LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Cassation partielle
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 304 F-D
Pourvois n°
M 20-21.986
B 21-10.918 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022
I. La Société STO, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-21.986 contre un arrêt rendu le 11 septembre 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale B), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [H] [K], domicilié [Adresse 1],
2°/ à Pôle emploi Issoire, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
II. M. [H] [K], a formé le pourvoi n° B 21-10.918 contre le même arrêt rendu par la même cour d'appel, dans le litige l'opposant à la société STO, défenderesse à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° M 20-21.986 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le demandeur au pourvoi n° B 21-10.918 invoque, à l'appui de son recours, les deux moyens de cassation également annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de la société STO, de Me Balat, avocat de M. [K], après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président et rapporteur M. Pion, Mme Capitaine, conseillers, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° M 20-21.986 et B 21-10.918 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 11 septembre 2020), M. [K] a été engagé par la société STO en qualité de conseiller technico-commercial le 1er août 2005, et était classé technicien, coefficient 275 de la convention collective des industries chimiques.
3. Il a été reconnu travailleur handicapé à compter du 1er mars 2010.
4. Le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Examen des moyens
Sur le premier, le deuxième et le troisième moyens du pourvoi de l'employeur, et le second moyen du pourvoi du salarié, ci-après annexés
5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le premier moyen du pourvoi du salarié, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. Le salarié fait grief à l'arrêt de limiter à une certaine somme au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents les condamnations mises à la charge de l'employeur au titre d'une résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que dans ses écritures d'appel, M. [K] invoquait les articles 20 de l'avenant n° 2 du 14 mars 1955 et 11 de l'accord du 10 mai 2011 relatifs à l'emploi des personnes handicapées, textes tous deux rattachés à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, faisant valoir qu'au titre du premier texte il bénéficiait d'un préavis de trois mois puisqu'il était titulaire d'un coefficient égal à 300 et qu'en sa qualité de travailleur handicapé il bénéficiait au titre du second texte d'un préavis dont la durée était doublée ; qu'en calculant l'indemnité de préavis allouée à M. [K] sur la base d'une durée de deux mois, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 455 du code de procédure civile :
7. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
8. Pour fixer à une certaine somme le montant de l'indemnité de préavis et des congés afférents dus au salarié, l'arrêt retient que le salarié peut prétendre à une indemnité compensatrice de préavis avec les congés payés afférents qui est équivalente à deux mois de salaire, en vertu de l'article 27 de la convention collective des industries chimiques.
9. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions du salarié qui se prévalait des dispositions des articles 20 de l'avenant n° 2 du 14 mars 1955 et 11 de l'accord du 10 mai 2011 relatif à l'emploi des personnes handicapées, textes tous deux rattachés à la convention collective nationale des industries chimiques du 30 décembre 1952, pour voir fixer le montant de l'indemnité de préavis à six mois de salaire compte-tenu de son coefficient et de sa qualité de travailleur handicapé, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Portée et conséquences de la cassation
10.La cassation prononcée sur le premier moyen du pourvoi du salarié n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société STO à payer à M. [K] les sommes de 3 763,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et 376,40 euros au titre des congés payés afférents, l'arrêt rendu le 11 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet, sur ces points, les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;
Condamne la société STO aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société STO et la condamne à payer à M. [K] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour la société STO, demanderesse au pourvoi n° M 20-21.986
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
La société STO reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [K] les sommes de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
1/ ALORS QU'aux termes des articles R. 4624-22 et R. 4624-23 du code du travail dans leur rédaction applicable au litige, le salarié bénéficie d'un examen de reprise par le médecin du travail après une absence d'au moins trente jours pour cause de maladie ; que cet examen doit avoir lieu dans un délai de huit jours à compter de la reprise du travail du salarié ; que la cour d'appel a constaté qu'alors qu'il devait reprendre son travail le lundi 17 février 2014, M. [K] avait de nouveau été placé en arrêt de travail le jeudi 20 février et jusqu'au 18 septembre 2014 (arrêt p. 2) ; qu'en concluant néanmoins, pour accorder au salarié des dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité, que la société STO aurait été fautive de ne pas avoir organisé de visite de reprise à son retour dans l'entreprise le 17 février 2014, quand elle avait elle-même relevé que l'intéressé avait, trois jours plus tard, à nouveau été absent, la cour d'appel a d'ores et déjà violé ensemble les articles susvisés ainsi que l'article L. 4121-1 du code du travail ;
