LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Z 20-84.351 F-D
N° 00230
RB5
22 FÉVRIER 2022
CASSATION PARTIELLE
M. SOULARD président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 22 FÉVRIER 2022
La société [6], MM. [J] [H], [W] [D], [R] [V] et [N] [P] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de [Localité 14], chambre correctionnelle, en date du 23 janvier 2020, qui, pour homicides involontaires, a condamné, la première à 25 millions de francs CFP et à une interdiction définitive d'activité, le deuxième à trente-six mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis, 3 millions de francs CFP et à une interdiction professionnelle définitive, les troisième et quatrième à trente-six mois d'emprisonnement dont vingt-quatre mois avec sursis et à une interdiction professionnelle définitive, le cinquième à trente-six mois d'emprisonnement dont dix-huit mois avec sursis et à une interdiction professionnelle définitive, a ordonné une mesure de publication, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires, en demande et en défense, et des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Bellenger, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [J] [H] et de la société [6], les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de M. [N] [P], les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stoclet et associés, avocat de M. [W] [D] et de M. [R] [V], les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la [11] ([11]), Mmes [X], [S], [OL] [K], MM. [T], [C], [B] [K] et M. [G] [E], les observations et de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française, et les conclusions de M. Quintard, avocat général, après débats en l'audience publique du 25 janvier 2022 où étaient présents M. Soulard, président, M. Bellenger, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et Mme Boudalia, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. La société [6], MM. [J] [H], [W] [D], [R] [V] et [N] [P] ont été poursuivis devant le tribunal correctionnel du chef d'homicides involontaires à la suite d'un accident aérien survenu au cours d'un vol commercial entre Moorea et [Localité 14] au cours duquel le pilote du DHC 6 Twin Otter appartenant à la société [6] et les dix-neufs passagers ont trouvé la mort, l'avion ayant piqué vers la mer sous un angle de 45 degrés 700 mètres après son décollage.
3. Les juges du premier degré ont déclaré les prévenus coupables.
4. Certaines parties civiles, les prévenus et le procureur de la République ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le premier moyen proposé pour la société [6] et M. [H]
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [6] et M. [H] coupables d'homicides involontaires après avoir exigé des demande et explications préalables aux témoins de la défense pour la diffusion de leurs documents, alors :
« 1°/ que le président de la formation de jugement n'a pas le pouvoir de limiter le droit des témoins de bénéficier des supports nécessaires à leur déposition ; qu'en imposant aux témoins-experts des prévenus de n'utiliser les pièces utiles à leur déposition qu'après une demande et des explications préalables, la cour d'appel a excédé ses pouvoirs et a méconnu les droits de la défense et les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 437, 445 et 446 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'il résulte du principe de l'égalité des armes que les témoins-experts doivent être entendus par la juridiction de jugement dans les mêmes conditions que les experts ; qu'en interdisant aux témoins-experts de la défense d'utiliser leurs documents, sauf s'ils en faisaient la demande et fournissaient des explications préalables, tandis que les experts se sont fondés sur leurs supports sans restriction, la cour d'appel a de nouveau méconnu les droits de la défense, le droit à un procès équitable et les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 437, 445 et 446 du code de procédure pénale ;
3°/ qu'il résulte des conclusions de la société [6] et de M. [H] que les témoins-experts de la défense avaient demandé de présenter leurs dépositions en utilisant leurs documents ; qu'en leur refusant cependant le droit d'utiliser ces supports, la cour d'appel a de nouveau méconnu les principes et dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
6. Pour écarter le grief pris de l'irrégularité des questions du président aux témoins de la défense avant d'autoriser ceux-ci à se référer à des documents, l'arrêt attaqué énonce que MM. [L], [A] et [Z], témoins cités par la défense, ont pu diffuser des pièces utiles à leur démonstration après demande préalable et explications sur leur utilité et qu'aucun élément de la procédure ne permet de mettre en cause l'impartialité de l'expert judiciaire.
7. Les juges relèvent qu'aucun texte ne commande de rendre un arrêt séparé sur des conclusions sollicitant l'utilisation de documents par des témoins de la défense et que l'exigence d'explications sur la diffusion de ces documents ne constitue pas une entrave dans les droits de la défense, les témoins cités n'étant pas des experts, n'étant soumis ni aux règles de compétence et d'indépendance vis à vis des parties qui les sollicitent, ni à l'affichage de leurs sources et de leurs méthodes.
8. Les juges retiennent que c'est à la demande expresse des conseils de M. [H] que M. [U], expert, est resté deux demi-journées à la disposition de la cour afin de permettre aux témoins de la défense d'entendre son rapport et d'y répondre.
9. Les juges ajoutent que faisant droit aux critiques des avocats des prévenus, ils écartent des débats le rapport de synthèse établi par l'expert communiqué aux parties à l'audience.
10. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision sans méconnaître les dispositions légales et conventionnelles invoquées pour les motifs qui suivent.
11. En premier lieu, et dès lors que, conformément aux dispositions de l'article 452 du code de procédure pénale, les témoins, qui ne sont pas des experts, ne peuvent utiliser des documents qu'avec l'autorisation du président, celui-ci était fondé à leur demander préalablement les explications nécessaires.
12. En second lieu, les restrictions apportées à l'audition des témoins n'ont pas méconnu le principe de l'égalité des armes, dès lors qu'il se déduit des énonciations de l'arrêt que l'expert judiciaire, qui n'a pas manqué à son obligation d'impartialité, ne pouvait être assimilé à un témoin à charge.
13. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.
Sur les premier et deuxième moyens proposés pour M. [V]
14. Les moyens sont pris de la violation de l'article 388 du code de procédure pénale.
Enoncés des moyens
15. Le premier moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a sur l'action publique, déclaré M. [V] coupable d'homicide involontaire par application des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, l'a condamné à une peine de trente-six mois d'emprisonnement assortie du sursis pour une durée de vingt-quatre mois, a prononcé à son encontre, en application des articles 221-8 et 131-27 du code pénal, l'interdiction définitive d'exercer une activité ayant pour objet, directement ou indirectement, toutes fonctions de contrôle et d'encadrement dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique et, sur l'action civile, a déclaré M. [V] entièrement responsable des conséquences de l'accident survenu le [Date décès 4] 2007 et l'a condamné, in solidum avec la société [6], MM. [H], [D] et [P], à payer à Mme [F] [K] les sommes de 1 500 000 francs CFP au titre du préjudice moral et d'affection consécutif au décès de [O] [K], 500 000 francs CFP au titre du préjudice spécifique d'attente et d'inquiétude et 200 000 francs CFP au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors « que les juges correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits dont ils sont saisis par l'ordonnance de renvoi ; que, dans l'ordonnance de renvoi du 6 mars 2017, le juge d'instruction avait explicitement décidé de ne pas renvoyer M. [V] devant le tribunal correctionnel au titre des griefs tirés, d'une part, du non-respect des préconisations du constructeur imposant des inspections des câbles tous les 3 mois (tâche SP1E4) et, d'autre part, de l'absence de prise en compte des 19 mois de vie des câbles entre leur remplacement en atmosphère non saline en mars 2005 et la réception de l'avion à Tahiti en octobre 2006 ; qu'en considérant, pour déclarer M. [V] coupable d'homicide involontaire, qu'il n'avait pas pris en compte l'historique des câbles et qu'il avait établi un manuel d'entretien non conforme aux exigences de la tâche SP1E4, la cour d'appel s'est fondée sur des faits dont elle n'était pas saisie, violant ainsi l'article 388 du code de procédure pénale. »
16. Le deuxième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [V] à une peine de trente-six mois d'emprisonnement assortie du sursis pour une durée de vingt quatre mois et a prononcé à son encontre, en application des articles 221-8 et 131-27 du code pénal, l'interdiction définitive d'exercer une activité ayant pour objet, directement ou indirectement, toutes fonctions de contrôle et d'encadrement dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, alors « que pour apprécier la gravité de l'infraction, les juges correctionnels ne peuvent prendre en considération que les faits dont ils sont saisis par l'ordonnance de renvoi ; que, dans l'ordonnance de renvoi du 6 mars 2017, le juge d'instruction avait explicitement décidé de ne pas renvoyer M. [V] devant le tribunal correctionnel au titre du grief tiré de l'absence de prise en compte des 19 mois de vie des câbles entre leur remplacement en atmosphère non saline en mars 2005 et la réception de l'avion à Tahiti en octobre 2006 ; qu'en considérant, dans son appréciation de la gravité de l'infraction, que M. [V] « se devait de renseigner le Kardex de l'aéronef [Immatriculation 10] avec exactitude, s'agissant notamment de la durée de vie des pièces à vie limite et de la date impérative à laquelle elles devaient être changées », la cour d'appel s'est fondée sur des faits dont elle n'était pas saisie, violant ainsi l'article 388 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
17. Pour écarter le grief pris de la méconnaissance par la cour d'appel de l'étendue de sa saisine, l'arrêt attaqué énonce que si le juge ne peut statuer sur des faits autres que ceux mentionnés à l'ordonnance de renvoi, il lui appartient en revanche de retenir tous les faits, qui, même non expressément visés dans la poursuite, ne constituent que des circonstances du fait principal qui lui est déféré.
