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09/02/2022 | FRANCE | N°20-10675

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 09 février 2022, 20-10675


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 191 F-D

Pourvoi n° S 20-10.675

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société Solutions product

ives, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 20-10.675 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2019 p...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

CDS

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Cassation partielle

M. SCHAMBER, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 191 F-D

Pourvoi n° S 20-10.675

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 FÉVRIER 2022

La société Solutions productives, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 20-10.675 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2019 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [O] [I], domiciliée [Adresse 2],

2°/ à Pôle emploi, dont le siège est [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rouchayrole, conseiller, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Solutions productives, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de Mme [I], après débats en l'audience publique du 15 décembre 2021 où étaient présents M. Schamber, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rouchayrole, conseiller rapporteur, Mme Lecaplain-Morel, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 11 décembre 2019), Mme [I] a été engagée à compter du 26 septembre 2011 par la société Solutions productives pour exercer les fonctions d'assistante-consultant, catégorie cadre.

2. La relation de travail était soumise à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987, dite Syntec, et à l'accord collectif de branche du 22 juin 1999 annexé.

3. La salariée a saisi la juridiction prud'homale le 22 septembre 2014 de demandes en résiliation judiciaire de son contrat de travail et en paiement de diverses sommes.

4. Par lettre du 4 octobre 2014, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail.

Examen des moyens

Sur les premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés

5. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le troisième moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. L'employeur fait grief à l'arrêt de le condamner au paiement de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs liés aux heures supplémentaires, alors « que l'article D. 3121-14-1 du code du travail issu du décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008 précise que le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 3121-11, à défaut d'accord collectif, est de 220 heures par salarié ; que si l'accord collectif de branche Syntec modifié du 22 juin 1999 ''Sur la durée du travail'', Annexe 7-1, chapitre 4 ''Heures supplémentaires'', fixe à son article 2 le contingent d'heures supplémentaires à 90 heures par an et par salarié, cette disposition s'applique sous réserve que leur durée du travail soit annualisée, puisque l'accord précise que ''dans le cas où l'entreprise ne choisirait pas l'annualisation et son volume annuel des 1610 heures, les parties signataires conviennent que le contingent prévu à l'article 33 de la convention collective devra être réajusté en fonction des nouvelles dispositions légales'' ; qu'en retenant que Mme [I] bénéficiait d'un contingent annuel conventionnel de 90 heures, cependant que son temps de travail n'étant pas annualisé, elle bénéficiait, en application de l'article 2 de l'accord du 22 juin 1999, d'un contingent d'heures supplémentaires de 220 heures par an conformément à l'article D. 3121-14-1 du code du travail, la cour d'appel a violé ensemble l'article D. 3121-14-1 du code du travail et l'article 2 du chapitre 4 de l'accord collectif de branche Syntec du 22 juin 1999. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 3121-11 et D. 3121-14-1 du code du travail, le premier dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 et le second dans celle issue du décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008, et l'article 2 du chapitre IV de l'accord du 22 juin 1999 relatif à la durée du travail attaché à la convention collective nationale des bureaux d'études techniques, des cabinets d'ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils du 15 décembre 1987 :

7. Selon le premier de ces textes, des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel défini par une convention ou un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. A défaut d'accord collectif, un décret détermine ce contingent annuel et les caractéristiques et les conditions de prise de la contrepartie obligatoire en repos pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent annuel.

8. Selon le deuxième, en l'absence d'accord collectif, le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 3121-11 est fixé à deux cent vingt heures par salarié.

9. Selon le troisième, lorsque les organisations du travail retenues dans les entreprises conduisent à organiser le temps de travail sur l'année, les parties signataires conviennent que le contingent d'heures supplémentaires est fixé à quatre-vingt-dix heures par an et par salarié.

