LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CDS
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 2 mars 2022
Cassation partielle
M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 246 F-D
Pourvoi n° H 20-12.874
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 MARS 2022
M. [M] [H], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° H 20-12.874 contre l'arrêt rendu le 22 novembre 2019 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à la société Immobilier gestion privée, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de M. [H], de la SARL Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Immobilier gestion privée, après débats en l'audience publique du 12 janvier 2022 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, M. Sornay, conseiller et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 22 novembre 2019), M. [H] a été engagé le 2 avril 2013 par la société Immobilier gestion privée (la société) en qualité de négociateur immobilier.
2. Dénonçant des faits de harcèlement moral et réclamant des arriérés de commissions et de primes, le salarié a saisi la juridiction prud'homale, le 10 mars 2016, d'une demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur.
3. Il a été licencié le 3 novembre 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de ses demandes en paiement d'une prime sur objectifs 2015 et des congés payés afférents, alors « que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de tels objectifs de démontrer qu'il les a portés à la connaissance du salarié en temps utile ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que M. [H] ne démontrait pas que l'objectif de 40 ventes par an lui aurait été imposé en cours d'exercice, au mois d'août 2015, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1315, devenu 1353 du code civil :
5. Selon ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
6. Par ailleurs, lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice.
7. Pour débouter le salarié de sa demande en paiement d'une prime sur objectifs, l'arrêt retient qu'il résulte des déclarations des autres salariés de l'entreprise, entendus dans le cadre de l'enquête interne sur le harcèlement moral, que l'objectif annuel pour l'année 2015 était de quarante ventes, sans que ces derniers n'indiquent qu'il ait été modifié en cours d'année, le chiffre contractuel de vingt-quatre ventes étant le chiffre minimal de ventes à réaliser par an pour chaque vendeur. L'arrêt en déduit que le salarié ne justifie pas ainsi de son allégation selon laquelle l'objectif de quarante ventes lui aurait été imposé en cours d'exercice, au mois d'avril 2015.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé le texte susvisé.
Sur le deuxième moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
9. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement qui l'a débouté de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire du contrat de travail, alors « qu'il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en se bornant à viser les avis d'arrêt de travail de M. [H] et les certificats médicaux des docteurs [T] et [E] en date respectivement des 31 mars et 29 juin 2016, sans rechercher si les éléments relatifs au certificat médical établi le 22 février 2016 par le docteur [E] faisant état d'un ''syndrome anxiodépressif réactionnel à une situation professionnelle délicate'', pris ensemble avec les ''éléments matériellement prouvés'' par elle retenus, n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :
10. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
11. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
12. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.
13. Pour rejeter la demande de résiliation judiciaire du salarié, l'arrêt retient que les éléments matériellement prouvés, à savoir l'exclusion d'une réunion le 14 ou le 19 octobre 2015 et la convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 20 novembre 2015, sont insuffisants pour établir l'existence d'un management brutal dont le salarié aurait été personnellement victime. L'arrêt ajoute qu'il s'agit d'événements ponctuels qui ne peuvent être considérés comme l'expression d'un mode de gestion du personnel qui supposerait une répétition de faits dans le temps.
14. En se déterminant ainsi, par des motifs inopérants, sans prendre en compte les documents médicaux produits ni vérifier si les faits dont elle avait retenu la matérialité, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
15. Le salarié fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement qui a considéré que le licenciement du salarié était fondé sur une cause réelle et sérieuse, alors « que le juge ne peut méconnaître les termes du litige, déterminés par les prétentions respectives des parties ; qu'il ressort des conclusions d'appel de l'exposant et des énonciations de l'arrêt attaqué, que le salarié avait notamment fait valoir qu'en tout état de cause l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, de sorte que son licenciement se trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant tout au contraire que le salarié n'avait formulé aucune critique de son licenciement, notamment au regard de l'exécution de son obligation de reclassement par l'employeur, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
16. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
17. Pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le salarié n'a formulé aucune critique de son licenciement, notamment au regard de son obligation de reclassement.
