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09/02/2022 | FRANCE | N°20-15601

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 février 2022, 20-15601


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 110 F-D

Pourvoi n° W 20-15.601

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022

La

société Banque populaire Grand Ouest, société coopérative de banque populaire à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de l...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 110 F-D

Pourvoi n° W 20-15.601

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société Banque populaire Grand Ouest, société coopérative de banque populaire à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2], venant aux droits de la Banque populaire de l'Ouest, a formé le pourvoi n° W 20-15.601 contre l'arrêt rendu le 17 mars 2020 par la cour d'appel de Rennes (3e chambre commerciale), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société des 5 Soleils, société à responsabilité limitée,

2°/ à la société Soleil de Gâtine, société à responsabilité limitée,

ayant toutes deux leur siège [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de la société Banque populaire Grand Ouest, venant aux droits de la Banque populaire de l'Ouest, de la SCP Delamarre et Jehannin, avocat des sociétés des 5 Soleils et Soleil de Gâtine, après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 17 mars 2020), par actes authentiques des 17 octobre et 12 décembre 2011, la société Banque populaire de l'Ouest, aux droits de laquelle est venue la société Banque populaire Grand Ouest (la banque), a consenti aux sociétés des 5 Soleils et Soleil de Gâtine (les sociétés) quatre prêts destinés à financer des installations photovoltaïques.

2. Contestant la régularité des stipulations d'intérêt conventionnel mentionnées aux contrats, les sociétés ont assigné la banque aux fins d'annulation de ces stipulations et, après substitution par le taux d'intérêt légal, de condamnation de la banque à leur rembourser le trop-perçu.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La banque fait grief à l'arrêt de prononcer l'annulation des stipulations d'intérêts des actes notariés des 17 octobre et 12 décembre 2011, de substituer aux taux conventionnels le taux d'intérêt légal depuis l'origine des prêts, jusqu'à leur complet remboursement, de lui enjoindre de produire de nouveaux tableaux d'amortissement afférents aux quatre prêts litigieux et de dire qu'il appartiendrait aux sociétés de faire le calcul des intérêts trop versés par elles, alors « que l'inexactitude du taux effectif global au-delà de la première décimale est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts librement fixée par les juges du fond en fonction de la gravité du manquement du prêteur et du préjudice de l'emprunteur ; qu'au cas présent, après avoir constaté que les frais de la garantie Oséo n'avaient pas été inclus dans le calcul du taux effectif global de chacun des quatre prêts litigieux et relevé qu'il en était résulté une erreur au-delà de la première décimale, la cour d'appel a annulé les stipulations d'intérêts et substitué aux taux conventionnels le taux légal à compter de la conclusion des prêts jusqu'à leur complet remboursement ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, en leur rédaction applicable à la cause. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 313-4 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 :

4. En application de ce texte, le taux effectif global des intérêts assortissant un contrat de crédit, déterminé selon les modalités prévues par les dispositions du code de la consommation, doit être mentionné dans tout écrit constatant un tel contrat. En cas d'omission du taux effectif global dans l'écrit constatant un contrat de crédit, même conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 17 juillet 2019, comme en cas d'erreur affectant la mention de ce taux, le prêteur peut être déchu de son droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge, au regard notamment du préjudice subi par l'emprunteur.

5. Pour prononcer la nullité des stipulations d'intérêt conventionnel et leur substituer le taux d'intérêt légal depuis l'origine des prêts jusqu'à leur complet remboursement, l'arrêt, après avoir constaté que les frais de garantie Oséo n'avaient pas été inclus dans le calcul du taux effectif global de chacun des quatre prêts, relève que la différence entre le taux effectif global indiqué dans ces contrats et celui qui aurait dû l'être excède notablement la tolérance d'une décimale.

6. En statuant ainsi, alors qu'après avoir relevé cette inexactitude du taux effectif global mentionné dans les contrats de prêt, il lui appartenait, non pas d'annuler la stipulation de taux d'intérêt conventionnel et de substituer à celui-ci le taux d'intérêt légal mais seulement de prononcer la déchéance de la banque de son droit aux intérêts, dans une proportion à fixer au regard, notamment, du préjudice subi par les sociétés ayant contracté les crédits litigieux, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 17 mars 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne les sociétés des 5 Soleils et Soleil de Gâtine aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du neuf février deux mille vingt-deux, et signé par M. Ponsot, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat aux Conseils, pour la société Banque populaire Grand Ouest, venant aux droits de la Banque populaire de l'Ouest.

