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09/02/2022 | FRANCE | N°19-26339;20-11137

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 09 février 2022, 19-26339 et suivant


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Rejet et Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 98 F-D

Pourvois n°
X 19-26.339
U 20-11.137 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈR

E ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022

I - La société PG Finances et participations (PGFP), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adre...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 9 février 2022

Rejet et Cassation partielle

M. GUÉRIN, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 98 F-D

Pourvois n°
X 19-26.339
U 20-11.137 JONCTION

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 FÉVRIER 2022

I - La société PG Finances et participations (PGFP), société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 7], venant aux droits de la société Solutions financières pour les entreprises (SOFIPE), venant aux droits de la société Artimon, elle-même aux droits de la société [N], a formé le pourvoi n° X 19-26.339 contre un arrêt n° RG 15/04729 rendu le 17 octobre 2019 par la cour d'appel de Lyon (1re chambre civile A), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [N], domicilié [Adresse 3],

2°/ à Mme [K] [N], épouse [L], domiciliée [Adresse 1], en qualité d'héritière de [V] [N], décédé,

3°/ à M. [B] [N], domicilié [Adresse 4], en qualité en qualité d'héritier de [V] [N], décédé,

4°/ à Mme [O] [Z], domiciliée [Adresse 2], en qualité d'héritière de [D] [N], décédé,

5°/ à Mme [T] [N], domiciliée [Adresse 6], en qualité d'héritière de [D] [N], décédé,

6°/ à Mme [J] [N], domiciliée [Adresse 5], en qualité d'héritière de [D] [N], décédé,

défendeurs à la cassation.

II - La société PG Finances et participations (PGFP), venant aux droits de la société Solutions financières pour les entreprises (SOFIPE), venant aux droits de la société Artimon, elle-même aux droits de la société [N],

a formé le pourvoi n° U 20-11.137 contre le même arrêt n° RG 15/04729 rendu, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [N],

2°/ à Mme [K] [N], épouse [L], en qualité d'héritière de [V] [N], décédé,

3°/ à M. [B] [N], en qualité d'héritier de [V] [N], décédé,

4°/ à Mme [O] [Z], en qualité d'héritière de [D] [N], décédé,

5°/ à Mme [T] [N], en qualité d'héritière de [D] [N], décédé,

6°/ à Mme [J] [N], en qualité d'héritière de [D] [N], décédé,

défendeurs à la cassation.

M. [B] [N] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N] ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse aux pourvois principaux n° X 19-26.339 et U 20-11.137
invoque, à l'appui de chacun de ses recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

M. [B] [N], demandeur aux pourvois incidents n° X 19-26.339 et U 20-11.137 invoque à l'appui de chacun de ses recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], demandeurs aux pourvois n° X 19-26.339 et U 20-11.137 invoquent à l'appui de chacun de leurs recours, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de M. Ponsot, conseiller, les observations de la SARL Ortscheidt, avocat de la société PG Finances et participations (PGFP) venant aux droits de la société Solutions financières pour les entreprises (SOFIPE), venant aux droits de la société Artimon, elle-même aux droits de la société [N], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. [B] [N], de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [S] [N], de Mme [O] [Z], de Mme [T] [N] et de Mme [J] [N], après débats en l'audience publique du 14 décembre 2021 où étaient présents M. Guérin, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Ponsot, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° X 19-26.339 et U 20-11.137 sont joints.

Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 17 octobre 2019), rendu sur renvoi après cassation (chambre commerciale, financière et économique, 12 mai 2015, pourvoi n° 13-28.059), la société anonyme [N] SA, ayant pour administrateurs MM. [V], [D] et [S] [N], ce dernier étant en outre président de la société (les consorts [N]), était une société holding qui détenait la quasi-totalité des titres représentant le capital de la société [N] frères, ayant une activité industrielle dans le secteur du textile. Le 14 avril 1999, la société [N] SA a cédé à la société Rocade, détenue majoritairement par les consorts [N], la totalité des titres de la société [N] frères. Le 5 juillet 1999, la société Artimon a acquis l'intégralité des actions représentant le capital de la société [N] SA, qu'elle a ensuite absorbée.

3. Le 12 octobre 2001, l'administration fiscale a notifié à la société Artimon un redressement au titre de l'impôt sur les sociétés, motivé par l'insuffisance, par rapport à leur valeur vénale, du prix des actions de la société [N] frères retenu par les parties à l'acte du 14 avril 1999.

4. Le 12 avril 2002, la société Artimon, aux droits de laquelle sont venues, successivement, les sociétés SOFIPE et PGFP, faisant valoir que les consorts [N] avaient, notamment en cédant à la société Rocade à un prix anormalement bas les actions de la société [N] frères, commis des fautes de gestion préjudiciables à la société [N] SA, les a assignés en paiement de dommages-intérêts. [V] puis [D] [N] étant décédés en cours d'instance, leurs héritiers respectifs, Mme [K] [N] et M. [B] [N], d'une part, Mmes [T] et [J] [N] et [O] [Z], d'autre part, ont été appelés ou sont intervenus volontairement à l'instance.

5. Celle-ci a été suspendue dans l'attente de l'issue du contentieux opposant l'administration fiscale à la société Artimon, qui avait contesté le redressement. Ce contentieux a pris fin le 16 mars 2010 par la décision du Conseil d'Etat de ne pas admettre le pourvoi formé contre l'arrêt de la cour administrative d'appel ayant confirmé le jugement du tribunal administratif qui avait rejeté le recours de la société Artimon.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi principal, pris en ses première, deuxième et troisième branches, sur le premier moyen du pourvoi incident de M. [S] [N], Mme [O] [Z] et Mmes [T] et [J] [N], et sur le moyen du pourvoi incident de M. [B] [N], pris en ses première et sixième branches, ci-après annexés

6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Mais sur le second moyen du pourvoi incident de M. [S] [N], Mme [O] [Z] et Mmes [T] et [J] [N], pris en sa deuxième branche, et sur le moyen du pourvoi incident de M. [B] [N], pris en sa quatrième branche, en ce qu'il fait grief à l'arrêt de le condamner in solidum avec les consorts [N] à payer à la société SOFIPE la somme de 204 884,84 euros, réunis

Enoncé des moyens

7. M. [S] [N], Mme [O] [Z] et Mmes [T] et [J] [N] font grief à l'arrêt de les déclarer responsables des préjudices subis par la société SOFIPE à raison des fautes de gestion commises par MM. [V], [S] et [D] [N] et de les condamner in solidum à payer à celle-ci la somme de 204 884,84 euros en réparation du préjudice subi au titre du redressement fiscal, alors « que le préjudice indemnisé doit être en relation de causalité directe avec la faute reprochée ; qu'en l'espèce, les consorts [N] faisaient valoir qu'en renonçant au bénéfice d'une garantie de passif, à l'effet de payer un prix de cession ne représentant qu'une fraction de la valeur des capitaux propres de la société [N] SA, la société Artimon, dans les droits de laquelle se trouve la société SOFIPE, avait accepté de courir le risque d'avoir à supporter les conséquences d'un éventuel redressement fiscal de la société cédée ; qu'en se bornant à observer que le choix de la société cessionnaire de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif n'était pas fautif, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'économie ainsi réalisée sur le prix de cession n'impliquait pas de la part de la société Artimon que celle-ci prenne en charge le risque du redressement fiscal que pourrait avoir à supporter la société cédée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce. »

8. M. [B] [N] fait, notamment, grief à l'arrêt de le condamner in solidum avec les consorts [N] à payer à la société SOFIPE la somme de 204 884,84 euros, alors « que le cessionnaire qui a renoncé volontairement à solliciter une garantie de passif afin de réaliser une plus-value immédiate constituée par une réduction du prix et choisi ainsi de supporter un risque fiscal éventuel, ne peut solliciter la condamnation du cédant aux causes d'un redressement fiscal ultérieur, en l'absence de lien de causalité entre ledit redressement et une faute du cédant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Artimon avait accepté d'assumer les risques de la cession risque en ne concluant pas de garantie de passif, en contrepartie notamment d'une réduction du prix de 4 %, soit une économie de 805 483,48 francs (122 795,16 euros) ; qu'en se bornant à déduire des causes du redressement fiscal la somme de 122 795,16 euros, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée si, en raison de cette acceptation du risque de redressement fiscal, le cessionnaire n'était pas définitivement privé du droit de solliciter la condamnation du cédant aux causes du redressement fiscal, en l'absence de tout lien de causalité entre ledit redressement et une faute du cédant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1er, du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :

9. Selon ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et doivent être exécutées de bonne foi.

10. Pour condamner in solidum MM. [S] et [B] [N], Mme [O] [Z] et Mmes [T] et [J] [N] à payer à la société SOFIPE la somme de 204 884,84 euros en réparation du préjudice né de l'obligation de régler les causes du redressement fiscal, l'arrêt retient que la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres de la société [N] frères à un prix minoré est en lien causal avec ce préjudice. Ayant constaté que la société Artimon, cessionnaire des titres de la société [N] SA, avait accepté de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif moyennant une réduction du prix de 4 %, l'arrêt retient toutefois que ce choix ne saurait être qualifié de fautif, dès lors que la société Artimon n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] frères et des conséquences qui pouvaient en découler.

11. En se déterminant par de tels motifs, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'économie ainsi réalisée sur le prix de cession n'impliquait pas de la part de la société Artimon que celle-ci prenne en charge le risque du redressement fiscal que pourrait avoir à supporter la société cédée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.

