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16/03/2022 | FRANCE | N°20-18463

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 16 mars 2022, 20-18463


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° H 20-18.463

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

M. [J] [I], domicilié [Adresse 2],

a formé le pourvoi n° H 20-18.463 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 2), dans...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 323 F-D

Pourvoi n° H 20-18.463

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 16 MARS 2022

M. [J] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-18.463 contre l'arrêt rendu le 20 décembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre sociale, section 2), dans le litige l'opposant à la société Capgemini Technology services, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de SOGETI France, défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Buk Lament-Robillot, avocat de M. [I], de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de la société Capgemini Technology services, après débats en l'audience publique du 26 janvier 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 20 décembre 2019), M. [I] a été engagé, le 1er février 2011, par la société Sogeti France, société de services informatiques, aux droits de laquelle se trouve la société Capgemini Technology Services, en qualité de technicien d'exploitation. Il exécutait des missions au sein de sociétés clientes, en 3x8 et en horaires de nuit.

2. Le salarié a bénéficié d'un congé individuel de formation du 3 novembre 2014 au 23 octobre 2015.

3. Le 22 mars 2016, il a été licencié pour faute en raison de son refus d'exécuter les deux ordres de missions en horaires de jour lui ayant été soumis lors de son retour.

4. Le 31 mai 2016, il a saisi la juridiction prud'homale afin de contester son licenciement et d'obtenir le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. Le salarié fait grief à l'arrêt de juger son licenciement pour faute fondé sur une cause réelle et sérieuse et, en conséquence, de le débouter de ses demandes de dommages-intérêts pour licenciement abusif et exécution déloyale du contrat de travail, alors « que le passage, même partiel, d'un horaire de nuit à un horaire de jour, assorti d'une réduction corrélative de la rémunération, entraîne un bouleversement de l'économie du contrat constitutif d'une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que le salarié, depuis son embauche, avait régulièrement travaillé sur des missions en horaires postés en 3x8 avec des plages horaires de nuit et des périodes de travail le dimanche, sujétions ayant pour effet d'améliorer sa rémunération par le déclenchement de primes liées à ces horaires atypiques et qu'à son retour de CIF, il s'était vu proposer deux ordres de mission sur un poste similaire à celui qu'il occupait préalablement à son départ mais sur des horaires de jour, a néanmoins, pour juger le licenciement pour faute fondé sur une cause réelle et sérieuse, énoncé que le salarié exerçait son activité dans le cadre de missions temporaires chez des clients, que le contrat de travail ne mentionnait le travail de nuit que comme une possibilité et renvoyait aux ordres de mission établis par l'employeur le soin de fixer les horaires de travail chez les clients, qu'un accord d'entreprise réservait les missions de nuit aux salariés volontaires pour les remplir, que les deux missions proposées correspondaient au périmètre d'affectation du salarié et à ses compétences professionnelles, que la nouvelle qualification du salarié ne pouvait s'exercer que sur des missions en journée et que ce dernier, qui revenait d'une longue absence, se plaignait de dépression et n'avait pas donné toute satisfaction sur de précédentes missions de nuit, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le nouvel horaire proposé par l'employeur, qui entraînait le passage partiel d'un horaire de nuit avec le paiement consécutif des majorations de salaire, à un horaire de jour, constituait une modification du contrat de travail du salarié que ce dernier était en droit de refuser, violant ainsi les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail :

6. Le passage d'un horaire de jour à un horaire de nuit, ou d'un horaire de nuit à un horaire de jour, constitue une modification du contrat de travail qui doit être acceptée par le salarié.

7. Pour juger le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et débouter le salarié de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement injustifié et pour manquement de l'employeur à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail, l'arrêt relève que son contrat de travail comporte la définition du secteur géographique d'activité sans aucune mention sur une éventuelle affectation prioritaire sur des postes en 3x8 ou en travail de nuit.

