LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
DB
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 mars 2022
Rejet
Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 181 F-D
Pourvoi n° A 19-18.499
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 16 MARS 2022
La Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 19-18.499 contre l'arrêt rendu le 24 avril 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 4), dans le litige l'opposant à la société Free mobile, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la Société française du radiotéléphone, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Free mobile, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 24 avril 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 8 mars 2018, pourvoi n° 16-16.645, Bull. 2018, IV, n° 34), la Société française du radiotéléphone, (la société SFR) a, entre les 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, proposé aux consommateurs des forfaits dits « Carré » déclinant plusieurs types d'offres. Elle proposait ainsi le choix entre un abonnement à un service de téléphonie sans achat d'un téléphone mobile, sous forme de forfait dénommé « prix Eco » et un autre accompagnant l'acquisition d'un téléphone mobile. Dans ce dernier cas, elle offrait , lors de la souscription de l'abonnement, soit d'acquérir le mobile à un prix dit « prix de référence » et le bénéfice d'un forfait à « prix Eco », soit cette acquisition à un prix dit « attractif » associée à un engagement d'abonnement « un peu plus cher chaque mois » jusqu'à son terme de 12 ou 24 mois.
2. Soutenant que cette dernière formule caractérisait une opération de crédit en méconnaissance des dispositions régissant l'information des consommateurs ainsi qu'une pratique commerciale déloyale et trompeuse lui ayant causé un préjudice, la société Free Mobile (la société Free) a assigné la société SFR en réparation de son préjudice.
Examen des moyens
Sur le premier moyen, pris en sa quatrième branche, et le second moyen, pris en sa deuxième branche, ci-après annexés
3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen, pris en ses autres branches
Enoncé du moyen
4. La société SFR fait grief à l'arrêt de dire qu'elle s'est rendue coupable de pratiques de crédits à la consommation en méconnaissance du respect des dispositions régissant l'information des consommateurs sur ces pratiques, constitutives de concurrence déloyale, alors :
« 1°/ qu'une opération de crédit est celle par laquelle un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire ; que l'obligation de remboursement par l'emprunteur de la somme prêtée est inhérente à tout contrat de crédit ; qu'en affirmant, pour assimiler les offres de subventionnement litigieuses à des opérations de crédit, qu'il n'est pas exigé que la totalité de l'avance soit remboursée pour chaque abonné individuellement, après avoir admis que la qualification d'opération de crédit supposait que le vendeur consente à l'acquéreur, par l'octroi d'un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer, la cour de renvoi n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article L. 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°/ qu'une opération de crédit est une opération conclue individuellement entre un prêteur et un emprunteur ; qu'en affirmant pour soumettre les pratiques de subventionnement litigieuses à la réglementation sur le crédit à la consommation, qu'il n'est pas exigé que la totalité de l'avance soit remboursée pour chaque abonné individuellement, la cour de renvoi a violé de plus fort l'article L. 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
3°/ qu'une opération de crédit est une opération conclue individuellement entre un prêteur et un emprunteur ; qu'en se référant exclusivement, pour assimiler dans leur ensemble les offres d'abonnement de SFR à des offres de crédit à la consommation, sur une étude statistique , versée aux débats par la société Free, selon laquelle "sur 1318 offres examinées par l'expert, 562 sont supérieures ou égales à 200 euros, et sur ces 562, 91 offres se sont caractérisées pour les abonnés par un surcoût (TAEG positifs ou nuls), 471 offres s'étant révélées, au contraire, bénéfiques pour eux (TAEG négatifs), c'est-à-dire qu'ils ont remboursé moins que la somme qui leur a été avancée sous la forme du terminal à prix réduit", la cour de renvoi qui ne s'est livrée à aucune analyse in concreto d'une offre précise et individualisée pour caractériser l'existence d'un crédit à la consommation, a, de nouveau, violé l'article L. 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
5°/ que la qualification d'opération de crédit ne peut être retenue qu'à la condition d'établir que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique s'explique par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile n'est justifiée par aucune autre explication rationnelle ; que les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 euros sont exclues de la réglementation sur le crédit à la consommation ; qu'en considérant que les offres litigieuses étaient soumises à la réglementation sur le crédit à la consommation après avoir admis qu'il ressort de l'expertise la démonstration que la structure tarifaire de SFR devient plus favorable aux consommateurs lorsque le terminal est onéreux (plus de 200 euros) et la preuve d'une péréquation entre abonnés, ce dont il résultait que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement répondait bien à un objectif de péréquation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, ensemble l'article L. 311-3 2° du même code dans sa rédaction applicable en la cause ;