Il est fait grief à la décision attaquée d'avoir prononcé l'annulation des stipulations d'intérêts des actes notariés des 17 octobre et 12 décembre 2011, substitué aux taux conventionnels le taux d'intérêt légal depuis l'origine des prêts jusqu'à leur complet remboursement, enjoint à la banque de produire de nouveaux tableaux d'amortissement afférents aux quatre prêts litigieux et dit qu'il appartiendrait aux sociétés emprunteurs de faire le calcul des intérêts trop-versés par elles au jour où la cour serait amenée à statuer définitivement ;

aux motifs que « Pour solliciter l'annulation des stipulations d'intérêt insérées dans les quatre prêts litigieux, et par suite, pour réclamer leur remplacement par le taux d'intérêt légal et ce, depuis l'origine des contrats, les appelantes ne se réfèrent plus qu'à un seul moyen, celui tiré de l'absence de prise en compte, pour le calcul des TEG indiqués aux contrats, du coût de la garantie Oséo, les emprunteuses faisant en effet valoir : -que le coût de cette garantie était déterminable au moment de la conclusion des contrats ; -que dès lors, la banque aurait dû l'intégrer dans le calcul des TEG mentionnés aux contrats ; -qu'après intégration de ce coût, il en résulte une différence significative de taux, en tout cas excédant largement la tolérance d'une seule décimale telle que l'admet l'article R. 313-1 du code de la consommation dans sa rédaction applicable aux contrats litigieux. Pour s'y opposer, la BPGO fait valoir au contraire : -qu'elle ne pouvait pas intégrer le coût de la garantie Oséo dans les TEG dès lors qu'il n'était pas encore connu à cette époque, la garantie ayant en effet été souscrite par un acte sous seing privé postérieur à l'acte notarié ; -qu'en toute hypothèse, il en serait résulté une différence « infinitésimale » entre les TEG mentionnés aux actes de prêts et ceux prétendument réels intégrant le coût de la garantie, alors par ailleurs que cette différence de taux, telle qu'elle est alléguée par les appelantes, ne repose que sur une estimation non contradictoire et dépourvue de toute motivation issue de rapports d'analyse privée commandés par les SARL et qui, à eux seuls, ne sauraient justifier de l'erreur invoquée. La cour ne partage pas cette analyse, observant au contraire : -que chacun des quatre rapports d'analyse financière versés aux débats correspond à l'un des prêts litigieux (d'une part les prêts n° 07061973 et 07061974 consentis à la SARL des 5 Soleils, d'autre part les prêts n° 07063060 et 07063062 consentis à la SARL Soleil de Gâtine) ; -que ces rapports détaillent de manière intelligible et argumentée le mode de calcul des TEG selon qu'y est intégré ou non le coût de la garantie Oséo, l'analyste s'étant référé pour ce faire aux seules informations contractuelles contenues dans les actes notariés des 17 octobre et 12 décembre 2011 ainsi que dans les documents émanant de l'organisme Oséo lui-même ; -que la BPGO ne justifie pas en quoi ces taux recalculés par l'analyste seraient erronés, la banque ne proposant d'ailleurs pas d'autres modes de calcul que ceux retenus par l'analyste, lesquels ne sont au surplus que l'addition mathématique des taux mentionnés aux contrats et de ceux correspondant au coût de la garantie en cause. Par ailleurs et s'agissant de l'opportunité de prendre en compte le coût de cette garantie, il convient de se référer à l'article L. 313-1 du code de la consommation qui, dans sa rédaction applicable aux contrats litigieux, dispose que « pour la détermination du taux effectif global du prêt, comme pour celle du taux effectif pris comme référence, sont ajoutés aux intérêts les frais, commissions ou rémunérations de toute nature, directs ou indirects, y compris ceux qui sont payés ou dus à des intermédiaires intervenus de quelque manière que ce soit dans l'octroi du prêt, même si ces frais, commissions ou rémunérations correspondent à des débours réels », l'article précisant toutefois que « les charges liées aux garanties dont les crédits sont éventuellement assortis ainsi que les honoraires d'officiers ministériels ne sont pas compris dans le taux effectif global défini ci-dessus lorsque leur montant ne peut être indiqué avec précision antérieurement à la conclusion définitive du contrat ».