Sur le pourvoi principal, pris en ses quatrième, cinquième, sixième et septième branches

Enoncé du moyen

12. La société PGFP, venant aux droits de la société SOFIPE, fait grief à l'arrêt de n'avoir condamné in solidum MM. [S] et [B] [N], ainsi que Mmes [K], [T] et [J] [N] et [O] [Z] à lui payer que les sommes de 49 867,30 euros au titre du prix de cession anormalement bas et 204 884,84 euros en réparation du préjudice subi au titre du redressement fiscal, alors :

4°/ que M. [B] [N], Mme [K] [N], épouse [L], et M. [S] [N] et Mmes [O] [Z], [T] et [J] [N], avaient dans leurs conclusions respectives, invoqué la circonstance selon laquelle la cession des parts de la société [N] SA à la société Artimon n'avait pas été assortie d'une garantie de passif pour solliciter le rejet de la demande de la société Artimon tendant à l'indemnisation de son préjudice résultant du redressement fiscal ; qu'ils avaient fait valoir que le choix délibéré de la société Artimon de ne pas demander de garantie de passif, ce qui lui avait permis de bénéficier d'un prix de cession minoré, excluait toute indemnisation à ce titre, M. [B] [N] qualifiant en outre ce choix de fautif ; qu'aucun des intimés n'avait fait valoir, à titre subsidiaire, qu'il y avait lieu de tenir compte, pour l'évaluation du préjudice, d'un avantage dont la société Artimon aurait bénéficié, et qu'il y avait ainsi lieu de déduire du montant du redressement fiscal le montant de la réduction de prix obtenue par la société Artimon en faisant le choix de ne pas solliciter de garantie ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°/ qu'après avoir retenu que "la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice" résultant du redressement fiscal subi par la société Artimon, et que "ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable", la cour d'appel a jugé que "le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation au titre du redressement fiscal subi par la société Artimon doit prendre en compte les éventuels avantages dont a elle bénéficié" ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que "la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque d'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 %", réalisant une économie de 122 795,16 euros ; que la cour d'appel a estimé qu'il y avait lieu, pour évaluer le préjudice, de déduire du montant du redressement la somme de 122 795,17 euros correspondant à l'économie qu'elle avait réalisée en optant pour une cession des titres sans garantie de passif, tout en relevant que ce choix de la société Artimon "ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] frères et des conséquences qui pouvaient en découler" ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que l'économie réalisée résultait, non de la minoration fautive des capitaux propres de la SA [N], mais du choix non fautif de la société Artimon de ne pas solliciter la stipulation d'une garantie de passif dans l'acte de cession, de sorte que cette économie réalisée sur le prix de cession ne constituait pas un avantage résultant de la situation dommageable dont la cour d'appel pouvait tenir compte pour minorer le préjudice, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 225-251 du code de commerce ;

6°/ qu'en toute hypothèse, en jugeant qu'il y avait lieu, pour évaluer le préjudice résultant du redressement fiscal subi par la société Artimon, de déduire du montant de ce redressement la somme de 122 795,17 euros correspondant à l'économie qu'elle avait réalisée en optant pour une cession des titres sans garantie de passif, sans caractériser que cette économie résultait de la minoration fautive des capitaux propres de la SA [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce ;

7°/ que la cour d'appel a constaté que le protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait, en son article 2, que "la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 %" et que la société Artimon avait payé une somme de 17 619 053 F ; qu'elle a par ailleurs constaté qu'à l'occasion des négociations de la cession des actions de la société [N] SA à la société Artimon "deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif", et que "les parties se sont accordées sur la seconde solution" ; qu'il résulte de ces constatations que la valeur des capitaux propres retenue dans l'acte de cession était de 19 468 566,85 francs (la somme de 17 619 053 francs correspondant à 90,5 % de la somme de 19 468 566,85 francs) et que, si la garantie de passif avait été prévue, la société Artimon aurait payé la somme de 18 397 795,67 francs, correspondant à 94,5 % de ce montant ; que, pour limiter à la somme de 204 884,84 euros le préjudice résultant pour la société Artimon du redressement fiscal d'un montant de 327 680 euros, la cour d'appel a considéré qu'il y avait lieu déduire de ce montant la somme de 805 483,48 francs, soit 122 795,16 euros, correspondant à la somme économisée par la société Artimon, qui avait payé une somme de 17 619 053 francs au lieu de 18 424 536 francs ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que la société Artimon aurait dû payer, si une garantie de passif avait été prévue, une somme de 18 397 795,67 francs, et qu'ainsi l'économie réalisée s'élevait à la somme de 778 762,67 francs, soit 118 718,39 euros, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 225-251 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

13. La cassation de l'arrêt sur les pourvois incidents rend sans objet l'examen de ces griefs.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

REJETTE le pourvoi principal ;

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne in solidum MM. [S] et [B] [N], Mmes [K], [T] et [J] [N] et Mme [O] [Z] à payer à la société PGFP, venant aux droits de la société SOFIPE, la somme de 204 884,84 euros outre intérêts au taux légal et capitalisation dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil en réparation du préjudice subi au titre du redressement fiscal, et en ce qu'il les condamne à payer à la société SOFIPE la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, l'arrêt rendu le 17 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Grenoble ;

Condamne la société PGFP, venant aux droits de la société SOFIPE, aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes formées par la société PGFP, venant aux droits de la société SOFIPE, et la condamne à payer à M. [S] [N], Mmes [T] et [J] [N] et Mme [O] [Z] la somme globale de 3 000 euros et à M. [B] [N] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, prononcé en l'audience publique du neuf février deux mille vingt-deux, et signé par Mme Graff-Daudret, conseiller qui en a délibéré, en remplacement de M. Guérin, empêché.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL n° X 19-26.339 par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société PG Finances et participations (PGFP), venant aux droits de la société Solutions financières pour les entreprises (SOFIPE), venant aux droits de la société Artimon, elle-même venant aux droits de la société [N].

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum M. [S] [N], M. [B] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], à ne payer à la société SOFIPE que les seules sommes de 49.867,30 € au titre du prix de cession anormalement bas et 204.884,84 € en réparation du préjudice subi au titre du redressement fiscal ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'insuffisance du prix de cession, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], le préjudice allégué est en lien de causalité directe avec les fautes retenues à l'encontre des administrateurs, dès lors qu'il est établi que les titres de la société [N] Frères ont été cédés à un prix anormalement bas ; que la société SOFIPE soutient que les titres de la société [N] SA, valorisés à 24.500.000 F n'ayant été cédés que pour la somme de 14.999.000 F, cette dernière, aux droits de laquelle elle se trouve, a subi une sous-évaluation de 9.501.000 F, soit 1.448.418 €, ce qui constitue son préjudice ; qu'elle précise qu'elle réclame l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA et non l'indemnisation de son propre préjudice en qualité d'acquéreur et que s'il n'y avait pas eu de fusion-absorption entre la société Artimon et la société [N] SA, cette dernière aurait pu directement réclamer la condamnation de ses anciens dirigeants à lui verser cette différence de prix ; qu'à titre liminaire, l'on observera avec les intimés que l'administration fiscale a retenu en définitive une valeur vénale des titres de la société [N] Frères de 20.163.863 F (3.073.961,10 €), soit une sous-évaluation de 5.164.863 F (787.378,29 €) ; qu'en l'état des négociations ayant existé, il n'est pas certain que la société JBH aurait, en définitive, acquis les titres de la société [N] Frères pour la somme de 24.500.000 F, il convient en conséquence de retenir que les titres de la société [N] Frères avaient une valeur de 20.163.863 F (3.073.961,10 €) ; que les intimés concluent à juste titre que la cession des titres à ce prix aurait donné lieu à un supplément d'impôt sur les sociétés, ce dont il se déduit que, compte tenu d'un taux d'imposition de 33,33 %, les capitaux propres de la société [N] SA auraient été en réalité augmenté de 3.443.242 F (soit 524.918,86 €, somme que M. [B] [N] arrondit à 524.920 €) et non de 9.501.000 F comme l'affirme la société SOFIPE ; que par ailleurs, comme le font encore valoir les intimés, la fusion-absorption de la société [N] SA par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société SOFIPE, n'est pas sans incidence sur son préjudice, dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus ; qu'il s'en déduit que la perte subie par la société [N] SA doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'il sera relevé qu'après la cession des titres de la société [N] Frères, le seul actif de la société [N] SA était sa trésorerie ; que le protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait en son article 2 que "la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » ; qu'ainsi, l'augmentation des capitaux propres de la société [N] SA à hauteur de 524.918,86 € aurait entraîné une augmentation du prix de 470.051,57 €, après l'abattement de 9,5 % ; que la société Artimon a en conséquence subi une perte de 49.867,30 € ; que contrairement à ce qu'affirment M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], ce préjudice est certain dès lors qu'il représente la perte subie par la société [N] SA, du fait de la minoration fautive de ses capitaux propres, après déduction du supplément du prix qu'aurait dû payer la société Artimon et qu'il tient compte de la confusion des patrimoines de ces deux sociétés à la suite de la fusion-absorption de 2000 ; que le fait que la société Artimon ait, le cas échéant, enregistré des profits après l'acquisition de la société [N] SA est sans influence sur l'existence du préjudice subi et qu'il en est de même des buts poursuivis lors du rachat ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les intimés au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; que, sur le redressement fiscal, la société SOFIPE fait valoir que la société [N] SA a été dans l'obligation de régler, au titre du redressement fiscal, la somme principale de 288.705€ de rappel d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle, ainsi que celle de 38.975 € de pénalités de retard, et que ce préjudice a été causé par les fautes des administrateurs de la société [N] SA ; que M. [B] [N] fait valoir que le fait que la société Artimon ait eu à payer un supplément d'impôt ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'il est exact que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue au juste prix, tel que retenu par l'administration fiscale, la société [N] SA aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspond à ce supplément d'impôt ; que cependant, la société Artimon, aux droits de la société [N] SA, a dû s'acquitter de cet impôt sans avoir perçu la partie du prix de vente sur laquelle il a été calculé ; qu'il s'en déduit, d'une part, que la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice, d'autre part, que ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable ; qu'il ne peut être retenu l'analyse de M. [B] [N] selon laquelle l'intervention de l'administration fiscale aurait rompu le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises par les administrateurs de la société [N] SA ; que le contrôle a été opéré par l'administration fiscale dans le cadre de ses prérogatives et le redressement fiscal qui s'en est suivi a été uniquement causé par la faute commise par les administrateurs, qui ont vendu les titres de la société [N] Frères à bas prix ; que le préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance d'échapper à un contrôle fiscal, comme le soutient M. [B] [N], mais en l'obligation d'assurer le paiement d'un impôt sur une somme qui n'est pas entrée dans l'actif de la société [N] SA ; que la société SOFIPE conteste l'argumentation des intimes, qui soutiennent qu'il convient de prendre en considération l'absence de garantie de passif au profit de la société Artimon ; qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, du fait de la fusion-absorption intervenue en 2000, les patrimoines des sociétés Artimon et [N] SA sont confondus, de sorte que le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation doit prendre en compte les éventuels avantages dont a bénéficié la société Artimon ; que cette dernière ne conteste pas qu'à l'occasion des négociations entre les parties, deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif ; que les parties se sont accordées sur la seconde solution, ce dont il se déduit que la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque d'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % ; qu'elle a ainsi payé 17.619.053 F, au lieu de 18.424.536 F, soit une économie de 805.483,48 F (122.795,16 €) ; que ce choix de la société Artimon ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] Frères et des conséquences qui pouvaient en découler, que toutefois, il convient de tenir compte de l'économie réalisée de 122.795,17 € dans l'évaluation du préjudice et de fixer celui-ci, au titre du redressement fiscal, à la somme de 204.884,84 € ; que le jugement sera infirmé et les intimés seront condamnés in solidum à payer cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts prévues par années entières conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