18. Les juges ajoutent qu'il s'en déduit que si le juge ne peut statuer que sur le délit d'homicide involontaire visé à l'ordonnance de renvoi, il n'est pas lié par l'exposé des faits et des circonstances consignés dans ce document et qu'il reste libre de rechercher tous autres faits et circonstances contenus dans le dossier d'information relatifs au délit poursuivi, l'exposé que comporte l'ordonnance de renvoi ne comprenant qu'une liste indicative et non exhaustive des faits et circonstances du fait principal.
19. En statuant ainsi, et dès lors qu'il incombe à la juridiction correctionnelle de rechercher toute faute d'imprudence ou de négligence entrant dans les prévisions de l'article 221-6 du code pénal, fondement de la poursuite, la cour d'appel, qui n'a pas méconnu l'étendue de sa saisine, a justifié sa décision.
Sur le deuxième moyen proposé pour la société [6] et M. [H]
Sur le premier moyen proposé pour M. [D]
Sur le quatrième moyen proposé pour M. [V]
Sur moyen unique proposé pour M. [P], pris en ses troisième, quatrième, cinquième, sixième et septième branches
Enoncé des moyens
20. Le deuxième moyen proposé pour la société [6] et M. [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [6] et M. [H] coupables d'homicide involontaire, alors :
« 1°/ que le délit d'homicide involontaire exige pour être caractérisé que soit constatée l'existence d'un lien de causalité certain entre la faute et le décès de la victime ; qu'en l'absence de certitude sur la cause de l'accident, aucune faute en lien de causalité certain avec l'accident ne peut être caractérisée ; qu'en retenant que la cause certaine de l'accident serait l'usure du câble à cabrer et en se fondant sur la norme ISO 4309/2010 tandis que cette norme ne s'applique pas aux câbles d'avions et tandis que la cour d'appel a également relevé que l'expertise du CEPr avait conclu à l'absence de rupture du câble en vol, que l'enquête du BEA a retenu la résistance du câble aux efforts rencontrés en vol, qu'une grande partie du câble n'a pas été retrouvée, et que « la résistance du câble ? reste inconnue en l'espèce », la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en énonçant que « la norme ISO 4309/2010 (?) dispose qu'un « câble métallique doit être déposé si le nombre de fils cassés atteint 20 % du nombre total de fils qui composent le câble » », tandis que cette norme ISO 4309/2010 est inapplicable s'agissant d'une norme établie en 2010, seule la norme antérieure étant applicable qui ne mentionnait pas de critère de 20 % de fils cassés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »
21. Le premier moyen proposé pour M. [D] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable d'homicides involontaires, alors :
« 1°/ que le délit d'homicide involontaire exige pour être caractérisé que soit constatée l'existence d'un lien de causalité certain entre la faute imputée au prévenu et le décès de la victime ; qu'en l'absence de certitude sur la cause de l'accident, aucune faute en lien de causalité certain avec l'accident ne peut être caractérisée ; qu'en l'espèce, la cour a retenu que la cause certaine de l'accident était l'usure du câble à cabrer et s'est fondée sur la norme ISO 4309/2010, tandis que cette norme ne s'applique pas aux câbles d'avions ; qu'elle a également relevé que l'expertise du CEPr avait conclu à l'absence de rupture du câble en vol, que l'enquête du BEA avait retenu la résistance du câble aux efforts rencontrés en vol, qu'une grande partie du câble n'a pas été retrouvée, et que « la résistance du câble ? reste inconnue en l'espèce » ; que dès lors, la cour s'est contredite et a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-3 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que le juge ne peut se fonder sur une norme inapplicable à l'époque des faits litigieux ; qu'en l'espèce, la cour a retenu que « la norme ISO 4309/2010 (?) dispose qu'un « câble métallique doit être déposé si le nombre de fils cassés atteint 20 % du nombre total de fils qui composent le câble » » ; que cette norme ISO 4309/2010 est inapplicable dès lors qu'elle a été établie en 2010, seule la norme antérieure étant applicable qui ne mentionnait pas de critère de 20 % de fils cassés ; qu'en se fondant sur cette norme, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a de nouveau méconnu les dispositions susvisées. »
22. Le quatrième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a, sur l'action publique, déclaré M. [V] coupable d'homicide involontaire par application des articles 121-3 et 221-6 du code pénal, l'a condamné à une peine de trente-six mois d'emprisonnement assortie du sursis pour une durée de vingt-quatre mois, a prononcé à son encontre, en application des articles 221-8 et 131-27 du code pénal, l'interdiction définitive d'exercer une activité ayant pour objet, directement ou indirectement, toutes fonctions de contrôle et d'encadrement dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique et, sur l'action civile, a déclaré M. [V] entièrement responsable des conséquences de l'accident survenu le [Date décès 4] 2007 et l'a condamné, in solidum avec la société [6], MM. [H], [D] et [P], à payer à Mme [K] les sommes de 1 500 000 francs CFP au titre du préjudice moral et d'affection consécutif au décès de [O] [K], 500 000 francs CFP au titre du préjudice spécifique d'attente et d'inquiétude et 200 000 francs CFP au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale, alors :
« 1°/ que, dans son rapport, M. [Y], du CEPr, indiquait clairement que les examens effectués sur le câble de commande à cabrer « n'ont pas suffi à démontrer que ce câble s'était effectivement rompu en vol et que cette rupture pouvait donc être à l'origine de l'accident » ; que M. [Y] ne présentait la rupture du câble en vol que comme une « thèse », et relevait que ses observations pouvaient « seulement suggérer que le câble était probablement rompu avant l'impact avec la surface de l'eau » ; qu'il ne résulte d'aucun passage de ce rapport que M. [Y] aurait « retenu » la thèse de la rupture du câble en vol ou « conclu » à une telle rupture en vol ; qu'en considérant, pour en déduire que la rupture du câble à cabrer était la cause directe et certaine de l'accident, que M. [Y] avait « retenu » la thèse de la rupture probable du câble en vol et que « tant le BEA que le CEPr et les experts judiciaires s'accord[aient] pour conclure à la rupture, en vol, du câble à cabrer », la cour d'appel a dénaturé le rapport de M. [Y] et statué par des motifs contradictoires en violation de l'article 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que, sur le lien de causalité, pour condamner M. [V], la cour d'appel a considéré que les fautes commises par M. [V] avaient contribué à la réalisation du dommage, « l'usure du câble à cabrer de la gouverne, jusqu'à sa rupture en vol le [Date décès 4] 2007, occasionnant l'accident du Twin Otter [Immatriculation 10] et le décès de 20 personnes » ; qu'elle avait pourtant relevé que « les différents événements ayant pu contribuer à la rupture complète du câble à cabrer (Jet Blast, turbulence, fatigue répétée sur le câble) restent de l'ordre de l'hypothèse puisqu'il manque une partie de ce câble, [et] que les opérations de relevage n'ont pas permis de résoudre toutes les inconnues de ce crash », ce dont il résultait qu'il n'était pas établi que l'usure du câble était la cause de sa rupture ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour s'est contredite et a violé l'article 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que la norme ISO 4309/2010 n'était pas applicable à l'époque des faits litigieux ; qu'elle n'était, de surcroit, pas applicable aux câbles d'avion ; qu'en se fondant pourtant, pour condamner M. [V], sur la méconnaissance de cette norme par les prévenus, la cour d'appel a violé l'article 221-6 du code pénal. »
23. Le moyen unique proposé pour M. [P] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a déclaré coupable d'homicide involontaire et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de trente-six mois, dont dix-huit assortis du sursis, lui a définitivement interdit d'exercer une activité ayant pour objet, directement ou indirectement, toutes fonctions de contrôle et d'encadrement dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, a dit n'y avoir lieu à dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, a déclaré M. [P], avec MM. [H], [V], [D] et la société [6], entièrement responsable des conséquences de l'accident, l'a condamné à payer certaines sommes aux parties civiles et à la CPS et a, pour le reste, renvoyé devant le tribunal de première instance de Papeete et devant le tribunal correctionnel sur les intérêts civils, alors :
3°/ qu'en retenant M. [P] dans les liens de la prévention aux motifs que les prétendues lacunes de ses inspections avaient permis la navigation d'un aéronef dont le câble à cabrer était usé, et dont la rupture serait à l'origine de l'accident, tout en constatant que « les différents événements ayant pu contribuer à la rupture complète du câble à cabrer (Jet Blast, turbulence, fatigue répétée sur le câble) restent de l'ordre de l'hypothèse puisqu'il manque une partie de ce câble, [et] que les opérations de relevage n'ont pas permis de résoudre toutes les inconnues de ce crash », ce dont il résultait que l'origine de l'accident demeurait inconnue, la cour d'appel a violé les articles 221-6 et 121-3 du code pénal et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
4°/ qu'en retenant M. [P] dans les liens de la prévention aux motifs qu'il avait permis la navigation d'un aéronef dont le câble de la gouverne à cabrer n'était pas conforme à la norme ISO 4309/2010, sans rechercher, ainsi qu'il lui était demandé, si cette norme était uniquement relative à « l'entretien, la maintenance, l'inspection et la dépose des câbles pour les appareils de levage à charge suspendue », ce qui excluait de l'appliquer au câble de gouverne d'un aéronef, qui n'est pas un appareil de levage, la cour d'appel a violé les articles 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