18. En statuant ainsi, alors que dans ses conclusions d'appelant, le salarié avait soutenu que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de recherche d'un poste de reclassement, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [H] de ses demandes en paiement d'une prime sur objectifs 2015 et des congés payés afférents, confirme le jugement ayant débouté M. [H] de sa demande en résiliation judiciaire de son contrat de travail, dit et jugé que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse, pris acte de la rupture du contrat de travail au 3 novembre 2016, débouté M. [H] de ses demandes au titre de la nullité du licenciement, ainsi qu'au titre du préavis et des congés payés afférents et, y ajoutant, en ce qu'il déboute M. [H] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le condamne aux dépens de première instance et d'appel, l'arrêt rendu le 22 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Colmar ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Metz ;
Condamne la société Immobilier gestion privée aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Immobilier gestion privée et la condamne à payer à M. [H] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux mars deux mille vingt-deux.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour M. [H]
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, infirmatif de ce chef, a débouté M. [H] de ses demandes en paiement d'une prime sur objectifs 2015 et des congés payés y afférents ;
Aux motifs, sur la prime sur objectifs 2015, que le contrat de travail conclu le 2 avril 2013 assignait au salarié un objectif de 24 ventes la première année. L'article 6 précisait que : « Monsieur [M] [H] accepte cet objectif minimal, qu'il considère comme réalisable. Il pourra être révisé chaque année en fonction de l'évolution du marché ».
Ce dernier affirme que l'objectif fixé pour l'année 2015 aurait été de 24 ventes mais qu'en cours d'exercice, l'employeur l'aurait modifié au mois d'août 2015 pour le porter à 40 ventes par an.
Toutefois, comme il l'a été indiqué ci-dessus cet objectif de 24 ventes ne s'appliquait qu'à l'année 2013 et s'entendait d'un minimum et l'employeur était en droit de le modifier pour les années suivantes.
Il résulte des déclarations d'autres salariés de l'entreprise (Madame [S] [F], Messieurs [K] [G] et [A]), entendus dans le cadre de l'enquête interne sur le harcèlement moral, que l'objectif annuel pour l'année 2015 était de 40 ventes, sans que ces derniers n'indiquent qu'il ait été modifié en cours d'année, le chiffre de 24 ventes étant le chiffre minimal de vente à réaliser par an pour chaque vendeur. Le salarié ne justifie pas ainsi de son allégation selon laquelle l'objectif de 40 ventes par an lui aurait été imposé en cours d'exercice, au mois d'août 2015.
Il est constant que Monsieur [H] n'a pas atteint l'objectif de 40 ventes par an en 2015 de sorte que le non-paiement de la prime d'objectif pour l'année 2015 par l'employeur était justifié et n'était pas constitutif d'une faute de sa part.
Le jugement entrepris doit donc être infirmé en ce qu'il a condamné la SAS Immobilier Gestion Privée à payer à Monsieur [M] [H] les sommes de 2219,40 € à titre de prime sur objectif et 221,94 € au titre des congés payés afférents.
Statuant à nouveau sur ce point, Monsieur [M] [H] doit être débouté de ces chefs de demande (arrêt attaqué, page 7) ;
Alors que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de tels objectifs de démontrer qu'il les a portés à la connaissance du salarié en temps utile ; qu'en retenant, pour statuer comme elle l'a fait, que M. [H] ne démontrait pas que l'objectif de 40 ventes par an lui aurait été imposé en cours d'exercice, au mois d'août 2015, la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a débouté M. [H] de ses demandes au titre de la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;
Aux motifs propres, sur la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, que le salarié invoque le harcèlement moral dont il aurait été victime dans l'entreprise (?) ;
A/ sur le harcèlement moral : Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la cause, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, Monsieur [H] prétend que le harcèlement moral dont il aurait été victime se serait manifesté à travers un management brutal de sa supérieure hiérarchique et des tentatives de 'l'étrangler' financièrement, ce dont il doit établir matériellement l'existence.
