LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
CM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 10 mars 2022
Rejet
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 254 F-D
Pourvoi n° E 20-19.772
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 10 MARS 2022
La société SCI La Large voie, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 20-19.772 contre les arrêts n° RG 14/01230, 16/00384 et 18/02791 rendus les 9 février 2015, 13 juin 2016, 30 janvier 2018 et 6 avril 2020 par la cour d'appel de Nancy (chambre de l'exécution, JEX), dans le litige l'opposant à la commune de [Localité 3], représentée par son maire en exercice, [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les quatre moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Besson, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société SCI La Large voie, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la commune de [Localité 3], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Besson, conseiller rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, et M. Carrasco, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Déchéance partielle du pourvoi
Vu l'article 978 du code de procédure civile :
1. La société SCI La Large voie (la SCI) s'est pourvue en cassation contre des arrêts rendus le 16 juin 2016 et le 30 janvier 2018 par la cour d'appel de Nancy.
2. Toutefois, le mémoire ampliatif déposé au greffe de la Cour de cassation ne contient aucun moyen à l'encontre de ces décisions.
3. Il y a donc lieu de constater la déchéance partielle du pourvoi en ce qu'il attaque les arrêts rendus le 13 juin 2016 et le 30 janvier 2018 par la cour d'appel de Nancy.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Nancy, 9 février 2015, 13 juin 2016, 30 janvier 2018, 6 avril 2020, n° RG 14/01230, 16/00384 et 18/02791) la SCI, propriétaire d'une parcelle jouxtant un chemin rural, a été assignée en bornage judiciaire de ce chemin rural par la commune de [Localité 3] (la commune) revendiquant la propriété de celui-ci.
3. Un arrêt irrévocable de la cour d'appel de Nancy a ordonné le bornage judiciaire sollicité et condamné la SCI à procéder à la remise en état d'une portion de parcelle sur laquelle elle avait édifié un mur de clôture ne respectant pas les prescriptions de ce bornage.
4. La SCI a alors assigné la commune en revendication de la propriété de cette portion de parcelle.
5. La commune a, pour sa part, assigné la SCI devant un juge de l'exécution, aux fins de voir assortir d'une astreinte la condamnation à remettre en état les lieux.
6. Retenant la compétence du juge de l'exécution pour statuer sur cette demande d'astreinte et constatant que la question de la propriété de la portion de parcelle concernée n'avait pas été tranchée, la cour d'appel de Nancy a, par ses arrêts des 9 février 2015, 13 juin 2016 et 30 janvier 2018, sursis à statuer sur la demande de fixation d'astreinte, dans l'attente de la décision à intervenir sur l'action en revendication engagée par la SCI.
7. Cette dernière ayant été irrévocablement déboutée de sa revendication de propriété, l'instance en fixation d'astreinte a été reprise devant la cour d'appel qui, écartant les fins de non-recevoir prises des défauts, respectivement, de qualité et d'intérêt à agir de la commune, a fait droit à la demande et condamné la SCI à lui payer des dommages-intérêts pour résistance abusive.
Examen des moyens
Sur les premier, deuxième et quatrième moyens, ci-après annexés
8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
9. La SCI fait grief à l'arrêt du 6 avril 2020 de rejeter les fins de non-recevoir qu'elle a soulevées, puis de fixer à sa charge une astreinte de 3 000 euros par jour de retard pour l'exécution des dispositions de l'arrêt du 15 décembre 2011, alors « que l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; que le dispositif d'une décision peut être éclairé par les motifs de cette décision ; que si l'arrêt du 9 février 2015 a retenu, dans son dispositif, que la demande de la Commune de [Localité 3] visant à la fixation d'une astreinte était recevable, il résulte des motifs de cette décision qu'en réalité, l'arrêt s'est exclusivement prononcé sur la compétence du juge de l'exécution ainsi que sur la fin de non-recevoir prise de l'autorité de la chose jugée et qu'il a sursis à statuer pour le surplus, y compris sur la question de la qualité à agir de la Commune ; qu'en écartant toutefois, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 9 février 2015, la fin de non-recevoir prise de l'absence de qualité à agir de la Commune, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355 du code civil. »
Réponse de la Cour
10. La partie au bénéfice de laquelle une condamnation a été prononcée a qualité et intérêt à agir pour demander que cette décision soit assortie d'une astreinte destinée à en assurer l'exécution.