1°) ALORS QU' en se bornant à affirmer que « la fusion-absorption de la société [N] Sa par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société Sofipe, n'est pas sans incidence sur son préjudice dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus » et qu'il « s'en déduit que la perte subie par la société [N] Sa doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur » (arrêt attaqué, p. 14), sans vérifier concrètement, comme elle y était tenue et invitée, si la faute de gestion ayant constitué à céder un prix anormalement bas les titres de la société [N] Frères avait influé sur l'étendue du préjudice résultant de cette faute à raison de ce que les patrimoines des sociétés [N] Sa et Artimon ont été confondus par la fusion intervenue après l'acquisition des titres de la première par la seconde, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour la victime ; que dans les circonstances de l'espèce, la répercussion de l'insuffisance du prix de cession des titres de la société [N] Frères sur le montant du prix payé par la société Artimon pour acquérir les titres de la société [N] SA n'a eu aucune influence sur le préjudice subi par la seconde, né de cette insuffisance de prix antérieurement à cette acquisition, malgré l'unicité de patrimoine résultant de la fusion postérieure des sociétés [N] SA et Artimon ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L. 225-251 du code de commerce ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE pour évaluer à la somme de 49.867,30 € le préjudice résultant pour la société SOFIPE, aux droits de la société Artimon, de l'insuffisance du prix de cession, la cour d'appel a affirmé que ce préjudice correspondait à la différence entre la perte subie par la société [N] SA en raison de la minoration fautive de ses capitaux propres et le supplément de prix qu'aurait dû payer la société Artimon si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p. 41- 42), si dès lors que les consorts [N] ne détenaient que 12,12 % du capital de la société [N] SA et non 100 %, l'avantage qui aurait été retiré par la société Artimon du fait des conséquences des fautes des consorts [N] sur la valeur des titres de la société [N] SA n'était pas dépourvu de toute incidence sur le préjudice de celle-ci résultant desdites fautes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE M. [B] [N], Mme [K] [N] épouse [L], et M. [S] [N] et Mmes [O] [Z], [T] et [J] [N], avaient dans leurs conclusions respectives, invoqué la circonstance selon laquelle la cession des parts de la société [N] SA à la société Artimon n'avait pas été assortie d'une garantie de passif pour solliciter le rejet de la demande de la société Artimon tendant à l'indemnisation de son préjudice résultant du redressement fiscal ; qu'ils avaient fait valoir que le choix délibéré de la société Artimon de ne pas demander de garantie de passif, ce qui lui avait permis de bénéficier d'un prix de cession minoré, excluait toute indemnisation à ce titre, M. [B] [N] qualifiant en outre ce choix de fautif ; qu'aucun des intimés n'avait fait valoir, à titre subsidiaire, qu'il y avait lieu de tenir compte, pour l'évaluation du préjudice, d'un avantage dont la société Artimon aurait bénéficié, et qu'il y avait ainsi lieu de déduire du montant du redressement fiscal le montant de la réduction de prix obtenue par la société Artimon en faisant le choix de ne pas solliciter de garantie ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE, après avoir retenu que « la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice » résultant du redressement fiscal subi par la société Artimon, et que « ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable », la cour d'appel a jugé que « le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation au titre du redressement fiscal subi par la société Artimon doit prendre en compte les éventuels avantages dont a elle bénéficié » ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que « la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque d'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % », réalisant une économie de 122.795,16 € ; que la cour d'appel a estimé qu'il y avait lieu, pour évaluer le préjudice, de déduire du montant du redressement la somme de 122.795,17 € correspondant à l'économie qu'elle avait réalisée en optant pour une cession des titres sans garantie de passif, tout en relevant que ce choix de la société Artimon « ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] Frères et des conséquences qui pouvaient en découler » ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que l'économie réalisée résultait, non de la minoration fautive des capitaux propres de la SA [N], mais du choix non fautif de la société Artimon de ne pas solliciter la stipulation d'une garantie de passif dans l'acte de cession, de sorte que cette économie réalisée sur le prix de cession ne constituait pas un avantage résultant de la situation dommageable dont la cour d'appel pouvait tenir compte pour minorer le préjudice, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 225-251 du code de commerce ;

6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en jugeant qu'il y avait lieu, pour évaluer le préjudice résultant du redressement fiscal subi par la société Artimon, de déduire du montant de ce redressement la somme de 122.795,17 € correspondant à l'économie qu'elle avait réalisée en optant pour une cession des titres sans garantie de passif, sans caractériser que cette économie résultait de la minoration fautive des capitaux propres de la SA [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce ;

7°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la cour d'appel a constaté que le protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait, en son article 2 que « la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » et que la société Artimon avait payé une somme de 17.619.053 F ; qu'elle a par ailleurs constaté qu'à l'occasion des négociations de la cession des actions de la société [N] SA à la société Artimon « deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif », et que « les parties se sont accordées sur la seconde solution » ; qu'il résulte de ces constatations que la valeur des capitaux propres retenue dans l'acte de cession était de 19.468.566,85 F (la somme de 17.619.053 F correspondant à 90,5 % de la somme de 19.468.566,85 F) et que, si la garantie de passif avait été prévue, la société Artimon aurait payé la somme de 18.397.795,67 F, correspondant à 94,5 % de ce montant ; que, pour limiter à la somme de 204.884,84 € le préjudice résultant pour la société Artimon du redressement fiscal d'un montant de 327.680 €, la cour d'appel a considéré qu'il y avait lieu déduire de ce montant la somme de 805.483,48 F, soit 122.795,16 €, correspondant à la somme économisée par la société Artimon, qui avait payé une somme de 17.619.053 F au lieu de 18.424.536 F ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que la société Artimon aurait dû payer, si une garantie de passif avait été prévue, une somme de 18.397.795,67 F, et qu'ainsi l'économie réalisée s'élevait à la somme de 778.762,67 F, soit 118.718,39 €, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 225-251 du code de commerce. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT n° X 19-26.339 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. [B] [N].

