LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
LG
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 9 février 2022
Cassation
Mme FARTHOUAT-DANON, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 167 F-D
Pourvois n°
D 20-20.990
H 20-20.993
P 20-20.999
Q 20-21.000
R 20-21.001
V 20-21.005 JONCTION
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022
1°/ Mme [G] [E], domiciliée [Adresse 4],
2°/ M. [B] [Y], domicilié [Adresse 1],
3°/ M. [L] [J], domicilié [Adresse 5],
4°/ M. [M] [U], domicilié [Adresse 3],
5°/ M. [S] [K], domicilié [Adresse 6],
6°/ M. [Z] [R], domicilié [Adresse 2],
ont formé respectivement les pourvois n° D 20-20.990, H 20-20.993, P 20-20.999, Q 20-21.000, R 20-21.001 et V 20-21.005 contre six arrêts rendus le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Poitiers (chambre sociale), dans les litiges les opposant à la société SNCF voyageurs, société anonyme, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société SNCF mobilités, défenderesse à la cassation.
La demanderesse au pourvoi n° D 20-20.990 invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Les demandeurs aux pourvois n° H 20-20.993, P 20-20.999, Q 20-21.000, R 20-21.001 et V 20-21.005 invoquent, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation commun également annexé au présent arrêt.
Les dossiers ont été communiqués au procureur général.
Sur le rapport de M. Ricour, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [E] et de MM. [Y], [J], [U], [K] et [R], de la SAS Cabinet Colin-Stoclet, avocat de la société SNCF voyageurs, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents Mme Farthouat-Danon, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ricour, conseiller rapporteur, Mme Van Ruymbeke, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Jonction
1. En raison de leur connexité, les pourvois n° D 20-20.990, H 20-20.993, P 20-20.999, Q 20-21.000, R 20-21.001 et V 20-21.005 sont joints.
Faits et procédure
2. Selon les arrêts attaqués (Poitiers, 10 septembre 2020), Mme [E] et cinq autres salariés protégés sont employés par l'établissement public industriel et commercial SNCF Mobilités, aux droits duquel vient la société SNCF voyageurs (la SNCF), en qualité d'agent du service commercial des trains.
3. Dans la perspective de la mise en circulation d'une nouvelle ligne TGV, la SNCF a décidé que les agents de la résidence de [Localité 8], qui assuraient un accompagnement des trains par un roulement mixte, composé de transports TER et TGV, n'assureraient plus l'accompagnement des TGV.
4. Contestant cette décision, les salariés ont saisi la juridiction prud'homale afin qu'il soit enjoint à leur employeur de reprendre et poursuivre l'exécution de leur contrat de travail aux conditions antérieures et qu'il soit condamné à leur verser des dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
5. Les salariés font grief aux arrêts de les débouter de l'ensemble de leurs demandes, alors « que l'employeur ne peut imposer au salarié protégé ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail ; qu'en considérant que l'affectation à un roulement exclusivement TER des salariés, auparavant affectés à un roulement mixte (TER et TGV), ne caractérisait pas un changement de leurs conditions de travail, après avoir constaté, d'une part, que les agents étaient spécialisés par roulements, que parmi les critères d'accès au roulement TGV figuraient l'ancienneté et les résultats de l'agent et que les attentes tant de l'entreprise que des clients étaient plus élevées sur les lignes TGV et, d'autre part, que cette nouvelle affectation avait impacté la rémunération des salariés, certaines indemnités étant propres aux agents affectés sur les lignes à grande vitesse ainsi qu'au type de train et au matériel utilisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, et l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil :
6. Aucun changement de ses conditions de travail ne peut être imposé à un salarié protégé et en cas de refus par celui-ci de ce changement, l'employeur doit poursuivre le contrat de travail aux conditions antérieures ou engager la procédure de licenciement en saisissant l'autorité administrative d'une demande d'autorisation de licenciement.