Il en résulte a contrario que le coût des garanties assortissant le prêt doit être intégré dans le calcul du TEG lorsqu'il est déterminable au jour de la conclusion du contrat. Or, il résulte des pièces du dossier que le coût de la garantie Oséo souscrite accessoirement aux prêts contractés par les deux SARL était aisément déterminable dès la conclusion des contrats, étant en effet observé que tous les paramètres nécessaires au calcul de ce coût sont indiqués dans les actes notariés eux-mêmes : « Garantie Oséo à hauteur de 40 % moyennant la perception d'une commission de 0,56 % l'an sur l'encours garanti ». Ainsi et s'agissant de prêts amortissables, il suffisait de se référer aux tableaux d'amortissement annexés aux contrats de prêt pour déterminer, pratiquement au centime près, quel serait le coût de cette garantie, ce que l'organisme Oséo a d'ailleurs fait peu de temps après lorsqu'il a notifié sa garantie aux emprunteuses. A cet égard, c'est vainement que la BPGO soutient que la garantie n'aurait été acquise qu'après la conclusion des actes notariés et ce, par un acte sous seing privé distinct et postérieur, alors en effet : - que si la garantie Oséo est toujours officialisée après la mise à disposition des fonds et ce, par un courrier de notification adressé à l'emprunteur quelques semaines plus tard, pour autant elle est nécessairement acquise dès la conclusion du prêt, puisqu'elle en conditionne l'octroi ; -que d'ailleurs, cette notification ne contient pas d'autres éléments d'information et paramètres de calcul qui n'aient été antérieurement connus du prêteur qui, en conséquence, ne peut pas se prévaloir du caractère non immédiatement déterminable du coût de la garantie. C'est donc en contradiction avec les dispositions de l'article L. 313-1 que la BPGO a omis d'intégrer ce coût dans le calcul des TEG qu'elle a mentionnés dans les quatre contrats litigieux. Pour autant, cette omission ne serait passible d'aucune sanction si l'erreur résultant de cette omission n'excédait pas une décimale, étant en effet rappelé que l'article R. 313-1 exige que le taux effectif global soit indiqué « avec une précision d'au moins une décimale ». Toutefois, cette précision n'a pas été respectée en l'espèce, étant en effet observé : -que le prêt n° 07061973 consenti le 17 octobre 2011 à la SARL des 5 Soleils a été stipulé au TEG de 4,017205 % alors que la prise en compte du coût de la garantie Oséo (+ 0,560398 %) aurait justifié l'indication d'un TEG de 4,577603 %, d'où une différence supérieure à une décimale ; - que le prêt n° 07061974 consenti le 17 octobre 2011 à la SARL des 5 Soleils a été stipulé au TEG de 3,774783 % alors que la prise en compte du coût de la garantie (+ 0,560574 %) aurait justifié l'indication d'un TEG de 4,335357 %, d'où une différence supérieure à une décimale ; -que le prêt n° 07063060 consenti le 12 décembre 2011 à la SARL Soleil de Gâtine a été stipulé au TEG de 4,021702 % alors que la prise en compte du coût de la garantie (+ 0,559456 %) aurait justifié l'indication d'un TEG de 4,581158 %, d'où une différence supérieure à une décimale ; -que le prêt n° 07063062 consenti le 12 décembre 2011 à la SARL Soleil de Gâtine a été stipulé au TEG de 3,774783 % alors que la prise en compte du coût de la garantie (+ 0,560574 %) aurait justifié l'indication d'un TEG de 4,335357 %, d'où une différence supérieure à une décimale. En conséquence et eu égard à l'importance de cette différence entre les TEG indiqués aux contrats et ceux qui auraient dû l'être, laquelle excède notablement la tolérance d'une décimale, les appelantes sont fondées à réclamer l'annulation des stipulations conventionnelles et leur remplacement par le taux d'intérêt légal jusqu'au terme des contrats » ;

alors que l'inexactitude du TEG au-delà de la première décimale est sanctionnée par la déchéance du droit aux intérêts librement fixée par les juges du fond en fonction de la gravité du manquement du prêteur et du préjudice de l'emprunteur ; qu'au cas présent, après avoir constaté que les frais de la garantie OSEO n'avaient pas été inclus dans le calcul du TEG de chacun des quatre prêts litigieux et relevé qu'il en était résulté une erreur au-delà de la première décimale, la cour d'appel a annulé les stipulations d'intérêts et substitué aux taux conventionnels le taux légal à compter de la conclusion des prêts jusqu'à leur complet remboursement ; qu'en statuant ainsi, elle a violé les articles L. 313-1 et L. 313-2 du code de la consommation, en leur rédaction applicable à la cause.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 20-15601
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 17 mars 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-15601


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Delamarre et Jehannin, SCP Thouin-Palat et Boucard

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15601
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