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. [B] [N], in solidum avec M. [S] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], à payer à la société Sofipe les sommes de 204 884,84 euros et de 49.867,30 €, outre intérêts au taux légal capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE sur la prescription, les intimés concluent tous à la prescription de l'action de la Sofipe au visa de l'article L. 225- 254 du code de commerce. Ce texte dispose que l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans. Les consorts [N] soutiennent que le point de départ du délai de prescription triennale se situe à la date du fait dommageable et non à celle de la manifestation de ses conséquences préjudiciables. Ils en déduisent qu'en l'absence de toute dissimulation, le point de départ de l'action à l'encontre des administrateurs de la société [N] SA se situe à la date de l'assemblée générale des actionnaires de cette société, qui s'est tenue le 17 décembre 1998, au cours de laquelle a été autorisée la cession des actions de la société [N] frères au prix de 14.999.000 francs, qui constitue le fait dommageable. La société Sofipe réplique, d'une part, que la cession d'actions étant intervenue le 14 avril 1999, son action intentée le 12 avril 2002 n'était pas prescrite, d'autre part, que les consorts [N] ont dissimulé à la société [N] SA et à ses actionnaires le fait dommageable. Il sera rappelé que la société Sofipe, ainsi qu'elle l'indique dans ses conclusions, sollicite l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA, aux droits de laquelle elle se trouve, du fait de la cession à bas prix des titres qu'elle détenait dans la société [N] frères. Les fautes reprochées à MM. [D], [V] et [S] [N] consistaient en la cession des titres de la société [N] frères à la société Rocade : - à bas prix, - dans leur seul intérêt, au mépris de l'intérêt social et sans une information totale et transparente des actionnaires, - en méconnaissance du formalisme des conventions réglementées. Il est établi par les pièces produites que l'assemblée générale des actionnaires autorisant la cession des actions de la société [N] frères s'est tenue le 17 décembre 1998 et que cette cession est intervenue le 14 avril 1999. Il ressort du procès-verbal d'assemblée générale du 17 décembre 1998 que celle-ci "donne mandat au conseil d'administration, et plus particulièrement au président du conseil d'administration, de mener à bien les négociations en vue de céder la totalité des titres détenus par la SARL "[N] frères et de" aux meilleures conditions qu'il avisera et pour un montant égal à la valeur comptable du titre de participation sans garantie de situation nette ou passif". Dès lors que les conditions de la cession n'avaient pas été précisément déterminées par l'assemblée générale, il convient de retenir que le fait dommageable se situe à la date à laquelle la cession est intervenue, soit le 14 avril 1999. La société Artimon, aux droits de laquelle vient la société Sofipe, ayant introduit son action le 12 avril 2002, il convient de dire que celle-ci n'est pas prescrite ; sur le prix anormalement bas, L'administration fiscale, aux termes du redressement de la société Artimon, notifié le 12 octobre 2001, a fait valoir que le prix de cession des titres de la société [N] frères intervenue le 14 avril 1999 entre la société [N] SA et la société Rocade était sous-évalué de 9.041.086 F puisque la société [N] frères devait être valorisée à la somme de 24.040.086 F et que les titres n'ont été cédés que pour la somme de 14.999.000 francs. L'administration fiscale a ajouté que « la valeur de 14.999.000 F retenue lors de la cession des titres de la société [N] Frères par la holding SA [N] correspond à l'estimation par les parties de la valeur de l'entreprise en 1989 lors de l'apport partiel d'actif. Or, depuis cette date la société a dégagé régulièrement des bénéfices ». A la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 24 juin 2003, la valeur vénale de la totalité des titres a été ramenée à 20.163.863 francs par l'administration. Le tribunal administratif de Lyon, dans son jugement du 27 juin 2006, a considéré également que le prix de cession était anormalement bas et a insisté sur le fait que « la valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue » et qu'en l'espèce l'administration avait utilisé trois méthodes d'évaluation des titres en fonction de la valeur mathématique des actions, de la valeur de productivité et de la marge brute d'autofinancement. Cet argumentaire a été repris par la cour administrative d'appel de [Localité 8] dans son arrêt du 11 décembre 2008, devenu irrévocable à la suite de la non-admission du pourvoi par le Conseil d'Etat le 16 mars 2010. Ainsi, contrairement à ce qu'ont écrit les premiers juges, l'évaluation de l'administration fiscale n'a pas pris en compte des « critères très éloignés de la réalité économique », mais a, au contraire, cherché à s'en rapprocher le plus possible, en utilisant des méthodes différentes d'évaluation et en recherchant une valorisation aussi voisine que possible de ce qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande. En outre l'administration fiscale a démontré que le bénéfice net comptable de la société [N] frères a augmenté de façon importante de 1996 à 1998 et qu'il y a eu une quasi-stabilité du chiffre d'affaires hors taxe de 1993 à 1998. Ainsi, même si la crise économique a indéniablement touché le secteur textile, ces éléments comptables objectifs établissent que la société [N] frères y a été moins sensible que d'autres entreprises, la « pérennité de la relation avec les clients » n'étant manifestement pas affectée, contrairement à ce qu'ont écrit les premiers juges. Le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale extraordinaire du 17 décembre 1998 de la société [N] SA démontre que [V], [D] et [S] [N] étaient conscients du prix particulièrement bas de l'opération qu'ils souhaitaient mettre en place puisqu'ils indiquaient : « L'offre que nous avons pu recueillir (... 14.999.000 F) ne constitue sans doute pas le meilleur des prix que nous pourrions trouver compte tenu des capitaux propres de notre filiale... ». Il est donc indéniable que le prix de cession des participations était anormalement bas contrairement à l'analyse qu'en ont faite les premiers juges. Il ressort du dossier que les intimés s'étaient rapprochés, dès 1998, de la société JBH ce qui permettait la signature d'un « protocole d'association », le 29 janvier 1999, entre cette société et [V], [D] et [S] [N], agissant chacun « en son nom personnel » et en qualité d'actionnaires de la société [N] SA et, pour [V] [N], en qualité de président de la société [N] frères et, pour [S] [N], en qualité de président de la société [N] SA. Il ressort notamment de ce protocole que : - la société JBH devait injecter 7.000.000 F pour détenir 40 % de la société Rocade dont le seul actif était constitué des titres de la société [N] Frères, - la société Rocade avait une dette initiale de 12.500.000 F constituée par un prêt relais contracté pour acquérir les titres de la société [N] frères, - des dividendes de la société [N] frères devaient être immédiatement versés pour 5.504.633 F. Ainsi la société JBH, membre du réseau Synextile et ayant une bonne connaissance du marché du textile, valorisait la société Rocade à la somme minimum de 17.500.000 F et était prête à investir 6.995.367 F (12.500.000 F - 5.504.633 F), ce qui signifie que sa propre valorisation de la société [N] frères était de 24.495.387 F (17.500.000 + 6.995.367), somme assez proche de l'évaluation initiale de l'administration fiscale (24.040.086 F). Si M. [B] [N] soutient qu'il était impossible de trouver un repreneur au prix de 20.163.863 francs, il ne l'établit par aucune des pièces versées aux débats. La faute de gestion relative au prix de cession apparaît ainsi caractérisée. * sur le non-respect de l'intérêt social et l'absence d'information totale et transparente : Les attestations versées aux débats démontrent que les actionnaires de la société [N] SA avaient été informés que la société Rocade était détenue par [D], [V] et [S] [N] ainsi que du prix prévu pour la cession. Il n'est en revanche nullement prouvé que les actionnaires de la société [N] SA aient été informés du contenu précis des négociations avec la société JBH, notamment de sa valorisation de la société [N] frères, ou de la signature du protocole du 29 janvier 1999. Il ressort en revanche du rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale extraordinaire du 17 décembre 1998 de la société [N] SA que les consorts [N] ont indiqué : « Les négociations en cours qui portent sur les conditions de cession des titres de la société [N] Frères ET CIE à une holding d'accueil pour notre partenaire industriel achoppent sur un point, celui de la garantie de passif ». Cependant cette allégation n'était pas fondée au regard du caractère anecdotique de ladite garantie de passif exigée. En effet, en premier lieu, les consorts [N] savaient que la société [N] frères n'avait aucun passif particulier, de sorte que les risques n'étaient pas importants. En deuxième lieu l'"accord de garantie" du 27 mai 1999, versé aux débats, démontre que la société JHB n'avait exigé qu'une garantie limitée au seul passif « de nature fiscale et sociale » et de surcroît pour les seuls exercices clos au 31 décembre 1996, 31 décembre 1997 et 31 décembre 1998. En troisième lieu, l'indemnisation était plafonnée à un montant tel que « le garant demeure majoritaire dans la société Rocade, c'est à dire que par le jeu des présentes, la cession ne pourra porter sur plus de 6.499 actions sur un total de 65.000 actions ». Ainsi rien ne permet de comprendre comment les intimés, en possession d'une offre de reprise par la société JHB à hauteur de 24.500.000 F assortie d'une garantie de passif extrêmement limitée et en outre plafonnée, auraient mieux servi l'intérêt social en lui préférant une cession à 14.999.000 F sans garantie de passif. Rien ne permet davantage d'expliquer pourquoi ils n'ont pas complètement informé le conseil d'administration de l'alternative qui s'offrait à lui alors qu'il est constant que la dissimulation aux cédants d'une information de nature à influer sur leur consentement constitue un manquement au devoir de loyauté. Il sera enfin relevé que : - le 14 avril 1999, est intervenue la cession des participations pour une somme de 14.999.000 F, - le 29 avril 1999, une assemblée générale de la société [N] frères a approuvé une distribution de dividendes de 5.505.110,10 F à la société Rocade, - le 27 mai 1999, la société JHB a versé 7.000.000 F en augmentation du capital de la société Rocade pour en détenir 40 % des parts. Les consorts [N] n'ont eu, dans la même période, qu'à verser une somme de 250.000 F, capital social de la société Texinvest, qui a constitué la société Rocade, laquelle a acheté les titres de la société [N] frères, somme qui leur a suffi à détenir 60 % des parts. Au surplus, si la société Artimon a acheté, en juillet 1999, la société holding [N] SA pour 17.619.953 F, [D], [V] et [S] [N], qui disposaient de 6.550 titres sur les 54.000 de la société [N] SA, ont perçu à cette occasion la somme de 325.813 F. Ainsi les consorts [N] ont pu devenir détenteurs, sans investissement réel, de 60 % des parts de la société [N] frères, société industrielle à fort potentiel, tandis que la société [N] SA perdait son actif principal (les titres de la société [N] Frères) pour le prix de cession anormalement bas de 14.999.000 F. Par suite, l'intérêt qu'ils prétendaient défendre est davantage le leur que celui de la société [N] frères, puisque cette opération a servi leur intérêt personnel. Ceci constitue indéniablement une faute de gestion au sens de l'article L. 225-251 du code de commerce. Sur l'insuffisance du prix de cession, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], le préjudice allégué est en lien de causalité directe avec les fautes retenues à l'encontre des administrateurs, dès lors qu'il est établi que les titres de la société [N] Frères ont été cédés à un prix anormalement bas ; que la société SOFIPE soutient que les titres de la société [N] SA, valorisés à 24.500.000 F n'ayant été cédés que pour la somme de 14.999.000 F, cette dernière, aux droits de laquelle elle se trouve, a subi une sous-évaluation de 9.501.000 F, soit 1.448.418 €, ce qui constitue son préjudice ; qu'elle précise qu'elle réclame l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA et non l'indemnisation de son propre préjudicie en qualité d'acquéreur et que s'il n'y avait pas eu de fusion-absorption entre la société Artimon et la société [N] SA, cette dernière aurait pu directement réclamer la condamnation de ses anciens dirigeants à lui verser cette différence de prix ; qu'à titre liminaire, l'on observera avec les intimés que l'administration fiscale a retenu en définitive une valeur vénale des titres de la société [N] Frères de 20.163.863 F (3.073.961,10 €), soit une sous-évaluation de 5.164.863 F (787.378,29 €) ; qu'en l'état des négociations ayant existé, il n'est pas certain que la société JBH aurait, en définitive, acquis les titres de la société [N] Frères pour la somme de 24.500.000 F, il convient en conséquence de retenir que les titres de la société [N] Frères avaient une valeur de 20.163.863 F (3.073.961,10 €) ; que les intimés concluent à juste titre que la cession des titres à ce prix aurait donné lieu à un supplément d'impôt sur les sociétés, ce dont il se déduit que, compte tenu d'un taux d'imposition de 33,33 %, les capitaux propres de la société [N] SA auraient été en réalité augmenté de 3.443.242 F (soit 524.918,86 €, somme que M. [B] [N] arrondit à 524.920 €) et non de 9.501.000 F comme l'affirme la société SOFIPE ; que par ailleurs, comme le font encore valoir les intimés, la fusion-absorption de la société [N] SA par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société SOFIPE, n'est pas sans incidence sur son préjudice, dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus ; qu'il s'en déduit que la perte subie par la société [N] SA doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'il sera relevé qu'après la cession des titres de la société [N] Frères, le seul actif de la société [N] SA était sa trésorerie ; que le 13 protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait en son article 2 que "la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » ; qu'ainsi, l'augmentation des capitaux propres de la société [N] SA à hauteur de 524.918,86 € aurait entraîné une augmentation du prix de 470.051,57 €, après l'abattement de 9,5 % ; que la société Artimon a en conséquence subi une perte de 49.867,30 € ; que contrairement à ce qu'affirment M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], ce préjudice est certain dès lors qu'il représente la perte subie par la société [N] SA, du fait de la minoration fautive de ses capitaux propres, après déduction du supplément du prix qu'aurait dû payer la société Artimon et qu'il tient compte de la confusion des patrimoines de ces deux sociétés à la suite de la fusion-absorption de 2000 ; que le fait que la société Artimon ait, le cas échéant, enregistré des profits après l'acquisition de la société [N] SA est sans influence sur l'existence du préjudice subi et qu'il en est de même des buts poursuivis lors du rachat ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les intimés au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; que, sur le redressement fiscal, la société Sofipe fait valoir que la société [N] Sa a été dans l'obligation de régler, au titre du redressement fiscal, la somme principale de 288 705 euros de rappel d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle, ainsi que celle de 38 975 euros de pénalités de retard, et que ce préjudice a été causé par les fautes des administrateurs de la société [N] Sa ; que M. [B] [N] fait valoir que le fait que la société Artimon ait eu à payer un supplément d'impôt ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'il est exact que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue au juste prix, tel que retenu par l'administration fiscale, la société [N] SA aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspond à ce supplément d'impôt ; que cependant, la société Artimon, aux droits de la société [N] SA, a dû s'acquitter de cet impôt sans avoir perçu la partie du prix de vente sur laquelle il a été calculé ; qu'il s'en déduit, d'une part, que la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice, d'autre part, que ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable ; qu'il ne peut être retenu l'analyse de M. [B] [N] selon laquelle l'intervention de l'administration fiscale aurait rompu le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises par les administrateurs de la société [N] Sa ; que le contrôle a été opéré par l'administration fiscale dans le cadre de ses prérogatives et le redressement fiscal qui s'en est suivi a été uniquement causé par la faute commise par les administrateurs, qui ont vendu les titres de la société [N] frères à bas prix ; que le préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance d'échapper à un contrôle fiscal comme le soutient M. [B] [N], mais en l'obligation d'assurer le paiement d'un impôt sur une somme qui n'est pas entrée dans l'actif de la société [N] Sa ; que la société Sofipe conteste l'argumentation des intimés, qui soutiennent qu'il convient de prendre en considération l'absence de garantie de passif au profit de la société Artimon ; qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, du fait de la fusion-absorption intervenue en 2000, les patrimoines des sociétés Artimon et [N] SA sont confondus, de sorte que le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation doit prendre en considération les éventuels avantages dont a bénéficié la société Artimon ; que cette dernière ne conteste pas qu'à l'occasion des négociations entre les parties, deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif ; que les parties se sont accordées sur la seconde solution, ce dont il se déduit que la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % ; qu'elle a ainsi payé 17.619.053 francs, au lieu de 18.424.536 francs, soit une économie de 805.483,48 francs (122.795,16 euros) ; que ce choix de la société Artimon ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] frères et des conséquences qui pouvaient en découler ; que toutefois, il convient de tenir compte de l'économie réalisée de 122.795,16 euros dans l'évaluation du préjudice et de fixer celui-ci, au titre du redressement fiscal, à la somme de 204.884,84 euros ;

1°) ALORS QU'en l'absence de dissimulation, l'action en responsabilité contre les administrateurs se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le prix de cession des titres de la société [N] Frères Sa par les administrateurs de la société [N] Sa – prix jugé ultérieurement trop bas – avait été arrêté et communiqué dès l'assemblée générale de la société [N] Sa du 17 décembre 1998 (arrêt attaqué, p. 11, §.8 et 9) ; qu'en énonçant, pour fixer le point de départ du délai de prescription à la date de la cession intervenue le 14 avril 1999 et dire en conséquence que l'action en responsabilité engagée le 12 avril 2002 contre les anciens administrateurs de la société [N] Sa n'était pas prescrite, que les conditions de la cession, à commencer par son prix, n'avaient pas été précisées lors cette même assemblée (arrêt attaqué, p. 9, §.8 à 10), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE le redressement fiscal ne fait que rétablir l'impôt normalement dû en vertu de la loi, le principal de l'imposition redressée ne constituant pas un chef de préjudice réparable pour le contribuable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue à son juste prix, la société [N] Sa aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspondait à ce supplément d'impôt ; qu'en mettant cependant à la charge des consorts [N] le montant du redressement fiscal, la cour d'appel a violé l'article L. 225-251 du code de commerce ;

3°) ALORS EN OUTRE QU'en mettant à la charge des consorts [N] le montant du redressement fiscal, quand celui-ci correspondait au montant de l'impôt qui aurait été légalement dû par la société Artimon si la cession litigieuse avait été réalisée à un prix normal, la cour d'appel a alloué à la société Artimon la réparation d'un préjudice qui n'était pas en relation de causalité avec la faute de gestion attribuée aux consorts [N] et a violé l'article L. 225-251 du code de commerce, ensemble l'article 1151 du code civil, devenu 1231-4 du même code ;

4°) ALORS QUE le cessionnaire qui a renoncé volontairement à solliciter une garantie de passif afin de réaliser une plus-value immédiate constituée par une réduction du prix et choisi ainsi de supporter un risque fiscal éventuel, ne peut solliciter la condamnation du cédant aux causes d'un redressement fiscal ultérieur, en l'absence de lien de causalité entre ledit redressement et une faute du cédant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Artimon avait accepté d'assumer les risques de la cession risque en ne concluant pas de garantie de passif, en contrepartie notamment d'une réduction du prix de 4 %, soit une économie de 805.483,48 francs (122 795,16 euros) ; qu'en se bornant à déduire des causes du redressement fiscal la somme de 122.795,16 euros, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en raison de cette acceptation du risque de redressement fiscal, le cessionnaire n'était pas définitivement privé du droit de solliciter la condamnation du cédant aux causes du redressement fiscal, en l'absence de tout lien de causalité entre ledit redressement et une faute du cédant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE M. [B] [N] et les consorts [N] faisaient valoir que le cessionnaire avait renoncé à solliciter une garantie de passif afin notamment de réaliser une plus-value immédiate constituée par la réduction du prix de cession, en choisissant ainsi de supporter le risque fiscal, de sorte qu'il ne pouvait solliciter la condamnation du cédant aux causes du redressement fiscal, en l'absence de tout lien de causalité entre redressement et faute du cédant ; que la société Sofipe déniait quant à elle que la renonciation à une garantie de passif ait eu une quelconque contrepartie ; qu'en retenant que la société Artimon avait accepté de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 %, soit une économie de 805 483,48 francs (122 795,16 euros) et qu'il convenait, à ce titre, seulement de déduire la somme de 122 795,16 euros des causes du redressement fiscal, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE les dommages et intérêts doivent réparer intégralement le préjudice subi, sans perte ni gain pour la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a indemnisé la société Sofipe, venant aux droits de la société Artimon, à hauteur de 49.867 € en réparation de son préjudice résultant de la cession par la société [N] Sa d'un actif à un prix jugé anormalement bas ; que dès lors, la société Sofipe, venant aux droits de la société Artimon, ne pouvait obtenir également une somme correspondant au montant du redressement fiscal découlant de cette même cession réalisée à un prix minorée ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT n° X 19-26.339 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré M. [S] [N], M. [B] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N] responsables des préjudices subis par la société Sofipe à raison des fautes de gestion commises par MM. [V], [S] et [D] [N] ; et de les AVOIR condamnés in solidum à payer à la société Sofipe la somme de 49.867,30 euros en réparation du préjudice lié au prix de cession anormalement bas ;

AUX MOTIFS QUE contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], le préjudice allégué est en lien de causalité directe avec les fautes retenues à l'encontre des administrateurs, dès lors qu'il est établi que les titres de la société [N] Frères ont été cédés à un prix anormalement bas ; que la société Sofipe soutient que les titres de la société [N] SA, valorisés à 24 500 000 francs n'ayant été cédés que pour la somme de 14 999 000, cette dernière, aux droits de laquelle elle se trouve, a subi une sous-évaluation de 9 501 000 francs, soit 1 448 418 euros, ce qui constitue son préjudice ; qu'elle précise qu'elle réclame l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA et non l'indemnisation de son propre préjudice en qualité d'acquéreur et que s'il n'y avait pas eu de fusion-absorption entre la société Artimon et la société [N] SA, cette dernière aurait pu directement réclamer la condamnation de ses anciens dirigeants à lui verser cette différence de prix ; qu'à titre liminaire, l'on observera avec les intimés que l'administration fiscale a retenu en définitive une valeur vénale des titres de la société [N] Frères de 20 163 863 francs (3 073 961,10 euros), soit une sous-évaluation de 5 164 863 francs (787 378,29 euros) ; qu'en l'état des négociations ayant existé, il n'est pas certain que la société JBH aurait, en définitive, acquis les titres de la société [N] Frères pour la somme de 24 500 000 francs, il convient en conséquence de retenir que les titres de la société [N] Frères avaient une valeur de 20 163 863 francs (3 073 961,10 euros) ; que les intimés concluent à juste titre que la cession des titres à ce prix aurait donné lieu à un supplément d'impôt sur les sociétés, ce dont il se déduit que, compte tenu d'un taux d'imposition de 33,33 %, les capitaux propres de la société [N] SA auraient en réalité été augmentés de 3 443 242 francs (soit 524 918,86 euros, somme que M. [B] [N] arrondit à 524 920 euros), et non de 9 501 000 francs comme l'affirme la société Sofipe ; que par ailleurs, comme le font encore valoir les intimés, la fusion-absorption de la société [N] SA par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société Sofipe, n'est pas sans incidence sur son préjudice, dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus ; qu'il s'en déduit que la perte subie par la société [N] SA doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'il sera relevé qu'après la cession des titres de la société [N] frères, le seul actif de la société [N] SA était sa trésorerie ; que le protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait en son article 2 que « la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » ; qu'ainsi, l'augmentation des capitaux propres de la société [N] SA à hauteur de 524 918,86 euros aurait entraîné une augmentation du prix de 470 051,57 euros, après l'abattement de 9,5 % ; que la société Artimon a en conséquence subi une perte de 49 867,30 euros ; que contrairement à ce qu'affirment M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N] ce préjudice est certain dès lors qu'il représente la perte subie par la société [N] SA, du fait de la minoration fautive de ses capitaux propres, après déduction du supplément du prix qu'aurait dû payer la société Artimon et qu'il tient compte de la confusion des patrimoines de ces deux sociétés à la suite de la fusion-absorption de 2000 ; que le fait que la société Artimon ait, le cas échéant, enregistré des profits après l'acquisition de la société [N] SA est sans influence sur l'existence du préjudice subi et il en est de même des buts poursuivis lors du rachat ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les intimés au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ALORS QUE la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ne donne lieu qu'à la réparation d'une perte de chance ; que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, les consorts [N] faisaient valoir que rien ne permettait d'affirmer avec certitude que la société Artimon, dans les droits de laquelle se trouve la société Sofipe, aurait encore fait l'acquisition de la société [N] SA si elle avait dû payer un prix majoré de la valeur des fonds propres de la société cédée ; qu'en partant du principe que la société Artimon aurait acheté les titres de la société [N] SA pour un prix augmenté de 470.051,57 euros à l'effet de détenir une société disposant de fonds propres augmentés de 520.918,86 euros, sans rechercher, comme il lui était demandé, quelles auraient été les chances que la société Artimon puisse se maintenir pour un tel prix d'achat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré M. [S] [N], M. [B] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N] responsables des préjudices subis par la société Sofipe à raison des fautes de gestion commises par MM. [V], [S] et [D] [N] ; et de les AVOIR condamnés in solidum à payer à la société Sofipe la somme de 204.884,84 euros en réparation du préjudice subi au titre du redressement fiscal ;