5°/ qu'en outre, en retenant M. [P] dans les liens de la prévention aux motifs qu'il avait permis la navigation d'un aéronef dont le câble de la gouverne à cabrer était usé à plus de 20 %, ce que la norme ISO 4309/2010 déconseillait, tandis que cette norme, à la supposer applicable, ne contenait aucune disposition de ce type, la cour d'appel a violé les articles 221-6 et 121-3 du code pénal et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
6°/ qu'en retenant M. [P] dans les liens de la prévention aux motifs qu'il avait permis la navigation d'un aéronef dont le câble de la gouverne à cabrer était usé à plus 20 %, quand la brochure commerciale à laquelle la cour d'appel s'est référée, à la supposer applicable, prévoit uniquement qu'un câble « cassé » à plus de 20 % doit être déposé, ce qui n'était pas le cas en l'espèce puisque le câble était seulement « usé » à plus de 20 %, ce dont il résultait qu'une inspection du câble antérieurement à l'accident n'aurait pas conduit à le changer, la cour d'appel a violé les articles 221-6 et 121-3 du code pénal et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
7°/ qu'en fondant sa décision sur le fait que le « câble à cabrer [était] déjà profondément usé », estimant ainsi que l'usure du câble avait nécessairement contribué à l'accident, sans rechercher si d'autres portions du câble, non usées, ne s'étaient pas également rompues au moment de l'accident, ce dont il résulte que l'usure n'était pas la cause de la rupture, faute d'être la condition sine qua non de sa survenance, la cour d'appel a violé les articles 485, 512, 591 et 593 du code de procédure pénale et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
24. Les moyens sont réunis.
25. Pour établir les causes de l'accident et le lien de causalité entre les fautes reprochées aux prévenus et le décès des victimes, l'arrêt attaqué énonce que selon M. [Y] du Centre d'essais des propulseurs (CEPr), les deux câbles de la gouverne de profondeur sont usés significativement, que le câble de commande à cabrer se distingue de celui à piquer par une seconde cassure dans la partie arrière et par une usure quasi intégrale de tous les fils extérieurs des torons, soit 72 fils sur les 133 constituant le câble, ce qui correspond à une usure de plus de 50 %, et que l'état de ce câble à cabrer, différents des autres, suggère une rupture probable de ce câble antérieurement au choc.
26. Les juges ajoutent que, selon le Bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA), les ruptures constatées se situent dans les zones d'usure des câbles, ce dont il se déduit que la rupture du câble à cabrer de la commande de profondeur, à faible hauteur, au moment de la rentrée des volets, est en lien avec la perte de contrôle en tangage de l'avion qui a pris une forte assiette à piquer.
27. Ils retiennent encore que MM. [M] et [U], experts, ont conclu que la rupture du câble à cabrer est la cause unique de l'accident, que ce câble présentait une usure importante et que sa rupture s'est produite au moment de la rentrée des volets après le décollage bien que le pilote ait tenté une action de reprise de la trajectoire qui n'a pas permis d'éviter l'accident en raison de la faible altitude de l'avion.
28. Les juges relèvent que tant le CEPr, que le BEA et les experts judiciaires s'accordent pour conclure à la rupture en vol du câble à cabrer, déjà profondément usé, au moment de la rentrée des volets, leur désaccord ne portant que sur un élément extérieur qui aurait pu parachever la rupture des torons, le BEA invoquant l'effet de jet-blast sur la gouverne de profondeur bloquée pendant le stationnement de l'avion et la rupture des derniers torons sous les effets des efforts en vol de la gouverne de profondeur, MM. [M] et [U], experts, mentionnant par ailleurs l'existence d'une turbulence survenue le 2 juillet 2007 qui a fragilisé le câble déjà usé.
29. Les juges en concluent que la rupture du câble à cabrer de la commande de profondeur est la cause directe et certaine de l'accident.
30. En statuant ainsi par des motifs dénués d'insuffisance comme de contradiction, la cour d'appel, qui n'avait pas à effectuer une recherche qui ne lui était pas demandée, a justifié sa décision.
31. D'où il suit que les moyens et griefs, abstraction faite de la référence erronée mais surabondante à la norme ISO 4309/2010 relative aux câbles des engins de levage, inapplicable aux câbles d'avion, ne sont pas fondés.
Sur les troisième et quatrième moyens proposés pour la société [6] et M. [H]
Enoncé du moyen
32. Le troisième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré la société [6] coupable d'homicides involontaires, alors :
« 1°/ que la personne morale n'est responsable que des infractions commises, pour son compte, par les personnes physiques, organes ou représentants de celle-ci ; qu'une personne physique ne peut être considérée comme un organe ou un représentant de la personne morale que si son statut et ses attributions sont propres à lui conférer une telle qualité ; que M. [H] ne disposait, ni statutairement ni légalement, des pouvoirs de représentant de la société ; que, pour déclarer la société [6] coupable des faits reprochés, la cour d'appel a jugé qu'« à l'exception de M. [H], aucun des prévenus ne disposait d'une quelconque autorité », que M. [H] n'avait « pas reçu de délégation de pouvoirs » de directeur général, qu'il avait seulement signé une lettre d'engagement relative à des pouvoirs de « financement » des activités ; qu'en estimant cependant que M. [H] était le représentant de la société, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la responsabilité pénale de la personne morale ne peut être engagée que s'il est établi que son représentant a commis une faute en lien de causalité certaine avec l'accident et pour le compte de la société ; qu'en retenant un défaut d'organisation dans l'entreprise en ce qu'elle était fondée sur la confiance accordée aux différents intervenants, et sur le recrutement de MM. [D] et [V], la cour d'appel n'a pas établi de faute à l'origine de l'accident et qui aurait été commise pour le compte de la société et a ainsi méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-2 et 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
33. Le quatrième moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [H] coupable d'homicides involontaires, alors :
« 1°/ qu'il y a délit en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, que s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu « de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait » ; qu'en entrant en voie de condamnation à l'encontre de M. [H] en relevant qu'il avait des « hautes responsabilités » et les pouvoirs nécessaires au « financement » des activités tandis qu'elle a tout à la fois relevé qu'il « n'avait pas en charge personnellement le contrôle des câbles », que les pouvoirs en cette matière étaient dévolus à M. [D], directeur technique et « responsable désigné entretien », à M. [KS], « responsable de la production de l'organisme d'entretien » et à M. [V], responsable de l'étude et de la rédaction des programmes d'entretien et « en charge de la sécurité », la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que la responsabilité d'une personne physique du chef d'homicide involontaire impose, en cas de causalité indirecte, que soit caractérisée soit la violation délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit l'exposition d'autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que la cour d'appel ne pouvait pas reprocher à M. [H] de ne pas avoir « donné l'impulsion à ses équipes », de ne pas s'être impliqué dans l'adaptation de l'avion aux conditions de navigabilité en Polynésie, et de ne pas avoir imposé le changement de câbles, tandis qu'elle a tout à la fois constaté que M. [H] avait commandé les travaux à effectuer sur l'appareil, avait mandaté MM. [D] et [KS], responsables de l'entretien, pour examiner celui-ci, et que la date concernant le changement des câbles avait été modifiée pour tenir compte des conditions en Polynésie ; qu'en estimant cependant que M. [H] avait commis une faute caractérisée, la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les dispositions susvisées ;
3°/ que le délit d'homicide involontaire ne peut être constitué que s'il est établi la connaissance par le prévenu qu'il exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; que M. [H] faisait valoir que toutes les certifications remises par les autorités compétentes avaient été délivrées à la suite des inspections de l'aéronef, notamment l'approbation de remise en service (APRS), le certificat d'immatriculation et celui de navigabilité ; qu'en s'abstenant de toute réponse à ce moyen tandis que les certifications ne peuvent être délivrés que si l'aéronef ne présente pas de défaut pouvant mettre en cause son aptitude au vol, et qu'en outre la cour d'appel avait constaté que M. [D] s'était abstenu d'informer M. [H] de la nature du câble et que M. [V], ayant en charge le programme d'entretien, n'avait pas décelé l'omission de l'inspection des câbles, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
34. Pour déclarer M. [H] coupable d'homicides involontaires, l'arrêt attaqué énonce qu'il était le directeur général de la société et dirigeant responsable au sens du Manuel des spécifications de l'organisme de maintenance (MOE) comme détenant tous les pouvoirs statutaires pour financer et assurer l'entretien des aéronefs en suivant la politique de sécurité et qualité de l'entreprise, l'aéronef devant être conforme aux exigences de navigabilité en vigueur.
