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24/03/2022 | FRANCE | N°20-12241

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 24 mars 2022, 20-12241


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mars 2022

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 338 F-B

Pourvoi n° U 20-12.241

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022

La société Banque Delubac et Cie, société en commandite simple, dont

le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.241 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre comme...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 24 mars 2022

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 338 F-B

Pourvoi n° U 20-12.241

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 24 MARS 2022

La société Banque Delubac et Cie, société en commandite simple, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-12.241 contre l'arrêt rendu le 5 décembre 2019 par la cour d'appel de Nîmes (4e chambre commerciale), dans le litige l'opposant à la Société générale industrielle commerciale, exerçant sous l'enseigne Clovis location, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Cardini, conseiller référendaire, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société Banque Delubac et Cie, de la SCP Gaschignard, avocat de la Société générale industrielle commerciale, exerçant sous l'enseigne Clovis location, et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 février 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Cardini, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 5 décembre 2019), la Société générale industrielle commerciale (la société) a fait pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires ouverts au nom de la société Vicalex auprès de la société Banque Delubac et Cie (la banque) puis a assigné cette dernière, devant un juge de l'exécution, en paiement des causes de la saisie.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La banque fait grief à l'arrêt de la condamner à payer à la société la somme de 14 354 euros, alors « que le virement ordonné au débit du compte bancaire du débiteur saisi antérieurement à la saisie-attribution constitue une opération de débit susceptible d'affecter le solde du compte au préjudice du saisissant ; qu'en condamnant la Banque Delubac à verser à la société GIC la somme de 14.354 euros à titre de dommages et intérêts, motif pris que « les virements au débit ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 du Code des procédures civiles d'exécution et qu'ils ne peuvent affecter le solde du compte saisi », cependant que les quatre ordres de virement transmis par courriel du 29 janvier 2016, d'un montant total de 14.354 euros, au débit du compte de la société Avas Transport, débiteur saisi, avaient été validés par la Banque Delubac entre 11h21 et 11h31, antérieurement à la saisie-attribution régularisée à 15h48, et constituaient ainsi, au même titre que des retraits, une opération de débit ayant pu affecter le solde du compte bancaire du débiteur saisi, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution ».

Réponse de la Cour

3. Aux termes de l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution, lorsque la saisie est pratiquée entre les mains d'un établissement habilité par la loi à tenir des comptes de dépôt, celui-ci est tenu de déclarer le solde du ou des comptes du débiteur au jour de la saisie. Dans le délai de quinze jours ouvrables qui suit la saisie et pendant lequel les sommes laissées au compte sont indisponibles, ce solde peut être affecté à l'avantage ou au préjudice du saisissant par les opérations suivantes dès lors qu'il est prouvé que leur date est antérieure à la saisie :

1° Au crédit : les remises faites antérieurement, en vue de leur encaissement, de chèques ou d'effets de commerce, non encore portées au compte ;

2° Au débit :

a) L'imputation des chèques remis à l'encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés ;

b) Les retraits par billetterie effectués antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires ont été effectivement crédités antérieurement à la saisie.
Par dérogation aux dispositions prévues au deuxième alinéa, les effets de commerce remis à l'escompte et non payés à leur présentation ou à leur échéance lorsqu'elle est postérieure à la saisie peuvent être contrepassés dans le délai d'un mois qui suit la saisie.

Le solde saisi attribué n'est diminué par ces éventuelles opérations de débit et de crédit que dans la mesure où leur résultat cumulé est négatif et supérieur aux sommes non frappées par la saisie au jour de leur règlement.

4. Il résulte de ces dispositions que les virements ordonnés par le débiteur titulaire du compte avant la saisie, qui ne sont pas au nombre des opérations limitativement énumérées à l'article L. 162-1, 2°, précité, ne peuvent affecter le solde saisi attribué au préjudice du saisissant.

5. Ayant, d'une part, relevé, par motifs propres et adoptés, que lors de la signification du procès-verbal de saisie-attribution, le 29 janvier 2016 à 15h48, la banque avait répondu sur-le-champ que le compte présentait un solde de 23 485,16 euros, que le 2 février 2016, la banque avait informé l'huissier de justice qu'à la suite de la comptabilisation d'opérations en cours de traitement au moment de la saisie, dont quatre virements ordonnés le jour même, entre 9h38 et 9h59, le solde du compte était désormais nul et, d'autre part, exactement retenu que les virements ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 précité et qu'ils ne peuvent, en conséquence, affecter le solde du compte saisi, c'est sans encourir les griefs du moyen que la cour d'appel en a déduit que la banque avait fait une déclaration inexacte en indiquant un solde de compte courant à zéro euro et l'a condamnée, après avoir retenu que la société était en droit de saisir les montants correspondant aux quatre virements, ce qui constituait son préjudice certain, à lui verser des dommages-intérêts à hauteur de cette somme.

6. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société Banque Delubac et Cie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Banque Delubac et Cie et la condamne à payer à la Société générale industrielle commerciale la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société Banque Delubac et Cie

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Banque Delubac à payer à la société GIC la somme de 14.354 euros ;

AUX MOTIFS QUE sur le fond, le jugement déféré, a considéré la communication de pièces justificatives, adressées le 27 avril 2016 par la scs banque Delubac et Cie à la sas société générale industrielle et commerciale relative à la saisie attribution du 29 janvier 2016, fautive mais sans démonstration de préjudice n'ouvrant droit à dommages et intérêts ; qu'il n'a pas fait droit à la demande de condamnation de la sas société générale industrielle et commerciale, cette dernière n'apportant aucun élément de nature à démontrer une fraude ou une négligence de l'agence bancaire ; que la sas société générale industrielle et commerciale objecte, au visa des articles L.211-2, R.211-5 et R.162-1 du code des procédures civiles d'exécution, que la scs banque Delubac et Cie aurait dû fournir le relevé de toutes les opérations du compte du tiers saisi au plus tard le 23 février 2016, que les opérations en cours peuvent faire l'objet d'une contre-passation étant limitativement énoncées par l'article L.161-2 et que ni le mandat cash ni les virements en font partie, que la construction grammaticale de l'article L.161-1 confère un caractère exhaustif à la liste des opérations en cours susceptibles d'affecter l'assiette de la saisie attribution, que les virements litigieux n'étaient ni débités du compte bancaire ni crédités au compte bancaire des bénéficiaires au moment de la saisie-attribution du 29 janvier 2016 à 15h48, que la ses banque Delubac et Cie aurait donc pu stopper les virements et a donc engagé sa responsabilité ; que la scs banque Delubac et Cie fait valoir, au visa des articles L.211-3, L.162-1, R.211-4 et 211-5 et R.162-1 du code des procédures civiles d'exécution, qu'il lui est seulement reproché un manquement à l'obligation de fournir des pièces justificatives ce qui est sanctionné par des dommages et intérêts, qu'elle a rempli ses obligations et n'a commis aucune faute entraînant un préjudice pour l'appelante, que les opérations au débit ordonnées et régularisées l'ont été antérieurement à la saisie, que le mandat cash constitue un retrait en espèce effectué dans une agence de la poste extérieure à la banque et est donc assimilé à un retrait en billetterie, que les virements en cours modifient l'assiette d'une saisie attribution, que l'article L.162-1 du code des procédures civiles d'exécution n'est pas limitatif, que l'article L.133-8 du code monétaire et financier dispose que l'irrévocabilité de l'ordre est fixée au jour de la réception de l'ordre par le banquier du donneur d'ordre ; que conformément à l'article L.211-3 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi est tenu de déclarer aux créanciers l'ensemble de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et ce, sur le champ, selon les termes de l'article R.211-4 du même code qui vise la communication des pièces justificatives ; que selon l'article R.211-5 du code des procédures civiles d'exécution, le tiers saisi qui, sans motif légitime, ne fournit pas les renseignements prévus est condamné, à la demande du créancier, à payer les sommes dues à ce dernier sans préjudice de son recours contre le débiteur ; qu'il peut être condamné à des dommages et intérêts en cas de négligences fautives ou de déclaration inexacte ou mensongère ; que néanmoins des dispositions particulières s'appliquent, selon l'article L.162-1 du code de procédure civile, à l'établissement habilité à tenir des comptes de dépôt qui est tenu de déclarer le solde des comptes saisis et, durant le délai des 15 jours suivants, ce solde peut être affecté par les dépôts ou émission de chèques, retraits ou paiement par carte dès lors qu'il est établi que ces opérations sont antérieures à la saisie ; que selon les dispositions de l'article R.162-1 du même code les opérations précitées doivent être transmises à l'huissier sous huitaine ; qu'il est constant que si le tiers saisi se trouve dans la situation de ne fournir aucun renseignement sans motif légitime, la sanction de la condamnation aux causes de la saisie est automatique, il est constant que le seul manquement à l'obligation de fournir les pièces justificatives ne peut donner lieu qu'au paiement de dommages et intérêts ; qu'en l'espèce, lors de la signification du PV de saisie attribution le 29 janvier 2016 à 15h48, la scs banque Delubac et Cie a répondu sur-le-champ qu'un solde de 23 485,16 euros était sur le compte de la snc Vicalex ; que le 2 février 2016 la scs banque Delubac et Cie a informé l'huissier que, suite à la comptabilisation d'opérations en cours de traitement au moment de la saisie, le solde du compte était désormais nul ; que ce n'est que le 27 avril 2016, que la scs banque Delubac et Cie a transmis à l'huissier les opérations antérieurement reçues avec les pièces justificatives faisant ainsi état d'un mandat cash et de quatre virements ; que dès lors, la scs banque Delubac et Cie a répondu sur-le-champ puis a rapidement informé la sas société générale industrielle et commerciale de comptabilisation d'opérations affectant le solde bloqué à l'actif de la saisie s'avérant nul ; qu'ainsi la sanction automatique de l'alinéa un de l'article R.211-5 du code des procédures civiles d'exécution ne peut recevoir application ; que néanmoins le détail des opérations ayant affecté le compte et les pièces justificatives n'ont pas été transmis dans les délais légaux ; qu'aussi, une condamnation à des dommages et intérêts peut être envisagée à la condition de la démonstration d'un préjudice subi par la sas société générale industrielle et commerciale ; que l'article L.162-1 du code des procédures civiles d'exécution précise quelles sont les opérations pratiquées antérieurement à la saisie qui peuvent affecter le solde du compte saisi et notamment au débit de comptes de dépôt : - l'imputation des chèques remis à l'encaissement ou portés au crédit du compte antérieurement à la saisie et revenus impayés, - les retraits par billetterie effectuée antérieurement à la saisie et les paiements par carte, dès lors que leurs bénéficiaires ont été effectivement crédités antérieurement à la saisie ; - les effets de commerce ; que sur le mandat cash, la demande de mandat cash urgent a été reçue le 29 janvier à 8h32 par mail et le mandat récupéré dans un guichet à [Localité 2] le 29 janvier à 12h11 ; que le mandat cash est assimilé à un retrait en billetterie susceptible d'affecter l'assiette de la saisie et le retrait a été effectué avant la saisie intervenue le même jour à 15h48 ; que dès lors cette opération a incontestablement affecté le solde du compte saisi pour 9132 € ; que sur les virements, ils ne sont pas prévus dans la liste de l'article L.162-1 du code des procédures civiles d'exécution, aussi ils ne peuvent affecter le solde du compte saisi ; que dès lors les sommes restent saisissables par le créancier et la scs banque Delubac et Cie a donc fait une déclaration inexacte en indiquant un solde de compte courant à 0 euro ; que la sas société générale industrielle et commerciale était par conséquent en droit de saisir les montants correspondant aux quatre virements ce qui constitue son préjudice certain ; que la scs banque Delubac et Cie sera condamnée à verser des dommages et intérêts à la sas société générale industrielle et commerciale à hauteur de cette somme soit 14354 euros ;