AUX MOTIFS QUE la société Sofipe fait valoir que la société [N] SA a été dans l'obligation de régler, au titre du redressement fiscal, la somme principale de 288 705 euros de rappel d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle, ainsi que celle de 38 975 euros de pénalités de retard, et que ce préjudice a été causé par les fautes des administrateurs de la société [N] SA ; que M. [B] [N] fait valoir que le fait que la société Artimon ait eu à payer un supplément d'impôt ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'il est exact que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue au juste prix, tel que retenu par l'administration fiscale, la société [N] SA aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspond à ce supplément d'impôt ; que cependant, la société Artimon, aux droits de la société [N] SA, a dû s'acquitter de cet impôt sans avoir perçu la partie du prix de vente sur laquelle il a été calculé ; qu'il s'en déduit, d'une part, que la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice, d'autre part, que ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable ; qu'il ne peut être retenu l'analyse de M. [B] [N] selon laquelle l'intervention de l'administration fiscale aurait rompu le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises par les administrateurs de la société [N] SA ; que le contrôle a été opéré par l'administration fiscale dans le cadre de ses prérogatives et le redressement fiscal qui s'en est suivi a été uniquement causé par la faute commise par les administrateurs, qui ont vendu les titres de la société [N] frères à bas prix ; que le préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance d'échapper à un contrôle fiscal, comme le soutient M. [B] [N], mais en l'obligation d'assurer le paiement d'un impôt sur une somme qui n'est pas entrée dans l'actif de la société [N] SA ; que la société Sofipe conteste l'argumentation des intimés, qui soutiennent qu'il convient de prendre en considération l'absence de garantie de passif au profit de la société Artimon ; qu'ainsi, qu'il a été rappelé ci-avant, du fait de la fusion-absorption intervenue en 2000, les patrimoines des sociétés Artimon et [N] SA sont confondus, de sorte que le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation doit prendre en considération les éventuels avantages dont a bénéficié la société Artimon ; que cette dernière ne conteste pas qu'à l'occasion des négociations entre les parties, deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif ; que les parties se sont accordées sur la seconde solution, ce dont il se déduit que la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % ; qu'elle a ainsi payé 17 619 053 francs, au lieu de 18 424 536 francs, soit une économie de 805 483,48 francs (122 795,16 euros) ; que ce choix de la société Artimon ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] frères et des conséquences qui pouvaient en découler ; que toutefois, il convient de tenir compte de l'économie réalisée de 122 795,16 euros dans l'évaluation du préjudice et de fixer celui-ci, au titre du redressement fiscal, à la somme de 204 884,84 euros ;

1) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale impose d'indemniser la victime à l'exacte mesure de son préjudice, sans perte ni profit ; qu'en décidant en l'espèce, après avoir rétabli la société Sofipe dans la situation qui aurait été la sienne en cas d'acquisition de la société [N] SA pour un prix augmenté de 470.051,57 euros, qu'il convenait en outre de l'indemniser de l'impôt supplémentaire acquitté sur la partie du prix que n'a pas perçue la société [N] SA dans la cession des titres de la société [N] frères, quand le rétablissement de la société Sofipe dans la première situation postulait que cette cession se soit effectuée au prix correspondant à la valeur vénale des titres, et que la société [N] SA, dans les droits de laquelle se trouve la société Sofipe, ait dû alors acquitter ce complément d'impôt, la cour d'appel a indemnisé un préjudice fiscal inexistant, en violation de l'article L. 225-251 du code de commerce et du principe de réparation intégrale sans perte ni profit ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE le préjudice indemnisé doit être en relation de causalité directe avec la faute reprochée ; qu'en l'espèce, les consorts [N] faisaient valoir qu'en renonçant au bénéfice d'une garantie de passif, à l'effet de payer un prix de cession ne représentant qu'une fraction de la valeur des capitaux propres de la société [N] SA, la société Artimon, dans les droits de laquelle se trouve la société Sofipe, avait accepté de courir le risque d'avoir à supporter les conséquences d'un éventuel redressement fiscal de la société cédée ; qu'en se bornant à observer que le choix de la société cessionnaire de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif n'était pas fautif, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'économie ainsi réalisée sur le prix de cession n'impliquait pas de la part de la société Artimon que celle-ci prenne en charge le risque du redressement fiscal que pourrait avoir à supporter la société cédée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce. Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL n° U 20-11.137 par la SARL Ortscheidt, avocat aux Conseils, pour la société PG Finances et participations (PGFP) venant aux droits de la société Solutions financières pour les entreprises (SOFIPE), venant aux droits de la société Artimon, elle-même aux droits de la société [N].

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné in solidum M. [S] [N], M. [B] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], à ne payer à la société SOFIPE que les seules sommes de 49.867,30 € au titre du prix de cession anormalement bas et 204.884,84 € en réparation du préjudice subi au titre du redressement fiscal ;

AUX MOTIFS QUE, sur l'insuffisance du prix de cession, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], le préjudice allégué est en lien de causalité directe avec les fautes retenues à l'encontre des administrateurs, dès lors qu'il est établi que les titres de la société [N] Frères ont été cédés à un prix anormalement bas ; que la société SOFIPE soutient que les titres de la société [N] SA, valorisés à 24.500.000 F n'ayant été cédés que pour la somme de 14.999.000 F, cette dernière, aux droits de laquelle elle se trouve, a subi une sous-évaluation de 9.501.000 F, soit 1.448.418 €, ce qui constitue son préjudice ; qu'elle précise qu'elle réclame l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA et non l'indemnisation de son propre préjudicie en qualité d'acquéreur et que s'il n'y avait pas eu de fusion-absorption entre la société Artimon et la société [N] SA, cette dernière aurait pu directement réclamer la condamnation de ses anciens dirigeants à lui verser cette différence de prix ; qu'à titre liminaire, l'on observera avec les intimés que l'administration fiscale a retenu en définitive une valeur vénale des titres de la société [N] Frères de 20.163.863 F (3.073.961,10 €), soit une sous-évaluation de 5.164.863 F (787.378,29 €) ; qu'en l'état des négociations ayant existé, il n'est pas certain que la société JBH aurait, en définitive, acquis les titres de la société [N] Frères pour la somme de 24.500.000 F, il convient en conséquence de retenir que les titres de la société [N] Frères avaient une valeur de 20.163.863 F (3.073.961,10 €) ; que les intimés concluent à juste titre que la cession des titres à ce prix aurait donné lieu à un supplément d'impôt sur les sociétés, ce dont il se déduit que, compte tenu d'un taux d'imposition de 33,33%, les capitaux propres de la société [N] SA auraient été en réalité augmenté de 3.443.242 F (soit 524.918,86 €, somme que M. [B] [N] arrondit à 524.920 €) et non de 9.501.000 F comme l'affirme la société SOFIPE ; que par ailleurs, comme le font encore valoir les intimés, la fusion-absorption de la société [N] SA par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société SOFIPE, n'est pas sans incidence sur son préjudice, dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus ; qu'il s'en déduit que la perte subie par la société [N] SA doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'il sera relevé qu'après la cession des titres de la société [N] Frères, le seul actif de la société [N] SA était sa trésorerie ; que le protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait en son article 2 que "la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » ; qu'ainsi, l'augmentation des capitaux propres de la société [N] SA à hauteur de 524.918,86 € aurait entraîné une augmentation du prix de 470.051,57 €, après l'abattement de 9,5 % ; que la société Artimon a en conséquence subi une perte de 49.867,30 € ; que contrairement à ce qu'affirment M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], ce préjudice est certain dès lors qu'il représente la perte subie par la société [N] SA, du fait de la minoration fautive de ses capitaux propres, après déduction du supplément du prix qu'aurait dû payer la société Artimon et qu'il tient compte de la confusion des patrimoines de ces deux sociétés à la suite de la fusion-absorption de 2000 ; que le fait que la société Artimon ait, le cas échéant, enregistré des profits après l'acquisition de la société [N] SA est sans influence sur l'existence du préjudice subi et qu'il en est de même des buts poursuivis lors du rachat ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les intimés au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; que, sur le redressement fiscal, la société SOFIPE fait valoir que la société [N] SA a été dans l'obligation de régler, au titre du redressement fiscal, la somme principale de 288.705€ de rappel d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle, ainsi que celle de 38.975 € de pénalités de retard, et que ce préjudice a été causé par les fautes des administrateurs de la société [N] SA ; que M. [B] [N] fait valoir que le fait que la société Artimon ait eu à payer un supplément d'impôt ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'il est exact que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue au juste prix, tel que retenu par l'administration fiscale, la société [N] SA aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspond à ce supplément d'impôt ; que cependant, la société Artimon, aux droits de la société [N] SA, a dû s'acquitter de cet impôt sans avoir perçu la partie du prix de vente sur laquelle il a été calculé ; qu'il s'en déduit, d'une part, que la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice, d'autre part, que ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable ; qu'il ne peut être retenu l'analyse de M. [B] [N] selon laquelle l'intervention de l'administration fiscale aurait rompu le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises par les administrateurs de la société [N] SA ; que le contrôle a été opéré par l'administration fiscale dans le cadre de ses prérogatives et le redressement fiscal qui s'en est suivi a été uniquement causé par la faute commise par les administrateurs, qui ont vendu les titres de la société [N] Frères à bas prix ; que le préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance d'échapper à un contrôle fiscal, comme le soutient M. [B] [N], mais en l'obligation d'assurer le paiement d'un impôt sur une somme qui n'est pas entrée dans l'actif de la société [N] SA ; que la société SOFIPE conteste l'argumentation des intimes, qui soutiennent qu'il convient de prendre en considération l'absence de garantie de passif au profit de la société Artimon ; qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, du fait de la fusion-absorption intervenue en 2000, les patrimoines des sociétés Artimon et [N] SA sont confondus, de sorte que le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation doit prendre en compte les éventuels avantages dont a bénéficié la société Artimon ; que cette dernière ne conteste pas qu'à l'occasion des négociations entre les parties, deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif ; que les parties se sont accordées sur la seconde solution, ce dont il se déduit que la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque d'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % ; qu'elle a ainsi payé 17.619.053 F, au lieu de 18.424.536 F, soit une économie de 805.483,48 F (122.795,16 €) ; que ce choix de la société Artimon ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] Frères et des conséquences qui pouvaient en découler, que toutefois, il convient de tenir compte de l'économie réalisée de 122.795,17 € dans l'évaluation du préjudice et de fixer celui-ci, au titre du redressement fiscal, à la somme de 204.884,84 € ; que le jugement sera infirmé et les intimés seront condamnés in solidum à payer cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; qu'il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts prévues par années entières conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