35.Les juges ajoutent que M. [H] se situait au premier rang de la hiérarchie, derrière le PDG, qu'il exerçait ses prérogatives sans aucune contrainte, qu'il s'était engagé personnellement à garantir la conformité permanente aux normes requises par l'autorité, à établir et promouvoir une politique de sécurité et qualité, à mettre en place une organisation, désigner le personnel de commandement, et à mettre à disposition les moyens financiers, humains et matériels nécessaires.
36. Les juges relèvent que M. [H] était responsable du respect des prescriptions figurant au carnet de maintenance des aéronefs, titulaire du pouvoir relatif à la navigabilité des appareils, à leur maintenance et à la tenue de la documentation des aéronefs.
37.Ils retiennent qu'il n'importe que M. [H] n'ait pas reçu de délégation de pouvoirs puisqu'il a signé en 2005 une lettre d'engagement le désignant comme dirigeant responsable de la compagnie, possédant les pouvoirs décisionnels et statutaires nécessaires au financement des activités liées à la navigabilité selon les normes requises.
38. Les juges relèvent que la gestion de la navigabilité lui incombait totalement, qu'il a acquis un avion en très mauvais état et ne s'est pas impliqué dans la réception de l'appareil ni dans l'adaptation de celui-ci aux conditions de navigabilité liées aux vols-navettes les plus courts du monde, à très basse altitude, donc soumis aux turbulences et sous des températures élevées, toutes circonstances qui doivent intervenir dans la durée de vie des câbles.
39. Ils retiennent encore que, bien qu'ingénieur de l'[9] ([9]), il affirmait que le délai d'un an pour un changement de câble ne commençait qu'à compter de novembre 2006, ce qui constitue un non-sens dès lors que ces câbles avaient déjà vécu 19,5 mois, qu'ils changeaient totalement d'atmosphère et de température et que le programme d'entretien imposait une adaptation aux conditions d'exploitation, que la norme « Transport Canada », même si elle n'est pas applicable en France, imposait un changement de câble immédiat en cas de passage en atmosphère saline dès l'arrivée de l'avion en Polynésie et que la règle la plus restrictive devait être appliquée, de telle sorte que ces manquements constituent une faute caractérisée.
40. Les juges ajoutent que M. [H] ne reconnaît qu'une seule erreur, en l'espèce l'omission de l'inspection des câbles dont il impute la responsabilité au [13] ([13]), que cependant, il a laissé perdurer cette erreur commise sur un programme de 1998 sur le programme d'entretien édition 3 qui avait supprimé l'inspection des câbles toutes les 300 heures, que dans l'édition 4 qui lui était soumise, la mise aux normes EMMA constituait une évolution majeure du programme d'entretien et que cette évolution imposait de reprendre avec rigueur l'ensemble du programme.
41. Les juges en concluent que compte tenu de ces accidents et incidents, de l'expérience de M. [H] de seize ans dans l'entreprise et de sa solide formation, il ne pouvait ignorer les particularités des câbles du Twin Otter, si bien que la prudence élémentaire imposait le changement desdits câbles dès l'arrivée en Polynésie, ce manquement constituant une faute caractérisée exposant autrui à un risque d'une particulière gravité que M. [H] ne pouvait ignorer.
42. Pour déclarer la société [6] coupable d'homicides involontaires, l'arrêt attaqué énonce que M. [H], directeur général, occupait une fonction dans l'entreprise qui le désignait comme celui qui prenait ou devait prendre des décisions susceptibles d'avoir une influence sur le résultat qui serait provoqué matériellement par ses subordonnés et qu'il a reconnu qu'il exerçait ses attributions sans aucune contrainte.
43. Les juges ajoutent qu'aux termes du Manuel des spécifications de l'organisme de maintenance (MOE), il détient tous les pouvoirs statutaires pour financer et assurer l'entretien des aéronefs, qu'il s'est engagé personnellement à garantir la conformité permanente aux normes requises par l'autorité, à établir et à promouvoir une politique de sécurité et de qualité, à mettre en place une organisation et désigner le personnel de commandement, à mettre à disposition les moyens financiers, humains et matériels nécessaires.
44. Ils retiennent que M. [H] était chargé de veiller au strict respect des prescriptions figurant au carnet de maintenance des aéronefs, qu'il était titulaire du pouvoir relatif à la navigabilité des aéronefs, à leur maintenance et à la tenue de la documentation et, tout particulièrement, à la mise en place d'un service de maintenance suffisamment organisé et compétent pour que soient strictement respectées les prescriptions figurant aux carnets de maintenance des aéronefs de la compagnie.
45. Les juges ajoutent qu'il importe peu qu'il n'ait pas reçu de délégation de pouvoirs spécifique puisqu'il a signé au mois de septembre 2005, la lettre d'engagement aux termes de laquelle « le directeur général est le dirigeant responsable de la compagnie. Il possède tous les pouvoirs décisionnels et statutaires nécessaires au financement de toutes les activités liées à la navigabilité selon les normes requises » et qu'il doit être considéré comme le représentant de la personne morale.
46. Ils relèvent que la société [6] assure le maintien de la navigabilité de sa flotte, qu'elle dispose d'un atelier d'entretien agréé Partie 145, que l'organisation de l'entreprise est apparue loin d'être satisfaisante, que cette responsabilité incombait directement à M. [H], incapable de mettre en place une organisation conforme aux normes requises en matière de sécurité, absent sur le terrain et responsable de l'engagement de MM. [D] et [V] sur lesquels il n'exerçait manifestement aucun contrôle, la survenance de l'accident étant apparue à plusieurs témoins comme prévisible.
47. Les juges en concluent que les infractions commises par M. [H], dirigeant responsable d'[6], l'ont été pour le compte de cette société qui a totalement délaissé les normes en vigueur et que l'accident est la conséquence directe d'un manquement aux règles élémentaires de prudence et de sécurité.
48. En statuant ainsi, et dès lors qu'elle a souverainement apprécié d'une part, que M. [H], directeur général, avait commis des fautes caractérisées, d'autre part, que, nonobstant l'absence de délégation en matière de sécurité, il était le dirigeant responsable de la navigabilité et de la maintenance des aéronefs de la compagnie au sens des articles 145.A.30, 145.A.70 et M.A 704 des annexes I et II du règlement (CE) n° 2042/2003, et comme tel organe ou représentant de la société [6], agissant pour le compte de celle-ci, la cour d'appel a justifié sa décision.
49. D'où il suit que les moyens doivent être écartés.
Sur le deuxième moyen proposé pour M. [D]
Enoncé du moyen
50. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [D] coupable d'homicides involontaires, alors :
« 1°/ que la responsabilité d'une personne physique du chef d'homicide involontaire suppose, en cas de causalité indirecte, que soit caractérisée soit la violation délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit l'exposition d'autrui à un risque d'une particulière gravité qu'il ne pouvait ignorer ; qu'en l'espèce, comme l'a relevé la cour d'appel, selon le constructeur dont les directives étaient obligatoires, les câbles devaient être changés tous les 5 ans en milieu continental et tous les ans en atmosphère saline ; que cette obligation avait été respectée en l'espèce dès lors que les câbles avaient été changés en mars 2005, alors que l'avion était exploité en milieu continental, et qu'il avait été prévu de les changer à nouveau le 2 octobre 2007, soit moins d'un an après l'arrivée de l'appareil en Polynésie, pour une exploitation en milieu salin ; qu'en estimant cependant au regard d'une « norme transport Canada », inapplicable en France, préconisant le changement de câbles dès que l'avion est exploité en atmosphère saline si le câble a plus d'un an d'utilisation, que M. [D] avait commis une faute caractérisée, soit la violation délibérée d'une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard de l'article 221-6 du code pénal ;
2°/ que l'avion avait été réceptionné à Tahiti le 23 octobre 2006, équipé de câbles posés neufs le 11 mars 2005, l'avion étant alors exploité en milieu continental ; que la cour d'appel a également relevé que le Kardex portait mention d'un changement de câble au 2 octobre 2006, ce dont il résultait que l'exploitation en milieu salin avait bien été prise en compte dès l'arrivée de l'appareil en Polynésie ; que la cour ne pouvait dès lors reprocher à M. [D] de ne pas avoir adapté le programme de changement des câbles pour tenir compte des conditions d'exploitation en Polynésie, soit en milieu salin, tout en constatant que la date concernant le changement des câbles avait été modifiée pour tenir compte des conditions en Polynésie ; qu'en estimant cependant que M. [D] avait, par là même, commis une faute caractérisée, la cour d'appel s'est contredite et a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 121-1, 121-3, 221-6 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénal. »
Réponse de la Cour
51. Pour déclarer M. [D] coupable d'homicides involontaires, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci, directeur technique de la société [6], était en charge de la gestion de la navigabilité des avions de la compagnie (Partie M) et responsable de l'entretien (Partie 145) et qu'il était le supérieur hiérarchique de M. [V], responsable du bureau de la navigabilité.