2/ ALORS QUE, bien que retenant, pour écarter l'existence d'un harcèlement moral, qu'il ne pouvait être reproché à la société STO de ne pas avoir pris de mesures pour mettre fin à la souffrance de M. [K] qu'il dénonçait dans son courrier du 19 février 2014 dès lors qu'il n'était pas justifié que la réalité de ces faits aurait été établie à cette date, la cour d'appel a considéré que l'employeur aurait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas, à compter dudit courrier, de mesures pour remédier à sa souffrance ; qu'en statuant de la sorte par des motifs contradictoires, elle a méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;
3/ ALORS (subsidiairement) QUE la circonstance qu'une visite médicale n'ait pas été organisée ne cause pas nécessairement un préjudice qu'il conviendrait de réparer ; qu'en se bornant, pour faire droit à la demande de dommages intérêts de M. [K], à affirmer que le fait d'avoir repris le travail sans visite médicale lui ouvrait droit à des dommages et intérêts sans constater la réalité d'un préjudice subi à ce titre, préjudice dont l'existence n'était pas démontrée par l'intéressé, la cour d'appel a méconnu l'article 1147 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
La société STO reproche à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [K] à ses torts exclusifs en lui faisant prendre effet le 4 mai 2015, d'avoir dit qu'elle produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir condamnée en conséquence à verser à M. [K] les sommes de 3 763,98 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, de 376,40 € au titre des congés payés afférents, de 25 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
1/ ALORS QUE ces motifs seront censurés par voie de conséquence de la cassation à intervenir sur le premier moyen, par application de l'article 625 du code de procédure civile ;
2/ ALORS (subsidiairement) QUE le seul manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ne suffit pas à entraîner la requalification de la demande de résiliation judiciaire en licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il incombe aux juges, pour lui imputer la rupture, de rechercher si ce manquement était suffisamment grave pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en se bornant à affirmer que le manquement de la société STO à son obligation de sécurité résultant de l'absence de visite de reprise le 17 février 2014 était de nature à lui seul à empêcher la poursuite du contrat de travail, sans caractériser l'impossibilité de poursuivre son exécution, la cour d'appel a violé les articles L. 1231-1, L. 1232-1 et L. 4121-1 du code du travail.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
La société STO reproche à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir condamnée à verser à M. [K] les sommes de 29 052,67 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires accomplies en 2011, 2012 et 2013, de 2 905,27 € au titre des congés payés afférents, de 15 246,98 € au titre de l'indemnité de contrepartie obligatoire en repos, de 1 524,70 € au titre des congés payés afférents et de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
1/ ALORS QUE si la preuve des heures de travail effectuées n'incombe à aucune des parties, il appartient néanmoins au salarié de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande ; qu'il ne satisfait pas à la charge de l'allégation qui pèse sur lui lorsqu'il ne produit qu'un élément établi de sa main et non confirmé par des éléments de preuve tangibles, n'émanant pas de lui-même ; qu'en se fondant, pour faire droit à la demande de M. [K] relative aux heures supplémentaires qu'il aurait effectuées en 2011, 2012 et 2013, sur la copie de ses agendas papiers ainsi qu'un tableau récapitulant dans deux colonnes le nombre d'heures totales de travail et le nombre d'heures supplémentaires majorées, quand ces documents établis de sa main, non accompagnés d'autres éléments objectifs qui auraient pu corroborer leur contenu, ne pouvaient constituer la preuve préalable exigée du salarié, la cour d'appel a d'ores et déjà violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;
2/ ALORS (subsidiairement) QUE la cour d'appel a constaté que la société STO contestait les mentions des documents établis de la main du salarié dans la mesure où ils faisaient mention de visites d'entreprises fermées pour congés et de distances parcourues durant l'arrêt de travail identiques à celles parcourues durant son temps de travail ; qu'en faisant néanmoins droit à la demande de M. [K], pour les montants réclamés, sans rechercher si ces incohérences ne disqualifiaient pas l'ensemble de ces documents en remettant en cause la véracité même de leurs mentions, la cour d'appel a encore violé l'article L. 3171-4 du code du travail.
