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16/03/2022 | FRANCE | N°20-12866

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 mars 2022, 20-12866


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 251 F-D

Pourvoi n° Y 20-12.866

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022

M. [C] [I], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 20-12.866 c

ontre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (audience solennelle), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'ordre des avocats...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 mars 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 251 F-D

Pourvoi n° Y 20-12.866

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 MARS 2022

M. [C] [I], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Y 20-12.866 contre l'arrêt rendu le 12 décembre 2019 par la cour d'appel de Lyon (audience solennelle), dans le litige l'opposant :

1°/ à l'ordre des avocats du barreau de Lyon, dont le siège est [Adresse 2], représenté par son bâtonnier,

2°/ au bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon, domicilié [Adresse 2],

3°/ au procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [I], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de l'ordre des avocats du barreau de Lyon et du bâtonnier de l'ordre des avocats du barreau de Lyon, et l'avis de M. Chaumont, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 12 décembre 2019), le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Lyon a saisi le conseil régional de discipline de poursuites disciplinaires à l'encontre de M. [I], avocat, qui avait, à l'occasion de l'assistance d'un mineur victime d'un accident de la circulation, établi, en application de conventions d'honoraires, une facture d'un montant de 533 489,50 euros, réduite à 19 200 euros à l'issue d'une procédure de contestation d'honoraires.

2. M. [I] a formé un recours contre la décision du conseil de discipline ayant prononcé à son égard la peine disciplinaire de deux ans d'interdiction temporaire d'exercice, avec publicité, pour manquements aux règles de probité, d'humanité, d'honneur, de délicatesse, de modération et de désintéressement constituant les valeurs du serment de l'avocat.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

4. M. [I] fait grief à l'arrêt de le condamner à une peine disciplinaire de deux ans d'interdiction temporaire d'exercice, avec publicité, alors :

« 1° / que, pour invoquer le caractère excessif de la sanction prononcée par le conseil de discipline, l'exposant développait une argumentation par laquelle il faisait valoir qu'il n'avait fait preuve d'aucune « malignité, ni de mauvaise foi manifeste » dans sa mission, qu'il n'avait « pas davantage cherché à masquer la façon dont il a(vait) (?) factur(é) son intervention », qu'il pouvait « tout au plus » lui être reproché « d'avoir manqué de discernement et de prudence » en ayant estimé « devoir passer outre l'avis du juge des tutelles », qu'il avait « également procédé au remboursement du trop-perçu des sommes mises à sa charge » dans le cadre de « la procédure de taxation d'honoraires », et observait qu'au regard de la somme globale versée à ses clients, il en avait « perçu à ce jour pour honoraire unique (?) 1,2 % (de son) montant » ; qu'en affirmant que le professionnel poursuivi invoquait le non-respect du principe de proportionnalité sans développer aucun moyen de ce chef, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle se trouvait saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

2°/ que, en outre, toute sanction, notamment disciplinaire, doit être conforme au principe de proportionnalité ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces de la procédure que l'exposant n'avait manifesté aucune malignité ou mauvaise foi, avait mené sa mission à terme et au mieux des intérêts de sa mandante, avait remboursé immédiatement les sommes mises à sa charge au titre du trop-perçu d'honoraires litigieux, ainsi que l'avait admis le bâtonnier de l'ordre des avocats au barreau de Lyon lui-même, quand la cliente avait d'ailleurs accepté en toute connaissance de cause la convention d'honoraires qui lui avait été proposée ; qu'en prononçant dans de telles circonstances la sanction reprochée en dépit de sa lourdeur et de sa gravité, la cour d'appel a transgressé le principe de proportionnalité et l'article 6 de la de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