6°/ que la qualification d'opération de crédit ne peut être retenue qu'à la condition d'établir que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique s'explique par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile n'est justifiée par aucune autre explication rationnelle ; qu'en affirmant, pour refuser d'admettre que la pratique litigieuse pouvait légitimement répondre à un objectif rationnel de péréquation des coûts, que cet objectif aurait pu être atteint par d'autres moyens, quand il lui incombait seulement de vérifier si cet objectif de péréquation des coûts constituait ou non une explication rationnelle de la majoration du prix du forfait, faisant obstacle à la qualification de contrat de crédit, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une opération de crédit, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
7°/ que la qualification d'opération de crédit suppose d'établir que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique justifie exclusivement la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile ; qu'en décidant d'assimiler les pratiques de subventionnement litigieuses à des opérations de crédit à la consommation, tout en constatant qu'une partie seulement du prix du mobile était reportée sur les mensualités de l'abonnement, la cour d'appel a violé l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
8°/ que l'obligation de remboursement par l'emprunteur de la somme prêtée qui est inhérente à tout contrat de crédit, est une obligation de résultat ; que l'absence de cette obligation absolue exclut tout contrat de crédit ; qu'il appartient à celui qui prétend qu'un contrat masque en réalité une opération déguisée de nature différente de rapporter la preuve que les conditions d'une requalification sont réunies ; qu'en affirmant, pour considérer les offres subventionnées litigieuses comme des opérations de crédit à la consommation déguisées, que "la société SFR ne démontre pas que les résiliations anticipées et les migrations (de contrats seraient courantes dans sa pratique", quand il incombait à la société Free de démontrer que nonobstant les dispositions contractuelles fixant les modalités d'une résiliation anticipée du contrat d'abonnement, l'opération pouvait néanmoins être assimilée à une opération de crédit à la consommation, la cour de renvoi qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L. 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
9°/ que dans ses conclusions d'appel la société SFR faisait valoir que "si le caractère immédiat du transfert de propriété du mobile n'emporte pas à lui seul l'exclusion de la qualification de crédit à la consommation, la circonstance que le transfert de propriété du terminal soit définitif dès le paiement du prix dit "attractif" et qu'il ne soit grevé d'aucune sûreté (aucune restitution du terminal n'étant envisagée selon elle en cas de défaut de paiement) s'oppose a contrario à la qualification de crédit à la consommation" ; qu'en assimilant les offres litigieuses à des opérations de crédit à la consommation déguisées, sans répondre à ce moyen déterminant de nature à exclure une telle qualification, la cour de renvoi a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir constaté qu'il résulte des pièces du dossier que la société SFR consentait aux abonnés des prix d'achat des téléphones mobiles à prix substantiellement réduit, moyennant la majoration des mensualités d'abonnement, l'arrêt relève, d'une part, que les publicités de l'opérateur, qu'il cite, établissent le lien entre le prix du téléphone mobile et les mensualités d'abonnement, d'autre part, que la société SFR précisait sur son site internet que le coût d'acquisition du téléphone mobile était « lissé » et que le client bénéficiait d'un étalement du prix de celui-ci.
6. L'arrêt retient ensuite que l'objectif de péréquation des coûts, que la société SFR indiquait poursuivre par cette pratique, aurait pu être atteint par d'autres moyens et qu'il n'est pas établi pourquoi le même téléphone mobile serait payé à un prix très modique lors de l'abonnement moyennant des mensualités plus élevées.
7. L'arrêt relève encore qu'il résulte d'une étude produite par la société Free que sur 1318 offres examinées par l'expert, 562 sont supérieures ou égales à 200 euros, et sur ces 562, 91 offres ont entraîné pour les abonnés un surcoût (TAEG positifs ou nuls), 471 offres s'étant révélées, au contraire, bénéfiques pour eux (TAEG négatifs), c'est-à-dire qu'ils ont remboursé moins que la somme qui leur avait été avancée sous la forme du téléphone mobile à prix réduit. Il énonce que l'existence de TAEG négatifs n'infirme pas en soi l'existence de facilités de paiements et de crédits à la consommation et qu'il n'est pas exigé que la totalité de l'avance soit remboursée pour chaque abonné individuellement. L'arrêt ajoute que le constat précédent doit être tempéré par l'étude des 756 offres dont le montant était inférieur à 200 euros, pour lesquelles la proportion est inversée et où l'on observe que 498 offres présentaient des TAEG positifs ou nuls et 238 des TAEG négatifs, l'expert soulignant que les TAEG positifs atteignent dans tous les cas des niveaux très élevés, supérieurs au taux d'usure.
8. Enfin, après avoir énoncé que le remboursement d'un crédit est toujours affecté d'un certain aléa, l'arrêt constate qu'il résulte des pièces versées par la société Free que la durée de relation d'un client auprès de son opérateur de téléphonie mobile dépasse 24 mois et que les dispositifs contractuels permettant de résilier les contrats sont peu sollicités par les consommateurs. Il relève qu'en outre, la résiliation anticipée avant le délai de 24 mois est strictement encadrée et non automatique, car elle représente un coût pour le client, et que la société SFR ne démontre pas que ces résiliations anticipées et les migrations seraient courantes dans sa pratique. Il en déduit que la société SFR n'établit pas que ces aléas seraient tels qu'elle ne pourrait se livrer à des crédits, n'étant pas certaine de récupérer ses avances.
