La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/03/2022 | FRANCE | N°20-23416

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 16 mars 2022, 20-23416


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation sans renvoi

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 189 F-D

Pourvoi n° R 20-23.416

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 MARS 2022


La société LMC, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-23.416 contre l'ar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation sans renvoi

Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 189 F-D

Pourvoi n° R 20-23.416

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 MARS 2022

La société LMC, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-23.416 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-1), dans le litige l'opposant à la société Provence logistique services, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Comte, conseiller référendaire, les observations de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de la société LMC, de la SCP Spinosi, avocat de la société Provence logistique services, et l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Comte, conseiller référendaire rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 22 octobre 2020), reprochant à la société LMC une rupture sans préavis de leur relation commerciale, la société Provence logistique services (la société PLS) l'a assignée, par acte du 29 mars 2016, devant le tribunal de commerce de Manosque sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce. La société PLS a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Manosque devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

2. La société LMC fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement du tribunal de commerce de Manosque du 21 février 2017 l'ayant condamnée à payer à la société PLS la somme de 5 034 euros en réparation du préjudice causé par la rupture de leur relation d'affaires et, y ajoutant, la somme de 23 895,12 euros à titre de complément de préavis, alors « que la cour d'appel de Paris est la seule cour d'appel investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur un litige portant sur l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ; que, par suite, une autre cour d'appel, étant dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour statuer sur un litige portant sur l'application de cet article, doit relever d'office l'irrecevabilité de la demande fondée sur celui-ci dont elle est saisie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après avoir relevé l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce de Manosque pour avoir statué sur une demande fondée sur ledit texte cependant qu'il n'était pas juridiction de première instance spécialement désignée à cet effet, a affirmé qu'elle devait statuer elle-même sur le litige et a condamné en conséquence, sur le fondement de ce texte, la société LMC à payer des dommages-intérêts à la société Provence logistique services ; qu'en statuant ainsi, quand elle aurait dû juger irrecevables les demandes formées par cette dernière société sur ce fondement, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6, I, 5°, L. 442-6, III du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019, l'article D. 442-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, ensemble articles R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, 122 et 125 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 442-6, III du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019, l'article D. 442-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue du décret n° 2019-599 du 17 juin 2019, et l'article R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire :

3. Il résulte du deuxième de ces textes que seuls les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions du premier degré spécialement désignées pour statuer sur l'application du premier d'entre eux sont portés devant la cour d'appel de Paris, de sorte qu'il appartient aux autres cours d'appel, conformément au troisième de ces textes, de connaître de tous les recours formés contre les décisions rendues par les juridictions situées dans leur ressort qui ne sont pas désignées par le deuxième texte. Il s'en déduit que toute cour d'appel, autre que celle de Paris, est dépourvue du pouvoir juridictionnel de statuer sur des demandes fondées sur les dispositions de l'article L. 442-6 du code de commerce et que la méconnaissance de ces dispositions est sanctionnée par une fin de non-recevoir. Dès lors, il appartient à ces cours d'appel de relever d'office, le cas échéant, la fin de non-recevoir tirée du défaut de leur pouvoir juridictionnel pour statuer sur un litige relatif à l'application de cet article et l'irrecevabilité des demandes formées devant elles en résultant.

4. Pour condamner la société LMC à indemniser la société PLS sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, l'arrêt, après avoir relevé d'office l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce de Manosque qui, ne disposant pas du pouvoir juridictionnel pour statuer sur l'application de ce texte, aurait dû en déduire que la demande était irrecevable, retient qu'il y a lieu d'examiner cette demande au fond.

5. En statuant ainsi, alors que saisie de l'appel d'un jugement rendu par le tribunal de commerce de Manosque, qui ne fait pas partie des juridictions désignées par l'article D. 442-3 du code de commerce, sur une demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du même code, il lui appartenait d'annuler le jugement pour excès de pouvoir et, statuant elle-même, de relever qu'elle ne disposait pas du pouvoir juridictionnel pour statuer sur un litige relevant de ces dispositions et de prononcer l'irrecevabilité de la demande de la société PLC, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

6. Il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile, comme suggéré par le demandeur au pourvoi.

7. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

8. Tant le tribunal de commerce de Manosque que la cour d'appel d'Aix-en-Provence étant dépourvus du pouvoir juridictionnel de statuer sur la demande de la société PLS, il y a lieu d'annuler le jugement rendu le 21 février 2017 par le tribunal de commerce de Manosque et de déclarer cette demande irrecevable devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence.