7. Pour débouter les salariés de l'ensemble de leurs demandes, les arrêts retiennent que la modification de l'affectation des salariés ne caractérise ni une modification de leur contrat de travail ni un changement de leurs conditions de travail.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la réorganisation mise en oeuvre par l'employeur avait eu pour conséquence l'affectation exclusive, sur des lignes TER, des salariés auparavant affectés à la fois sur des lignes TER et sur des lignes TGV, ce dont elle aurait dû déduire l'existence d'un changement des conditions de travail des intéressés, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes leurs dispositions, les arrêts rendus le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ;
Remet les affaires et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ces arrêts et les renvoie devant la cour d'appel de Limoges ;
Condamne la société SNCF voyageurs aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société SNCF voyageurs et la condamne à payer à Mme [E] et à MM. [Y], [J], [U], [K] et [R] la somme de 500 euros chacun ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme [E], demanderesse au pourvoi n° D 20-20.990
La salariée fait grief à l'arrêt attaqué de L'AVOIR déboutée de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS, 1°), QUE l'employeur ne peut imposer au salarié protégé ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail ; qu'en considérant que l'affectation à un roulement exclusivement TER de la salariée auparavant affectée à un roulement mixte (TER et TGV), ne caractérisait pas une modification de son contrat de travail, après avoir pourtant constaté, d'une part, que les agents étaient spécialisés par roulements, que, parmi les critères d'accès au roulement TGV, figuraient l'ancienneté et les résultats de l'agent et que les attentes tant de l'entreprise que des clients étaient plus élevées sur les lignes TGV et, d'autre part, que cette nouvelle affectation avait affecté la rémunération de la salariée dans la mesure où certaines indemnités sont propres aux agents affectés sur les lignes à grande vitesse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil ;
ALORS, 2°), QUE l'employeur ne peut imposer au salarié protégé ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail ; qu'en se bornant à relever, d'une part, que les montants du traitement de base, de l'indemnité de résidence et de la prime de travail de la salariée n'avaient pas été affectés par la nouvelle organisation de son travail et, d'autre part, que la salariée avait continué à percevoir, après son changement d'affectation, des indemnités d'accompagnement TGV, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le changement d'affectation n'avait pas entraîné une diminution du montant de ces indemnités, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil ;
ALORS, 3°) et subsidiairement, QUE l'employeur ne peut imposer au salarié protégé ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail ; qu'en considérant que l'affectation à un roulement exclusivement TER de la salariée, auparavant affectée à un roulement mixte (TER et TGV), ne caractérisait pas un changement de ses conditions de travail, après avoir constaté, d'une part, que les agents étaient spécialisés par roulements, que parmi les critères d'accès au roulement TGV figuraient l'ancienneté et les résultats de l'agent et que les attentes tant de l'entreprise que des clients étaient plus élevées sur les lignes TGV et, d'autre part, que cette nouvelle affectation avait impacté la rémunération de la salariée, certaines indemnités étant propres aux agents affectés sur les lignes à grande vitesse ainsi qu'au type de train et au matériel utilisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil.
Moyen commun produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour MM. [Y], [J], [U], [K] et [R], demandeurs aux pourvois n° H 20-20.993, P 20-20.999, Q 20-21.000, R 20-21.001 et V 20-21.005
Le salarié fait grief à l'arrêt attaqué de L'AVOIR débouté de l'ensemble de ses demandes ;
ALORS, 1°), QUE l'employeur ne peut imposer au salarié protégé ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail ; qu'en considérant que l'affectation à un roulement exclusivement TER du salarié auparavant affectée à un roulement mixte (TER et TGV), ne caractérisait pas une modification de son contrat de travail, après avoir pourtant constaté, d'une part, que les agents étaient spécialisés par roulements, que, parmi les critères d'accès au roulement TGV, figuraient l'ancienneté et les résultats de l'agent et que les attentes tant de l'entreprise que des clients étaient plus élevées sur les lignes TGV et, d'autre part, que cette nouvelle affectation avait affecté la rémunération du salarié dans la mesure où certaines indemnités sont propres aux agents affectés sur les lignes à grande vitesse, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil ;
ALORS, 2°), QUE l'employeur ne peut imposer au salarié protégé ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail ; qu'en se bornant à relever, d'une part, que les montants du traitement de base, de l'indemnité de résidence et de la prime de travail du salarié n'avaient pas été affectés par la nouvelle organisation de son travail et, d'autre part, que le salarié avait continué à percevoir, après son changement d'affectation, des indemnités d'accompagnement TGV, sans vérifier, ainsi qu'elle y était invitée, si le changement d'affectation n'avait pas entraîné une diminution du montant de ces indemnités, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil ;
ALORS, 3°) et subsidiairement, QUE l'employeur ne peut imposer au salarié protégé ni une modification de son contrat de travail ni un changement de ses conditions de travail ; qu'en considérant que l'affectation à un roulement exclusivement TER du salarié, auparavant affecté à un roulement mixte (TER et TGV), ne caractérisait pas un changement de ses conditions de travail, après avoir constaté, d'une part, que les agents étaient spécialisés par roulements, que parmi les critères d'accès au roulement TGV figuraient l'ancienneté et les résultats de l'agent et que les attentes tant de l'entreprise que des clients étaient plus élevées sur les lignes TGV et, d'autre part, que cette nouvelle affectation avait impacté la rémunération du salarié, certaines indemnités étant propres aux agents affectés sur les lignes à grande vitesse ainsi qu'au type de train et au matériel utilisé, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les articles L. 1221-1 et L. 2411-1, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017, du code du travail, ensemble l'article 1134, devenu les articles 1103 et 1104, du code civil.