52. Les juges ajoutent que le programme d'entretien doit être établi selon les préconisations du constructeur, que le passage au programme d'entretien EMMA en 2006 constituait une évolution majeure, que selon les préconisations du constructeur, les câbles devaient être changés tous les ans en atmosphère saline, que des câbles neufs ont été posés le 11 mars 2005 et que le Kardex établi par M. [V] comportait une date erronée de changement de câble le 2 octobre 2006, ce qui allait conduire à prévoir de changer de câble le 2 octobre 2007.
53. Les juges ajoutent qu'une inspection particulière est prévue en cas d'exploitation en milieu salin toutes les 400 heures ou tous les trois mois, à la première des échéances atteintes, et que le câble doit être changé tous les ans en application des « cards » SP1-E4 et SP1-E5 du programme EMMA du constructeur.
54. Les juges retiennent que le changement de câbles s'imposait à l'arrivée de l'avion en Polynésie compte tenu des préconisations du constructeur et de l'adaptation aux conditions particulières d'exploitation de l'avion en raison des vols effectués à basse altitude par une température élevée.
55. Ils relèvent que l'inspection des câbles SP1-E4 aurait dû conduire à trois inspections avant le 7 août 2007.
56. Les juges ajoutent que l'édition 4 du programme d'entretien ne permettait pas de procéder au contrôle des câbles dans les conditions exigées par le constructeur et donc par le règlement européen (CE) 2042/2003, M.A 302.
57. Ils relèvent que « Transport Canada » avait alerté les exploitants sur les difficultés causées par les câbles de gouverne de profondeur et préconisé un changement de câble dès l'arrivée en milieu salin si le câble avait plus d'un an et que même si cette réglementation n'est pas applicable, il n'est pas interdit d'aller au delà des préconisations pour améliorer la sécurité des aéronefs.
58. Les juges retiennent que M. [D] a signé un engagement selon lequel les aéronefs seront entretenus conformément au manuel de vol, lequel sera revu et mis à jour à la lumière de l'expérience en service, des besoins en entretien et suivra les évolutions des recommandations du programme d'entretien du constructeur.
59. Les juges ajoutent que M. [D] était tenu d'adapter le manuel d'entretien exploitant, personnalisé au type d'avion et aux conditions spécifiques d'exploitation, et que le maintien de la navigabilité d'un avion impose le remplacement des pièces ou composants à date limite au plus tard à la limite précisée.
60. Ils retiennent que M. [D] n'a pas fait procéder à un examen détaillé de l'appareil à son arrivée en Polynésie, faisant fi du changement de climat et des conditions d'exploitation et des instructions du constructeur, alors que plusieurs accidents dus aux câbles de gouverne étaient survenus avec cet appareil et que le passage à l'entretien de type EMMA en 2006 constituait une évolution majeure nécessitant un réexamen complet du programme d'entretien.
61. Les juges relèvent que le câble de gouverne avait été changé en 2005, que la durée de vie du celui-ci en milieu salin aurait dû immédiatement alerter M. [D] et le conduire, en conformité avec le programme constructeur et a minima par prudence élémentaire, à changer le câble et à recommander à M. [H] de procéder à son changement, cette abstention constituant une faute caractérisée exposant autrui à un risque grave qu'il ne pouvait ignorer.
62. Ils retiennent encore que M. [D] s'en est tenu aux actions minimales, qu'il a laissé perdurer l'erreur commise en 1998 sur le programme d'entretien édition 3 qui avait supprimé l'inspection des câbles toutes les 400 heures et que, le système EMMA constituant en 2006 une évolution majeure du programme d'entretien, il ne pouvait se contenter de valider le travail de M. [V] sans reprendre avec rigueur l'ensemble des tâches, ce qui lui aurait permis de détecter cette omission et par là même de mettre en place une inspection des câbles tous les trois mois, ce qui aurait donné lieu à trois inspections avant le [Date décès 4] 2007 et, qu'à cet égard, M. [D] a déclaré se reprocher de ne pas avoir découvert cette anomalie lors de la lecture du manuel d'entretien.
63. Ils ajoutent que M. [D] s'est ainsi abstenu d'adapter le manuel d'entretien de l'avion d'[6] au regard du règlement CE 2042/2003 pour prendre en compte la fréquence des cycles, critère différent des heures de vol, ou encore les vols à très basse altitude, déclarant à cet égard qu'il ignorait ce qu'étaient des conditions sévères.
64. Les juges en concluent que ces manquements, qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage, constituent des fautes caractérisées exposant autrui à un risque grave qu'il ne pouvait ignorer en raison de son expérience, de ses compétences et des responsabilités qu'il avait acceptées, et sont en lien avec l'accident du [Date décès 4] 2007.
65. En statuant ainsi, la cour d'appel a justifié sa décision pour les motifs qui suivent.
66. En premier lieu, elle ne s'est pas fondée sur une norme étrangère inapplicable en France dont elle a seulement estimé que le prévenu aurait pu s'en inspirer compte tenu des accidents antérieurs liés aux câbles survenus à d'autres aéronefs de même type.
67. En second lieu, elle a souverainement estimé, sans insuffisance ni contradiction, que M. [D] n'avait pas contrôlé la modification majeure du programme d'entretien préconisée par le constructeur, ce qui lui aurait permis de détecter l'absence d'inspections spéciales des câbles prévue par le constructeur, ni adapté le programme d'entretien aux conditions spécifiques d'exploitation en Polynésie, fautes caractérisées en lien de causalité certain avec l'accident.
68. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.
Sur le moyen unique proposé pour M. [P], pris en ses première et deuxième branches
Enoncé du moyen
69. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [P] coupable d'homicides involontaires et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de trente-six mois, dont dix-huit assortis du sursis, lui a définitivement interdit d'exercer une activité ayant pour objet, directement ou indirectement, toutes fonctions de contrôle et d'encadrement dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, a dit n'y avoir lieu à dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, a déclaré M. [P], avec MM. [H], [V], [D] et la société [6], entièrement responsable des conséquences de l'accident, l'a condamné à payer certaines sommes aux parties civiles et à la CPS et a, pour le reste, renvoyé devant le tribunal de première instance de Papeete et devant le tribunal correctionnel sur les intérêts civils, alors :
« 1°/ qu'en retenant M. [P] dans les liens de la prévention, aux motifs qu'il n'avait pas procédé à « toutes inspections utiles pour s'assurer de l'application de la réglementation qu'il avait approuvée ou dont il avait recommandé l'approbation au représentant du service d'État de l'aviation civile en Polynésie française » et qu'il avait « en charge une inspection tant documentaire que physique de l'aéronef », quand les textes régissant l'étendue de ses missions ne mettaient à sa charge aucune obligation de supervision technique concrète des entreprises de transport aérien, mais seulement de procéder à des contrôles documentaires, la cour d'appel a violé les articles 221-6 et 121-3 du code pénal et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
2°/ qu'en retenant M. [P] dans les liens de la prévention aux motifs qu'il n'avait pas procédé à une lecture exhaustive et complète du manuel d'entretien du « Twin Otter DHC6 », quand M. [P] faisait au contraire valoir que la lecture exhaustive de l'ensemble des manuels d'entretien des avions des entreprises de transport aérien polynésiennes ne relevait pas de ses missions, lesquelles étaient, conformément à la réglementation, limitées à une obligation de contrôle par voie de sondage, la cour d'appel a violé les articles 221-6 et 121-3 du code pénal et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
70. Pour déclarer M. [P] coupable d'homicides involontaires, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci, responsable du [13] ([13]) en Polynésie française, avait pour mission, conformément à l'annexe de l'arrêté du 20 décembre 2005, d'assurer le maintien de l'agrément des organismes de maintenance, l'analyse des programmes d'entretien et le renouvellement des certificats de navigabilité des aéronefs exploités en transport public.