1. Concernant le management brutal dont il aurait été l'objet, il fait état des éléments suivants : - le témoignage de Madame [X] [N], salariée de l'entreprise, qui relate avoir été témoin à plusieurs reprises des brimades dont l'équipe aurait été victime de la part de leur supérieure hiérarchique, Madame [P], ajoutant qu'elle aurait elle-même été victime de son management agressif et harcelant.
Cependant, ce témoin ne décrit pas des faits précis dont Monsieur [H] aurait été personnellement victime et auxquels elle aurait assisté ; ce témoignage n'a donc pas de valeur probante.
- Le témoignage de Monsieur [J] [Y], également salarié de l'entreprise qui dénonce le comportement de Madame [P] à son encontre et à l'égard de l'équipe mais qui, comme le précédent, ne relate pas des agissements dont Monsieur [H] aurait été la victime et qu'il aurait personnellement constatés ; il n'a donc pas plus de valeur probante.
- le témoignage de Madame [R] [I] qui, comme les deux précédents, déplore le comportement de Madame [P] à l'égard des salariés placés sous ses ordres mais sans décrire des agissements dont Monsieur [H] aurait été spécifiquement la victime ; son témoignage n'a, pas plus que les autres, force probante. Il en va de même pour le courriel qu'elle a adressé le 2 juillet 2013 à son supérieur hiérarchique dans lequel elle indique être psychologiquement à bout du fait du comportement de Madame [P].
- Le témoignage de Monsieur [D] qui est dépourvu de force probante comme les précédents en ce qu'il rapporte des agissements dont il a été lui-même victime mais qui ne se rapportent pas à Monsieur [H].
- Le témoignage de Monsieur [V] [Z], salarié de l'entreprise, qui raconte que le 15 octobre 2015, Monsieur [H] aurait été brutalement exclu d'une réunion.
- Le compte rendu d'un entretien avec Monsieur [K] [G] qui a eu lieu le 23 février 2016 dans le cadre d'une enquête diligentée par l'employeur suite à des accusations de harcèlement moral formulées à l'encontre de Madame [P] : ce salarié confirme l'incident de l'expulsion de Monsieur [H] d'une réunion qu'il situe le 19 octobre 2015 et non le 15 octobre 2015 ; il indique qu'il n'a pas souvenir de l'existence d'autres incident entre Madame [P] et Monsieur [H] ; il fait état d'agissements humiliants et menaçants de cette dernière mais dirigés contre l'équipe qu'elle dirigeait sans autre précision.
- Des avis d'arrêt de travail de Monsieur [H] pour 'épisode anxiodépressif majeur'.
- Un certificat médical du docteur [B] [T], psychiatre, du 31 mars 2016, qui a constaté une dépression sévère chez Monsieur [H], pathologie qui persistait le 29 juin 2016 comme en témoigne le certificat médical du docteur [L] [E].
- une convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire du 20 novembre 2015.
Les éléments matériellement prouvés, à savoir son exclusion d'une réunion le 15 ou le 19 octobre 2015 et la convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire le 20 novembre 2015 sont insuffisants pour établir l'existence d'un management brutal dont Monsieur [H] aurait été personnellement victime. Il s'agit en effet d'événements ponctuels qui ne peuvent être considérés comme l'expression d'un mode de gestion du personnel qui supposerait une répétition de faits dans le temps.
2. concernant son étranglement financier, Monsieur [H] fait état des circonstances suivantes :
Il est titulaire d'un compte bancaire ouvert au Crédit agricole Alsace Vosges dont son employeur serait une filiale à 100 % ; alors que le 2 février 2016, il avait averti son gestionnaire de compte d'un dépassement provisoire de son découvert de 2000 €, dès le 4 février 2016, il aurait reçu une lettre de la banque dénonçant son autorisation de découvert et le mettant en demeure de régulariser sa situation ; le 10 février 2016, il était interdit d'émettre des chèques.
