêts et du TEG est une condition de validité de la stipulation même dudit intérêt, que par là même l'omission de cette indication entraîne l'application du taux de l'intérêt légal, et que ce principe doit s'appliquer de la même manière dans le cas d'un TEG erroné dès lors qu'une telle circonstance équivaut à l'absence de mention du TEG. Il est également constant que doivent être inclus dans le TEG les intérêts, commissions et frais déterminables, qui sont une condition du crédit ou qui ont un lien direct avec le prêt. L'inexactitude affectant le taux effectif global doit néanmoins s'avérer supérieure à la première décimale, et ce, tant pour les crédits à la consommation que pour les crédits immobiliers (Cour de cassation, civ. 1re, 10 octobre 2019, n°18-20.015). En l'espèce, les conditions particulières du prêt prévoyaient sous la rubrique« Assurances » la mention « Choix volontaire de ne pas retenir d'assurance proposée par le Prêteur. » puis, sous la rubrique « Garanties », une « Délégation police d'assurance (réalisée sous seing privé) » couvrant la totalité du montant du prêt PRIMO OPTIONNEL. Les conditions générales stipulaient en outre à l'article 24 intitulé « Formation du contrat de prêt » la clause suivante : « [Le contrat de prêt] deviendra définitif, sous réserve que les garanties prévues dans la présente offre soient régularisées aux rangs et conditions convenus et lorsque les emprunteurs auront justifié : - leur admission dans une assurance décès-invalidité ». Il résulte de ces stipulations que si la banque a fait apparaître dans les conditions particulières la volonté des emprunteurs de ne pas souscrire l'assurance groupe de la banque, reflétant ainsi leur liberté de choix quant à l'assurance souscrite, ceux-ci demeuraient tout de même tenus, pour que la conclusion du contrat soit définitive et donc pour obtenir le prêt, de souscrire une assurance décès-invalidité. Il est au demeurant relevé que la formule citée par la banque dans ses conclusions (à savoir « dès lors que les emprunteurs auront justifié de leur admission dans une assurance décèsinvalidité lorsqu'elle aura été prévue aux conditions particulières de la présente offre ») ne correspond pas aux termes exacts de l'article 24 précité qui ne retient que « lorsque les emprunteurs auront justifié : - leur admission dans une assurance décès-invalidité ». Dans ces conditions, le coût de l'assurance décès devant obligatoirement être souscrite par le ou les emprunteurs devait être pris en compte dans le calcul du taux effectif global s'il était déterminable à la date de conclusion de chacun des avenants. La banque ne soutient pas que ce coût de l'assurance n'était pas déterminable à la date des avenants, et se contente d'affirmer qu'elle ne le connaissait puisque les emprunteurs avaient refusé la sienne. Or, il ressort des éléments produits aux débats que M. [V] a effectivement souscrit auprès du Groupement militaire de prévoyance des armées une assurance décès-invalidité et arrêt de travail garantissant le remboursement du prêt PRIMO OPTIONNEL, à effet du 1er septembre 2008, engendrant des cotisations mensuelles fixes de 53,75 euros jusqu'au 1er août 2033. La banque ayant été informée de la mise en place de cette assurance à tout le moins par courrier du 11 septembre 2018 directement adressé par le Groupement militaire de prévoyance des armées (GMPA), elle ne peut soutenir ne pas avoir pu connaître les coûts de celle-ci au moment de l'établissement des avenants litigieux, intervenus les 20 janvier 2012 et 16 décembre 2013, alors qu'il lui suffisait de solliciter l'information sur le montant des cotisations payées par M. [V] pour l'inclure dans son calcul. Dès lors, en application des dispositions précitées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1 du code de la consommation, l'erreur dans le calcul des TEG stipulés dans les avenants au contrat de prêt des 20 janvier 2012 et 16 décembre 2013 doit être constatée. Il est constant qu'une telle erreur dans le calcul ne peut cependant entraîner la nullité de la clause conventionnelle d'intérêts que s'il en résulte, entre le TEG affiché et le TEG recalculé, une différence de plus d'une décimale, et ce en application des dispositions de l'article R. 313-1 paragraphe 4 du code de la consommation. A cet égard, il convient de prendre en compte les éléments chiffrés fournis par les emprunteurs, à savoir le montant des cotisations d'assurance dont ils avaient la charge, et les calculs mathématiques réalisés par Mme [J] [Z], expert auprès de la Cour d'Appel d'Angers. L'expertise de Mme [Z] n'a pas été réalisée au cours d'opérations contradictoires, mais