10. Pour condamner l'employeur à verser à la salariée une indemnisation au titre des repos compensateurs liés aux heures supplémentaires, l'arrêt retient que c'est bien du fait de l'employeur que la salariée, qui justifie avoir accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel conventionnel applicable de quatre-vingt-dix heures, n'a pas été en mesure de formuler une demande de repos compensateur à ce titre.

11. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que le temps de travail de la salariée n'était pas annualisé, ce dont elle aurait du déduire qu'elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article 2 du chapitre IV de l'accord du 22 juin 1999, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le sixième moyen

Énoncé du moyen

12. L'employeur fait grief à l'arrêt de requalifier en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, de le condamner au paiement de diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, d'indemnité conventionnelle de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi que d'ordonner en tant que besoin le remboursement au pôle emploi des indemnités chômage payées à la salariée à hauteur de six mois, alors « qu'en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier, deuxième, troisième, quatrième ou cinquième moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif ayant requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, et condamné la société à régler à la salariée les sommes de 6 972,45 euros d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, 2 324,15 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, 18 592 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonné en tant que besoin le remboursement par la société au pôle emploi des indemnités chômage payées à la salariée à hauteur de six mois. »

Réponse de la cour

13. Le rejet des premier, deuxième, quatrième et cinquième moyens prive de portée le sixième moyen qui invoque une cassation par voie de conséquence de ces moyens.

14. La cassation prononcée sur le troisième moyen n'atteint pas, en revanche, les chefs de dispositif visés par le sixième moyen, sans lien de dépendance nécessaire avec elle.

Portée et conséquences de la cassation

15. La cassation prononcée n'emporte pas cassation des chefs de dispositif de l'arrêt condamnant l'employeur aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile, justifiées par d'autres condamnations prononcées à l'encontre de celui-ci et non remises en cause.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société Solutions productives à payer à Mme [I] la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs liés aux heures supplémentaires, l'arrêt rendu le 11 décembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Rennes autrement composée ;

Condamne Mme [I] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf février deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Solutions productives

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à payer à Mme [O] [I] la somme de 3 637,80 euros, les congés payés afférents, à titre de rappel de salaire, calculé sur la classification conventionnelle position 2 / 2.1-coefficient 115 hiérarchique 115, sur la période octobre 2013/octobre 2014, avec intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation ;