1°) ALORS QU' en se bornant à affirmer que « la fusion-absorption de la société [N] Sa par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société Sofipe, n'est pas sans incidence sur son préjudice dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus » et qu'il « s'en déduit que la perte subie par la société [N] Sa doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur » (arrêt attaqué, p. 14), sans vérifier concrètement, comme elle y était tenue et invitée, si la faute de gestion ayant constitué à céder un prix anormalement bas les titres de la société [N] Frères avait influé sur l'étendue du préjudice résultant de cette faute à raison de ce que les patrimoines des sociétés [N] Sa et Artimon ont été confondus par la fusion intervenue après l'acquisition des titres de la première par la seconde, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.225-251 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE la réparation du préjudice doit être intégrale, sans perte ni profit pour la victime ; que dans les circonstances de l'espèce, la répercussion de l'insuffisance du prix de cession des titres de la société [N] Frères sur le montant du prix payé par la société Artimon pour acquérir les titres de la société [N] SA n'a eu aucune influence sur le préjudice subi par la seconde, né de cette insuffisance de prix antérieurement à cette acquisition, malgré l'unicité de patrimoine résultant de la fusion postérieure des sociétés [N] SA et Artimon ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé l'article L.225-251 du code de commerce ensemble le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QUE pour évaluer à la somme de 49.867,30 € le préjudice résultant pour la société SOFIPE, aux droits de la société Artimon, de l'insuffisance du prix de cession, la cour d'appel a affirmé que ce préjudice correspondait à la différence entre la perte subie par la société [N] SA en raison de la minoration fautive de ses capitaux propres et le supplément de prix qu'aurait dû payer la société Artimon si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'en statuant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl. p.41-42), si dès lors que les consorts [N] ne détenaient que 12,12 % du capital de la société [N] SA et non 100 %, l'avantage qui aurait été retiré par la société Artimon du fait des conséquences des fautes des consorts [N] sur la valeur des titres de la société [N] SA n'était pas dépourvu de toute incidence sur le préjudice de celle-ci résultant desdites fautes, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article L.225-251 du code de commerce ;

4°) ALORS QUE M. [B] [N], , Mme [K] [N] épouse [L], et M. [S] [N] et Mmes [O] [Z], [T] et [J] [N], avaient dans leurs conclusions respectives, invoqué la circonstance selon laquelle la cession des parts de la société [N] SA à la société Artimon n'avait pas été assortie d'une garantie de passif pour solliciter le rejet de la demande de la société Artimon tendant à l'indemnisation de son préjudice résultant du redressement fiscal ; qu'ils avaient fait valoir que le choix délibéré de la société Artimon de ne pas demander de garantie de passif, ce qui lui avait permis de bénéficier d'un prix de cession minoré, excluait toute indemnisation à ce titre, M. [B] [N] qualifiant en outre ce choix de fautif ; qu'aucun des intimés n'avait fait valoir, à titre subsidiaire, qu'il y avait lieu de tenir compte, pour l'évaluation du préjudice, d'un avantage dont la société Artimon aurait bénéficié, et qu'il y avait ainsi lieu de déduire du montant du redressement fiscal le montant de la réduction de prix obtenue par la société Artimon en faisant le choix de ne pas solliciter de garantie ; qu'en relevant ce moyen d'office, sans inviter les parties à s'en expliquer, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE, après avoir retenu que « la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice » résultant du redressement fiscal subi par la société Artimon, et que « ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable », la cour d'appel a jugé que « le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation au titre du redressement fiscal subi par la société Artimon doit prendre en compte les éventuels avantages dont a elle bénéficié » ; que la cour d'appel a par ailleurs constaté que « la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque d'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % », réalisant une économie de 122.795,16 € ; que la cour d'appel a estimé qu'il y avait lieu, pour évaluer le préjudice, de déduire du montant du redressement la somme de 122.795,17 € correspondant à l'économie qu'elle avait réalisée en optant pour une cession des titres sans garantie de passif, tout en relevant que ce choix de la société Artimon « ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] Frères et des conséquences qui pouvaient en découler » ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations que l'économie réalisée résultait, non de la minoration fautive des capitaux propres de la SA [N], mais du choix non fautif de la société Artimon de ne pas solliciter la stipulation d'une garantie de passif dans l'acte de cession, de sorte que cette économie réalisée sur le prix de cession ne constituait pas un avantage résultant de la situation dommageable dont la cour d'appel pouvait tenir compte pour minorer le préjudice, la cour d'appel a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 225-251 du code de commerce ;

6°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'en jugeant qu'il y avait lieu, pour évaluer le préjudice résultant du redressement fiscal subi par la société Artimon, de déduire du montant de ce redressement la somme de 122.795,17 € correspondant à l'économie qu'elle avait réalisée en optant pour une cession des titres sans garantie de passif, sans caractériser que cette économie résultait de la minoration fautive des capitaux propres de la SA [N], la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce ;

7°) ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE la cour d'appel a constaté que le protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait, en son article, 2 que « la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » et que la société Artimon avait payé une somme de 17.619.053 F ; qu'elle a par ailleurs constaté qu'à l'occasion des négociations de la cession des actions de la société [N] SA à la société Artimon « deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif », et que « les parties se sont accordées sur la seconde solution » ; qu'il résulte de ces constatations que la valeur des capitaux propres retenue dans l'acte de cession était de 19.468.566,85 F (la somme de 17.619.053 F correspondant à 90,5 % de la somme de 19.468.566,85 F) et que, si la garantie de passif avait été prévue, la société Artimon aurait payé la somme de 18.397.795,67 F, correspondant à 94,5 % de ce montant ; que, pour limiter à la somme de 204.884,84 € le préjudice résultant pour la société Artimon du redressement fiscal d'un montant de 327.680 €, la cour d'appel a considéré qu'il y avait lieu déduire de ce montant la somme de 805.483,48 F, soit 122.795,16 €, correspondant à la somme économisée par la société Artimon, qui avait payé une somme de 17.619.053 F au lieu de 18.424.536 F ; qu'en statuant ainsi, tandis qu'il résultait de ses propres constatations que la société Artimon aurait dû payer, si une garantie de passif avait été prévue, une somme de 18.397.795,67 F, et qu'ainsi l'économie réalisée s'élevait à la somme de 778.762,67 F, soit 118.718,39 €, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé le principe de la réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime, ensemble l'article L. 225-251 du code de commerce. Moyen produit AU POURVOI INCIDENT n° U 20-11.137 par la SCP Piwnica et Molinié, avocat aux Conseils, pour M. [B] [N].

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné M. [B] [N], in solidum avec M. [S] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], à payer à la société Sofipe les sommes de 204 884,84 euros et de 49.867,30 €, outre intérêts au taux légal capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