9. En l'état de ces constatations, appréciations et énonciations, la cour d'appel, procédant à juste titre à une analyse globale de l'ensemble du mécanisme économique mis en place et revendiqué par la société SFR qui, elle-même, invoquait une péréquation de l'ensemble des coûts, a, sans avoir à procéder à une analyse in concreto d'une offre précise, sans inverser la charge de la preuve, ni avoir à répondre à des conclusions que ses constatations rendaient inopérantes, exactement caractérisé que cet opérateur, qui consentait une avance du prix du téléphone mobile choisi par le client, laquelle était ensuite remboursée par le paiement de mensualités d'abonnement plus élevées et correspondant à ce remboursement, sans que la péréquation des coûts invoquée constitue une explication convaincante de la commercialisation d'un téléphone mobile à un prix très modique lors de l'abonnement moyennant des mensualités plus élevées, procédait, dans son activité, à des opérations de crédit à la consommation.
10. Le moyen n'est donc pas fondé.
Sur le second moyen, pris en ses première, troisième, quatrième et cinquième branches
Enoncé du moyen
11. La société SFR fait grief à l'arrêt de juger qu'elle s'est rendue coupable de pratiques déloyales et trompeuses, alors :
« 1°/ que pour considérer que la société SFR s'était rendue coupable de pratiques déloyales et trompeuses, la cour de renvoi a estimé que la nature onéreuse du crédit avait été dissimulée au consommateur ou encore que celui-ci n'avait pas été informé du coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente ; qu'il s'ensuit que la censure à intervenir sur le premier moyen reprochant à la cour de renvoi d'avoir retenu que la société SFR s'était rendue coupable de pratiques de crédits à la consommation en méconnaissance du respect des dispositions régissant l'information des consommateurs sur ces pratiques, entraînera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué sur le second moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;
3°/ que la possibilité d'assimiler les offres de subventionnement de mobiles litigieuses commercialisées par la société SFR en 2011 et 2012, à des opérations de crédit à la consommation, n'a été admise pour la première fois que par l'arrêt de cassation du 7 mars 2018 ayant saisi la cour de renvoi ; qu'en reprochant à la société SFR d'avoir sciemment dissimulé la nature onéreuse du crédit et trompé le consommateur en lui faisant croire que cette solution était plus avantageuse, quand la société SFR ignorait à la date des offres commerciales innovantes contestées, que celles-ci pourraient être analysées ensuite comme comportant, en réalité, une opération de crédit, ce dont il résulte qu'elle ne peut pas avoir agi sciemment, la cour de renvoi a violé les articles L. 120-1 et L. 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;
4°/ qu'en se bornant à affirmer péremptoirement "qu'en n'informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente, la société SFR trompe sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n'est pas toujours le cas", sans tenir compte comme elle y avait été spécialement invitée, des avantages de ce système de subventionnement pour le consommateur, la cour de renvoi a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-1 et L. 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;
5°/ qu'en se bornant à affirmer péremptoirement "qu'en n'informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente, la société SFR trompe sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n'est pas toujours le cas" , sans vérifier comme elle y avait été invitée, si l'indication précise fournie pour chaque forfait proposé et selon les mêmes caractéristiques du prix du mobile et coût mensuel de l'abonnement selon qu'il s'agit de l'offre avec terminal mobile ou de la formule Eco, ne permettait pas au consommateur de se déterminer en parfaite connaissance de cause, la cour de renvoi a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 120-1 et L. 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
12. En premier lieu, le rejet du premier moyen rend sans objet la première branche du second, qui manque par le fait qui lui sert de base.
13. En deuxième lieu, il ressort des constatations de l'arrêt et des écritures des parties devant la cour d'appel de renvoi que la société SFR n'a pas soutenu devant celle-ci que la pratique ne pouvait être trompeuse, en raison de l'intervention postérieure à la mise en oeuvre de la pratique de l'arrêt de cassation du 7 mai 2018. Ce moyen, pris en sa troisième branche, est donc nouveau, et mélangé de fait et de droit.
14. En troisième lieu, l'arrêt relève que le mécanisme de subventionnement associé à une absence de transparence sur le montant de la subvention masque le coût réel des téléphones mobiles et peut donc conduire les consommateurs à dépenser plus, sans qu'ils en aient forcément conscience. Il ajoute qu'en dissimulant sciemment la nature onéreuse du crédit, s'agissant de certaines des opérations supérieures à 200 euros, la société SFR passe sous silence le taux d'intérêts qui, pourtant, dans certains cas, est largement au-delà du taux de l'usure (20,65 %). Il ajoute que tel est également le cas pour les opérations inférieures à 200 euros, pour lesquelles aurait dû être dispensée toute information nécessaire au consommateur pour comprendre le coût et les conditions des opérations proposées, notamment le surcoût final du téléphone mobile, d'autant qu'il ressort de l'expertise de nombreux cas de taux usuraire résultant des pratiques. Il en déduit que cette pratique trompeuse a été déloyale.
15. L'arrêt relève ensuite qu'en n'informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du téléphone mobile au prix attractif, dès la réalisation de la vente, la société SFR a trompé sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n'était pas toujours le cas, et en déduit que ces pratiques étaient de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.