ALORS QUE le virement ordonné au débit du compte bancaire du débiteur saisi antérieurement à la saisie-attribution constitue une opération de débit susceptible d'affecter le solde du compte au préjudice du saisissant ; qu'en condamnant la Banque Delubac à verser à la société GIC la somme de 14.354 euros à titre de dommages et intérêts, motif pris que « les virements au débit ne sont pas prévus dans la liste de l'article L. 162-1 du Code des procédures civiles d'exécution et qu'ils ne peuvent affecter le solde du compte saisi » (p.6§4), cependant que les quatre ordres de virement transmis par courriel du 29 janvier 2016, d'un montant total de 14.354 euros, au débit du compte de la société Avas Transport, débiteur saisi, avaient été validés par la Banque Delubac entre 11h21 et 11h31, antérieurement à la saisie-attribution régularisée à 15h48, et constituaient ainsi, au même titre que des retraits, une opération de débit ayant pu affecter le solde du compte bancaire du débiteur saisi, la cour d'appel a violé l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution.


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 20-12241
Date de la décision : 24/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

PROCEDURES CIVILES D'EXECUTION - Mesures d'exécution forcée - Saisie-attribution - Effets - Attribution immédiate au saisissant - Limites - Virement ordonné par le débiteur titulaire du compte bancaire

PAIEMENT - Paiement par virement bancaire - Caractère libératoire - Limites - Saisie-attribution BANQUE - Compte - Virement - Paiement - Limites - Saisie-attribution

Il résulte des dispositions de l'article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution que les virements ordonnés par le débiteur titulaire du compte, avant la saisie, qui ne sont pas au nombre des opérations limitativement énumérées au 2° de cet article, ne peuvent affecter le solde saisi attribué au préjudice du saisissant


Références :

Article L. 162-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 05 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 24 mar. 2022, pourvoi n°20-12241, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Gaschignard

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.12241
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