La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/02/2022 | FRANCE | N°20-16750

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 février 2022, 20-16750


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 171 F-D

Pourvoi n° V 20-16.750

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

M. [V] [T], domicilié [Adresse 2] (Belgique), a formé le pourvo

i n° V 20-16.750 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

JL

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 16 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 171 F-D

Pourvoi n° V 20-16.750

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 FÉVRIER 2022

M. [V] [T], domicilié [Adresse 2] (Belgique), a formé le pourvoi n° V 20-16.750 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 7), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [Z] [X], domiciliée [Adresse 1],

2°/ à la société Le Nouvel Observateur du Monde, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de Me Le Prado, avocat de M. [T], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [X] et de la société Le Nouvel Observateur du Monde, après débats en l'audience publique du 4 janvier 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 29 janvier 2020), en février 2018, la société Le Nouvel Observateur du Monde a publié sur son site internet les deux passages suivants extraits du livre intitulé « Je ne pouvais rien dire », écrit par M. [H], ancien officier des services français de renseignement, et M. [L].

- « A côté de la success-story de l'Algérien naturalisé, devenu PDG de Quadral puis de la Compagnie des signaux et des équipements électroniques (future « CS Communication et Systèmes », société oeuvrant dans les milieux de l'électronique de défense et de sécurité), les notes du service relèvent que l'intéressé, connu dans sa jeunesse de la police judiciaire pour des faits mineurs, est, selon notre division A2 de l'époque des années 1970-1980, « vraisemblablement » manipulé par les services de renseignement algériens. Dans notre langage, « vraisemblablement » signifie que nous en avons la certitude. La société nationale Sonatrach, où [T] a occupé un poste important, leur sert de couverture. »

- « Décrit comme avisé, avenant et courtois à l'excès, l'industriel, dont la nomination à la tête de la CSEE est apparue « inopportune », présente pour la DST en 1993 un profil de loyauté douteux vis-à-vis des intérêts de la France. La division B2 conclut l'une de ses notes par la formule "individu défavorablement connu du service". »

2. Le 9 mars 2018, M. [T] a assigné la société Le Nouvel Observateur du Monde et Mme [X], directrice de publication, en réparation de ses préjudices sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881au motif que ces extraits présentaient un caractère diffamatoire.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [T] fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors :

« 1°/ que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur où à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en refusant de retenir le caractère diffamatoire du premier passage incriminé, lequel affirmait pourtant que "les notes du service relèvent que l'intéressé, connu dans sa jeunesse de la police judiciaire pour des faits mineurs, est, selon notre division A2 de l'époque des années 1970-1980, "vraisemblablement" manipulé par les services de renseignement algériens", étant précisé que, "dans notre langage, "vraisemblablement" signifie que nous en avons la certitude", ce dont se déduisait que ce passage, qui insinuait que M. [T], eût-il été manipulé, était un agent des services de renseignement algériens, et lui imputait ainsi des faits d'intelligences avec une puissance étrangère, ou de livraison d'informations à cette même puissance étrangère, constitutifs, suivant le livre IV du code pénal, de crimes et délits contre la Nation, faits précis et déterminés de nature à porter atteinte à son honneur où à sa considération par voie d'insinuation, de sorte que ledit passage revêtait un caractère diffamatoire, la cour d'appel a violé l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°/ que toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur où à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en refusant de retenir le caractère diffamatoire du second passage incriminé, lequel affirmait pourtant que "l'industriel, dont la nomination à la tête de la CSEE est apparue "inopportune", présente pour la DST en 1993 un profil de loyauté douteux vis-à-vis des intérêts de la France", étant ajouté que "la division B2 conclut l'une de ses notes par la formule "individu défavorablement connu du service" et qu' "une autre division de la DST met en garde contre l'intrusion insistante du cabinet américain Kroll, lié à la CIA, avec qui il a eu contact", ce dont se déduisait que ce passage imputait à M. [T], une déloyauté à l'égard de la France et des agissements contre ses intérêts, et donc, par insinuation, des faits d'intelligences avec une puissance étrangère, ou de livraison d'informations à cette même puissance étrangère, constitutifs, suivant le livre IV du code pénal, de crimes et délits contre la Nation, faits précis et déterminés de nature à porter atteinte à son honneur où à sa considération par voie d'insinuation, de sorte que ledit passage revêtait un caractère diffamatoire, la cour d'appel a violé l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881. »

Réponse de la Cour

4. Selon l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, seule l'expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne visée, même sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation, constitue une diffamation.