16. En l'état de ces constatations et appréciations, faisant ressortir que la pratique, qui était de nature à induire en erreur les consommateurs sur le mode de calcul du prix effectivement payé par certains clients, avait été sciemment mise en oeuvre par la société SFR, était trompeuse et déloyale, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche que la cinquième branche lui reproche d'avoir négligée et n'avait pas à procéder à celle, inopérante, invoquée par la quatrième branche, a légalement justifié sa décision.
17. Le moyen, pour partie irrecevable, n'est pas fondé pour le surplus.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société française du radiotéléphone aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la Société française du radiotéléphone et la condamne à payer à la société Free mobile la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du seize mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour la société Française du radiotéléphone (SFR).
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que la Société Française de Radiotéléphone (SFR) s'était rendue coupable de pratiques de crédits à la consommation en méconnaissance du respect des dispositions régissant l'information des consommateurs sur ces pratiques, constitutives de concurrence déloyale ;
AUX MOTIFS QUE (?) selon l'article L. 311-1, 6° du code de la consommation (ancien L. 311-1,4°) : une opération ou un contrat de crédit est a une opération ou un contrat par lequel un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme de délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l'exception des contrais conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l'emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture » ; que l'article L 311-2 du même code ajoute que la réglementation sur le crédit à la consommation s'applique à toute opération de crédit qu'elle soit conclue à titre onéreux ou à litre gratuit ; que sont exclues de la réglementation sur le crédit à la consommation «(...) 2' Les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 euros ou supérieur à 75 000 euros, à l'exception de celles, mentionnées à l'article L. 313-15, ayant pour obier le regroupement de crédits » ; que la qualification d'opération de crédit au sens de ce texte suppose que le vendeur consente à l'acquéreur, par l'octroi d'un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer ; qu'il y a lieu de rechercher si : - le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement Carré en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique est établi par la société Free, - aucune autre explication rationnelle de la société SFR ne justifie cette réduction, la société SFR s'assurait ainsi, en principe, du remboursement des sommes qu'elle avait avancées au moment de la vente du terminal mobile en obtenant de ses clients la souscription d'un forfait majoré pour une durée de douze ou vingt-quatre mois, - seul un aléa, purement théorique ou en tous cas limité, pouvait affecter le remboursement des sommes avancées ; que sur le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement, il résulte des pièces du dossier que, à type d'abonnement comparable, la société SFR consentait aux abonnés des prix d'achat des terminaux de télécommunication à prix substantiellement réduit, moyennant la majoration des mensualités d'abonnement ; que cette concomitance est en soi de nature à. faire présumer qu'une partie des mensualités servait en réalité à rembourser l'avance consentie par SFR à ses abonnés sous forme de prix réduit du terminal ; que ce lien entre le prix du terminal et les mensualités de l'abonnement choisi par le consommateur résulte des publicités de l'opérateur lui-même, qui l'utilise comme argument commercial ; que la société SFR a décrit, sur son site internet, le principe du « Prix avec mobile » de l'abonnement de la sorte, ainsi qu'il résulte d'un constat d'huissier du 27 février 2012 (pièce 10-2 de Free, annexe 1, p. 7): «Le prix avec mobile s'applique si vous achetez un nouveau mobile (hors mobile au prix de référence) lors de la souscription de votre Formule Carrée. Vous bénéficiez alors d'un nouveau mobile à prix attractif. En contrepartie, votre forfait est un peu plus cher chaque mois » ; qu'elle précise plus loin : « Désormais, on distingue 2 prix pour un même mobile : - un prix attractif (par exemple. un mobile à 9 euros): votre forfait est alors au prix avec mobile (par exemple, votre forfait à 49 euros/mois) ; - un prix de référence (par exemple, ce même mobile à 299 euros) : votre forfait est alors au prix ECO (par exemple. ce même forfait à 37 euros/mois) » ; que c'est ainsi que la société Free fait état de l'exemple du modèle de mobile « blackberry Curve 9300.», vendu avec le forfait Carré absolu international ; que selon les modalités proposées par SFR, si un client SFR souhaite acheter ce mobile, dans le cadre d'un forfait Carré absolu international, pour un abonnement d'une durée de 24 mois, il se voit proposer une option entre : ? le paiement du mobile Blackberry à la commande de la somme très attractive de 9.90 euros et un abonnement de 69 euros par mois (et) le paiement, à la commande de la somme de 239,90 euros au comptant pour acheter le mobile Blackberry et un abonnement au «prix Eco » de 55 euros par mois ; que le Blackberry est donc vendu 9,90 euros au lieu de 239,90 euros, moyennant une mensualité d'abonnement majorée de 14 euros supplémentaire (69 euros au lieu de 55 euros), le consommateur remboursant au final sur 24 mensualités 106 euros de plus que le prix de référence de 239,90 euros ; que