11. L'arrêt du 6 avril 2020 relève qu'un arrêt irrévocable du 15 décembre 2011 rendu dans l'instance en bornage engagée par la commune condamne la SCI à procéder à une remise en état des lieux conforme au bornage ordonné.
12. Il résulte de cette décision condamnant la SCI à une remise en état des lieux conforme que la commune a qualité et intérêt à agir en fixation d'une astreinte assortissant cette condamnation.
13. Par ce motif de pur droit, suggéré par la défense et substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par l'article 620, alinéa 1er, du code de procédure civile, l'arrêt attaqué se trouve légalement justifié.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société La Large voie aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SCI La Large voie et la condamne à payer à la commune de [Localité 3], représentée par son maire en exercice, la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société SCI La Large Voie
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué (NANCY, 9 février 2015), critiqué par la SCI LA LARGE VOIE, encourt la censure ;
EN CE QU'il a déclaré recevable la demande de fixation d'astreinte formée par la Commune de [Localité 3] ;
ALORS QUE dans les motifs de sa décision, la cour d'appel s'est bornée à statuer sur la question de la compétence du juge de l'exécution avant se surseoir statuer pour le surplus ; qu'à aucun moment, elle n'a motivé sa décision quant au point de savoir si la demande de la Commune était recevable sur le terrain de la qualité à agir ; qu'en retenant toutefois, dans le dispositif de son arrêt que la demande était recevable, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué (NANCY, 6 avril 2020), critiqué par la SCI LA LARGE VOIE, encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SCI LARGE VOIE, puis fixé à la charge de la SCI LA LARGE VOIE une astreinte de 3 000 euros par jour de retard pour l'exécution des dispositions de l'arrêt du 15 décembre 2011 la condamnant à procéder à la remise en état des lieux conformément aux limites résultant du rapport d'expertise judiciaire auquel il a été donné force exécutoire et ce passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt ;
ALORS QUE la cassation à intervenir de l'arrêt du 9 février 2015 entrainera par voie de conséquence, en application de l'article 625 du code de procédure civile, l'anéantissement de l'arrêt du 6 avril 2020, en tant qu'il est fondé sur l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 9 février 2015.
TROISIEME DE CASSATION
L'arrêt attaqué (NANCY, 6 avril 2020), critiqué par la SCI LA LARGE VOIE, encourt la censure ;
EN CE QU'il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la SCI LARGE VOIE, puis fixé à la charge de la SCI LA LARGE VOIE une astreinte de 3 000 euros par jour de retard pour l'exécution des dispositions de l'arrêt du 15 décembre 2011 la condamnant à procéder à la remise en état des lieux conformément aux limites résultant du rapport d'expertise judiciaire auquel il a été donné force exécutoire et ce passé le délai de 8 jours à compter de la signification de l'arrêt ;
ALORS QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement ; que le dispositif d'un décision peut être éclairé par les motifs de cette décision ; que si l'arrêt du 9 février 2015 a retenu, dans son dispositif, que la demande de la Commune de [Localité 3] visant à la fixation d'une astreinte était recevable, il résulte des motifs de cette décision qu'en réalité, l'arrêt s'est exclusivement prononcé sur la compétence du juge de l'exécution ainsi que sur la fin de non-recevoir prise de l'autorité de la chose jugée et qu'il a sursis à statuer pour le surplus, y compris sur la question de la qualité à agir de la Commune ; qu'en écartant toutefois, comme se heurtant à l'autorité de la chose jugée de l'arrêt du 9 février 2015, la fin de non-recevoir prise de l'absence de qualité à agir de la Commune, la cour d'appel a violé l'article 480 du code de procédure civile, ensemble l'article 1351, devenu 1355 du code civil.
QUATRIÈ
ME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué (NANCY, 6 avril 2020), critiqué par la SCI LA LARGE VOIE, encourt la censure ;
EN CE QU'il a condamné la SCI LA LARGE VOIE à payer à la Commune de [Localité 3] à la somme de 6 000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive ;
ALORS QU'en se bornant à retenir que les voies de recours sont épuisées depuis la décision de la Cour de cassation du 6 septembre 2018, elle n'a pas commencé à exécuter les décisions démontrant ainsi une volonté de pas se conformer aux injonctions, la cour d'appel qui s'est fondée sur des motifs impropres à établir un abus de droit à la charge de la SCI LA LARGE VOIE, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382, devenu 1240, du code civil.