Le salarié fait état d'une collusion entre son employeur et sa maison mère pour le mettre en difficulté mais une telle collusion ne saurait résulter du seul fait que l'employeur est la filiale de la banque et qu'il existerait une concomitance entre son interdiction bancaire et son différend avec son employeur ; à défaut d'autres éléments constituant un faisceau d'indices précis et concordants en ce sens, force est de constater que le salarié ne prouve pas ce fait.
Ainsi, Monsieur [H] n'établit pas des faits qui, pris ensemble, auraient fait présumer un harcèlement moral à son encontre (arrêt attaqué, p. 3 à 5).
Et aux motifs adoptés des premiers juges qu'il n'est pas contesté que Monsieur [H] [M] souffrait d'un syndrome anxiodépressif.
Attendu que Monsieur [H] [M] justifie sa demande au titre du harcèlement moral sur l'attitude dont aurait fait preuve la directrice à son égard.
Attendu que Monsieur [H] [M] reproche à la nouvelle directrice la mise en place d'objectifs commerciaux déraisonnables.
Attendu que Monsieur [H] [M] n'apporte aucuns éléments afin de prouver ses dires sur la demande d'objectifs déraisonnables ni même qu'il n'aurait plus atteint ses objectifs depuis l'arrivée de la nouvelle Directrice.
Attendu qu'il est en particulier reproché l'attitude de la Directrice lors d'une réunion commerciale du 19 octobre 2016 où elle a demandé à Monsieur [H] [M] de quitter la réunion.
Attendu que Monsieur [H] [M] s'appuie sur les attestations de Monsieur [G] et Monsieur [Z] pour justifier des faits.
Attendu que chacun des salariés concernés atteste que la Directrice a reproché aux commerciaux lors de cette réunion le non-respect du process et la non atteinte des objectifs et qu'elle a remis Monsieur [G] à sa place avant de demander à Monsieur [H] [M] de sortir après qu'il ait demandé que le débat soit recentré.
Attendu que la SAS Immobilier Gestion Privée apporte le témoignage de Madame [S] [F], assistante commerciale qui relate que Monsieur [H] [M] a pris pour lui les critiques faites aux commerciaux, que cela a abouti à une discussion entre lui et la Directrice et qu'elle a fini par lui demander de sortir afin de mettre fin à la discussion car il ne s'arrêtait plus.
Attendu que la SAS Immobilier Gestion Privée apporte également le témoignage de Monsieur [A], animateur commercial, présent le 19 octobre et qui fait part que Monsieur [H] [M] a clairement manifesté son opposition aux règles émises par la société et qu'il coupait régulièrement Madame [P] qui a fini par lui demander de sortir.
Attendu qu'il apparaît que lors de cette réunion Monsieur [H] [M] s'est trouvé en opposition avec Madame [P], la Directrice au point qu'elle lui a demandé de sortir, sans pour autant qu'il puisse être constaté une volonté de harcèlement à son égard.
Attendu que Monsieur [H] [M] reproche à Madame [P] de lui avoir donné l'ordre alors qu'il se trouvait à l'Agence d'[Localité 3] de se rendre immédiatement à son bureau situé au siège social du Crédit Agricole.
Attendu que même si Monsieur [H] [M] avait pour habitude de travailler dans les agences bancaires du Crédit Agricole le seul fait de lui demander de revenir à son bureau au siège ne peut être regardé comme une mesure vexatoire.
Attendu que Monsieur [H] [M] reproche ensuite l'attitude de Madame [P] envers les commerciaux et en particulier l'annonce du contrôle de leurs boites mails professionnelles.
Attendu que si la méthode de management peut être discutée, en aucun cas cette annonce ne peut être regardée comme une volonté de harcèlement sur Monsieur [H] [M].
Attendu que Monsieur [H] [M] évoque le SMS reçu le 19 novembre 2015 à 20 H 25 de la part de Madame [P] pour le convoquer le lendemain à un entretien de 30 minutes au bureau.