AUX MOTIFS QUE sur le rappel de salaires ensuite de la reconnaissance de la classification conventionnelle position 2 / 2.1- coefficient hiérarchique115 (octobre 2013/octobre 2014), au soutien de sa demande à ce titre, Mme [I], qui a intégré l'entreprise le 26 septembre 2011, précise qu'à compter du 26 septembre 2013, en application de l'Annexe 2 « Classification des Ingénieurs et Cadres » à la convention collective nationale précitée, son employeur devait la faire bénéficier de la position conventionnelle 2/2.1- coefficient hiérarchique 115 en tant que cadre « ayant au moins 2 ans de pratique de la profession et âgé de 26 ans au moins » avec cette précision qu'elle a obtenu un diplôme Master II en ergonomie courant octobre 2013, ce à quoi la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES répond pour l'essentiel qu'au vu du texte applicable les salariés ingénieurs ou cadres bénéficiant de deux ans de pratique de la profession ne doivent pas être placés de manière automatique - au sens d'un droit acquis - en position 2/2.1, mais peuvent seulement l'être s'ils justifient tout à la fois de deux ans de pratique de la profession et des qualités tant intellectuelles qu'humaines requises, sachant qu'en l'espèce Mme [I] n'a finalement obtenu son Master II - option ergonomie - qu'en octobre 2013, soit seulement un an avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail (« Elle n'a donc pu exercer pleinement la profession de consultante en ergonomie au sein de la société Solutions Productives spécialiste de l'ergonomie au travail qu'à partir d'octobre 2013 ; elle n'était donc absolument pas fondée à prendre acte de la rupture de son contrat de travail le 4 octobre 2014 puisqu'elle ne justifiait pas de deux années d'exercice de la profession d'ergonome, mais d'une seule», ses écritures d'appelante, pages 32/33) ;
L'Annexe 2 « Classification des Ingénieurs et Cadres » à la convention collective nationale SYNTEC définit la position 2/2.1 en ces termes : « Ingénieurs ou cadres ayant au moins deux ans de pratique de la profession, qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études. Coordonnent éventuellement les travaux de techniciens, agents de maîtrise, dessinateurs ou employés, travaillant aux mêmes tâches qu'eux dans les corps d'état étudiés par le bureau d'études. - âgés de moins de vingt-six ans Coefficient hiérarchique : 105 - âgés de vingt-six ans au moins Coefficient hiérarchique : 115 » ;
Mme [I] se réfère plus spécialement à un avis du 20 mars 2014 émis par la commission nationale d'interprétation énonçant qu' : « Au titre de notre convention collective nationale et de ses annexes, la position 2.1 justifie au moins deux ans de pratique de la profession, sans que cette condition soit cumulative avec le statut d'ingénieur ou de cadre depuis au moins deux ans » - sa pièce 14 -, cela pour en déduire, selon elle, que ce même positionnement « doit » lui être appliqué sans restriction puisqu' : « aucune autre condition n'est exigée par la commission » - ses écritures, page 10 ;
Si l'on s'en tient toutefois à une stricte interprétation de cet avis sans réelle portée normative, pour les salariés concernés, il faut comprendre que l'accès à la position conventionnelle 2 / 2.1 par la justification d'un minimum de deux années de pratique de la profession, et « sans que cette condition soit cumulative avec le statut d'ingénieur ou de cadre depuis au moins deux ans », ne fait pas pour autant disparaitre la condition plus générale quant à l'exigence des « qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études » ;
L'octroi de ce positionnement conventionnel 2 / 2.1-coefficient hiérarchique 115 n'est donc pas de droit pour les ingénieurs ou cadres âgés au minimum de 26 ans et ayant au moins deux ans de pratique de la profession, puisqu'ils doivent également justifier de « qualités intellectuelles et humaines leur permettant de se mettre rapidement au courant des travaux d'études », lesquelles dépendent pour partie du niveau de diplôme obtenu ;
Sur ce dernier point, l'obtention souhaitable d'un diplôme attestant par certains aspects des « qualités intellectuelles et humaines » conventionnellement requises n'est pas assortie de manière expresse d'une condition de délai dans l'octroi de ce même positionnement 2/2.1-coefficient hiérarchique 115, de sorte que contrairement à ce que prétend l'employeur il importe peu que Mme [O] [I] ait obtenu son Master II en octobre 2013, un an avant de prendre acte de la rupture de son contrat de travail courant octobre 2014 ;
C'est donc de manière infondée qu'il l'a maintenue jusqu'à la cessation de la relation contractuelle, comme précédemment relevé par la cour, sur un emploi de consultante-catégorie cadre (C)-position 1.2-coefficient hiérarchique 100 de la convention collective nationale précitée pour correspondre à la situation de « Débutants » - bulletins de paie de Mme [I]., pièces sous cotes 5 et 6 ;

