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09/02/2022 | FRANCE | N°20-19128

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 février 2022, 20-19128


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 136 F-D

Pourvoi n° E 20-19.128

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

Mme [G] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-

19.128 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre A), dans le litige l'opposant à Mme [M] [U], domiciliée [Adresse...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

DB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 136 F-D

Pourvoi n° E 20-19.128

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 9 FÉVRIER 2022

Mme [G] [V], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° E 20-19.128 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2020 par la cour d'appel de Lyon (2e chambre A), dans le litige l'opposant à Mme [M] [U], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [V], de Me Occhipinti, avocat de Mme [U], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 mai 2020), Mme [V] et Mme [U] se sont mariées le 20 mai 2017. Mme [V] a donné naissance à une fille, [I], le 13 août 2017.

2. Après la séparation du couple, en juillet 2018, Mme [U] a saisi le juge aux affaires familiales pour bénéficier d'une droit de visite et d'hébergement à l'égard de [I].

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche, ci-après annexé

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses deuxième et troisième branches

Enoncé du moyen

4. Mme [V] fait grief à l'arrêt d'accorder à Mme [U] un droit de visite et d'hébergement à l'égard de [I], alors :
« 1°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'un droit de visite ne peut être accordé à un tiers que si tel est l'intérêt de l'enfant ; qu'en prenant en considération, pour accorder un droit de visite à Mme [U] sur l'enfant [I], la circonstance que l'enfant était née d'un projet commun du couple et que Mme [U] avait pourvu à son éducation et noué avec elle des liens affectifs durables, sans préciser en quoi ces circonstances avaient une incidence sur l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 et 371-4 du code civil ;

2°/ que de même, l'intérêt de l'enfant à préserver des relations avec un tiers doit être apprécié en fonction de l'avenir prévisible des liens ainsi maintenus ; que la cour d'appel ne pouvait donc, pour accorder un droit de visite à Mme [U] sur l'enfant [I] [V], se borner à affirmer que les liens affectifs créés étaient durables, sans rechercher si, en l'absence de tout lien biologique ou juridique, la brièveté de la relation qui avait uni Mme [U] à la mère de l'enfant et la violence du conflit relatif à la séparation ne pouvait pas faire craindre que la première ne se désintéresse rapidement de l'enfant, exposant ainsi la fillette à un risque affectif ; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale des articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 et 371-4 du code civil. »

Réponse de la Cour

5. Aux termes de l'article 371-4, alinéa 2, du code civil, si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaire familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, a pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables.

6. La cour d'appel a retenu que, si l'examen des pièces produites établissait que le désir de maternité avait été initié par Mme [V], il révélait également que [N] était née d'un projet parental commun et que des liens affectifs s'étaient tissés entre celle-ci et Mme [U], laquelle avait, dès la naissance, pris la place d'un deuxième parent, ce qui avait conduit Mme [V], avant que les relations avec son épouse ne se dégradent au point de s'opposer à toute relation avec l'enfant, à lui accorder un droit de visite et d'hébergement.

7. Elle en a déduit qu'il était de l'intérêt de [N] que la place de Mme [U] soit préservée, la seule mésentente entre les parties ne pouvant suffire à l'éluder.

8. La cour d'appel, qui a statué en considération de l'intérêt supérieur de l'enfant qu'elle a souverainement apprécié et qui a procédé à la recherche prétendument omise, a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [V] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour Mme [V].

Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir accordé à Mme [U] un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant [I] [V] ;

AUX MOTIFS QU'en application des dispositions de l'article 371-4 alinéa 2 du code civil "si tel est l'intérêt de l'enfant, le juge aux affaires familiales fixe les modalités des relations entre l'enfant et un tiers, parent ou non, en particulier lorsque ce tiers a résidé de manière stable avec lui et l'un de ses parents, pourvu à son éducation, à son entretien ou à son installation, et a noué avec lui des liens affectifs durables ;

QU'en l'espèce, il ressort des conclusions concordantes des parties sur ce point, que Mme [V] et Mme [U] se sont rencontrées au mois de septembre 2015, et ont emménagé ensemble à partir du mois de février 2016 ;

QU'il est constant qu'elles se sont mariées le 20 mai 2017, sous le régime de la séparation des biens, selon contrat du 15 avril 2017 ;

Il n'est pas contesté que Mme [V] a mis en oeuvre un projet de grossesse, grâce au don d'un ami très proche d'elle, et a donné naissance à [I], le 13 août 2017, l'acte de naissance de l'enfant établissant que le tiers déclarant était Mme [U] ;

QUE les versions des deux parties divergent quant au contexte qui a entouré cette naissance, dès lors que Mme [V] soutient que ce désir de maternité n'intéressait pas Mme [U], alors que cette dernière, tout en reconnaissant que Mme [V] est à l'initiative de ce projet parental, conclut qu'elle l'a immédiatement accepté, précisant que c'est dans ce contexte qu'il a été convenu qu'elles se marient avant la naissance de l'enfant, et qu'il était par ailleurs convenu qu'elle serait elle-même la mère biologique du second enfant du couple ;

QU'il n'est en revanche pas contesté que, suite aux dégradations dans les relations du couple, et nonobstant la mise en place d'une mesure de thérapie, les deux épouses se sont séparées, Mme [V] quittant le domicile conjugal en août 2018, alors que [I] avait donc un an, pour s'installer à proximité, un accord étant dans un premier temps trouvé sur des modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement ;

Il est établi par les diverses pièces du dossier, et notamment les échanges de Sms produits, datant de la fin de l'année 2018, que les relations entre les épouses se sont alors très fortement dégradées, et qu'à partir de cette date, après des rencontres épisodiques, Mme [V] a refusé les relations de [I] avec Mme [U], situation conduisant cette dernière à saisir le juge aux affaires familiales ;