71. Les juges ajoutent que M. [P] a approuvé et soumis à l'approbation du SEAC un programme d'entretien qui comportait de multiples lacunes et erreurs dont celles qui ont consisté à omettre les inspections spéciales liées aux conditions sévères d'exploitation, l'omission de l'inspection des câbles tous les trois mois (SP1-E4) alors qu'il lui incombait de faire toutes les corrections nécessaires pour que la nouvelle édition du programme d'entretien soit conforme aux règlements, la tâche de vérification de la conformité du programme d'entretien incombant au [13].
72. Les juges relèvent que les changements dans le traitement de la sécurité de l'aéronef figurant à l'édition 4 du programme d'entretien avec le passage à la procédure d'entretien EMMA, qui constituait une évolution majeure, devaient le conduire à une lecture exhaustive de ce programme qui l'aurait conduit à détecter les lacunes majeures du programme d'entretien élaboré par M. [V] et à détecter l'omission de la butée des trois mois pour l'inspection des câbles.
73. Ils retiennent qu'il incombait à M. [P] non seulement de procéder à toutes les vérifications documentaires entrant dans ses missions de sécurité, de contrôler les manuels d'entretien du Twin Otter DHC6, mais aussi de procéder à toutes inspections utiles pour s'assurer du respect de la réglementation qu'il avait approuvée ou dont il avait recommandé l'approbation au représentant de l'Etat de l'aviation civile en Polynésie, qu'il devait prendre en compte la vie de l'aéronef, identifier les travaux à refaire identifier la visite de recalage après analyse de l'ancien programme d'entretien ainsi que la conformité des pièces à vie limite au regard des préconisations du constructeur.
74. Les juges ajoutent que ces contrôles se sont révélés indigents dans la mesure où ils n'ont pas permis d'identifier les erreurs contenues dans le Kardex concernant les pièces à vie limite lors de l'examen de navigabilité de l'aéronef en vue de sa classification et de l'octroi du certificat de navigabilité, que M. [P] devait procéder tant à un contrôle documentaire que physique en vue de l'obtention de la classification et du certificat de navigabilité et que cet examen aurait dû le conduire à constater que le câble n'avait pas été remplacé le 2 octobre 2006 mais en réalité le 11 mars 2005.
75. Ils retiennent encore que le non-respect des pièces à vie limite conduit à la suspension de la validité du certificat de navigabilité et qu'il est donc obligatoire d'en assurer la traçabilité et le suivi de manière satisfaisante, M. [P] ayant reconnu s'en être tenu à un contrôle superficiel dont il a admis le caractère laxiste.
76. Les juges en concluent qu'il existe un lien de causalité certain entre ces fautes et l'accident puisque celles-ci ont abouti à supprimer tout remplacement des câbles de la gouverne de profondeur durant la période antérieure à l'accident, tout comme elles n'ont pas permis de procéder aux trois contrôles des câbles imposés par le constructeur qui auraient dû intervenir avant le [Date décès 4] 2007.
77. En statuant ainsi, et dès lors qu'elle a souverainement apprécié que les missions du prévenu, qui s'inscrivaient dans le cadre de celles dévolues au [13] par l'annexe de l'arrêté du 20 décembre 2005, n'étaient pas limitées à un simple contrôle documentaire mais comportaient le contrôle des programmes d'entretien soumis à l'approbation du SEAC en cas de modification majeure, et des inspections physiques pour s'assurer du respect de la réglementation en vue de la délivrance d'un certificat de navigabilité, la cour d'appel a justifié sa décision.
78. D'où il suit que les griefs ne sont pas fondés.
Sur le huitième moyen proposé pour la société [6] et M. [H]
79. Le moyen est pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale.
80. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a condamné la société [6] et M. [H] à payer in solidum à Mme [K] les sommes de 1 500 000 francs CFP au titre du préjudice moral et d'affection et 500 000 francs CFP au titre du préjudice spécifique d'attente et d'inquiétude, alors « que les droits de la partie civile ne peuvent être exercés que par la personne justifiant d'un préjudice résultant de l'infraction pour laquelle le prévenu a été condamné ; qu'en condamnant les prévenus à réparer le préjudice de Mme [K], tandis qu'elle énonçait être incompétente pour statuer sur la demande des parties civiles quant à la réparation du préjudice né d'une infraction pénale, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
81. Pour condamner la société [6] et M. [H] à payer certaines sommes à Mme [K], soeur du pilote décédé dans l'accident, l'arrêt attaqué énonce que celle-ci n'est pas ayant droit de [O] [K] ni d'un passager et que sa constitution de partie civile est recevable.
82. Les juges ajoutent qu'il n'est pas établi que les circonstances justifient une indemnisation supérieure à celle prononcée par le tribunal et qu'il y a donc lieu de confirmer le jugement qui a fait une exacte appréciation du préjudice.
83. En statuant ainsi, et dès lors que, d'une part, il résulte des mentions de l'arrêt que l'incompétence des juridictions répressives pour l'indemnisation des victimes d'accidents aériens en application des conventions internationales sur le transport aérien ne concerne que les victimes directes ou les ayants droit des passagers transportés, d'autre part, l'indemnisation de Mme [K] était fondée sur son préjudice résultant directement de l'infraction, la cour d'appel a justifié sa décision.
84. D'où il suit que le moyen doit être écarté.
Sur le septième moyen proposé pour la société [6] et M. [H]
85. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré recevables les constitutions de parties civiles formées contre M. [H], alors « que M. [H] invoquait l'irrecevabilité des constitutions de parties civiles formées contre lui, ayant exercé leur action devant la juridiction civile en application de la règle electa una via ; que la cour d'appel s'est abstenue de répondre à ce moyen et a dès lors méconnu les articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 2, 5, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
86. Le moyen est inopérant dès lors que la cour d'appel s'est déclarée incompétente pour statuer sur les demandes desdites parties civiles dirigées contre M. [H].
87. D'où il suit que le moyen n'est pas fondé.
Mais sur le sixième moyen proposé pour la société [6] et M. [H], pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
88. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de la société [6] une peine d'interdiction à titre définitif d'exercer, alors :
« 2°/ que la peine d'interdiction d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales prononcée à l'encontre d'une personne morale ne peut porter que « sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise » ; qu'en prononçant une interdiction générale d'exercice de toutes les activités liées à « l'organisation, la gestion et l'exploitation (?) de services de transports aériens de toute nature et (?) de tous transports maritimes et terrestres », à « l'achat, la fabrication, la prise à bail en gérance ou selon tout autre mode, d'appareils de navigation aérienne, et de tous autres matériels accessoires, qu'ils soient utilisés dans les airs, à terre ou sur la mer », à « la cession, la location, la mise en gérance de tels matériels ou matériels », à « la formation et l'entretien de tout personnel navigant (?) », à « toutes opérations commerciales, financières ou industrielles pouvant se rattacher à l'un des objets précités, par voie de création de sociétés nouvelles, d'apports, souscriptions ou achats de titres, droits sociaux, obligations ou parts d'intérêts, fusions, alliances, associations en participation, achats de fonds de commerce ou autrement », et « généralement à toutes opérations commerciales, industrielles et financières, mobilières ou immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement, aux objets ci-dessus spécifiés », la cour d'appel a méconnu les dispositions susvisées. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 221-7, 2°, et 131-39, 2°, du code pénal alors applicables :
89. Selon le second de ces textes, les personnes morales coupables d'homicide involontaire peuvent se voir infliger, à titre de peine complémentaire, l'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement ou indirectement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociales.
90. Selon le premier, l'interdiction mentionnée au 2° de l'article 131-39 porte sur l'activité dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.
91. Pour prononcer à l'encontre de la société [6] la peine complémentaire d'interdiction définitive d'exercer les activités liées à l'organisation, à la gestion et l'exploitation de transports aériens de toute nature et de transports maritimes et terrestres, l'achat, la prise à bail en gérance d'appareils de navigation aérienne et de tous autres matériels accessoires, qu'ils soient utilisés dans les airs, sur terre ou sur la mer, la cession, la location, la mise en gérance de tels appareils, toutes opérations commerciales de représentation, achat, vente, desdits appareils et matériels, la formation et l'entretien de tout personnel navigant, les fonctions d'encadrement ou de contrôle au sein d'une compagnie aérienne dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, la participation de la société dans toutes les opérations commerciales, financières ou industrielle pouvant se rattacher à l'un des objets précités, par voie de création de sociétés nouvelles, d'apports, souscriptions, ou achat de titres, droits sociaux, obligations ou parts d'intérêts, fusions, alliances, association en participation, achats de fonds de commerce ou autrement, et généralement toutes opérations commerciales, industrielles et financières, mobilières et immobilières pouvant se rattacher directement ou indirectement aux objets ci-dessus spécifiés ou pouvant être utiles ou nécessaires à sa réalisation, l'arrêt attaqué énonce que la société [6] n'a jamais été condamnée et qu'elle était florissante financièrement.