résulte de l'application de formules mathématiques objectives, et a été soumise à la critique de la Caisse d'épargne, autant en première instance qu'en appel. L'appelante, qui maîtrise nécessairement les méthodes de calcul de l'intégration des frais dans le TEG, ne fournit d'ailleurs aucune critique ou calcul contraire aux résultats de cette expertise en ce qu'ils concernent les frais d'assurance décès-invalidité. Ces constatations peuvent donc être pris en compte par la cour, en conjonction avec les montants des taux mentionnés dans les avenants et des cotisations indiquées dans le certificat d'affiliation à l'assurance. Or, il ressort de l'ensemble de ces éléments que le TEG de l'avenant du 20 janvier 2012, après inclusion des frais d'assurance décès-invalidité, était en réalité de 5,299% en lieu et place du TEG annoncé à 4,899%. Pour l'avenant du 16 décembre 2013, le TEG recalculé était de 5,522% en lieu et place du TEG annoncé de 5,097%. En effet l'impact des frais d'assurance décès-invalidité sur le TEG est de 0,40 pour le TEG prévu dans l'avenant de 2012 et de 0,425 pour les TEG prévu dans l'avenant de 2013. Ces différences sont incontestablement supérieures à une décimale (0,1). Par conséquent, s'agissant d'erreurs de calcul affectant les TEG prévus dans des avenants au contrat de prêt s'étant formé entre les parties, et non du TEG prévu dans l'offre de prêt pour lequel la demande des emprunteurs est prescrite, une telle erreur dans le calcul doit entraîner comme sanction la nullité de la clause conventionnelle d'intérêts et la substitution à celui-ci du taux d'intérêt légal au jour de l'acceptation des avenants. Il n'est enfin pas utile d'examiner l'argumentation de M. et Mme [V] fondée sur d'autres griefs relatifs à la non inclusion des intérêts de la période de préfinancement, de l'assurance incendie et des frais de tenue de compte, dès lors qu'elle tendait elle aussi à obtenir la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels. Dès lors, et par substitution des motifs du jugement sauf adoption de ceux non contraires à la présente décision, il y a lieu de prononcer la nullité de la clause conventionnelle d'intérêts contenue dans chacun des avenants et de confirmer intégralement le jugement » ;

alors que l'inexactitude du TEG mentionné dans l'avenant d'un prêt immobilier est sanctionnée par la déchéance du droit du prêteur aux intérêts, dans la proportion fixée par le juge au regard notamment de la gravité de la faute du prêteur et du préjudice subi par l'emprunteur ; qu'au cas présent, après avoir constaté que les TEG des deux avenants au prêt immobilier du 27 août 2008 étaient erronés au-delà de la première décimale pour ne pas avoir pris en compte les frais liés à l'assurance invalidité-décès, la cour d'appel a prononcé l'annulation des stipulations d'intérêts de ces avenants et la substitution du taux légal aux taux conventionnels ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, dans leur rédaction applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir déclaré nulles les stipulations d'intérêts des avenants du 20 janvier 2012 et du 16 décembre 2013, d'avoir ordonné en conséquence la substitution au taux conventionnel de 4,899 % pour l'avenant du 20 janvier 2012 et au taux conventionnel de 5,097 % pour l'avenant du 16 décembre 2013 par le taux légal en vigueur au jour de la signature de ces avenants, soit 0,04 % à compter du 5 mars 2012 et ce, pour toute la durée ultérieure du prêt sans révision en fonction de l'évolution du taux légal, d'avoir condamné la banque à régler aux époux [V] la différence entre les intérêts déjà perçus au titre des échéances passées selon les taux conventionnels des avenants et les intérêts au taux légal de 0,04 % depuis le 5 mars 2012 et d'avoir condamné sous astreinte la banque à remettre aux emprunteurs un nouvel échéancier prenant en compte le taux de 0,04 % depuis le 5 mars 2012 ;

aux motifs que « M. et Mme [V] font grief au préteur de n'avoir pas inclus, dans le calcul du TEG prévu dans l'offre de prêt puis dans les avenants, les coûts de l'assurance décès-invalidité qu'ils estiment avoir été contraints de souscrire en vue d'obtenir le prêt litigieux. Les griefs relatifs à l'offre de prêt initiale étant prescrits, il y a lieu de n'examiner ce moyen qu'en ce qu'il affecterait les deux avenants. La Caisse d'épargne conteste le caractère obligatoire de la souscription d'une telle assurance et fait valoir que les emprunteurs avaient renoncé à l'assurance qu'elle proposait, de sorte qu'elle ne pouvait connaître le montant de l'assurance choisie par M. et Mme [V] et ne pouvait l'inclure dans le