Attendu que Monsieur [H] [M] évoque un harcèlement téléphonique qui prouve qu'après avoir tenté à plusieurs reprises de le contacter, Madame [P] a procédé par SMS.
Attendu que ce SMS n'est qu'une convocation à entretien et en rien une demande autre de travail.
Attendu enfin que Monsieur [H] [M] fournit les attestations de plusieurs collaborateurs qui se plaignent du management de Madame [P] qui aurait entraîné leur départ de la société.
Attendu que les salariés concernés évoquent leur propre situation mais non celle de Monsieur [H] [M].
Attendu que Madame [X] [N] a quitté la société en juin 2015, Monsieur [J] [Y] avant, Madame [I] dès 2013 et Madame [U] en janvier 2014 soit avant la période des faits reprochés par Monsieur [H] [M] à Madame [P].
Attendu que le seul fait d'amener des éléments pouvant laisser supposer une forme de harcèlement sur des anciens salariés ne peut constituer la preuve d'un harcèlement à son propre égard.
Attendu qu'il ne peut non plus être reproché à la SAS Immobilier Gestion Privée d'avoir convoqué Monsieur [H] [M] à un entretien le 20 novembre 2016 alors qu'il venait de se mettre en arrêt de travail le même jour, sachant que cet entretien était prévu avant l'arrêt comme le prouve le SMS de Madame [P] la veille.
Attendu de plus que l'entretien n'a pas eu lieu et que la SAS Immobilier Gestion Privée n'a pas donné suite à la convocation bien qu'une lettre d'avertissement avait été préparée comme le prouve le document fourni non signé.
Attendu que l'on peut en déduire que la SAS Immobilier Gestion Privée a alors tenu compte des circonstances et de l'arrêt pour maladie de Monsieur [H] [M].
Attendu ce qui précède dit qu'il y a lieu d'écarter l'existence d'un harcèlement moral de la SAS Immobilier Gestion Privée à l'encontre de Monsieur [H] [M] (jugement dont appel, p. 4 et 5) ;
Et encore aux motifs propres sur la demande en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, que le salarié invoque (?) le défaut de paiement de sa rémunération (?) ;
B/ sur les manquements de l'employeur à ses obligations en matière de rémunération
Le salarié soutient que l'employeur ne lui aurait versé ni la prime dit de 'financement' qui aurait été décidée lors d'une réunion du 5 janvier 2015, ni la prime sur objectifs 2015, l'employeur ayant modifié les objectifs en cours d'exercice ni la totalité de la rémunération variable qui lui était due.
(?)
- Sur la prime sur objectifs 2015 :
Le contrat de travail conclu le 2 avril 2013 assignait au salarié un objectif de 24 ventes la première année. L'article 6 précisait que : 'Monsieur [M] [H] accepte cet objectif minimal, qu'il considère comme réalisable. Il pourra être révisé chaque année en fonction de l'évolution du marché'.
Ce dernier affirme que l'objectif fixé pour l'année 2015 aurait été de 24 ventes mais qu'en cours d'exercice, l'employeur l'aurait modifié au mois d'août 2015 pour le porter à 40 ventes par an.
Toutefois, comme il l'a été indiqué ci-dessus cet objectif de 24 ventes ne s'appliquait qu'à l'année 2013 et s'entendait d'un minimum et l'employeur était en droit de le modifier pour les années suivantes.
Il résulte des déclarations d'autres salariés de l'entreprise (Madame [S] [F], Messieurs [K] [G] et [A]), entendus dans le cadre de l'enquête interne sur le harcèlement moral, que l'objectif annuel pour l'année 2015 était de 40 ventes, sans que ces derniers n'indiquent qu'il ait été modifié en cours d'année, le chiffre de 24 ventes étant le chiffre minimal de vente à réaliser par an pour chaque vendeur. Le salarié ne justifie pas ainsi de son allégation selon laquelle l'objectif de 40 ventes par an lui aurait été imposé en cours d'exercice, au mois d'août 2015.
