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09/02/2022 | FRANCE | N°20-17183

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2022, 20-17183


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 197 F-D

Pourvoi n° R 20-17.183

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

L'union de recouvrement des co

tisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-17.183 contre l'...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 197 F-D

Pourvoi n° R 20-17.183

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° R 20-17.183 contre l'arrêt rendu le 27 mai 2020 par la cour d'appel de Lyon (chambre sociale A), dans le litige l'opposant à M. [B] [E], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Lecaplain-Morel, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [E], après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Lecaplain-Morel, conseiller rapporteur, M. Rouchayrole, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 27 mai 2020), au mois de mars 1998, M. [E] a été engagé par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) en qualité de technicien contentieux. Le 23 février 2005, il a été agréé comme inspecteur du recouvrement et, le 1er janvier 2007, il a été muté au sein de l'URSSAF Rhône-Alpes.

2. Le 3 mars 2014, il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en paiement d'un rappel d'indemnités de repas.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner à payer au salarié diverses sommes à titre de rappel d'indemnité de repas pour la période de 2009 à 2015 et en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel, alors « que les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en l'espèce, pour retenir une inégalité de traitement, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que la différence de prise en charge des frais de repas des agents comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés par rapport aux cadres et agents d'exécution n'était pas justifiée par des motifs professionnels, tous les salariés se trouvant dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puisqu'ils doivent tous se nourrir en cas de déplacement ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que la différence de traitement litigieuse était étrangère à toute considération de nature professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et des protocoles d'accord des 11 mars 1991 concernant les frais de déplacement des cadres et agents d'exécution des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements et 26 juin 1990 concernant les frais de déplacement des agents de direction, agents comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés des organismes de sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu le principe d'égalité de traitement et les protocoles d'accord des 11 mars 1991 concernant les frais de déplacement des cadres et agents d'exécution des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements et 26 juin 1990 concernant les frais de déplacement des agents de direction, agents comptables, ingénieurs conseils et médecins salariés des organismes de sécurité sociale :

4. Les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle.

5. Pour condamner l'employeur à payer au salarié une certaine somme à titre de rappel d'indemnité de repas, l'arrêt relève que, jusqu'à ce qu'intervienne un protocole d'accord relatif aux frais de déplacement en date du 23 juillet 2015 instituant une indemnité de repas d'un même montant pour tous les personnels, les cadres et agents d'exécution des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements (incluant les inspecteurs du recouvrement) étaient soumis au protocole d'accord du 11 mars 1991 fixant l'indemnité de repas à la somme de 23,23 euros et les personnels de direction, agents comptables, ingénieurs conseils et médecins salariés des mêmes organismes au protocole d'accord du 26 juin 1990 fixant ladite indemnité à la somme de 26,47 euros. Il ajoute que l'employeur affirme que les agents de direction sont amenés à rencontrer diverses personnalités du monde économique et politique, ce qui les conduit à fréquenter des restaurants d'un certain niveau et induit des frais de repas plus élevés que ceux exposés par les autres salariés.

6. L'arrêt retient ensuite que, si cette considération est éventuellement susceptible de constituer un critère objectif de différence de traitement entre un inspecteur de recouvrement et un agent de direction, elle ne permet pas de justifier une différence de prise en charge des frais de repas des agents comptables, ingénieurs conseils et médecins salariés par rapport aux cadres et agents d'exécution quand ils doivent effectuer des déplacements professionnels les obligeant à prendre un repas, le salarié faisant observer à juste titre que tous les salariés se trouvent dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puisqu'ils doivent tous se nourrir en cas de déplacement et que, dès lors, le salarié démontre que la différence de traitement n'est pas justifiée par des motifs professionnels.

7. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que la différence de traitement litigieuse était étrangère à toute considération de nature professionnelle, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

Portée et conséquences de la cassation

8. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel, justifiés par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes à payer à M. [E] la somme de 2 403,64 euros à titre de rappel d'indemnité de repas pour la période de 2009 à 2015, l'arrêt rendu le 27 mai 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon autrement composée ;

Condamne M. [E] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales Rhône-Alpes

Il est fait grief à la décision attaquée d'AVOIR infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande en paiement d'un rappel d'indemnité de repas et en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais de procédure, d'AVOIR condamné l'URSSAF à payer à M. [E] la somme de 2 403,64 euros à titre de rappel d'indemnité de repas pour la période de 2009 à 2015, aux dépens de première instance et d'appel, et à payer la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel ;