8. Il énonce que le salarié ne peut se prévaloir d'une pratique selon laquelle il était régulièrement affecté sur des missions en 3x8 ou en travail de nuit avant son congé individuel de formation pour revendiquer une affectation exclusive sur de telles missions à compter de son retour dans la mesure où, d'une part, l'existence de telles missions est subordonnée à l'activité économique de l'entreprise en particulier les besoins de la clientèle et où, d'autre part, il relève du pouvoir de direction de l'employeur de décider d'affecter tel ou tel collaborateur sur une mission plutôt qu'une autre en fonction des compétences de chacun, la seule limite étant l'abus dans l'exercice de ce pouvoir de direction. Il ajoute qu'il s'agit par nature de missions temporaires, et non de l'affectation pérenne d'un salarié sur un poste de travail de jour ou de nuit.

9. Il constate encore que les deux missions proposées au salarié au profit d'un client à [Localité 3] en horaires de journée correspondaient à la fois aux prévisions contractuelles quant au périmètre d'affectation et quant au poste occupé, et aux compétences professionnelles de l'intéressé.

10. Il retient qu'en conséquence, les deux refus successifs de missions opposés par le salarié à son employeur, sans motif légitime, constituent une faute justifiant la rupture du contrat de travail.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que, du 1er février 2011, date de son engagement, au 3 novembre 2014, date du début de son congé individuel de formation, le salarié avait été affecté sur des missions en 3x8 et en horaires de nuit, en sorte que son affectation sur des missions en horaires de journée constituait une modification du contrat de travail qu'il était en droit de refuser, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Et sur le second moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

12. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de maintien de salaire pendant le contrat individuel de formation, alors « qu'en tout état de cause, le salarié bénéficiaire d'un congé individuel de formation, dont le salaire est inférieur à deux fois le SMIC, a droit à l'intégralité du salaire, incluant les majorations pour travail de nuit ou de dimanche, qu'il aurait perçues s'il avait continué à travailler dans les conditions antérieures au congé ; que la cour d'appel, en énonçant, pour le débouter de sa demande en rappel de salaire, qu'il n'avait droit qu'au maintien du salaire de base qu'il aurait reçu s'il était resté à son poste de travail, hors majorations exceptionnelles pour travail de nuit ou de dimanche, a violé l'ancien article L. 6322-17 du code du travail, applicable au litige. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 6322-17 du code du travail, dans sa version antérieure à la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, et l'article 1er du décret n° 84-613 du 16 juillet 1984, dans sa version antérieure au décret n° 2019-1549 du 30 décembre 2019 :

13. Selon ces textes, d'une part, le salarié bénéficiaire d'un congé individuel de formation, ayant obtenu l'accord de l'organisme collecteur paritaire agréé pour la prise en charge de sa formation, a droit à une rémunération égale à un pourcentage, déterminé par décret, du salaire qu'il aurait perçu s'il était resté à son poste de travail, d'autre part, quelle que soit la durée de la formation, cette rémunération ne peut être inférieure au salaire antérieur lorsque celui-ci n'atteint pas deux fois le SMIC.

14. Pour débouter le salarié de sa demande en rappel de salaire, l'arrêt énonce que le maintien de salaire pendant le congé individuel de formation, prévu par les dispositions de l'article L. 6322-17 du code du travail et le décret du 16 juillet 1984 dans sa version consolidée au 5 avril 2016, concerne le salaire que le salarié aurait reçu s'il était resté à son poste de travail. Il retient qu'il s'agit du salaire de base de 1 557,44 euros, hors majorations exceptionnelles pour travail de nuit ou de dimanche, dans la mesure où ces majorations ne pouvaient être tenues pour acquises de manière pérenne puisqu'elles étaient inhérentes à la nature des différentes missions confiées et que l'employeur était libre d'affecter le salarié sur des missions de jour et de semaine, de sorte qu'il ne s'agissait pas d'éléments permanents de la rémunération.

15. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'antérieurement à son congé individuel de formation, le salarié exécutait des missions en 3x8 et en horaires de nuit et de dimanche et que son salaire était composé des majorations afférentes en plus du salaire de base, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare le licenciement de M. [I] fondé sur une cause réelle et sérieuse et déboute ce dernier de ses demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement injustifié, de dommages-intérêts pour procédés déloyaux de la part de l'employeur, de rappel de salaire et d'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 20 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Toulouse ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bordeaux ;

Condamne la société Capgemini Technology services aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Capgemini Technology Services et la condamne à payer à M. [I] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Buk Lament-Robillot, avocat aux Conseils, pour M. [I]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

M. [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé son licenciement pour faute fondé sur une cause réelle et sérieuse et de l'avoir, en conséquence, débouté de ses demandes de dommages et intérêts pour licenciement abusif et exécution déloyale du contrat de travail ;

ALORS QUE le passage, même partiel, d'un horaire de nuit à un horaire de jour, assorti d'une réduction corrélative de la rémunération, entraîne un bouleversement de l'économie du contrat constitutive d'une modification du contrat de travail que le salarié est en droit de refuser ; que la cour qui, bien qu'elle ait constaté que M. [I], depuis son embauche, avait régulièrement travaillé sur des missions en horaires postés en 3x8 avec des plages horaires de nuit et des périodes de travail le dimanche, sujétions ayant pour effet d'améliorer sa rémunération par le déclenchement de primes liées à ces horaires atypiques et qu'à son retour de CIF, il s'était vu proposer deux ordres de mission sur un poste similaire à celui qu'il occupait préalablement à son départ mais sur des horaires de jour, a néanmoins, pour juger le licenciement pour faute fondé sur une cause réelle et sérieuse, énoncé que le salarié exerçait son activité dans le cadre de missions temporaires chez des clients, que le contrat de travail ne mentionnait le travail de nuit que comme une possibilité et renvoyait aux ordres de mission établis par l'employeur le soin de fixer les horaires de travail chez les clients, qu'un accord d'entreprise réservait les missions de nuit aux salariés volontaires pour les remplir, que les deux missions proposées correspondaient au périmètre d'affectation du salarié et à ses compétences professionnelles, que la nouvelle qualification du salarié ne pouvait s'exercer que sur des missions en journée et que ce dernier, qui revenait d'une longue absence, se plaignait de dépression et n'avait pas donné toute satisfaction sur de précédentes missions de nuit, n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations dont il résultait que le nouvel horaire proposé par l'employeur, qui entraînait le passage partiel d'un horaire de nuit avec le paiement consécutif des majorations de salaire, à un horaire de jour, constituait une modification du contrat de travail du salarié que ce dernier était en droit de refuser, violant ainsi les articles L. 1221-1 et L. 1235-1 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

M. [I] fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué de l'avoir débouté de sa demande de maintien de salaire pendant le CIF ;

1°) ALORS QUE l'employeur, qui ne peut modifier unilatéralement le contrat de travail, est tenu, pendant le congé individuel de formation du salarié dont le salaire est inférieur à deux fois le smic, de lui verser l'intégralité du salaire qu'il aurait reçu s'il était resté à son poste de travail, sans pouvoir diminuer sa rémunération ; que la cour d'appel, en énonçant, pour débouter M. [I] de sa demande en rappel de salaire, qu'il n'avait droit qu'au maintien du salaire de base qu'il aurait reçu s'il était resté à son poste de travail, hors majorations exceptionnelles pour travail de nuit ou du dimanche qui, inhérentes à la nature des différentes missions confiées et l'employeur étant libre d'affecter son salarié sur des missions de jour et de semaine, ne constituaient pas des éléments permanents de sa rémunération pouvant être tenus pour acquis de manière pérenne, a violé l'ancien article L. 6322-17 du code du travail, applicable au litige, ensemble l'article L. 1221-1 du code du travail ;

2°) ALORS QU'en tout état de cause, le salarié bénéficiaire d'un congé individuel de formation, dont le salaire est inférieur à deux fois le smic, a droit à l'intégralité du salaire, incluant les majorations pour travail de nuit ou de dimanche, qu'il aurait perçu s'il avait continué à travailler dans les conditions antérieures au congé ; que la cour d'appel en énonçant, pour débouter l'exposant de sa demande en rappel de salaire, qu'il n'avait droit qu'au maintien du salaire de base qu'il aurait reçu s'il était resté à son poste de travail, hors majorations exceptionnelles pour travail de nuit ou de dimanche, a violé l'ancien article L. 6322-17 du code du travail, applicable au litige.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-18463
Date de la décision : 16/03/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 20 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 16 mar. 2022, pourvoi n°20-18463


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SAS Buk Lament-Robillot, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.18463
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