ALORS QUE le positionnement conventionnel 2/2.1-coefficient hiérarchique 115 de la convention collective nationale des bureaux d'études techniques dite Syntec peut, selon l'Annexe 2 « Classification des Ingénieurs et Cadres » à la convention collective, être accordé aux ingénieurs ou cadres âgés au minimum de 26 ans « ayant au moins deux ans de pratique de la profession » ; que la pratique complète d'une profession implique la détention du diplôme correspondant ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses propres constatations, selon lesquelles Mme [I] n'avait obtenu son Master II d'ergonome qu'en octobre 2013, soit un an avant sa prise d'acte de la rupture de son contrat de travail en octobre 2014 (arrêt p. 5, 3ème §), ce dont il résultait que, comme l'avait soutenu l'employeur, « elle ne pouvait donc pas exercer pleinement la profession d'ergonome en entreprise » avant octobre 2013, ne justifiait donc pas de deux années de pratique de la profession d'ergonome en entreprise (conclusions p. 32), de sorte qu'elle ne pouvait revendiquer le positionnement conventionnel 2/2.1-coefficient hiérarchique 115, la cour d'appel a violé l'annexe II « classification des ingénieurs et cadres » du 15 décembre 1987 » à la convention collective Syntec.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à payer à Mme [O] [I] la somme de 12 420,94 euros à titre d'heures supplémentaires, les congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE si le contrat de travail stipule à son article 4 « DUREE DU TRAVAIL », en sa qualité de cadre autonome, Mme [O] B. « est engagée dans le cadre d'un travail à temps plein sur une base de 35h00 et travaillera sur la base de 218 jours par an », formulation quelque peu maladroite ; dans leurs derniers développements les parties s'accordent finalement sur le fait, désormais non spécialement objet de débat, que cette dernière était bien soumise à la durée légale du travail pour n'avoir jamais exercé son activité dans le cadre d'un forfait en jours sur l'année, ce que confirme ses bulletins de paie sur l'ensemble de la période travaillée ;
L'article L. 3171-4 du code du travail dispose qu'« En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles » ; en vertu de ce texte, la preuve des heures de travail effectuées n'incombe spécialement à aucune des parties, en ce qu'il appartient dans un premier temps au salarié, qui demande le paiement d'heures supplémentaires, de fournir préalablement au juge des éléments suffisamment précis de nature à étayer sa réclamation pour permettre dans un deuxième temps à l'employeur d'y répondre en fournissant lui-même ses propres éléments ;
Pour étayer sa demande de ce chef, Mme [I] produit aux débats : - ses agendas électroniques sur la période concernée et qui enregistrent précisément, mois par mois et pour chacune des semaines et des jours, ses temps de travail au sein de l'entreprise, ses temps de déplacements professionnels pour se rendre chez les clients ainsi que ses temps de visite auprès de ceux-ci, temps de pause déduits et certains temps de trajet exclus pour ne pas constituer juridiquement un temps de travail effectif (pièce 15) ; - un décompte récapitulatif détaillé (Année/Mois/Semaine) recensant le nombre de jours travaillés dans la semaine et le nombre d'heures effectuées (pièce 17) ; - ses courriers de relance des 4 juin et 29 août 2014 pour être payées des nombreuses heures hebdomadaires effectuées (pièces 8, 9) ; - un courrier en réponse de son employeur du 1er septembre 2014 ainsi libellé : « Aujourd'hui, et compte tenu de la situation, nous sommes prêts à examiner avec vous une solution amiable, tout en actant que cette solution ne pourrait venir en compensation d'un hypothétique non-respect des dispositions légales et réglementaires » (pièce 10) ;
En réponse, la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES se limite à considérer pour l'essentiel que le décompte de la salariée est « erroné » quant à la détermination exacte de son temps de travail effectif qu'elle confondrait avec l'amplitude de la journée de travail, et qu'elle a surévalué « les quelques heures supplémentaires - qui plus est intégralement récupérées et qui, de ce fait, ne sont plus à lui payer - qu'elle a accomplies durant l'exécution de son contrat de travail», et cela même sans soumettre à la cour d'éléments sur les heures de travail effectivement réalisées selon elle par Mme [I] ;
Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société appelante à régler à Mme [I] sur la période d'octobre 2011 à mars 2014 la somme de 12 400,94 euros à titre de rappel d'heures supplémentaires, et 1 242,09 euros de congés payés afférents, avec intérêts au taux légal partant de la date de réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE Mme [I] produit l'ensemble de ses agendas avec tous ses rendez-vous, remet pour la période d'octobre 2011 à mars 2014 un décompte hebdomadaire de son temps de travail, que la Sarl Solutions productives soustrait du décompte horaire le temps de trajet, que ce dernier doit être considéré comme du temps de travail effectif ; qu'en réintégrant le temps de trajet dans le temps de travail, les heures supplémentaires de Mme [I] sont avérées ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QU'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ; que lorsque l'employeur et le salarié se fondent sur les mêmes pièces en les interprétant différemment, le juge doit examiner ces deux interprétations opposées et se prononcer sur la portée de ces pièces ; qu'en l'espèce, la cour d'appel constate que, pour étayer sa demande, Mme [I] produit ses agendas électroniques, un décompte récapitulatif détaillé recensant le nombre de jours travaillés dans la semaine et le nombre d'heures effectuées, ses courriers de relance des 4 juin et 29 août 2014 pour être payées des heures effectuées, une réponse de son employeur du 1er septembre 2014 ; que la cour d'appel reproche ensuite à l'employeur de s'être limité à considérer pour l'essentiel que le décompte de la salariée est « erroné » quant à la détermination exacte de son temps de travail effectif, qu'elle confondrait avec l'amplitude de la journée de travail, qu'elle a surévalué « les quelques heures supplémentaires, qui plus est intégralement récupérées et qui, de ce fait, ne sont plus à lui payer, pour avoir été accomplies durant l'exécution de son contrat de travail », « sans soumettre à la cour d'éléments sur les heures de travail effectivement réalisées selon elle par Mme [I] » ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il lui appartenait de se prononcer sur la portée des pièces produites sur lesquelles s'appuyaient à la fois la salariée et l'employeur et de vérifier si comme le soutenait ce dernier, lesdites pièces ne confondaient pas temps et amplitude de travail et si elles mettaient en évidence l'existence d'heures supplémentaires non payées et non récupérées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3171-4 du code du travail ;