AUX MOTIFS QUE « Sur l'indemnisation des frais de repas : L'employeur est tenu de respecter la règle "à travail égal, salaire égal" lui interdisant de traiter différemment des salariés placés dans des situations identiques. Les accords collectifs sont soumis au principe d'égalité de traitement. En l'espèce, jusqu'à ce qu'intervienne un protocole d'accord relatif aux frais de déplacement en date du 23 juillet 2015 instituant une indemnité de repas d'un même montant pour tous les personnels, les cadres et agents d'exécution des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements (incluant les inspecteurs du recouvrement) étaient soumis au protocole d'accord du 11 mars 1991 fixant l'indemnité de repas à la somme de 23,23 euros et les personnels de direction, agents comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés des mêmes organismes au protocole d'accord du 26 juin 1990 fixant ladite indemnité à la somme de 26,47 euros. M. [E] soutient qu'il appartient à l'URSSAF de justifier objectivement la différence de tarif entre un inspecteur du recouvrement et un médecin-conseil, par exemple, et à la cour d'appel de contrôler la réalité et la pertinence de ses explications. L'URSSAF soutient que les différences de traitement entre salariés exerçant au sein d'une même catégorie professionnelle des fonctions distinctes (ce qui est le cas ici), opérées par voie de conventions ou d'accords collectifs, sont présumées justifiées, de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle. Elle affirme que les agents de direction sont amenés à rencontrer diverses personnalités du monde économique et politique, ce qui les conduit à fréquenter des restaurants d'un certain niveau et induit des frais de repas plus élevés que ceux exposés par les autres salariés.
Or, si cette considération est éventuellement susceptible de constituer un critère objectif de différence de traitement entre un inspecteur de recouvrement et un agent de direction, elle ne permet pas de justifier une différence de prise en charge des frais de repas des agents comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés par rapport aux cadres et agents d'exécution quand ils doivent effectuer des déplacements professionnels les obligeant à prendre un repas à l'extérieur, M. [E] faisant observer à juste titre que tous les salariés se trouvent dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puisqu'ils doivent tous se nourrir en cas de déplacement. Dès lors, M. [E] démontre que la différence de traitement n'est pas justifiée par des motifs professionnels.
Il convient d'infirmer le jugement et de condamner l'URSSAF à payer à M. [E] la somme de 2 403,64 euros à titre de rappel d'indemnité de repas correspondant à la différence entre l'indemnité de 23,23 euros qui lui a été versée compte tenu des déplacements qu'il a effectués pendant la période de 2009 à 2015 et celle de 26,47 euros »,

1) ALORS QUE les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en l'espèce, il ressort des constatations de la décision attaquée que les cadres et agents d'exécution des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements (incluant les inspecteurs du recouvrement) étaient soumis au protocole d'accord du 11 mars 1991 fixant l'indemnité de repas à la somme de 23,23 euros et que les personnels de direction, agents comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés des mêmes organismes étaient soumis au protocole d'accord du 26 juin 1990 fixant ladite indemnité à la somme de 26,47 euros ; qu'il appartenait donc au salarié de démontrer que cette différence était injustifiée, de sorte qu'en imposant pourtant à l'employeur d'apporter la justification de cette différence, la cour d'appel a violé le principe d'égalité de traitement et les protocoles d'accord susvisés.

2) ALORS QUE les différences de traitement entre catégories professionnelles ou entre des salariés exerçant, au sein d'une même catégorie professionnelle, des fonctions distinctes, opérées par voie de convention ou d'accord collectifs, négociés et signés par les organisations syndicales représentatives, investies de la défense des droits et intérêts des salariés et à l'habilitation desquelles ces derniers participent directement par leur vote, sont présumées justifiées de sorte qu'il appartient à celui qui les conteste de démontrer qu'elles sont étrangères à toute considération de nature professionnelle ; qu'en l'espèce, pour retenir une inégalité de traitement, la cour d'appel s'est fondée sur le fait que la différence de prise en charge des frais de repas des agents comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés par rapport aux cadres et agents d'exécution n'était pas justifiée par des motifs professionnels, tous les salariés se trouvant dans une situation identique au regard de l'avantage en cause puisqu'ils doivent tous se nourrir en cas de déplacement ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser que la différence de traitement litigieuse était étrangère à toute considération de nature professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du principe d'égalité de traitement et des protocoles d'accord des 11 mars 1991 concernant les frais de déplacement des cadres et agents d'exécution des organismes de sécurité sociale et de leurs établissements et 26 juin 1990 concernant les frais de déplacement des agents de direction, agents comptables, ingénieurs-conseils et médecins salariés des organismes de sécurité sociale.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-17183
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 27 mai 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-17183


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.17183
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