92. Les juges ajoutent que la société a une responsabilité centrale dans les faits de la cause, qu'outre les fautes caractérisées reprochées aux principaux responsables de la société, il est apparu, par souci de rentabilité, désinvolture généralisée ou confiance démesurée dans son organisation, des dysfonctionnements récurrents de nature à mettre en jeu la sécurité des passagers, en l'occurrence des écarts de niveau 1, les plus graves, qui ont été constatés un mois après l'accident.
93. Les juges ajoutent que la désorganisation patente, la gestion aléatoire de l'entreprise et la confiance entre les intervenants érigée en mode de fonctionnement, en lieu et place d'une intervention hiérarchique, et le positionnement très détaché de son représentant légal pendant les débats laissent à penser que la société [6] n'a pas choisi de reconsidérer ses procédures à l'aune de cette affaire.
94. En prononçant une interdiction des activités autres que celle de transporteur aérien dans l'exercice duquel ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise, la cour d'appel a méconnu les textes précités.
95. D'où il suit que la cassation est encourue.
Et sur le cinquième moyen et le sixième moyen, pris en ses première et troisième branches proposé pour la société [6] et M. [H]
Et sur les troisième et quatrième moyens proposés pour M. [D]
Enoncé des moyens
96. Le cinquième moyen proposé pour M. [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de celui-ci la peine de trente-six mois d'emprisonnement dont dix-huit mois ferme, alors « que la peine d'emprisonnement doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; que la peine d'emprisonnement sans sursis ne peut en outre n'être prononcée que si elle est nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate et, lorsque le juge décide de ne pas aménager cette peine, il doit établir que, sauf impossibilité matérielle, la personnalité et la situation particulière du prévenu ne permettaient pas un tel aménagement ; qu'en prononçant une peine d'emprisonnement partiellement sans sursis en se référant exclusivement à la gravité des faits et à la personnalité de son auteur, sans établir le caractère nécessaire de cette peine et l'inadéquation de toute autre sanction et sans faire état de la situation particulière du prévenu interdisant un aménagement de celle-ci tandis que le prévenu était présent à l'audience, la cour d'appel a méconnu les articles 130-1, 132-1, 132-19 et 132-24 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
97. Le sixième moyen proposé pour M. [H] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a prononcé à l'encontre de M. [H] une peine d'interdiction à titre définitif d'exercer, alors :
« 1°/ que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle l'infraction a été commise ; qu'à la date de commission des faits, soit en août 2007, seule l'interdiction d'exercer l'activité au cours de laquelle l'infraction a été commise était prévue par la loi ; que ce n'est que par la loi du 4 août 2008 qu'a été ajoutée l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou société ; qu'en prononçant cependant à l'encontre de M. [H] une telle peine, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 112-1, 221-7 et 221-8 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que toute peine doit être prononcée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en prononçant une peine d'interdiction d'exercer à l'encontre de la personne physique, au regard du seul « risque de réitération des faits », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 130-1, 131-27, 132-1, 221-7 et 221-8 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale. »
98. Le troisième moyen proposé pour M. [D] critique l'arrêt en ce qu'il a condamné celui-ci à une peine de trente-six mois d'emprisonnement, dont douze mois ferme, alors :
« 1°/ que lorsque le juge correctionnel prononce une peine d'emprisonnement sans sursis, il doit spécialement motiver sa décision au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'en se bornant en l'espèce, pour prononcer une peine d'emprisonnement ferme de douze mois, à retenir la gravité des faits et la personnalité de leur auteur, sans expliquer en quoi cette personnalité rendait la peine prononcée nécessaire et exclusive de toute autre sanction, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision au regard des articles 132-1 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ que toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; que la motivation à ce titre ne saurait résulter d'une simple formule de style et doit être justifiée en fait ; qu'en se bornant en l'espèce, pour prononcer une peine d'emprisonnement de trente-six mois dont douze mois ferme, à affirmer que compte tenu de l'extrême gravité des faits reprochés, du positionnement adopté par l'intéressé tout au long des débats et des éléments de personnalité le concernant, il y a lieu de condamner M. [D] à la peine de trente-six mois d'emprisonnement dont vingt-quatre avec sursis, la cour d'appel, qui n'a pas précisé en quoi les circonstances des infractions, le positionnement adopté par l'intéressé et les éléments de sa personnalité rendaient le prononcé d'une peine de trente-six mois d'emprisonnement indispensable, a entaché sa décision d'une insuffisance de motifs et violé les articles 132-1 et 132-19 du code pénal (dans sa rédaction alors en vigueur), 591 et 593 du code de procédure pénale ;
3°/ que lors qu'une peine d'emprisonnement sans sursis est prononcée, elle doit, dès lors que la personnalité et la situation du condamné le permettent et sauf impossibilité matérielle, ce dont il doit être justifié, faire l'objet d'une mesure d'aménagement ; qu'en condamnant le prévenu à une peine de trente-six mois d'emprisonnement dont douze mois ferme sans faire état ni justifier de l'impossibilité matérielle d'un aménagement, la cour d'appel a violé l'article 132-19, dans sa rédaction alors en vigueur. »
99. Le quatrième moyen proposé pour M. [D] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à une interdiction définitive d'exercer une activité ayant pour objet, directement ou indirectement, toutes fonctions de contrôle et d'encadrement dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, alors :
«1°/ que seules peuvent être prononcées les peines légalement applicables à la date à laquelle l'infraction a été commise ; qu'à la date de commission des faits, soit en août 2007, seule l'interdiction d'exercer l'activité au cours de laquelle l'infraction a été commise était prévue par la loi ; que ce n'est que par la loi du 4 août 2008 qu'a été ajoutée l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou société ; qu'en prononçant cependant à l'encontre de M. [D] une telle peine, la cour d'appel a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 111-3, 112-1, 221-7 et 221-8 du code pénal, 591 et 593 du code de procédure pénale ;
2°/ qu'en tout état de cause, toute peine doit être prononcée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de son auteur et de sa situation personnelle ; qu'en prononçant une peine d'interdiction d'exercer à l'encontre de la personne physique au regard du seul « risque de réitération des faits », la cour d'appel n'a pas justifié sa décision et a méconnu les articles 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l'homme, 130-1, 131-27, 132-1, 221-7 et 221-8 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale 221-7 et 221-8 du code pénal. »
Réponse de la Cour
100. Les moyens sont réunis.
Vu les articles 132-19 du code pénal, dans sa rédaction alors applicable, et 593 du code de procédure pénale :
101. Aux termes du premier de ces textes, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. Si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
102. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
103. Pour condamner M. [H] à une peine de trente-six mois d'emprisonnement dont dix-huit assortis du sursis sans aménagement, à une amende de 3 millions de francs CFP et à une peine d'interdiction définitive d'exercer toute fonction d'encadrement ou de contrôle d'une compagnie aérienne dans le domaine de la navigabilité et la maintenance aéronautique, l'arrêt attaqué énonce que M. [H] est né le [Date naissance 3]1966 à [Localité 14], qu'il est divorcé, jamais condamné, qu'il a quitté en 2008 ses fonctions de directeur général à [6] et d'[5] où il percevait 960 000 francs CFP hors primes, qu'il est directeur d'escale d'[7] pour un salaire de 1,4 million de francs CFP, qu'il conteste toute responsabilité dans l'accident en s'appuyant sur le professionnalisme de ses subordonnés et sur les contrôles du [13], et renvoie la responsabilité au pilote, au constructeur et au [13], ce qui démontre sa désinvolture, que toutefois, il exerçait les fonctions de directeur général et dirigeant responsable de la compagnie aérienne.
104. Les juges relèvent encore l'extrême gravité des faits, le positionnement de M. [H] au cours des débats, son absence totale de prise de conscience, la gravité des erreurs commises et le risque de renouvellement de l'infraction.
105. Pour condamner M. [D] à une peine d'emprisonnement de trente-six mois d'emprisonnement dont douze avec sursis sans aménagement et à l'interdiction définitive de toute fonction d'encadrement ou de contrôle au sein d'une compagnie aérienne dans les domaines de la navigabilité et de la maintenance aéronautique, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci est né le [Date naissance 2] 1951 à [Localité 8], qu'il est marié et retraité et n'a jamais été condamné.
106. Les juges ajoutent qu'il occupait les plus hautes fonctions techniques au sein de la société [6], cumulant les fonctions de directeur technique et responsable désigné pour l'entretien de la flotte d'[6] et d'[5].