le même constat a été effectué par la société Free sur d'autres terminaux et d'autres abonnements ; que le tableau figurant en pièce 21 de la société Free fait état de 380 cas de ventes de terminaux, tant sur internet qu'en boutique, pour des abonnements de 24 mois ou 12 mois faisant apparaître le même report ; que la hausse concomitante de l'abonnement avec une baisse significative du tarif du terminal qui est très attractif démontre qu'une partie du prix du mobile est reportée sur les mensualités de l'abonnement : qu'au surplus, ainsi que le souligne la société Free, cette concomitance est d'autant plus flagrante que le prix de l'abonnement baisse à la fin de la période d'engagement ; que SFR a explicitement indiqué sur son site internet que le coût d'acquisition du mobile était « lissé » et que le client bénéficiait d'un étalement du prix de son mobile (constat d'huissier du 13 février 2012, pièce 10-1 annexe 1 de Free) ; que ce constat fait ressortir les questions et réponses suivantes : - « Le prix du mobile est-il inclus dans mon forfait ? » « Quand vous prenez un abonnement chez SFR, le prix affiché inclut aussi le cout du mobile car nous le subventionnons en partie au départ. Ce n'est donc pas un prix de forfait « nu » comme chez FREE MOBILE, mais un prix qui inclut le coût de votre mobile chaque mois. C'est un point important à prendre en compte lorsque vous comparez les offres et les prix des forfaits », - « Pourquoi SFR m'oblige-t-il toujours à m'engager ? » : « Tous nos forfaits sont disponibles sans engagement ou avec engagement de 12 ou 24 mois ; c'est vous qui avez le choix, ce que vous permet l'engagement : lissez le coût d'acquisition de votre téléphone mobile », - « Pourquoi ne puis-je pas me désengager ? » : « Lorsque vous avez souscrit votre forfait, vous avez bénéficié d'un étalement du prix de votre mobile de la part de SFR ?. C'est l'étalement de cette subvention, autrement dit. l'achat progressif de votre mobile qui justifie que vous soyez engagé » ; que sur l'explication de ce report, la société SFR ne justifie pas ce report du prix du terminal sur l'abonnement par d'autres circonstances que celles d'une facilité de paiement ; elle soutient, en premier lieu, poursuivre un objectif de péréquation du coût d'acquisition et de fidélisation des abonnés, le mécanisme de subvention ne constituant pas une avance à titre individuel accordée à l'abonné sur le coût d'acquisition de son terminal, mais seulement l'amortissement du coût d'acquisition, par l'opérateur, de l'ensemble de la flotte de téléphones mobiles, dès lors que le coût de l'investissement est répercute sur la communauté des abonnés ; que (cependant) cet objectif de péréquation des coûts aurait pu être atteint par d'autres moyens et la société SFR ne démontre pas pourquoi le même terminal serait payé à un prix très modique lors de l'abonnement moyennant des mensualités plus élevées ; que la société SFR fait, en second lieu, état de l'impossibilité pour elle de récupérer l'avance effectuée, puisque la majorité des consommateurs a remboursé moins que l'avance qui leur a été faite ; qu'il résulte en effet de l'étude de l'expert [C] [M], versée aux débats par la société Free, que sur 1318 offres examinées par l'expert, 562 sont supérieures ou égales à 200 euros, et sur ces 562, 91 offres se sont caractérisées pour les abonnés par un surcoût (TAEG positifs ou nuls), 471 offres s'étant révélées, au contraire, bénéfiques pour eux (TAEG négatifs), c'est-à-dire qu'ils ont remboursé moins que la somme qui leur a été avancée sous la forme du terminal à prix réduit ; que (cependant) en premier lieu, l'existence de TAEG négatifs n'infirme pas en soi l'existence de facilités de paiements et de crédits à la consommation ; qu'il n'est pas exigé que la totalité de l'avance soit remboursée pour chaque abonné individuellement ; que en deuxième lieu, ce constat doit être tempéré par l'étude des 756 offres pour lesquelles le montant était inférieur à 200 euros, pour lesquelles la proportion est inversée et où l'on voit que 498 offres présentaient des TAEG positifs ou nuls et 238 des TAEG négatifs ; qu'en troisième lieu, l'expert souligne que les TAEG positifs peuvent dans tous les cas atteindre des niveaux très élevés, supérieurs au taux d'usure ; qu'il résulte donc de cette étude, dont les chiffres ne sont pas utilement contestés, la démonstration que la structure tarifaire de SFR devient plus favorable aux consommateurs lorsque le terminal est onéreux (plus de 200 euros) et la preuve d'une péréquation entre abonnés, mais nullement celle de l'absence de facilités de paiement. ; que même si certains forfaits peuvent s'avérer positifs pour les consommateurs, il n'en demeure pas moins que certains ont remboursé beaucoup plus qu'il ne leur a été prêté ; que sur l'existence d'aléas dans le remboursement, si la société SFR expose que l'existence d'aléas exclut la qualification de crédit à la consommation, car le prêteur ne peut avoir de certitude sur la durée de l'abonnement, il faut souligner que le remboursement d'un crédit est toujours affecté d'un certain aléa, théorique et limité ; qu'en l'espèce, elle n'établit pas que ces aléas seraient tels qu'elle ne pourrait se livrer à des crédits, n'étant pas certaine de récupérer ses avances ; que les dispositifs contractuels permettant de résilier les contrats sont en effet peu sollicités par les consommateurs ; qu'il résulte au contraire des pièces versées par la société Free que la durée de relation d'un client auprès de son opérateur de téléphonie mobile dépasse 24 mois généralement (pièce 39) ; qu'en outre, la