Il est constant que Monsieur [H] n'a pas atteint l'objectif de 40 ventes par an en 2015 de sorte que le non-paiement de la prime d'objectif pour l'année 2015 par l'employeur était justifié et n'était pas constitutif d'une faute de sa part.
(?)
Au vu de ce qui précède, en l'absence de preuve de manquements de l'employeur à ses obligations rendant impossible la poursuite du contrat de travail, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [M] [H] de ses demandes en résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, en paiement de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents et de dommages et intérêts pour licenciement nul (arrêt attaqué, p. 5 à 7) ;
1°/ Alors, d'une part, que le juge est tenu d'examiner l'ensemble des éléments produits par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire fondée sur l'existence de faits constitutifs d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans examiner l'ensemble des faits invoqués par le salarié au titre du harcèlement, à savoir, outre son exclusion d'une réunion et sa convocation le 20 novembre 2015 à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, le relèvement, le 31 août 2015, de son objectif individuel à 40 ventes avec effet rétroactif au 1er janvier et la privation qui en était résultée de sa prime sur objectif individuel, la cour d'appel a violé le texte susvisé, ensemble l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
2°/ Alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu' il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; qu'en se bornant à viser les avis d'arrêt de travail de M. [H] et les certificats médicaux des docteurs [T] et [E] en date respectivement des 31 mars et 29 juin 2016, sans rechercher si les éléments relatifs au certificat médical établi le 22 février 2016 par le docteur [E] faisant état d'un « syndrome anxiodépressif réactionnel à une situation professionnelle délicate », pris ensemble avec les « éléments matériellement prouvés » par elle retenus, n'étaient pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé, ensemble l'article L. 1154-1 du même code, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ;
3°/ Et alors enfin que lorsque les objectifs sont définis unilatéralement par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, celui-ci peut les modifier dès lors qu'ils sont réalisables et qu'ils ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice ; qu'il appartient à l'employeur qui entend se prévaloir de tels objectifs de démontrer qu'il les a portés à la connaissance du salarié en temps utile ; qu'en retenant, pour exclure tout manquement de la société IGP à ses obligations en matière de rémunération, que M. [H] ne démontrait pas que l'objectif de 40 ventes par an lui aurait été imposé en cours d'exercice, au mois d'août 2015 la cour d'appel, qui a inversé la charge de la preuve, a violé l'article 1315, devenu l'article 1353, du code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
En ce que l'arrêt attaqué, par confirmation du jugement dont appel, a dit que le licenciement pour inaptitude de M. [H] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
Aux motifs propres que le salarié a été déclaré inapte définitivement à son poste de travail aux termes de deux visites médicales du médecin du travail des 2 et 19 septembre 2016 ; il a été licencié le 3 novembre 2016 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; le salarié n'a néanmoins formulé aucune critique de son licenciement, notamment au regard de l'exécution de son obligation de reclassement par l'employeur ; dès lors, le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [H] reposait sur une cause réelle et sérieuse (arrêt attaqué, p. 8) ;
Et aux motifs adoptés des premiers juges que le licenciement pour inaptitude de M. [H] n'est pas contesté (jugement dont appel, p. 6, 15ème attendu)
Alors que le juge ne peut méconnaître les termes du litige, déterminés par les prétentions respectives des parties ; qu'il ressort des conclusions d'appel de l'exposant (pages 34 à 36) et des énonciations de l'arrêt attaqué (page 2), que le salarié avait notamment fait valoir qu'en tout état de cause l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, de sorte que son licenciement se trouvait dépourvu de cause réelle et sérieuse ; qu'en retenant tout au contraire que le salarié n'avait formulé aucune critique de son licenciement, notamment au regard de l'exécution de son obligation de reclassement par l'employeur, la cour d'appel qui a méconnu les termes du litige, a violé l'article 4 du code de procédure civile.