9. La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne s'oppose pas à cette solution, dès lors qu'il s'agit de faire appliquer une règle d'ordre public en vigueur depuis le décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009 sur laquelle la Cour de cassation s'est prononcée à plusieurs reprises antérieurement à l'assignation, notamment par des arrêts com., 31 mars 2015, pourvoi n° 14-10.016, Bull. 2015, IV, n° 59 ; com., 20 octobre 2015, pourvoi n° 14-15.851, Bull. 2015, IV, n° 149, s'agissant des juridictions de première instance spécialement désignées, et par des arrêts rendus le 29 mars 2017 (com., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-24.241, Bull. 2017, IV, n° 47 ; com., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-15.337, Bull. 2017, IV, n° 48 ; com., 29 mars 2017, pourvoi n° 15-17.659, Bull. 2017, IV, n° 49), s'agissant de l'instance d'appel.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Statuant à nouveau,

Annule le jugement rendu le 21 février 2017 par le tribunal de commerce de Manosque ;

Déclare les demandes formées par la société Provence logistique services sur le fondement de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce irrecevables ;

Condamne la société Provence logistique services aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Provence logistique services et la condamne à payer à la société LMC la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat aux Conseils, pour la société LMC.

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, statuant sur le fond, confirmé le jugement du tribunal de commerce de Manosque du 21 février 2017 ayant condamné la société LMC à payer à la société Provence Logistique Services la somme de 5 034 euros en réparation du préjudice causé par la rupture de leur relation d'affaires et, y ajoutant, d'AVOIR condamné la société LMC à payer la somme de 23 895,12 euros à titre de complément de préavis à la société Provence Logistique Services ;

AUX MOTIFS QUE les réclamations de la société PLS, tant dans son assignation délivrée le 29 mars 2016 à la société LMC que dans ses conclusions d'appel du 8 septembre 2017 antérieures à l'arrêt avant dire droit du 19 septembre 2019, sont fondées sur l'article L. 442-6- I-5° du Code de Commerce [aujourd'hui L. 442-1- II] sanctionnant le fait « De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale (...) » ; qu'or ce texte précise dans son III alinéa 5 [aujourd'hui l'article L. 442-4-III] que « Les litiges relatifs à l'application [de ce texte] sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret », même si la rupture de relation n'est qu'une partie des points litigieux jugés par le Tribunal et invoqués en appel par les parties ; que par ailleurs l'article D. 442-3 alinéa 2 du même Code fixe comme juridiction commerciale compétente pour notamment le département des Alpes de Haute Provence (dans lequel se situe le Tribunal de Commerce de Manosque ayant rendu le jugement soumis à la Cour) uniquement le Tribunal de Commerce de Marseille ; que l'appel du jugement du 21 février 2017, parce qu'il n'a pas été rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille qui est spécialisé, doit cependant être examiné par la présente Cour, même dans l'hypothèse où le Tribunal de Commerce de Manosque aurait à tort statué sur l'application de l'article L. 442-6- I-5° ci-dessus ; mais que dans ce dernier cas la Cour doit d'une part relever d'office l'excès de pouvoir commis par cette juridiction en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de son pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables, et d'autre part statuer elle-même sur le litige ;

ET AUX MOTIFS QUE les relations commerciales par lesquelles la société LMC avait confié des prestations à la société PLS ont duré de mars 2008 à avril 2015, ce qui caractérise la relation commerciale établie de l'article L. 442-6- I-5° [ancien] du Code de Commerce ; que par suite la rupture de cette relation par la première devait se concrétiser par un préavis écrit ; qu'or il n'y a eu à l'encontre de la seconde ni écrit ni reproche au cours comme à l'issue de cette période, et la société LMC a attendu mai 2016 soit 13 mois après cette rupture pour faire établir des attestations sur la prétendue mauvaise qualité des prestations de la société PLS. C'est donc à bon droit que le Tribunal a fixé un préavis de rupture d'une durée de 6 mois vu les 7 ans pendant lesquels s'est exécutée la relation contractuelle ; que le chiffre d'affaires de la société PLS a été, pour les exercices allant du 1er octobre au 30 septembre suivant, de : - 220 637 euros 00 en 2009, - de 192 120 euros 00 en 2010, - de 249 070 euros 00 en 2011, - de 303 744 euros 00 en 2012, - et de 316 414 euros 00 en 2015, même si cette société a subi une perte de 4 585 euros 00 en 2010 ; Que par ailleurs la part des relations avec la société LMC s'est élevée à : - 52 503 euros 00 en 2012, - 68 027 euros 00 en 2013, - et 76 721 euros 00 en 2014, d'où une moyenne mensuelle de 5 479 euros 19 ; Qu'enfin la marge brute (sur coût variable) représentait en moyenne 88 % du chiffre d'affaires de la société PLS ; que le préavis mensuel moyen s'élève ainsi à 5 479 euros 19 x 88 % soit les 4 821 euros 52 invoqués par la société PLS, et la dette de la société LMC à hauteur de 6 mois aux 28 929 euros 12 qu'elle réclame avec raison, au lieu des 5 034 euros 00 retenus par le jugement, d'où une différence égale à 23 895 euros 12 ;