résiliation anticipée avant le délai de 24 mois est strictement encadrée et non automatique, car elle représente un coût pour le client ; que la société SFR ne démontre pas que ces résiliations anticipées et les migrations seraient courantes dans sa pratique, aucun exemple concret ou pourcentage de résiliation effective n'étant cité ; qu'en outre, dans l'hypothèse de la résiliation prévue par l'ancien article L 121-84-6, 2° du code de la consommation (nouvel article L.224-28) qui dispose que le consommateur peut résilier par anticipation le contrat, ces dispositions prévoient en cas d'engagement sur 12 mois que le client sera en tout état de cause redevable des mois d'abonnement restant jusqu'à la période minimale et incompressible de 12 mois, et en cas d'engagement sur 24 mois, d'un quart des sommes restants dues (soit à minima 15 mois, comprenant les 12 mois incompressibles et le quart des douze derniers mois), ce qui n'est pas non plus négligeable et constitue un frein à la résiliation anticipée ; que sur l'exemption de l'article L. 311-1 6° du code de la consommation, la société SFR invoque à tort cette exception à la qualification de crédits à la consommation prévue pour les « contrats conclus en vue de la fourniture d'une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l'emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture » ; qu'en effet, l'hypothèse envisagée est différente, puisqu'en l'espèce, l'opération consiste à livrer un produit dont le prix est payé par des versements échelonnés, intégrés chaque mois dans la redevance d'un abonnement souscrit pour un service associé ; que ce moyen sera donc rejeté ; que sur les ventes en boutiques, la société SFR prétend, mais sans en rapporter la preuve, que seule la souscription des offres Carré commercialisées à distance (c'est à dire par téléphone et internet) entre le 15 juin 2011 et le 24 septembre 2012, directement par SFR, serait visée, à l'exclusion des ventes effectuées en boutiques et points de vente ; qu'il y a lieu donc de rejeter sa demande visant à les exclure du champ des pratiques ; qu'en conclusion au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris et de qualifier les pratiques de SFR de crédits à la consommation déguisés ; que dans le cas du forfait avec téléphone, l'abonnement mensuel qui correspond au même service de téléphonie, est plus élevé que celui correspondant au forfait prix Eco ; que le coût du téléphone se compose de l'addition du prix initialement payé au début de l'abonnement et de la différence entre les mensualités de l'abonnement avec l'abonnement Prix Eco ;
1°) ALORS QU'une opération de crédit est celle par laquelle un prêteur consent ou s'engage à consentir à l'emprunteur un crédit sous la forme d'un délai de paiement, d'un prêt, y compris sous forme de découvert ou de toute autre facilité de paiement similaire ; que l'obligation de remboursement par l'emprunteur de la somme prêtée est inhérente à tout contrat de crédit ; qu'en affirmant, pour assimiler les offres de subventionnement litigieuses à des opérations de crédit, qu'il n'est pas exigé que la totalité de l'avance soit remboursée pour chaque abonné individuellement, après avoir admis que la qualification d'opération de crédit supposait que le vendeur consente à l'acquéreur, par l'octroi d'un délai pour payer le prix de la vente après la livraison du bien, une avance que celui-ci doit lui restituer, la cour de renvoi n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, et a violé l'article L 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
2°) ALORS QU'une opération de crédit est une opération conclue individuellement entre un prêteur et un emprunteur ; qu'en affirmant pour soumettre les pratiques de subventionnement litigieuses à la réglementation sur le crédit à la consommation, qu'il n'est pas exigé que la totalité de l'avance soit remboursée pour chaque abonné individuellement, la cour de renvoi a violé de plus fort l'article L 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
3°) ALORS QU'une opération de crédit est une opération conclue individuellement entre un prêteur et un emprunteur ; qu'en se référant exclusivement, pour assimiler dans leur ensemble les offres d'abonnement de SFR à des offres de crédit à la consommation, sur une étude statistique, versée aux débats par la société Free, selon laquelle « sur 1318 offres examinées par l'expert, 562 sont supérieures ou égales à 200 euros, et sur ces 562, 91 offres se sont caractérisées pour les abonnés par un surcoût (TAEG positifs ou nuls), 471 offres s'étant révélées, au contraire, bénéfiques pour eux (TAEG négatifs), c'est-à-dire qu'ils ont remboursé moins que la somme qui leur a été avancée sous la forme du terminal à prix réduit », la cour de renvoi qui ne s'est livrée à aucune analyse in concreto d'une offre précise et individualisée pour caractériser l'existence d'un crédit à la consommation, a, de nouveau, violé l'article L 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
4°) ALORS QUE les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 euros sont exclues de la réglementation sur le crédit à la consommation ; qu'en se fondant notamment, pour assimiler les offres de subventionnements de mobiles litigieuses à des opérations de crédit à la consommation sur l'étude des 756 offres pour lesquelles le montant était inférieur à 200 euros, après avoir constaté qu'étaient exclues de la réglementation sur le crédit à la consommation les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 euros ou supérieur à 75 000 euros, à l'exception de celles, mentionnées à l'article L. 313-15, ayant pour objet le regroupement de crédits, ce dont il résulte que ces offres de subventionnement, n'étaient pas soumises aux dispositions régissant le crédit à la consommation, la cour de renvoi a violé l'article L 311-3 2° du code de la consommation dans sa rédaction applicable en la cause ;