107. Ils retiennent qu'il était responsable de l'actualisation du manuel des spécifications de l'organisme de maintenance (MOE) et du manuel des spécifications de l'organisme de gestion du maintien de la navigabilité (MGN), qu'il était chargé de la mise en application de ces deux manuels et du maintien à niveau de l'atelier Partie 145, qu'il avait une parfaite connaissance de la nature des câbles en acier inoxydable installés sur l'avion pour s'être rendu au Canada avant la livraison de l'avion.
108. Les juges relèvent que les fautes caractérisées relevées à son encontre, en lien avec l'usure du câble et sa rupture, démontrent un manque total de rigueur, de sérieux et de professionnalisme, que les faits sont extrêmement graves et qu'eu égard au positionnement de l'intéressé au cours des débats et à sa personnalité, et à son absence de prise de conscience, il est à craindre qu'elles ne se renouvellent.
109. En prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les éléments de la personnalité des prévenus qu'elle a pris en considération pour fonder son choix de prononcer une peine d'emprisonnement en partie ferme et sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, ni spécialement motiver sa décision de ne pas aménager la peine ainsi prononcée au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu ou constater l'impossibilité matérielle de le faire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
110. D'où il suit que la cassation est encourue.
Et sur le troisième moyen proposé pour M. [V]
111. Le troisième moyen proposé pour M. [V] critique l'arrêt en ce qu'il a condamné celui-ci à une peine de trente-six mois d'emprisonnement assortie du sursis pour une durée de vingt-quatre mois ; alors « que le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard des faits de l'espèce, de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur, de sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que du caractère inadéquat de toute autre sanction ; qu'en condamnant M. [V] à une peine de trente-six mois d'emprisonnement, dont douze mois sans sursis, sans s'expliquer sur le caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a violé l'article 132-19 du code pénal. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19 du code pénal, dans sa rédaction alors applicable, et 593 du code de procédure pénale :
112. Aux termes du premier de ces textes, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction.
113. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
114. Pour condamner M. [V] à trente-six mois d'emprisonnement dont vingt-quatre avec sursis sans aménagement et à l'interdiction, à titre définitif, d'exercer toute fonction d'encadrement ou de contrôle au sein d'une compagnie aérienne dans les domaines de la navigabilité et de la maintenance aéronautique, l'arrêt attaqué énonce que celui-ci est né le [Date naissance 1] 1967 à [Localité 12], qu'il est marié et père de trois enfants, sans emploi, qu'il perçoit 500 000 francs CFP et n'a jamais été condamné.
115. Les juges ajoutent qu'il était en charge de la rédaction du programme d'entretien et se devait de renseigner le Kardex avec exactitude, s'agissant notamment de la durée de vie des pièces à vie limite et de leur date impérative de remplacement et a commis de graves erreurs dans la rédaction et la tenue de ces documents, constitutives de fautes caractérisées en lien direct avec les causes de l'accident.
116. Ils retiennent que M. [V], professionnel de l'aéronautique a exercé ses fonctions en se bornant à copier le programme constructeur sans l'analyser, l'adapter ni même le comprendre.
117. Les juges relèvent encore que l'extrême gravité des faits reprochés, le positionnement du prévenu au cours des débats et sa personnalité font craindre un risque de réitération des faits eu égard à l'absence totale de prise de conscience de la gravité des erreur commises.
118. En prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les éléments de la personnalité du prévenu qu'elle a pris en considération pour fonder son choix de prononcer une peine d'emprisonnement en partie ferme et sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
Et sur le moyen unique, pris en ses huitième, neuvième, dixième et onzième branches, proposé pour M. [P]
119. Le moyen proposé pour M. [P] critique l'arrêt en ce qu'il a déclaré celui-ci coupable d'homicides involontaires et l'a condamné à une peine d'emprisonnement de trente-six mois, dont dix-huit assortis du sursis, de lui avoir définitivement interdit d'exercer une activité ayant pour objet, directement ou indirectement, toutes fonctions de contrôle et d'encadrement dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, d'avoir dit n'y avoir lieu à dispense d'inscription de la condamnation au bulletin n° 2 de son casier judiciaire, d'avoir déclaré M. [P], avec MM. [H], [V], [D] et la société [6], entièrement responsable des conséquences de l'accident, de l'avoir condamné à payer certaines sommes aux parties civiles et à la CPS et d'avoir, pour le reste, renvoyé devant le tribunal de première instance de Papeete et devant le tribunal correctionnel sur les intérêts civils, alors :
« 8°/ que pour condamner M. [P], à titre de peine principale, à une peine d'emprisonnement de trente-six mois, dont dix-huit assortis du sursis, la cour d'appel s'est uniquement fondée sur la gravité des faits, sans motiver sa décision au regard de sa personnalité, de sa situation matérielle, familiale et sociale et de la proportionnalité de la peine, violant ainsi les articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
9°/ qu'en condamnant M. [P] à une peine d'emprisonnement partiellement sans sursis sur le seul fondement de la gravité des faits, sans en justifier la nécessité au regard de sa personnalité et du caractère inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a violé les articles 132-19 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme ;
10°/ qu'en n'aménageant pas la peine d'emprisonnement ferme inférieure à deux ans qu'elle prononçait à l'encontre de M. [P], présent lors de l'audience, sans constater au préalable une impossibilité matérielle de le faire ni motiver spécialement sa décision au regard des faits et de sa situation matérielle, familiale et sociale, la cour d'appel a violé les articles 132-19 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme.
11°/ qu'en interdisant définitivement à M. [P], à titre de peine complémentaire, d'exercer toutes fonctions d'encadrement ou de contrôle au sein d'une entreprise de transport aérien dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, en se fondant exclusivement sur la gravité des faits reprochés, sans motiver sa décision au regard de sa personnalité, de sa situation matérielle, familiale et sociale et de la proportionnalité de la peine, la cour d'appel a violé les articles 132-1 du code pénal, 485, 512 et 593 du code de procédure pénale et 6 § 1 et 3 de la Convention européenne des droits de l'homme. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 132-19 du code pénal, dans sa rédaction alors applicable, et 593 du code de procédure pénale :
120. Aux termes du premier de ces textes, le juge qui prononce une peine d'emprisonnement sans sursis doit en justifier la nécessité au regard de la gravité de l'infraction, de la personnalité de son auteur et du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction. Si la peine prononcée n'est pas supérieure à deux ans, ou à un an pour une personne en état de récidive légale, le juge, qui décide de ne pas l'aménager, doit en outre, soit constater une impossibilité matérielle de le faire, soit motiver spécialement sa décision au regard des faits de l'espèce, de la personnalité du prévenu et de sa situation matérielle, familiale et sociale.
121. Selon le second, tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
122. Pour condamner M. [P] à trente-six mois d'emprisonnement dont dix-huit avec sursis sans aménagement et à l'interdiction définitive d'exercer toute fonction d'encadrement dans une compagnie aérienne dans les domaines de la navigabilité ou de la maintenance aéronautique, l'arrêt attaqué énonce qu'un audit a montré les nombreux écarts de niveau 1 de la compagnie [6] que M. [P] n'a ni signalés ni même relevés, ce qui démontre son laxisme ou sa désinvolture, qu'il ne saurait se retrancher derrière la confiance qu'il faisait à la compagnie [6] pour justifier ses propres carences, sauf à ôter tout sens à sa mission, et que son laxisme a conduit à la mort de vingt personnes.
123. En prononçant ainsi, sans s'expliquer sur les éléments de la personnalité des prévenus qu'elle a pris en considération pour fonder son choix de prononcer une peine d'emprisonnement en partie ferme et sur le caractère inadéquat de toute autre sanction, ni spécialement motiver sa décision de ne pas aménager la peine ainsi prononcée au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu ou constater l'impossibilité matérielle de le faire, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée du texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
Portée et conséquence de la cassation
124. La cassation sera limitée aux peines prononcées à l'encontre de MM. [H], [D], [V] et [P] et de la société [6] dès lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure. Les autres dispositions seront donc maintenues.
Examen des demandes fondées sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
125. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. La déclaration de culpabilité de la société [6], de MM. [H], [D], [V] et [I] étant devenue définitive par suite du rejet de leurs moyens, il y a lieu de faire partiellement droit aux demandes.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Papeete, en date du 23 janvier 2020, mais en ses seules dispositions relatives aux peines prononcées à l'encontre de MM. [H], [D], [V], [P] et de la société [6], toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [6] et M. [H] devront verser à la [11], aux consorts [K] et à M. [G] [E] représentés par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Fixe à 2 500 euros les sommes globales que MM. [D], [V] et [P] devront verser chacun à la [11], aux consorts [K] et à M. [G] [E] représentés par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que la société [6], MM. [H], [D], [V] et [P] devront verser à la Caisse de prévoyance sociale de la Polynésie française en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Papeete et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-deux février deux mille vingt-deux.