ALORS, DE SECONDE PART, QUE le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d'exécution du contrat de travail n'est pas du temps de travail effectif ; qu'en retenant qu'il convenait de réintégrer le temps de trajet dans le temps de travail pour retenir l'existence d'heures supplémentaires, la cour d'appel a violé les articles L. 3121-1, L. 3121-4 et L. 3171-4 du code du travail.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à payer à Mme [O] [I] la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts au titre des repos compensateurs liés aux heures supplémentaires ;

AUX MOTIFS QUE L'article L. 3121-11 du code du travail dans sa version alors applicable telle que résultant de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 rappelle le principe suivant lequel des heures supplémentaires peuvent être accomplies dans la limite d'un contingent annuel conventionnel, et qu'à défaut d'accord collectif, ce contingent annuel est fixé par décret ;
L'article D. 3121-14-1 du code du travail issu du décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008, précise que le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 3121-11 - à défaut d'accord collectif - est de 220 heures par salarié ;
L'article L. 3121-24 du code du travail alors en vigueur, dispose par ailleurs qu'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, un accord de branche, peut prévoir le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations légales prévues, par « un repos compensateur équivalent » ;
En vertu de ces textes, la règle générale est donc que les salariés qui accomplissent des heures supplémentaires au-delà d'un contingent annuel fixé conventionnellement ou, à défaut, par voie réglementaire, ont droit, en plus d'une rémunération à taux majoré, à « un repos compensateur de remplacement » ;
C'est ainsi qu'en l'espèce l'accord collectif de branche SYNTEC modifié du 22 juin 1999 « Sur la durée du travail » - Annexe 7-1, chapitre 4 « Heures supplémentaires » - fixe à son article 2 le contingent d'heures supplémentaires à 90 heures par an et par salarié, avec une possibilité de majoration de 40 heures « expressément subordonnée à un accord d'entreprise ou d'établissement ». ;
Mme [I], au vu de ses pièces produites susvisées, justifie avoir accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel conventionnel de 90 heures ;
Dans la mesure où c'est bien du fait de l'employeur que Mme [I] n'a pas été en mesure de formuler une demande de repos compensateurs au titre des heures supplémentaires effectuées au-delà du contingent conventionnel de 90 heures annuelles, elle est en droit de réclamer de ce chef une indemnisation en réparation de son préjudice, tel étant bien le cas en l'espèce pour ne pas avoir été remplie de ses droits en matière d'heures supplémentaires, de sorte qu'après infirmation de la décision critiquée la cour condamnera la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à lui payer à titre de dommages-intérêts la somme afférente de 5 000 euros ;