5. En retenant que M. [I] avait, pour facturer ses honoraires, appliqué un pourcentage excessif sur l'ensemble des sommes allouées à la victime, y compris sur la rente lui ayant été accordée, qu'il n'avait pas justifié du travail accompli, qu'il avait poursuivi le recouvrement des honoraires malgré l'opposition du juge des tutelles, en persistant dans ses errements, que ses agissements étaient contraires aux principes de modération et de délicatesse et constitutifs d'un manquement caractérisé à l'honneur, à la probité, au désintéressement et à l'humanisme, alors qu'il défendait les droits d'un mineur lourdement handicapé, la cour d'appel a, sans dénaturer les conclusions de M. [I], procédé au contrôle de proportionnalité de la sanction au regard de la gravité des faits et de sa personnalité.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [I]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un avocat (M. [I], l'exposant) à une peine disciplinaire d'interdiction d'exercer d'une durée de deux années, et d'en avoir ordonné la publicité ;

AUX MOTIFS QUE la procureure générale rappelait que la convention faite avec un incapable était un acte de disposition nécessitant l'avis du juge des tutelles et qu'il appartenait à M. [I] de demander au mandant cette autorisation ; qu'elle soulignait le montant des honoraires prélevé, soit 50 % du capital versé ; qu'eu égard au remboursement effectué, elle concluait à une peine d'interdiction d'un an au lieu de deux ans (arrêt attaqué, p. 5, 3ème al.) ;

ALORS QUE, conformément à l'exigence d'un procès impartial et équitable, l'avocat faisant l'objet de poursuites disciplinaires doit avoir eu communication des éventuelles conclusions écrites du ministère public afin d'être en mesure d'y répondre utilement ; qu'en l'espèce, l'arrêt attaqué a condamné l'avocat poursuivi à une peine disciplinaire après avoir mentionné l'avis exprimé par le ministère public ; qu'en s'abstenant de préciser si celui-ci avait déposé des conclusions écrites préalablement à l'audience, et, dans l'affirmative, si le professionnel poursuivi en avait reçu communication afin de pouvoir y répondre utilement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et de l'article 16 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné un avocat (M. [I], l'exposant) à une peine disciplinaire d'interdiction d'exercer d'une durée de deux années, et d'en avoir ordonné la publicité ;

AUX MOTIFS QUE M. [I] invoquait le principe de proportionnalité sans pour autant développer un quelconque moyen de ce chef (arrêt attaqué, p. 5, 5ème attendu) ;

ALORS QUE, pour invoquer le caractère excessif de la sanction prononcée par le conseil de discipline, l'exposant développait (v. ses concl. d'appel, p. 10) une argumentation par laquelle il faisait valoir qu'il n'avait fait preuve d'aucune « malignité, ni de mauvaise foi manifeste » dans sa mission, qu'il n'avait « pas davantage cherché à masquer la façon dont il a(vait) (?) factur(é) son intervention », qu'il pouvait « tout au plus » lui être reproché « d'avoir manqué de discernement et de prudence » en ayant estimé « devoir passer outre l'avis du juge des tutelles », qu'il avait « également procédé au remboursement du trop-perçu des sommes mises à sa charge » dans le cadre de « la procédure de taxation d'honoraires », et observait qu'au regard de la somme globale versée à ses clients, il en avait « perçu à ce jour pour honoraire unique (?) 1,2 % (de son) montant » ; qu'en affirmant que le professionnel poursuivi invoquait le non-respect du principe de proportionnalité sans développer aucun moyen de ce chef, la cour d'appel a dénaturé les conclusions dont elle se trouvait saisie en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, en outre, toute sanction, notamment disciplinaire, doit être conforme au principe de proportionnalité ; qu'en l'espèce, il résultait des pièces de la procédure que l'exposant n'avait manifesté aucune malignité ou mauvaise foi, avait mené sa mission à terme et au mieux des intérêts de sa mandante, avait remboursé immédiatement les sommes mises à sa charge au titre du trop-perçu d'honoraires litigieux, ainsi que l'avait admis le bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Lyon lui-même, quand la cliente avait d'ailleurs accepté en toute connaissance de cause la convention d'honoraires qui lui avait été proposée ; qu'en prononçant dans de telles circonstances la sanction reprochée en dépit de sa lourdeur et de sa gravité, la cour d'appel a transgressé le principe de proportionnalité et l'article 6 de la de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-12866
Date de la décision : 16/03/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 12 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 mar. 2022, pourvoi n°20-12866


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.12866
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