QUE l'examen des diverses pièces produites, s'il permet de confirmer que le désir de maternité était initié par Mme [V], ce que reconnaît Mme [U], et s'il confirme que cette dernière a pu un temps être moins investie que Mme [V] dans ce projet d'enfant, ce qu'elle admet d'ailleurs dans le cadre d'un échange Sms, permet cependant de retenir, contrairement à ce qu'affirme Mme [V], que [I] est bien née d'un projet parental commun ;

QU'il ressort en effet des divers éléments du dossier :

-qu'après l'annonce de la grossesse, le couple a emménagé dans un autre logement permettant d'accueillir un enfant ;

-que le couple s'est marié avant la naissance de [I] ;

-que le faire part de mariage fait expressément mention de cette grossesse, comme précisant "A ce bonheur s'ajoute l'arrivée prochaine de notre bébé", -qu'il est justifié par la sage-femme que Mme [U] a participé aux séances de préparation à l'accouchement, et s'est impliquée dans le suivi de la grossesse ;

-que le gynécologue qui suivait Mme [U] précise que cette dernière, en mai 2018, lui avait indiqué qu'elle porterait la nouvelle grossesse ;

-que le faire-part de naissance, qui indique que "la famille s'est agrandie", porte mention des noms de deux épouses ;

-que Mme [U] a été tiers déclarant de cette naissance ;

-que des démarches ont été effectuées pour engager une procédure d'adoption, laquelle n'a pas été menée à terme ;

QUE les échanges de mails entre les parties, produits aux débats, viennent confirmer que l'enfant est bien née d'un projet parental commun ;

QU'il ressort par ailleurs des nombreuses attestations communiquées par Mme [U] émanant tant de membres de sa famille que de tiers, des sms produits, des photographies jointes, que des liens affectifs se sont tissés entre [I] et cette dernière, qui a, dès la naissance pris la place d'un deuxième parent auprès de l'enfant ;

QU'il apparaît d'ailleurs que Mme [V] a elle-même admis cette place, ainsi qu'en témoignent diverses personnes, qui attestent avoir reçu les confidences de cette dernière en ce sens, situation l'ayant d'ailleurs conduite, avant que les relations ne se dégradent au point de s'opposer à toute relation entre Mme [U] et l'enfant, à accorder à celle-ci, dès après la séparation, un droit de visite et d'hébergement, reconnaissant par là même sa place auprès de [I] ;

QUE tout en faisant état de ses craintes à l'égard de Mme [U], Mme [V] ne produit aucun élément probant, le seul échange de Sms, de décembre 2018, étant insuffisant à caractériser de réelles menaces, et aucun élément n'étant communiqué permettant de retenir qu'une suite aurait été donnée aux deux mains courantes déposées ;

QU'il peut par ailleurs être noté que plusieurs attestations produites par Mme [V], qui font état de ses craintes, ne sauraient être utilement retenues, dès lors que leurs auteurs se limitent à rapporter ce que Mme [V] leur aurait confié, alors qu'en revanche les personnes qui attestent pour Mme [U] viennent confirmer, pour l'avoir constatée, la qualité de ses relations avec l'enfant ;

QU'au regard de ces divers éléments, il convient de retenir que l'enfant est née d'un projet commun du couple, que Mme [U] a pourvu à son éducation et noué avec elle des liens affectifs durables, et qu'il est de l'intérêt de [I] que la place de ce parent soit préservée, la seule mésentente entre les parties ne pouvant suffire à éluder la place de Mme [U] ;

QUE c'est à bon droit en conséquence que le premier juge a fixé un droit de visite et d'hébergement au profit de Mme [U] ;

1- ALORS QU'il résulte de la combinaison des articles 425, alinéa 3, et 1180 du code de procédure civile que le ministère public doit avoir communication des demandes formées en application de l'article 371-4 du code civil, pour lesquelles son avis est requis ; qu'en omettant de communiquer au ministère public la demande de Mme [M] [U] tendant à obtenir, en vertu des dispositions de l'article 371-4 du code civil, un droit de visite et d'hébergement sur l'enfant de son épouse, la cour d'appel a violé les articles 425, alinéa 3 et 1180 du code de procédure civile, ensemble l'article 371-4 du code civil ;

2- ALORS QUE dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; qu'un droit de visite ne peut être accordé à un tiers que si tel est l'intérêt de l'enfant ; qu'en prenant en considération, pour accorder un droit de visite à Mme [U] sur l'enfant [I], la circonstance que l'enfant était née d'un projet commun du couple et que Mme [U] avait pourvu à son éducation et noué avec elle des liens affectifs durables, sans préciser en quoi ces circonstances avaient une incidence sur l'intérêt de l'enfant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 et 371-4 du code civil ;

3- ALORS QUE de même, l'intérêt de l'enfant à préserver des relations avec un tiers doit être apprécié en fonction de l'avenir prévisible des liens ainsi maintenus ; que la cour d'appel ne pouvait donc, pour accorder un droit de visite à Mme [U] sur l'enfant [I] [V], se borner à affirmer que les liens affectifs créés étaient durables, sans rechercher si, en l'absence de tout lien biologique ou juridique, la brièveté de la relation qui avait uni Mme [U] à la mère de l'enfant et la violence du conflit relatif à la séparation ne pouvait pas faire craindre que la première ne se désintéresse rapidement de l'enfant, exposant ainsi la fillette à un risque affectif ; qu'en omettant cette recherche, la cour d'appel a privé sa décision de base légale des articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 et 371-4 du code civil ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-19128
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 26 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 fév. 2022, pourvoi n°20-19128


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : Me Occhipinti, SCP Piwnica et Molinié

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.19128
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