5°) ALORS QUE la qualification d'opération de crédit ne peut être retenue qu'à la condition d'établir que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique s'explique par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile n'est justifiée par aucune autre explication rationnelle ; que les opérations dont le montant total du crédit est inférieur à 200 euros sont exclues de la réglementation sur le crédit à la consommation ; qu'en considérant que les offres litigieuses étaient soumises à la réglementation sur le crédit à la consommation après avoir admis qu'il ressort de l'expertise de M. [M] la démonstration que la structure tarifaire de SFR devient plus favorable aux consommateurs lorsque le terminal est onéreux (plus de 200 euros) et la preuve d'une péréquation entre abonnés, ce dont il résultait que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement répondait bien à un objectif de péréquation, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008, ensemble l'article L 311-3 2° du même code dans sa rédaction applicable en la cause ;
6°) ALORS QUE la qualification d'opération de crédit ne peut être retenue qu'à la condition d'établir que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique s'explique par le fait que la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile n'est justifiée par aucune autre explication rationnelle ; qu'en affirmant, pour refuser d'admettre que la pratique litigieuse pouvait légitimement répondre à un objectif rationnel de péréquation des coûts, que cet objectif aurait pu être atteint par d'autres moyens, quand il lui incombait seulement de vérifier si cet objectif de péréquation des coûts constituait ou non une explication rationnelle de la majoration du prix du forfait, faisant obstacle à la qualification de contrat de crédit, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une opération de crédit, et a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
7°) ALORS QUE la qualification d'opération de crédit suppose d'établir que le report du prix d'achat du mobile sur le prix de l'abonnement en cas d'acquisition d'un terminal mobile à un prix symbolique justifie exclusivement la majoration mensuelle du forfait imposée au consommateur concomitante à la réduction substantielle du prix du mobile ; qu'en décidant d'assimiler les pratiques de subventionnement litigieuses à des opérations de crédit à la consommation, tout en constatant qu'une partie seulement du prix du mobile était reportée sur les mensualités de l'abonnement, la cour d'appel a violé l'article L. 311-1 du code de la consommation, tel qu'interprété à la lumière de la directive 2008/48/CE du 23 avril 2008 ;
8°) ALORS QUE l'obligation de remboursement par l'emprunteur de la somme prêtée qui est inhérente à tout contrat de crédit, est une obligation de résultat ; que l'absence de cette obligation absolue exclut tout contrat de crédit ; qu'il appartient à celui qui prétend qu'un contrat masque en réalité une opération déguisée de nature différente de rapporter la preuve que les conditions d'une requalification sont réunies ; qu'en affirmant, pour considérer les offres subventionnées litigieuses comme des opérations de crédit à la consommation déguisées, que « la société SFR ne démontre pas que les résiliations anticipées et les migrations (de contrats seraient courantes dans sa pratique », quand il incombait à la société Free Mobile de démontrer que nonobstant les dispositions contractuelles fixant les modalités d'une résiliation anticipée du contrat d'abonnement, l'opération pouvait néanmoins être assimilée à une opération de crédit à la consommation, la cour de renvoi qui a inversé la charge de la preuve a violé l'article 1353 du code civil, ensemble l'article L 311-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause ;
9°) ALORS QUE dans ses conclusions d'appel la société SFR faisait valoir que « si le caractère immédiat du transfert de propriété du mobile n'emporte pas à lui seul l'exclusion de la qualification de crédit à la consommation, la circonstance que le transfert de propriété du terminal soit définitif dès le paiement du prix dit « attractif » et qu'il ne soit grevé d'aucune sûreté (aucune restitution du terminal n'étant envisagée selon elle en cas de défaut de paiement) s'oppose à contrario à la qualification de crédit à la consommation » (arrêt p.10) ; qu'en assimilant les offres litigieuses à des opérations de crédit à la consommation déguisées, sans répondre à ce moyen déterminant de nature à exclure une telle qualification, la cour de renvoi a violé l'article 455 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION :
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la société SFR s'était rendue coupable de pratiques déloyales et trompeuses ;
