LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 3
JL
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 17 février 2022
Cassation
Mme TEILLER, président
Arrêt n° 197 F-D
Pourvoi n° Z 21-10.249
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 17 FÉVRIER 2022
Mme [V] [R], domiciliée [Adresse 5], a formé le pourvoi n° Z 21-10.249 contre l'arrêt rendu le 29 septembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (5e chambre civile), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [M] [X], épouse [L], domiciliée [Adresse 4],
2°/ à M. [A] [X], domicilié [Adresse 3],
3°/ à Mme [W] [X], épouse [P], domiciliée [Adresse 2],
4°/ à M. [U] [X], domicilié [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. David, conseiller, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de Mme [R], de la SCP Le Griel, avocat des consorts [X], après débats en l'audience publique du 18 janvier 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. David, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 29 septembre 2020), rendu sur renvoi après cassation (3e Civ., 29 mai 2019, pourvoi n° 17-20.694), le 1er septembre 2007, MM. [U] et [A] [X] et Mmes [W] [X] épouse [P] et [M] [X] épouse [L] (les consorts [X]), alors en indivision, ont consenti à la société Magn'hom un bail commercial, dont l'exécution a été garantie par le cautionnement de Mme [R].
2. Le 26 juin 2012, les consorts [X] ont assigné Mme [R] en paiement, outre de dommages et intérêts, des loyers et charges dus par la société Magn'hom, mise en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première et quatrième branches
Enoncé du moyen
3. Mme [R] fait grief à l'arrêt de la condamner, en sa qualité de caution de la société Magn'hom, à payer une certaine somme au consorts [X], alors :
« 1°/ que les moyens tendant à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire sont des défenses au fond qui peuvent être invoquées en tout état de cause et même pour la première fois en appel ; qu'en considérant que les moyens de droit développés par Mme [R] pour critiquer sa condamnation, en première instance, au paiement d'une dette locative envers les consorts [X] étaient des prétentions nouvelles et en refusant d'y répondre, quand ces moyens constituaient des défenses au fond, recevables en cause d'appel, la cour d'appel a violé les articles 71, 72, 563, 564, 565 et 566 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en toute hypothèse, dans ses conclusions, Mme [R] soutenait que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur un fait et non sur une question de droit ; qu'en se fondant sur les motifs des premiers juges selon lesquels « Madame [R] ne conteste pas les conséquences de son engagement individuel, mais demande des délais de paiement » et sur « l'acceptation non équivoque en première instance de la prétention adverse du montant de la dette », pour refuser de répondre aux moyens de droit formulés par Mme [R] pour critiquer sa condamnation, en première instance, au paiement d'une dette locative envers les consorts [X], sans répondre aux conclusions de Mme [R] sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 72, 564 et 455 du code de procédure civile :
4. Selon les deux premiers de ces textes, les défenses au fond peuvent être présentées en tout état de cause et les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses.
5. Selon le troisième, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
6. Pour condamner Mme [R] à payer les sommes demandées en exécution de sa caution, l'arrêt retient que les moyens de droit par elle développés ajoutaient nécessairement aux prétentions soumises au premier juge, lesquelles étaient limitées à une demande de délais de paiement, et n'avaient pas pour objet de faire écarter les prétentions adverses, dès lors qu'elle avait accepté sans équivoque en première instance le montant de la dette.
7. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de Mme [R] relatives à l'absence d'un aveu judiciaire, et alors que les moyens de droit développés par la caution pour s'opposer aux prétentions adverses constituaient des défenses au fond, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 29 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Montpellier autrement composée ;
Condamne MM. [U] et [A] [X] et Mmes [W] [X] épouse [P] et [M] [X] épouse [L] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [U] et [A] [X] et Mmes [W] [X] épouse [P] et [M] [X] épouse [L] et les condamne, pris ensemble, à payer à Mme [R] la somme globale de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour Mme [R]
Mme [R] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée en sa qualité de caution de la société Magn'Hom à verser aux consorts [X] la somme de 37 590,49 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2015 ;
1°) ALORS QUE les moyens tendant à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire sont des défenses au fond qui peuvent être invoquées en tout état de cause et même pour la première fois en appel ; qu'en considérant que les moyens de droit développés par Mme [R] pour critiquer sa condamnation, en première instance, au paiement d'une dette locative envers les consorts [X] étaient des prétentions nouvelles et en refusant d'y répondre, quand ces moyens constituaient des défenses au fond, recevables en cause d'appel, la cour d'appel a violé les articles 71, 72, 563, 564, 565 et 566 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QUE les parties peuvent soumettre à la cour d'appel de nouvelles prétentions pour faire écarter les prétentions adverses ; qu'en considérant que les moyens de droit développés par Mme [R] n'avaient pas pour objet de faire écarter les prétentions adverses, tout en relevant qu'ils avaient pour objet la critique de sa condamnation, en première instance, au paiement d'une dette locative envers les consorts [X], la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 564 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE le juge, tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables, doit préciser le fondement juridique de sa décision ; qu'en se fondant, pour refuser de se prononcer sur les moyens de droit formulés par Mme [R] et confirmer le jugement entrepris, sur « l'acceptation non équivoque en première instance de la prétention adverse du montant de la dette » (arrêt, p. 8, pénultième al.), sans préciser le fondement juridique de sa décision, la cour d'appel a violé l'article 12 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QU'en toute hypothèse, dans ses conclusions, Mme [R] soutenait que la déclaration d'une partie ne peut être retenue contre elle comme constituant un aveu que si elle porte sur un fait et non sur une question de droit ; qu'en se fondant sur les motifs des premiers juges selon lesquels « Madame [R] ne conteste pas les conséquences de son engagement individuel, mais demande des délais de paiement » et sur « l'acceptation non équivoque en première instance de la prétention adverse du montant de la dette » (arrêt, p. 8, al. 3 et pénultième al.), pour refuser de répondre aux moyens de droit formulés par Mme [R] pour critiquer sa condamnation, en première instance, au paiement d'une dette locative envers les consorts [X], sans répondre aux conclusions de Mme [R] sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QU'en toute hypothèse, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en relevant d'office le moyen tiré du prétendu acquiescement de Mme [R] à la prétention adverse, sans la mettre en mesure de présenter ses observations sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le juge ne peut dénaturer les conclusions des parties ; que, dans ses conclusions, Mme [R] faisait valoir que la demande en paiement des consorts [X] n'était pas fondée en son quantum (conclusions de Mme [R], p. 15, al. 5) ; qu'en estimant, toutefois, que Mme [R] critiquait sa condamnation au paiement « sans remettre en cause le montant de la dette de loyer et charges retenu par le premier juge à l'échéance du 28 octobre 2013 pour un montant principal de 37 627,90 € » (arrêt, p. 8, al. 1er), la cour d'appel a dénaturé ses conclusions et violé l'article 4 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE dans ses conclusions, Mme [R] invoquait un arrêt de la cour d'appel de Paris du 8 mars 2017, ayant condamné Me [F], mandataire judiciaire de la société Magn'Hom, à payer aux consorts [X] la somme de 27 356,96 euros, au titre des loyers impayés, pour contester tant le bien-fondé que le quantum de la demande formée à son encontre par les consorts [X], en sa qualité de caution de la société Magn'Hom ; qu'en jugeant, cependant, que les moyens de contestation de la dette formulés par Mme [R] ne reposaient pas sur la survenance ou la révélation d'un fait postérieur au jugement de première instance en date du 23 avril 2015, sans répondre aux conclusions de Mme [R] sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.