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09/02/2022 | FRANCE | N°20-21732

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2022, 20-21732


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 175 F-D

Pourvoi n° K 20-21.732

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 septembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________

________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

M...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 175 F-D

Pourvoi n° K 20-21.732

Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. [Y].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 10 septembre 2020.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

M. [F] [Y], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° K 20-21.732 contre le jugement rendu le 1er juillet 2019 par le conseil de prud'hommes de Brive-la-Gaillarde (section commerce), dans le litige l'opposant à la société 2 L, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Capitaine, conseiller, les observations de la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat de M. [Y], de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société 2 L, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Capitaine, conseiller rapporteur, Mme Gilibert, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (Brive-la-Gaillarde, 1er juillet 2019), M. [Y] a été engagé en qualité de serveur, le 7 novembre 2017 par la société 2 L (la société) et a conclu une convention de rupture le 23 avril 2018.

2. Estimant avoir exécuté des tâches relevant d'une classification supérieure à celle figurant sur le contrat de travail et effectué des heures supplémentaires non rémunérées, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents, alors « qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, M. [Y] produisait un relevé de ses horaires, du 1er janvier 2017 au 31 mars 2018, mentionnant ses jours de repos et pour les autres jours, les « heures prévues » » et les « heures réalisées », ainsi que l'attestation d'un autre salarié, M. [U], précisant que « Mr [F] [Y] a fréquemment effectué des heures supplémentaires par rapport aux heures prévues sur les plannings du restaurant ‘le Bistrot Régent', comme tout le reste de l'équipe »; qu'en considérant pourtant, pour le débouter de sa demande, que M. [Y] « n'amène aux débats aucun élément de preuve incontestable prouvant l'existence de ces heures» supplémentaires, le conseil de prud'hommes, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 3171-4 du code du travail :

5. Aux termes de l'article L. 3171-2, alinéa 1er, du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés. Selon l'article L. 3171-3 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, l'employeur tient à la disposition de l'inspecteur ou du contrôleur du travail les documents permettant de comptabiliser le temps de travail accompli par chaque salarié. La nature des documents et la durée pendant laquelle ils sont tenus à disposition sont déterminées par voie réglementaire.

6. Enfin, selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

7. Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

8. Pour débouter le salarié de sa demande au titre des heures supplémentaires, la décision retient que le salarié n'amène aux débats aucun élément de preuve incontestable prouvant l'existence de celles-ci.

9. En statuant ainsi, le conseil de prud'hommes, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [Y] de sa demande au titre des heures supplémentaires, le jugement rendu le 1er juillet 2019, entre les parties, par le conseil de prud'hommes de Brive-la-Gaillarde ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cette décision et les renvoie devant le conseil de prud'hommes de Tulle ;

Condamne la société 2 L aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société 2 L à payer à la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller, avocat aux Conseils, pour M. [Y]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Monsieur [F] [Y] fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande tendant à son classement au niveau II, échelon 3, défini par l'annexe d'application n° 1 à la convention collective des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, et en paiement d'un rappel de salaire et des congés payés y afférents ;

ALORS QUE dans ses conclusions responsives Monsieur [F] [Y], faisait valoir qu'il avait non seulement en charge le service en salle, au bar et en terrasse, mais également : l'accueil des clients, la gestion de la caisse (clôture de caisse et correction des erreurs si nécessaire), la réception des livraisons, le management de l'équipe, l'accompagnement d'une apprentie, la fermeture de l'établissement après dissimulation de la recette, que Monsieur [U], ex-salarié de l'établissement, confirmait le niveau de responsabilité de son collègue de travail (pièce 13), qu'il justifiait d'une formation supérieure au BEP et d'une expérience de plus de deux années, et qu'au regard du contenu de son activité, de l'autonomie et de la responsabilité dont il bénéficiait, il était parfaitement en droit de réclamer indemnisation au titre de la requalification de sa classification ; qu'en se bornant à énoncer que « dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur et de la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, déboute le demandeur de sa réclamation car il ne démontre pas qu'il a effectivement exercé les fonctions supérieures qu'il revendique », sans répondre aux conclusions du salarié, le conseil de prud'hommes a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Monsieur [F] [Y] fait grief au jugement attaqué de l'avoir débouté de sa demande en paiement d'heures supplémentaires et des congés payés afférents ;

1) ALORS QU' en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments ; qu'en l'espèce, à l'appui de sa demande en paiement d'heures supplémentaires, Monsieur [F] [Y] produisait un relevé de ses horaires, du 1er janvier 2017 au 31 mars 2018 (pièce n° 6), mentionnant ses jours de repos et pour les autres jours, les « heures prévues » » et les « heures réalisées », ainsi que l'attestation d'un autre salarié, Monsieur [U] (pièce n° 9), précisant que « Mr [F] [Y] a fréquemment effectué des heures supplémentaires par rapport aux heures prévues sur les plannings du restaurant ‘le Bistrot Régent', comme tout le reste de l'équipe »; qu'en considérant pourtant, pour le débouter de sa demande, que Monsieur [F] [Y] « n'amène aux débats aucun élément de preuve incontestable prouvant l'existence de ces heures » supplémentaires, le conseil de prud'hommes, qui a fait peser la charge de la preuve sur le seul salarié, a violé l'article L. 3171-4 du code du travail ;

2) ALORS QU'en tout état de cause, en se bornant à considérer, pour le débouter de sa demande, que Monsieur [F] [Y] « n'amène aux débats aucun élément de preuve incontestable prouvant l'existence de ces heures » supplémentaires, sans rechercher si les relevés horaires, du 1er janvier 2017 au 31 mars 2018 (pièce n° 6), ainsi que l'attestation de Monsieur [U] (pièce n° 9), produits au débat par le salarié, n'étaient pas suffisamment précis pour permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments, le conseil de prud'hommes a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-21732
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Brive-la-Gaillarde, 01 juillet 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-21732


Composition du Tribunal
Président : Mme Farthouat-Danon (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SCP de Chaisemartin, Doumic-Seiller

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.21732
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