calcul du TEG. Aux termes de l'article L. 313-1 du Code de la consommation dans sa rédaction applicable à l'époque du contrat et des avenants : « dans tous les cas pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commission ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels ». Selon l'alinéa 2 de l'article 1907 du Code civil, le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit, exigence qui s'applique également au taux effectif global, de sorte qu'il est constant que l'exigence de la forme écrite du taux d'intérêts et du TEG est une condition de validité de la stipulation même dudit intérêt, que par là même l'omission de cette indication entraîne l'application du taux de l'intérêt légal, et que ce principe doit s'appliquer de la même manière dans le cas d'un TEG erroné dès lors qu'une telle circonstance équivaut à l'absence de mention du TEG. Il est également constant que doivent être inclus dans le TEG les intérêts, commissions et frais déterminables, qui sont une condition du crédit ou qui ont un lien direct avec le prêt. L'inexactitude affectant le taux effectif global doit néanmoins s'avérer supérieure à la première décimale, et ce, tant pour les crédits à la consommation que pour les crédits immobiliers (Cour de cassation, civ. 1re, 10 octobre 2019, n°18-20.015). En l'espèce, les conditions particulières du prêt prévoyaient sous la rubrique« Assurances » la mention « Choix volontaire de ne pas retenir d'assurance proposée par le Prêteur. » puis, sous la rubrique « Garanties », une « Délégation police d'assurance (réalisée sous seing privé) » couvrant la totalité du montant du prêt PRIMO OPTIONNEL. Les conditions générales stipulaient en outre à l'article 24 intitulé « Formation du contrat de prêt » la clause suivante : « [Le contrat de prêt] deviendra définitif, sous réserve que les garanties prévues dans la présente offre soient régularisées aux rangs et conditions convenus et lorsque les emprunteurs auront justifié : - leur admission dans une assurance décès-invalidité ». Il résulte de ces stipulations que si la banque a fait apparaître dans les conditions particulières la volonté des emprunteurs de ne pas souscrire l'assurance groupe de la banque, reflétant ainsi leur liberté de choix quant à l'assurance souscrite, ceux-ci demeuraient tout de même tenus, pour que la conclusion du contrat soit définitive et donc pour obtenir le prêt, de souscrire une assurance décès-invalidité. Il est au demeurant relevé que la formule citée par la banque dans ses conclusions (à savoir « dès lors que les emprunteurs auront justifié de leur admission dans une assurance décèsinvalidité lorsqu'elle aura été prévue aux conditions particulières de la présente offre ») ne correspond pas aux termes exacts de l'article 24 précité qui ne retient que « lorsque les emprunteurs auront justifié : - leur admission dans une assurance décès-invalidité ». Dans ces conditions, le coût de l'assurance décès devant obligatoirement être souscrite par le ou les emprunteurs devait être pris en compte dans le calcul du taux effectif global s'il était déterminable à la date de conclusion de chacun des avenants. La banque ne soutient pas que ce coût de l'assurance n'était pas déterminable à la date des avenants, et se contente d'affirmer qu'elle ne le connaissait puisque les emprunteurs avaient refusé la sienne. Or, il ressort des éléments produits aux débats que M. [V] a effectivement souscrit auprès du Groupement militaire de prévoyance des armées une assurance décès-invalidité et arrêt de travail garantissant le remboursement du prêt PRIMO OPTIONNEL, à effet du 1er septembre 2008, engendrant des cotisations mensuelles fixes de 53,75 euros jusqu'au 1er août 2033. La banque ayant été informée de la mise en place de cette assurance à tout le moins par courrier du 11 septembre 2018 directement adressé par le Groupement militaire de prévoyance des armées (GMPA), elle ne peut soutenir ne pas avoir pu connaître les coûts de celle-ci au moment de l'établissement des avenants litigieux, intervenus les 20 janvier 2012 et 16 décembre 2013, alors qu'il lui suffisait de solliciter l'information sur le montant des cotisations payées par M. [V] pour l'inclure dans son calcul. Dès lors, en application des dispositions précitées des articles 1907 alinéa 2 du code civil et L. 313-1 du code de la consommation, l'erreur dans le calcul des TEG stipulés dans les avenants au contrat de prêt des 20 janvier 2012 et 16 décembre 2013 doit être constatée. Il est constant qu'une telle erreur dans le calcul ne peut cependant entraîner la nullité de la clause conventionnelle d'intérêts que s'il en résulte, entre