ALORS, DE PREMIERE PART, QUE l'article D. 3121-14-1 du code du travail issu du décret n° 2008-1132 du 4 novembre 2008 précise que le contingent annuel d'heures supplémentaires prévu à l'article L. 3121-11, à défaut d'accord collectif, est de heures par salarié ; que si l'accord collectif de branche Syntec modifié du 22 juin 1999 « Sur la durée du travail », Annexe 7-1, chapitre 4 « Heures supplémentaires », fixe à son article 2 le contingent d'heures supplémentaires à 90 heures par an et par salarié, cette disposition s'applique sous réserve que leur durée du travail soit annualisée, puisque l'accord précise que « dans le cas où l'entreprise ne choisirait pas l'annualisation et son volume annuel des 1610 heures, les parties signataires conviennent que le contingent prévu à l'article 33 de la convention collective devra être réajusté en fonction des nouvelles dispositions légales » ; qu'en retenant que Mme [I] bénéficiait d'un contingent annuel conventionnel de 90 heures, cependant que son temps de travail n'étant pas annualisé, elle bénéficiait, en application de l'article 2 de l'accord du 22 juin 1999, d'un contingent d'heures supplémentaires de 220 heures par an conformément à l'article D. 3121-14-1 du code du travail, la cour d'appel a violé ensemble l'article D. 3121-14-1 du code du travail et l'article 2 du chapitre 4 de l'accord collectif de branche Syntec du 22 juin 1999 ;

ALORS, DE SECONDE PART, QUE le juge ne peut statuer par voie d'affirmation ; qu'en retenant que Mme [I] justifiait avoir accompli des heures supplémentaires au-delà du contingent annuel conventionnel de 90 heures, ce qui estt faux et ne ressortait d'aucun élément de preuve analysé dans l'arrêt, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à payer à Mme [O] [I] la somme de 13 944,90 euros à titre d'indemnité forfaitaire légale pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié ;

AUX MOTIFS QUE dès lors que l'employeur n'a jamais de fait considéré que l'intimée était sous le régime d'une convention individuelle de forfait annuel en jours puisque relevant bien des seules dispositions légales générales en matière de durée du travail, qu'il n'a pas favorablement répondu aux relances écrites courant 2014 de la salariée cherchant à être enfin payée à due concurrence des heures supplémentaires ainsi effectuées, ce qu'il ne contestait véritablement pas dans son courrier en réponse du 1er septembre 2014 évoquant « une solution amiable » qui n'est jamais advenue, il convient de dire caractérisée à son encontre une réelle intention coupable et, par voie de conséquence, en application des articles L. 8221-5 et L. 8223-1 du code du travail, après infirmation de la décision entreprise, de le condamner à payer à Mme [I] la somme de 13 944,90 euros (2 324,15 euros x 6 mois) à titre d'indemnité légale forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

ALORS QUE le délit de travail dissimulé n'est caractérisé que lorsque l'employeur a sciemment omis de rémunérer les heures de travail accomplies par le salarié ; qu'en relevant seulement à l'encontre de l'employeur « une réelle intention coupable », sans caractériser l'élément intentionnel du travail dissimulé, la cour d'appel a violé l'article L. 8221-5 du code du travail.

CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à payer à Mme [O] [I] la somme de 5 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos quotidien, des durées maximales tant journalière qu'hebdomadaire de travail ;

AUX MOTIFS QUE Mme [I], au vu de la même pièce précitée n° 15 enregistrant intégralement ses temps d'activité professionnelle au service de la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES, justifie des manquements répétés de celle-ci aux dispositions légales alors applicables sur le temps de repos quotidien (article L. 3131-1 du code du travail), ainsi qu'en matière de durées maximales de travail en journée (articles L. 3121-34, D. 3121-15 et suivants) et sur la semaine (article L. 3121-35 et suivants, R. 3121-20 et suivants), et force est de constater que la société appelante, sans à aucun moment soumettre à la cour ses propres éléments sur l'activité de la salariée, affirme que cette dernière confondrait « sciemment et pour les besoins de sa cause temps de travail effectif, temps de repos et temps de trajet pour se rendre sur ou quitter son lieu de travail » - ses conclusions, page 28 ; que cette situation caractéristique d'une dégradation sensible de ses conditions de travail a conduit Mme [I] à se mettre en arrêts de maladie sur la période du 20 novembre 2013 au 15 octobre 2014 inclus - sa pièce 23 ; la société sera en conséquence condamnée de ces chefs à payer à Mme [O] [I] en réparation de son préjudice la somme globale de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts ;

ALORS QU'en retenant, à l'encontre de la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES, des manquements répétés aux dispositions légales sur le temps de repos quotidien, les durées maximales de travail en journée et sur la semaine, sans avoir recherché, ainsi qu'elle y était invitée, si la salariée n'avait pas confondu sciemment et pour les besoins de sa cause temps de travail effectif, temps de repos et temps de trajet pour se rendre sur ou quitter son lieu de travail, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 3131-1, L. 3121-34, D. 3121-15 et suivants, R. 3121-20 et suivants du code du travail.

SIXIEME MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à régler à Mme [O] [I] les sommes de 6 972,45 euros d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, 2 324,15 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, 18 592 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d'avoir ordonné en tant que besoin le remboursement par la SARL SOLUTIONS PRODUCTIVES au pôle emploi des indemnités chômage payées à Mme [I] à hauteur de six mois ;

AUX MOTIFS QUE la prise d'acte le 4 octobre 2014 de la rupture de son contrat de travail, dans les circonstances ainsi rappelées, repose sur des griefs d'une gravité suffisante imputables à la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES, ayant rendu impossible la poursuite entre les parties de l'exécution du contrat de travail ;
Le jugement querellé sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit justifiée cette prise d'acte, produisant les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à lui régler au titre des indemnités de rupture les sommes de : - 6 972,45 euros d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis représentant 3 mois de salaires (article 15 de la convention collective nationale SYNTEC), et 697,24 euros d'incidence congés payés ; - 2 324,15 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement (articles 18 et 19), avec intérêts au taux légal partant de la réception par l'employeur de sa convocation en bureau de conciliation ; l'infirmant sur le quantum des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la société sera condamnée à payer à 18 592 euros représentant l'équivalent de 8 mois de salaires compte tenu de son âge (30 ans) et de son ancienneté dans l'entreprise ;

ALORS QU' en application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier, deuxième, troisième, quatrième ou cinquième moyen entraînera, par voie de conséquence, la cassation du chef du dispositif ayant requalifié en licenciement sans cause réelle et sérieuse la prise d'acte de la rupture du contrat de travail, et condamné la Sarl SOLUTIONS PRODUCTIVES à régler à Mme [O] [I] les sommes de 6 972,45 euros d'indemnité compensatrice conventionnelle de préavis, 2 324,15 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement, 18 592 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et ordonné en tant que besoin le remboursement par la SARL SOLUTIONS PRODUCTIVES au pôle emploi des indemnités chômage payées à Mme [I] à hauteur de six mois.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-10675
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Rennes, 11 décembre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 09 fév. 2022, pourvoi n°20-10675


Composition du Tribunal
Président : M. Schamber (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Boutet et Hourdeaux, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.10675
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