ALORS QUE la cour d'appel de Paris est la seule cour d'appel investie du pouvoir juridictionnel de statuer sur un litige portant sur l'application de l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ; que, par suite, une autre cour d'appel, étant dépourvue de tout pouvoir juridictionnel pour statuer sur un litige portant sur l'application de cet article, doit relever d'office l'irrecevabilité de la demande fondée sur celui-ci dont elle est saisie ; qu'en l'espèce, la cour d'appel d'Aix-en-Provence, après avoir relevé l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce de Manosque pour avoir statué sur une demande fondée sur ledit texte cependant qu'il n'était pas juridiction de première instance spécialement désignée à cet effet, a affirmé qu'elle devait statuer elle-même sur le litige et a condamné en conséquence, sur le fondement de ce texte, la société LMC à payer des dommages et intérêts à la société Provence Logistique Services ; qu'en statuant ainsi, quand elle aurait dû juger irrecevables les demandes formées par cette dernière société sur ce fondement, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6, I, 5°, L. 442-6, III du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019, l'article D. 442-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, ensemble articles R. 311-3 du code de l'organisation judiciaire, 122 et 125 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR, statuant sur le fond, confirmé le jugement du tribunal de commerce de Manosque du 21 février 2017 ayant condamné la société LMC à payer à la société Provence Logistique Services la somme de 5 034 euros en réparation du préjudice causé par la rupture de leur relation d'affaires et, y ajoutant, d'AVOIR condamné la société LMC à payer la somme de 23 895,12 euros à titre de complément de préavis à la société Provence Logistique Services ;

AUX MOTIFS QUE les réclamations de la société PLS, tant dans son assignation délivrée le 29 mars 2016 à la société LMC que dans ses conclusions d'appel du 8 septembre 2017 antérieures à l'arrêt avant dire droit du 19 septembre 2019, sont fondées sur l'article L. 442-6- I-5° du Code de Commerce [aujourd'hui L. 442-1- II] sanctionnant le fait « De rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale (...) » ; qu'or ce texte précise dans son III alinéa 5 [aujourd'hui l'article L. 442-4-II] que « Les litiges relatifs à l'application [de ce texte] sont attribués aux juridictions dont le siège et le ressort sont fixés par décret », même si la rupture de relation n'est qu'une partie des points litigieux jugés par le Tribunal et invoqués en appel par les parties ; que par ailleurs l'article D. 442- alinéa 2 du même Code fixe comme juridiction commerciale compétente pour notamment le département des Alpes de Haute Provence (dans lequel se situe le Tribunal de Commerce de Manosque ayant rendu le jugement soumis à la Cour) uniquement le Tribunal de Commerce de Marseille ; que l'appel du jugement du 21 février 2017, parce qu'il n'a pas été rendu par le Tribunal de Commerce de Marseille qui est spécialisé, doit cependant être examiné par la présente Cour, même dans l'hypothèse où le Tribunal de Commerce de Manosque aurait à tort statué sur l'application de l'article L. 442-6- I-5° ci-dessus ; mais que dans ce dernier cas la Cour doit d'une part relever d'office l'excès de pouvoir commis par cette juridiction en statuant sur des demandes qui, en ce qu'elles ne relevaient pas de son pouvoir juridictionnel, étaient irrecevables, et d'autre part statuer elle-même sur le litige ; que les relations commerciales par lesquelles la société LMC avait confié des prestations à la société PLS ont duré de mars 2008 à avril 2015, ce qui caractérise la relation commerciale établie de l'article L. 442-6-I-5° [ancien] du Code de Commerce ; que par suite la rupture de cette relation par la première devait se concrétiser par un préavis écrit ; qu'or il n'y a eu à l'encontre de la seconde ni écrit ni reproche au cours comme à l'issue de cette période, et la société LMC a attendu mai 2016 soit 13 mois après cette rupture pour faire établir des attestations sur la prétendue mauvaise qualité des prestations de la société PLS. C'est donc à bon droit que le Tribunal a fixé un préavis de rupture d'une durée de 6 mois vu les 7 ans pendant lesquels s'est exécutée la relation contractuelle ; que le chiffre d'affaires de la société PLS a été, pour les exercices allant du 1er octobre au 30 septembre suivant, de : - 220 637 euros 00 en 2009, - de 192 120 euros 00 en 2010, - de 249 070 euros 00 en 2011, - de 303 744 euros 00 en 2012, - et de 316 414 euros 00 en 2015, même si cette société a subi une perte de 4 585 euros 00 en 2010 ; Que par ailleurs la part des relations avec la société LMC s'est élevée à : - 52 503 euros 00 en 2012, - 68 027 euros 00 en 2013, - et 76 721 euros 00 en 2014, d'où une moyenne mensuelle de 5 479 euros 19 ; Qu'enfin la marge brute (sur coût variable) représentait en moyenne 88 % du chiffre d'affaires de la société PLS ; que le préavis mensuel moyen s'élève ainsi à 5 479 euros 19 x 88 % soit les 4 821 euros 52 invoqués par la société PLS, et la dette de la société LMC à hauteur de 6 mois aux 28 929 euros 12 qu'elle réclame avec raison, au lieu des 5 034 euros 00 retenus par le jugement, d'où une différence égale à 23 895 euros 12 ;