le TEG affiché et le TEG recalculé, une différence de plus d'une décimale, et ce en application des dispositions de l'article R. 313-1 paragraphe 4 du code de la consommation. A cet égard, il convient de prendre en compte les éléments chiffrés fournis par les emprunteurs, à savoir le montant des cotisations d'assurance dont ils avaient la charge, et les calculs mathématiques réalisés par Mme [J] [Z], expert auprès de la Cour d'Appel d'Angers. L'expertise de Mme [Z] n'a pas été réalisée au cours d'opérations contradictoires, mais résulte de l'application de formules mathématiques objectives, et a été soumise à la critique de la Caisse d'épargne, autant en première instance qu'en appel. L'appelante, qui maîtrise nécessairement les méthodes de calcul de l'intégration des frais dans le TEG, ne fournit d'ailleurs aucune critique ou calcul contraire aux résultats de cette expertise en ce qu'ils concernent les frais d'assurance décès-invalidité. Ces constatations peuvent donc être pris en compte par la cour, en conjonction avec les montants des taux mentionnés dans les avenants et des cotisations indiquées dans le certificat d'affiliation à l'assurance. Or, il ressort de l'ensemble de ces éléments que le TEG de l'avenant du 20 janvier 2012, après inclusion des frais d'assurance décès-invalidité, était en réalité de 5,299% en lieu et place du TEG annoncé à 4,899%. Pour l'avenant du 16 décembre 2013, le TEG recalculé était de 5,522% en lieu et place du TEG annoncé de 5,097%. En effet l'impact des frais d'assurance décès-invalidité sur le TEG est de 0,40 pour le TEG prévu dans l'avenant de 2012 et de 0,425 pour les TEG prévu dans l'avenant de 2013. Ces différences sont incontestablement supérieures à une décimale (0,1). Par conséquent, s'agissant d'erreurs de calcul affectant les TEG prévus dans des avenants au contrat de prêt s'étant formé entre les parties, et non du TEG prévu dans l'offre de prêt pour lequel la demande des emprunteurs est prescrite, une telle erreur dans le calcul doit entraîner comme sanction la nullité de la clause conventionnelle d'intérêts et la substitution à celui-ci du taux d'intérêt légal au jour de l'acceptation des avenants. Il n'est enfin pas utile d'examiner l'argumentation de M. et Mme [V] fondée sur d'autres griefs relatifs à la non inclusion des intérêts de la période de préfinancement, de l'assurance incendie et des frais de tenue de compte, dès lors qu'elle tendait elle aussi à obtenir la nullité de la stipulation d'intérêts contractuels. Dès lors, et par substitution des motifs du jugement sauf adoption de ceux non contraires à la présente décision, il y a lieu de prononcer la nullité de la clause conventionnelle d'intérêts contenue dans chacun des avenants et de confirmer intégralement le jugement » ;

et aux motifs adoptés que « il y a donc lieu d'ordonner la substitution aux taux conventionnels de 4,899 % pour l'avenant signé le 20 janvier 2012 et de 5,097 % pour le deuxième avenant signé le 16 décembre 2013 par le taux légal en vigueur au jour de l'acceptation de ces avenants, soit 0,04 % (taux légal en vigueur en 2012 et en 2013) à compter du 5 mars 2012 et ce, pour toute la durée ultérieure du prêt sans révision en fonction de l'évolution du taux légal » ;

alors 1/ que l'article 1er du décret n° 2012-182 du 7 février 2012 a fixé à 0,71 % le taux légal de l'intérêt pour l'année 2012, applicable à tout calcul s'y référant du 1er janvier au 31 décembre de l'année en cours ; que pour substituer au taux contractuel de l'avenant du 20 janvier 2012 le taux légal de 0,04 %, la cour d'appel a dit que ce dernier était en vigueur pour l'année 2012 ; qu'en statuant ainsi, elle a violé l'article 1er du décret n° 2012-182 du 7 février 2012, ensemble l'article L. 313-2 du code monétaire et financier.

alors 2/ que le taux légal imposé au prêteur après annulation du taux conventionnel doit être celui applicable au jour du versement de chaque échéance et doit donc obéir, pendant toute la phase d'amortissement, aux variations auxquelles la loi le soumet ; qu'en décidant que le taux d'intérêt légal de 0,04 % serait substitué aux stipulations d'intérêts des deux avenants sans révision en fonction de l'évolution du taux légal, la cour d'appel a violé l'article L. 313-2 du code monétaire et financier.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-18861
Date de la décision : 30/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Metz, 27 février 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 30 mar. 2022, pourvoi n°20-18861


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18861
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