AUX MOTIFS QUE (?) l'article L.121-2 du code de la consommation prévoit que « Une pratique commerciale est trompeuse si elle est commise dans l'une des circonstances suivantes : (...) 2° Lorsqu'elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l'un ou plusieurs des éléments suivants : a) L'existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service, b)Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, sa quantité, son mode et sa date de fabrication, (...), e) Le prix ou le mode de calcul du prix, le caractère promotionnel du prix et les conditions de vente, de paiement et de livraison du bien ou du service ; (...) » ; que par ailleurs, l'article L. 121-3 du même code stipule qu' « Une pratique commerciale est également trompeuse si, compte tenu des limites propres au moyen de communication utilisé et des circonstances qui l'entourent, elle omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle ou lorsqu'elle n'indique pas sa véritable intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte » ; que le mécanisme de subventionnement associé à une absence de transparence sur le montant de la subvention masque le coût réel des terminaux et peut donc conduire les consommateurs à dépenser plus, sans qu'ils en aient forcément conscience ; qu'en dissimulant sciemment la nature onéreuse du crédit, s'agissant des opérations supérieures à 200 euros, la société SFR passe sous silence le taux d'intérêt qui, pourtant, dans certains cas est largement au-delà du taux de l'usure (20,65 %) ; que cette pratique constitue donc une pratique déloyale ; que tel est également le cas pour les opérations inférieures à 200 euros, pour lesquelles aurait dû être dispensée toute information nécessaire au consommateur pour comprendre le coût et les conditions des opérations proposées, notamment le surcoût final du terminal, d'autant qu'il ressort de l'expertise [M] de nombreux cas de taux usuraire résultant des pratiques ; que ces pratiques sont de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ; qu'en effet, en n'informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente, la société SFR trompe sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n'est pas toujours le cas (?) ;
1°) ALORS QUE pour considérer que la société SFR s'était rendue coupable de pratiques déloyales et trompeuses, la cour de renvoi a estimé que la nature onéreuse du crédit avait été dissimulée au consommateur ou encore que celui-ci n'avait pas été informé du coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente ; qu'il s'ensuit que la censure à intervenir sur le premier moyen reprochant à la cour de renvoi d'avoir retenu que la société SFR s'était rendue coupable de pratiques de crédits à la consommation en méconnaissance du respect des dispositions régissant l'information des consommateurs sur ces pratiques, entrainera, par voie de conséquence, la cassation de l'arrêt attaqué sur le second moyen en application des dispositions de l'article 624 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'une pratique commerciale est déloyale lorsqu'elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et qu'elle altère, ou est susceptible d'altérer de manière substantielle, le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l'égard d'un bien ou d'un service ; que ces deux conditions sont cumulatives ; qu'en se bornant à reprocher à la société SFR d'avoir « sciemment » dissimulé la nature onéreuse du crédit et trompé le consommateur, sans vérifier, comme elle y avait été invitée, si les pouvoirs publics n'avaient pas exclu, au moment des pratiques en cause que cette technique de subventionnement puisse être assimilable à une opération de crédit, ce qui excluait toute volonté de fraude de la société SFR, la cour de renvoi a privé sa décision de base légale au regard des articles L 120-1 et L 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;
3°) ALORS QUE la possibilité d'assimiler les offres de subventionnement de mobiles litigieuses commercialisées par la société SFR en 2011 et 2012, à des opérations de crédit à la consommation, n'a été admise pour la première fois que par l'arrêt de cassation du 7 mars 2018 ayant saisi la cour de renvoi ; qu'en reprochant à la société SFR d'avoir sciemment dissimulé la nature onéreuse du crédit et trompé le consommateur en lui faisant croire que cette solution était plus avantageuse, quand la société SFR ignorait à la date des offres commerciales innovantes contestées, que celles-ci pourraient être analysées ensuite comme comportant, en réalité, une opération de crédit, ce dont il résulte qu'elle ne peut pas avoir agi sciemment, la cour de renvoi a violé les articles L 120-1 et L 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;
4°) ALORS QU'en se bornant à affirmer péremptoirement « qu'en n'informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente, la société SFR trompe sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n'est pas toujours le cas », sans tenir compte comme elle y avait été spécialement invitée, des avantages de ce système de subventionnement pour le consommateur, la cour de renvoi a privé sa décision de base légale au regard des articles L 120-1 et L 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause ;
5°) ALORS EN TOUTE HYPOTHESE QU'en se bornant à affirmer péremptoirement « qu'en n'informant pas le consommateur sur le coût global de son abonnement avec achat du terminal au prix attractif, dès la réalisation de la vente, la société SFR trompe sciemment le consommateur en lui faisant croire que cette option serait plus intéressante, ce qui n'est pas toujours le cas », sans vérifier comme elle y avait été invitée, si l'indication précise fournie pour chaque forfait proposé et selon les mêmes caractéristiques du prix du mobile et coût mensuel de l'abonnement selon qu'il s'agit de l'offre avec terminal mobile ou de la formule Eco, ne permettait pas au consommateur de se déterminer en parfaite connaissance de cause, la cour de renvoi a privé sa décision de base légale au regard des articles L 120-1 et L 121-1 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction applicable en la cause.