Moyens produits par Me Balat, avocat aux Conseils, pour M. [K], demandeur au pourvoi n° B 21-10.918
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
M. [K] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité aux sommes de 3 763,98 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis et de 376,40 € au titre des congés payés afférents les condamnations mises à la charge de la société STO au titre d'une résiliation judiciaire du contrat de travail produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté du surplus de ses prétentions à ce titre ;
ALORS, D'UNE PART, QUE dans ses écritures d'appel (conclusions récapitulatives d'appel, p. 37 in fine et p. 38 in limine), M. [K] invoquait les articles 20 de l'avenant n° 2 du 14 mars 1955 et 11 de l'accord du 10 mai 2011 relatif à l'emploi des personnes handicapées, textes tous deux rattachés à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, faisant valoir qu'au titre du premier texte il bénéficiait d'un préavis de trois mois puisqu'il était titulaire d'un coefficient égal à 300 et qu'en sa qualité de travailleur handicapé il bénéficiait au titre du second texte d'un préavis dont la durée était doublée ; qu'en calculant l'indemnité de préavis allouée à M. [K] sur la base d'une durée de deux mois, sans répondre à ces conclusions, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'article 20 de l'avenant n° 2 du 14 mars 1955, rattaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, prévoit un préavis de trois mois pour les techniciens dont l'emploi est affecté d'un coefficient égal ou supérieur à 275 ; que l'article 11 de l'accord Jean-Christophe BALAT Avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation [Adresse 3] du 10 mai 2011 relatif à l'emploi des personnes handicapées, rattaché à la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952, prévoit un préavis doublé pour les travailleurs handicapés ; qu'en décidant que M. [K] ne bénéficiait que d'un préavis de deux mois, tout en constatant qu'il avait la qualité de travailleur handicapé au jour de son licenciement (arrêt attaqué, p. 2, alinéas 4 et 5 et p. 3, alinéa 7) et qu'il était, dès son embauche, au niveau 3 de la classification technicien au coefficient de 275 (arrêt attaqué, p. 2, alinéa 1er), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article 27 de la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952 par fausse application et les articles 20 de l'avenant n° 2 du 14 mars 1955 et 11 de l'accord du 10 mai 2011 relatif à l'emploi des personnes handicapées par refus d'application.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
M. [K] reproche à l'arrêt attaqué d'avoir limité à la somme de 25 000 euros le montant de l'indemnité qui lui a été allouée au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'avoir débouté du surplus de ses prétentions à ce titre ;
ALORS QU' aucun salarié ne peut faire l'objet d'une mesure discriminatoire en raison de son état de santé ; qu'en calculant les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur la base de la dernière rémunération perçue perçu par M. [K] cependant qu'elle constatait qu'il était en arrêt de travail pour maladie au jour du licenciement (arrêt attaqué, p. 2, alinéa 12), la cour d'appel qui a évalué l'indemnité litigieuse sur la base du salaire réduit perçu par le salarié au cours de son arrêt de travail pour maladie, ce qui constitue une mesure discriminatoire en raison de son état de santé, a violé les articles L. 1132-1 et L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause.