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03/03/2022 | FRANCE | N°21-13892

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 03 mars 2022, 21-13892


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2022

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 243 F-B

Pourvoi n° J 21-13.892

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

La société La Ferme du Piton, société civile d'exploitation agricole, d

ont le siège est [Adresse 1], société placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 21 août 2...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

CM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 3 mars 2022

Rejet

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 243 F-B

Pourvoi n° J 21-13.892

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 3 MARS 2022

La société La Ferme du Piton, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 1], société placée en redressement judiciaire suivant jugement du tribunal mixte de commerce de Saint-Denis du 21 août 2018 désignant la société [K] prise en la personne de M. [M] [K], mandataire judiciaire, demeurant [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 21-13.892 contre l'arrêt rendu le 2 mars 2021 par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion (chambre civile TGI), dans le litige l'opposant à la société Avi-Pole Réunion, société coopérative agricole, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Bonnet, conseiller référendaire, les observations de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société La Ferme du Piton, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Avi-Pole Réunion, après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Bonnet, conseiller référendaire rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Saint-Denis de la Réunion, 2 mars 2021), la société La Ferme du Piton est membre d'une société coopérative agricole, la société Avi-Pôle Réunion, dont les statuts et le règlement intérieur, par une clause d'engagement d'apport total, lui imposent de livrer la totalité de sa production à la coopérative.

2. Des contrats de partenariat ont été signés, notamment entre la coopérative et un provendier, ainsi qu'une société d'abattage. Les interventions auprès la société la Ferme du Piton ont pris fin le 31 décembre 2018, après un refus, tant de la société d'abattage que de la société chargée de la livraison des aliments, d'intervenir en raison de la dangerosité du chemin d'accès.

3. La société la Ferme du Piton a été placée en redressement judiciaire par jugement du 21 août 2018, désignant la Selarl [K] prise en la personne de M. [K] en qualité de mandataire judiciaire. Un plan de continuation a été adopté, par un jugement du 4 février 2020, nommant la Selarl [K], prise en la personne de M. [K], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

4. Par acte d'huissier de justice du 27 février 2019, la société La Ferme du Piton a saisi un président d'un tribunal de grande instance, statuant en référé qui, par ordonnance du 6 juin 2019, a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite et ordonné à la société Avi-Pôle Réunion de poursuivre les relations commerciales qu'elle entretenait avec la société la Ferme du Piton conformément au statut et au règlement intérieur de cette dernière, aux conditions et volumes/prix habituels existants avant le 17 juillet 2018, et ce sous astreinte, outre une condamnation à une provision.

5. La société Avi-Pôle Réunion a interjeté appel de cette ordonnance.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

7. La société la Ferme du Piton fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à ce que soit constaté un trouble manifestement illicite et à ce que soit ordonné sous astreinte la poursuite des relations commerciales qu'elle entretenait avec la société Avi-Pôle Réunion, et de la débouter de sa demande d'indemnité provisionnelle alors « que, de deuxième part, le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel avait justement relevé que la société Avi Pôle Réunion était tenue d'exécuter ses obligations à l'égard de ses associés, « quels que soient les moyens et techniques mis en oeuvre par elle »; qu'en jugeant pourtant que le trouble manifestement illicite n'était pas caractérisé en ce que les obligations pesant sur la société Avi Pôle Réunion, qui a suspendu ses interventions auprès de la société La Ferme du Piton à raison d'un chemin difficile d'accès, devaient faire l'objet d'un débat devant le juge du fond, la cour d'appel, qui s'est bornée à caractériser une contestation sérieuse d'interprétation du contrat qui n'est pourtant pas exclusive d'un trouble manifestement illicite, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable. »

Réponse de la Cour

8. Selon l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa rédaction antérieure au décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable au litige, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

9. Ayant constaté, d'une part, que la société Avi-Pôle Réunion n'avait qu'une obligation de moyens à l'égard de la société La Ferme du Piton et que sa décision de suspendre ses interventions faisait suite à un arrêté municipal interdisant la circulation des véhicules de plus de 3.5 tonnes sur le chemin d'accès vers l'exploitation, d'autre part, que l'interprétation des obligations contractuelles mises à la charge de chacun justifiait un débat devant le juge du fond s'agissant de l'obligation de s'adapter aux difficultés d'accès à l'élevage, la cour d'appel a pu en déduire que le droit à la poursuite des relations commerciales n'apparaissait pas avec l'évidence requise devant le juge des référés et que le trouble manifestement illicite invoqué n'était pas caractérisé.

10. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi.

Condamne la société La Ferme du Piton aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société La Ferme du Piton et la condamne à payer à la société Avi-Pôle Réunion la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trois mars deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat aux Conseils, pour la société La Ferme du Piton

La SCEA La Ferme du Piton fait grief à l'arrêt de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que soit constaté un trouble manifestement illicite et, en conséquence, de l'avoir déboutée de sa demande tendant à ce que soit ordonnée la poursuite des relations contractuelles qu'elle entretenait avec la SCA Avi Pôle Réunion, et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard et de l'avoir déboutée de sa demande d'indemnité provisionnelle ;

Alors que, de première part, le défaut de réponse à conclusions équivaut au défaut de motifs ; qu'en l'espèce, pour caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite justifiant que le juge des référés ordonne la poursuite des relations contractuelles entre la SCEA La Ferme du Piton et la SCA Avi Pôle Réunion, sous astreinte, la SCEA La Ferme du Piton faisait régulièrement valoir dans ses conclusions d'appel qu'en cessant toute relation contractuelle de manière unilatérale, la SCA Avi Pôle Réunion excluait de fait la SCEA La Ferme du Piton de la SCA Avi Pôle Réunion, puisque selon les statuts de la SCA Avi Pôle Réunion, nul ne peut rester associé coopérateur s'il n'est pas lié par un engagement (conclusions, p. 13 et s.) ; qu'en ne répondant pas à ce moyen opérant, car de nature à faire la preuve d'un trouble manifestement illicite, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Alors que, de deuxième part, le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'en l'espèce, la cour d'appel avait justement relevé que la SCA Avi Pôle Réunion était tenue d'exécuter ses obligations à l'égard de ses associés, « quels que soient les moyens et techniques mis en oeuvre par elle » (arrêt, p. 5, §4) ; qu'en jugeant pourtant que le trouble manifestement illicite n'était pas caractérisé en ce que les obligations pesant sur la SCA Avi Pôle Réunion, qui a suspendu ses interventions auprès de la SCEA La Ferme du Piton à raison d'un chemin difficile d'accès, devaient faire l'objet d'un débat devant le juge du fond, la cour d'appel, qui s'est bornée à caractériser une contestation sérieuse d'interprétation du contrat qui n'est pourtant pas exclusive d'un trouble manifestement illicite, a privé sa décision de base légale au regard de l'article 809 du code de procédure civile, dans sa rédaction alors applicable.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Existence d'une contestation sérieuse

Selon l'article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2019-1333, applicable au litige, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Une cour d'appel, qui constate qu'une société n'avait à l'égard d'une autre qu'une obligation de moyens et que l'interprétation des obligations contractuelles mises à la charge de chacun justifiait un débat devant le juge du fond, peut en déduire que le droit à la poursuite des relations commerciales n'apparaissait pas avec l'évidence requise devant le juge des référés et que le trouble manifestement illicite invoqué n'était ainsi pas caractérisé


Références :

Article 809, alinéa 1, du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret n° 2019-1333.

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 02 mars 2021


Publications
Proposition de citation: Cass. Civ. 2e, 03 mar. 2022, pourvoi n°21-13892, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles
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Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, SCP Célice, Texidor, Périer

Origine de la décision
Formation : Chambre civile 2
Date de la décision : 03/03/2022
Date de l'import : 15/03/2022

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 21-13892
Numéro NOR : JURITEXT000045309054 ?
Numéro d'affaire : 21-13892
Numéro de décision : 22200243
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.cassation;arret;2022-03-03;21.13892 ?
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