LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 21-84.279 F-D
N° 00327
MAS2
22 MARS 2022
ANNULATION
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 MARS 2022
Mme [W] [X] et M. [C] [D], parties civiles, ont formé des pourvois contre l'ordonnance n° 91 du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 juin 2021, qui, dans l'information suivie sur leur plainte contre personne non dénommée, des chefs de recel, faux et usage, a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de leur appel de l'ordonnance du juge d'instruction ayant déclaré irrecevable ou rejeté leurs demandes de mesures d'instruction complémentaires.
Par ordonnance en date du 4 novembre 2021, le président de la chambre criminelle a prescrit l'examen du pourvoi.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Un mémoire personnel, commun aux demandeurs, a été produit.
Sur le rapport de M. Seys, conseiller, et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 15 février 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Seys, conseiller rapporteur, M. Bonnal, conseiller de la chambre, M. Aldebert, avocat général, et Mme Sommier, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée, en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'ordonnance attaquée et des pièces de la procédure ce qui suit.
2. Mme [W] [X] et son époux, M. [C] [D], ont porté plainte et se sont constitués partie civile devant le juge d'instruction le 13 février 2019.
3. Une information a été ouverte des chefs de faux, usage de faux et recel.
4. L'avis de fin d'information a été délivré et notifié aux parties civiles par courrier le 2 octobre 2020.
5. Le 19 octobre, ce même greffe a reçu un courrier des parties civiles par lequel ces dernières l'informaient de leur intention d'exercer un ou plusieurs des droits prévus à l'article 175, IV et VI, du code de procédure pénale.
6. Le 30 octobre 2020, Mme [X] et M. [D] ont, par déclaration au greffe du magistrat instructeur, formé trois demandes d'actes.
7. Par ordonnance en date du 5 janvier 2021, le juge d'instruction a rejeté deux de ces demandes, déclarant la troisième irrecevable.
8. Mme [X] et M. [D] ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le moyen est pris de la violation des articles 175, I, III et IV, et 801 du code de procédure pénale.
10. Le moyen critique l'ordonnance attaquée en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de l'appel formé contre l'ordonnance du juge d'instruction déclarant la demande d'actes de Mme [X] et M. [D] partiellement irrecevable et la rejetant pour le surplus, alors que si le point de départ du délai qui leur était imparti pour procéder à la déclaration d'intention prévue par les dispositions précitées est bien le vendredi 2 octobre 2020, ce jour ne doit pas être pris en compte dans le calcul du délai, qui doit être décompté à partir du 3 octobre, de telle manière que le dernier jour étant le samedi 17, le délai de quinze jours a été prorogé pour expirer le lundi 19 octobre 2020, date de réception de leur déclaration au greffe.
Réponse de la Cour
Vu les articles 175, III, 186-1 et 801 du code de procédure pénale :
11. Il se déduit du premier de ces textes que le délai de quinze jours ouvert aux parties pour adresser une déclaration d'intention d'exercer les droits qu'il prévoit au juge d'instruction, après que ce dernier a notifié l'avis de fin d'information, est calculé à compter du lendemain de cette notification.
12. Si, selon le deuxième, l'ordonnance du président de la chambre de l'instruction disant n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'appel d'une ordonnance prévue par ce texte n'est pas susceptible de recours, il en est autrement lorsque son examen fait apparaître un excès de pouvoir.
13. Le troisième prévoit que le délai prévu pour l'accomplissement d'un acte ou d'une formalité qui expirerait un samedi, un dimanche ou un jour férié est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.
14. Pour dire n'y avoir lieu de saisir la chambre de l'instruction de l'appel formé contre l'ordonnance du juge d'instruction rejetant la demande d'actes présentée par les parties civiles et la déclarant irrecevable pour le surplus, au motif que la déclaration d'intention prévue à l'article 175, III, du code de procédure pénale avait été formulée tardivement, l'ordonnance attaquée énonce que l'avis de fin d'information a été notifié par voie postale le vendredi 2 octobre 2020.
15. Le président de la chambre de l'instruction précise que le délai susvisé, qui a commencé à s'écouler dès cette date, a donc expiré le vendredi 16 octobre à minuit.
16. Il en déduit que la déclaration d'intention des parties civiles, qui n'allèguent l'existence d'aucun cas de force majeure, n'ayant été reçue par le greffe que le lundi 19 octobre 2020, celle-ci est tardive et la demande d'actes formée le 30 octobre 2020 est donc irrecevable.
17. En se déterminant ainsi, alors que le délai ci-dessus, qui avait commencé à courir le 3 octobre 2020 et qui, expirant le samedi 17 octobre suivant, avait été prorogé au 19 octobre 2020, le président de la chambre de l'instruction a excédé ses pouvoirs.
18. L'annulation est de ce fait encourue.
Portée et conséquences de l'annulation
19. L'annulation aura lieu sans renvoi, la Cour de cassation étant en mesure d'appliquer directement la règle de droit et de mettre fin au litige, ainsi que le permet l'article L. 411-3 du code de l'organisation judiciaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le premier moyen de cassation proposé, la Cour :
ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance susvisée du président de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris, en date du 15 juin 2021 ;
CONSTATE que, du fait de l'annulation de cette ordonnance, la chambre de l'instruction, autrement présidée, se trouve saisie de l'appel des demandeurs ;
ORDONNE le retour du dossier à cette juridiction autrement présidée ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris et sa mention en marge ou à la suite de l'ordonnance annulée ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux mars deux mille vingt-deux.