5. La cour d'appel a, d'abord, retenu, en ce qui concerne le premier passage, que les termes « connu dans sa jeunesse par la police judiciaire pour des faits mineurs » n'imputaient à M. [T] la commission d'aucune infraction pénale et laissaient au contraire entendre qu'il n'avait pas été condamné, que la précision « faits mineurs » relativisait leur gravité, que l'indication selon laquelle M. [T] était « manipulé par les services de renseignement algériens » le présentait comme la victime plutôt que l'auteur d'une telle manipulation, le lecteur ne pouvant comprendre qu'il aurait consciemment trahi les intérêts de la France et, enfin, que le mot « leur » employé dans la dernière phrase montrait que la couverture de l'entreprise en cause était utilisée par les services secrets algériens et non par M. [T].

6. Elle a, ensuite, retenu, en ce qui concerne le second passage, que, si les propos litigieux étaient dépréciatifs vis à vis de M. [T], écrire que sa nomination à la tête de la CSEE était apparue inopportune, qu'il présentait pour la DST en 1993 un profil de loyauté douteux vis-à-vis des intérêts de la France et qu'il était défavorablement connu du service ne caractérisait que des jugements de valeur de portée vague et très générale et ne lui imputait pas de fait précis pouvant faire l'objet d'un débat sur la preuve de sa vérité et que la dernière phrase du passage évoquant un contact avec le cabinet américain Kroll lié à la CIA, sans préciser ni laisser entendre de quelle sorte de contact il s'agirait, ne pouvait signifier, même par insinuation et sauf extrapolation, qu'il serait un agent de la CIA ou qu'il aurait trahi les intérêts de la France.

7. Elle en a exactement déduit que les passages litigieux n'imputaient à M. [T] aucun fait précis de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du seize février deux mille vingt-deux.

Le conseiller rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour M. [T]

M. [T] reproche à l'arrêt attaqué de l'avoir débouté de toutes ses demandes.

1°) ALORS QUE toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur où à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en refusant de retenir le caractère diffamatoire du premier passage incriminé, lequel affirmait pourtant que "les notes du service relèvent que l'intéressé, connu dans sa jeunesse de la police judiciaire pour des faits mineurs, est, selon notre division A2 de l'époque des années 1970-1980, "vraisemblablement" manipulé par les services de renseignement algériens", étant précisé que, "dans notre langage, "vraisemblablement" signifie que nous en avons la certitude", ce dont se déduisait que ce passage, qui insinuait que M. [T], eût-il été manipulé, était un agent des services de renseignement algériens, et lui imputait ainsi des faits d'intelligences avec une puissance étrangère, ou de livraison d'informations à cette même puissance étrangère, constitutifs, suivant le livre IV du code pénal, de crimes et délits contre la Nation, faits précis et déterminés de nature à porter atteinte à son honneur où à sa considération par voie d'insinuation, de sorte que ledit passage revêtait un caractère diffamatoire, la cour d'appel a violé l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 ;

2°) ALORS QUE toute expression qui contient l'imputation d'un fait précis et déterminé de nature à porter atteinte à l'honneur où à la considération de la personne visée, constitue une diffamation, même si elle est présentée sous une forme déguisée ou dubitative ou par voie d'insinuation ; qu'en refusant de retenir le caractère diffamatoire du premier passage incriminé, lequel affirmait pourtant que "l'industriel, dont la nomination à la tête de la CSEE est apparue "inopportune", présente pour la DST en 1993 un profil de loyauté douteux vis-à-vis des intérêts de la France", étant ajouté que "la division B 2 conclut l'une de ses notes par la formule "individu défavorablement connu du service" et qu' "une autre division de la DST met en garde contre l'intrusion insistante du cabinet américain Kroll, lié à la CIA, avec qui il a eu contact", ce dont se déduisait que ce passage imputait à M. [T], une déloyauté à l'égard de la France et des agissements contre ses intérêts, et donc, par insinuation, des faits d'intelligences avec une puissance étrangère, ou de livraison d'informations à cette même puissance étrangère, constitutifs, suivant le livre IV du code pénal, de crimes et délits contre la Nation, faits précis et déterminés de nature à porter atteinte à son honneur où à sa considération par voie d'insinuation, de sorte que ledit passage revêtait un caractère diffamatoire, la cour d'appel a violé l'article 29, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-16750
Date de la décision : 16/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 16 fév. 2022, pourvoi n°20-16750


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Le Prado - Gilbert, SCP Waquet, Farge et Hazan

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16750
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award