1) ALORS QU'une cour d'appel ne peut pas confirmer un jugement entaché d'excès de pouvoir ; que la cour d'appel a relevé d'office l'excès de pouvoir commis par le tribunal de commerce de Manosque dans son jugement du 21 février 2017 pour avoir statué sur une demande fondée sur l'article L. 442-6, I, 5° du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-359 du 24 avril 2019 ; qu'en confirmant néanmoins ce jugement, la cour d'appel a violé les articles L. 442-6, I, 5°, L. 442-6, III du code de commerce, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 24 avril 2019, l'article D. 442-3 du même code, dans sa rédaction issue du décret n° 2009-1384 du 11 novembre 2009, et l'article 562, alinéa 2, du code de procédure civile ;

2) ALORS, en toute hypothèse, QUE la preuve est libre en matière commerciale ; que rien ne s'oppose à ce que le juge examine une attestation produite par le défendeur qui a été établie postérieurement à l'assignation délivrée par le demandeur et qu'il appartient seulement à ce juge d'en apprécier souverainement la valeur et la portée ; que l'arrêt attaqué a constaté que la SARL Provence Logistique Services (PLS) a assigné la SARL LMC en responsabilité pour rupture d'une relation commerciale établie le 29 mars 2016 ; qu'en refusant pourtant d'examiner les attestations produites par celle-ci pour établir le manquement grave de la société PLS à ses obligations justifiant la rupture sans préavis de cette relation commerciale, motif pris que la société LMC a attendu mai 2016 soit 13 mois après la rupture pour faire établir des attestations sur la prétendue mauvaise qualité des prestations de la société PLS, la cour d'appel a violé les articles 201 et 202 du code de procédure civile, ensemble l'article L. 110-3 du code de commerce ;

3) ALORS QUE le défaut de réponse à conclusions équivaut à un défaut de motifs ; que dans ses conclusions d'appel (p. 9-10), la société LMC soutenait que le juge ne pouvait indemniser que le préjudice effectivement subi par celui qui subit la rupture d'une relation commerciale établie et qu'en l'occurrence, la société PLS avait essuyé des pertes au titre des exercices clos les 30 septembre 2013 et 30 septembre 2014, cependant qu'elle avait renoué avec des résultats bénéficiaires au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2015, soit après la rupture de la relation commerciale au début de l'année 2015 ; qu'elle invoquait et produisait en ce sens l'attestation du cabinet d'expertise comptable Ansemble (sa pièce n° 8 en cause d'appel) ; qu'en condamnant la société LMC à payer des dommages et intérêts à la société PLS au titre de la rupture de cette relation commerciale, sans répondre à ce moyen déterminant, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-23416
Date de la décision : 16/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 22 octobre 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 16 mar. 2022, pourvoi n°20-23416


Composition du Tribunal
Président : Mme Darbois (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, SCP Spinosi

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.23416
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award