AUX MOTIFS QUE sur la prescription, les intimés concluent tous à la prescription de l'action de la Sofipe au visa de l'article L. 225- 254 du code de commerce. Ce texte dispose que l'action en responsabilité contre les administrateurs ou le directeur général, tant sociale qu'individuelle, se prescrit par trois ans, à compter du fait dommageable ou s'il a été dissimulé, de sa révélation. Toutefois, lorsque le fait est qualifié crime, l'action se prescrit par dix ans. Les consorts [N] soutiennent que le point de départ du délai de prescription triennale se situe à la date du fait dommageable et non à celle de la manifestation de ses conséquences préjudiciables. Ils en déduisent qu'en l'absence de toute dissimulation, le point de départ de l'action à l'encontre des administrateurs de la société [N] SA se situe à la date de l'assemblée générale des actionnaires de cette société, qui s'est tenue le 17 décembre 1998, au cours de laquelle a été autorisée la cession des actions de la société [N] frères au prix de 14.999.000 francs, qui constitue le fait dommageable. La société Sofipe réplique, d'une part, que la cession d'actions étant intervenue le 14 avril 1999, son action intentée le 12 avril 2002 n'était pas prescrite, d'autre part, que les consorts [N] ont dissimulé à la société [N] SA et à ses actionnaires le fait dommageable. Il sera rappelé que la société Sofipe, ainsi qu'elle l'indique dans ses conclusions, sollicite l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA, aux droits de laquelle elle se trouve, du fait de la cession à bas prix des titres qu'elle détenait dans la société [N] frères. Les fautes reprochées à MM. [D], [V] et [S] [N] consistaient en la cession des titres de la société [N] frères à la société Rocade : - à bas prix, - dans leur seul intérêt, au mépris de l'intérêt social et sans une information totale et transparente des actionnaires, - en méconnaissance du formalisme des conventions réglementées. Il est établi par les pièces produites que l'assemblée générale des actionnaires autorisant la cession des actions de la société [N] frères s'est tenue le 17 décembre 1998 et que cette cession est intervenue le 14 avril 1999. Il ressort du procès-verbal d'assemblée générale du 17 décembre 1998 que celle-ci "donne mandat au conseil d'administration, et plus particulièrement au président du conseil d'administration, de mener à bien les négociations en vue de céder la totalité des titres détenus par la SARL "[N] frères et de" aux meilleures conditions qu'il avisera et pour un montant égal à la valeur comptable du titre de participation sans garantie de situation nette ou passif". Dès lors que les conditions de la cession n'avaient pas été précisément déterminées par l'assemblée générale, il convient de retenir que le fait dommageable se situe à la date à laquelle la cession est intervenue, soit le 14 avril 1999. La société Artimon, aux droits de laquelle vient la société Sofipe, ayant introduit son action le 12 avril 2002, il convient de dire que celle-ci n'est pas prescrite ; sur le prix anormalement bas, L'administration fiscale, aux termes du redressement de la société Artimon, notifié le 12 octobre 2001, a fait valoir que le prix de cession des titres de la société [N] frères intervenue le 14 avril 1999 entre la société [N] SA et la société Rocade était sous-évalué de 9.041.086 F puisque la société [N] frères devait être valorisée à la somme de 24.040.086 F et que les titres n'ont été cédés que pour la somme de 14.999.000 francs. L'administration fiscale a ajouté que « la valeur de 14.999.000 F retenue lors de la cession des titres de la société [N] Frères par la holding SA [N] correspond à l'estimation par les parties de la valeur de l'entreprise en 1989 lors de l'apport partiel d'actif. Or, depuis cette date la société a dégagé régulièrement des bénéfices ». A la suite de l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 24 juin 2003, la valeur vénale de la totalité des titres a été ramenée à 20.163.863 francs par l'administration. Le tribunal administratif de Lyon, dans son jugement du 27 juin 2006, a considéré également que le prix de cession était anormalement bas et a insisté sur le fait que « la valeur vénale d'actions non cotées en bourse sur un marché réglementé doit être appréciée compte tenu de tous les éléments dont l'ensemble permet d'obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande à la date où la cession est intervenue » et qu'en l'espèce l'administration avait utilisé trois méthodes d'évaluation des titres en fonction de la valeur mathématique des actions, de la valeur de productivité et de la marge brute d'autofinancement. Cet argumentaire a été repris par la cour administrative d'appel de [Localité 8] dans son arrêt du 11 décembre 2008, devenu irrévocable à la suite de la non-admission du pourvoi par le Conseil d'Etat le 16 mars 2010. Ainsi, contrairement à ce qu'ont écrit les premiers juges, l'évaluation de l'administration fiscale n'a pas pris en compte des « critères très éloignés de la réalité économique », mais a, au contraire, cherché à s'en rapprocher le plus possible, en utilisant des méthodes différentes d'évaluation et en recherchant une valorisation aussi voisine que possible de ce qu'aurait entraîné le jeu normal de l'offre et de la demande. En outre l'administration fiscale a démontré que le bénéfice net comptable de la société [N] frères a augmenté de façon importante de 1996 à 1998 et qu'il y a eu une quasi-stabilité du chiffre d'affaires hors taxe de 1993 à 1998. Ainsi, même si la crise économique a indéniablement touché le secteur textile, ces éléments comptables objectifs établissent que la société [N] frères y a été moins sensible que d'autres entreprises, la « pérennité de la relation avec les clients » n'étant manifestement pas affectée, contrairement à ce qu'ont écrit les premiers juges. Le rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale extraordinaire du 17 décembre 1998 de la société [N] SA démontre que [V], [D] et [S] [N] étaient conscients du prix particulièrement bas de l'opération qu'ils souhaitaient mettre en place puisqu'ils indiquaient : « L'offre que nous avons pu recueillir (...14.999.000 F) ne constitue sans doute pas le meilleur des prix que nous pourrions trouver compte tenu des capitaux propres de notre filiale... ». Il est donc indéniable que le prix de cession des participations était anormalement bas contrairement à l'analyse qu'en ont faite les premiers juges. Il ressort du dossier que les intimés s'étaient rapprochés, dès 1998, de la société JBH ce qui permettait la signature d'un « protocole d'association », le 29 janvier 1999, entre cette société et [V], [D] et [S] [N], agissant chacun « en son nom personnel » et en qualité d'actionnaires de la société [N] SA et, pour [V] [N], en qualité de président de la société [N] frères et, pour [S] [N], en qualité de président de la société [N] SA. Il ressort notamment de ce protocole que : - la société JBH devait injecter 7.000.000 F pour détenir 40 % de la société Rocade dont le seul actif était constitué des titres de la société [N] Frères, - la société Rocade avait une dette initiale de 12.500.000 F constituée par un prêt relais contracté pour acquérir les titres de la société [N] frères, - des dividendes de la société [N] frères devaient être immédiatement versés pour 5.504.633 F. Ainsi la société JBH, membre du réseau Synextile et ayant une bonne connaissance du marché du textile, valorisait la société Rocade à la somme minimum de 17.500.000 F et était prête à investir 6.995.367 F (12.500.000 F - 5.504.633 F), ce qui signifie que sa propre valorisation de la société [N] frères était de 24.495.387 F (17.500.000 + 6.995.367), somme assez proche de l'évaluation initiale de l'administration fiscale (24.040.086 F). Si M. [B] [N] soutient qu'il était impossible de trouver un repreneur au prix de 20.163.863 francs, il ne l'établit par aucune des pièces versées aux débats. La faute de gestion relative au prix de cession apparaît ainsi caractérisée. * sur le non-respect de l'intérêt social et l'absence d'information totale et transparente : Les attestations versées aux débats démontrent que les actionnaires de la société [N] SA avaient été informés que la société Rocade était détenue par [D], [V] et [S] [N] ainsi que du prix prévu pour la cession. Il n'est en revanche nullement prouvé que les actionnaires de la société [N] SA aient été informés du contenu précis des négociations avec la société JBH, notamment de sa valorisation de la société [N] frères, ou de la signature du protocole du 29 janvier 1999. Il ressort en revanche du rapport du conseil d'administration à l'assemblée générale extraordinaire du 17 décembre 1998 de la société [N] SA que les consorts [N] ont indiqué : « Les négociations en cours qui portent sur les conditions de cession des titres de la société [N] Frères ET CIE à une holding d'accueil pour notre partenaire industriel achoppent sur un point, celui de la garantie de passif ». Cependant cette allégation n'était pas fondée au regard du caractère anecdotique de ladite garantie de passif exigée. En effet, en premier lieu, les consorts [N] savaient que la société [N] frères n'avait aucun passif particulier, de sorte que les risques n'étaient pas importants. En deuxième lieu l'"accord de garantie" du 27 mai 1999, versé aux débats, démontre que la société JHB n'avait exigé qu'une garantie limitée au seul passif « de nature fiscale et sociale » et de surcroît pour les seuls exercices clos au 31 décembre 1996, 31 décembre 1997 et 31 décembre 1998. En troisième lieu, l'indemnisation était plafonnée à un montant tel que « le garant demeure majoritaire dans la société Rocade, c'est à dire que par le jeu des présentes, la cession ne pourra porter sur plus de 6.499 actions sur un total de 65.000 actions ». Ainsi rien ne permet de comprendre comment les intimés, en possession d'une offre de reprise par la société JHB à hauteur de 24.500.000 F assortie d'une garantie de passif extrêmement limitée et en outre plafonnée, auraient mieux servi l'intérêt social en lui préférant une cession à 14.999.000 F sans garantie de passif. Rien ne permet davantage d'expliquer pourquoi ils n'ont pas complètement informé le conseil d'administration de l'alternative qui s'offrait à lui alors qu'il est constant que la dissimulation aux cédants d'une information de nature à influer sur leur consentement constitue un manquement au devoir de loyauté. Il sera enfin relevé que : - le 14 avril 1999, est intervenue la cession des participations pour une somme de 14.999.000 F, - le 29 avril 1999, une assemblée générale de la société [N] frères a approuvé une distribution de dividendes de 5.505.110,10 F à la société Rocade, - le 27 mai 1999, la société JHB a versé 7.000.000 F en augmentation du capital de la société Rocade pour en détenir 40 % des parts. Les consorts [N] n'ont eu, dans la même période, qu'à verser une somme de 250.000 F, capital social de la société Texinvest, qui a constitué la société Rocade, laquelle a acheté les titres de la société [N] frères, somme qui leur a suffi à détenir 60 % des parts. Au surplus, si la société Artimon a acheté, en juillet 1999, la société holding [N] SA pour 17.619.953 F, [D], [V] et [S] [N], qui disposaient de 6.550 titres sur les 54.000 de la société [N] SA, ont perçu à cette occasion la somme de 325.813 F. Ainsi les consorts [N] ont pu devenir détenteurs, sans investissement réel, de 60 % des parts de la société [N] frères, société industrielle à fort potentiel, tandis que la société [N] SA perdait son actif principal (les titres de la société [N] Frères) pour le prix de cession anormalement bas de 14.999.000 F. Par suite, l'intérêt qu'ils prétendaient défendre est davantage le leur que celui de la société [N] frères, puisque cette opération a servi leur intérêt personnel. Ceci constitue indéniablement une faute de gestion au sens de l'article L. 225-251 du code de commerce. Sur l'insuffisance du prix de cession, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], le préjudice allégué est en lien de causalité directe avec les fautes retenues à l'encontre des administrateurs, dès lors qu'il est établi que les titres de la société [N] Frères ont été cédés à un prix anormalement bas ; que la société SOFIPE soutient que les titres de la société [N] SA, valorisés à 24.500.000 F n'ayant été cédés que pour la somme de 14.999.000 F, cette dernière, aux droits de laquelle elle se trouve, a subi une sous-évaluation de 9.501.000 F, soit 1.448.418 €, ce qui constitue son préjudice ; qu'elle précise qu'elle réclame l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA et non l'indemnisation de son propre préjudicie en qualité d'acquéreur et que s'il n'y avait pas eu de fusion-absorption entre la société Artimon et la société [N] SA, cette dernière aurait pu directement réclamer la condamnation de ses anciens dirigeants à lui verser cette différence de prix ; qu'à titre liminaire, l'on observera avec les intimés que l'administration fiscale a retenu en définitive une valeur vénale des titres de la société [N] Frères de 20.163.863 F (3.073.961,10 €), soit une sous-évaluation de 5.164.863 F (787.378,29 €) ; qu'en l'état des négociations ayant existé, il n'est pas certain que la société JBH aurait, en définitive, acquis les titres de la société [N] Frères pour la somme de 24.500.000 F, il convient en conséquence de retenir que les titres de la société [N] Frères avaient une valeur de 20.163.863 F (3.073.961,10 €) ; que les intimés concluent à juste titre que la cession des titres à ce prix aurait donné lieu à un supplément d'impôt sur les sociétés, ce dont il se déduit que, compte tenu d'un taux d'imposition de 33,33 %, les capitaux propres de la société [N] SA auraient été en réalité augmenté de 3.443.242 F (soit 524.918,86 €, somme que M. [B] [N] arrondit à 524.920 €) et non de 9.501.000 F comme l'affirme la société SOFIPE ; que par ailleurs, comme le font encore valoir les intimés, la fusion-absorption de la société [N] SA par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société SOFIPE, n'est pas sans incidence sur son préjudice, dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus ; qu'il s'en déduit que la perte subie par la société [N] SA doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'il sera relevé qu'après la cession des titres de la société [N] Frères, le seul actif de la société [N] SA était sa trésorerie ; que le 13 protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait en son article 2 que "la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » ; qu'ainsi, l'augmentation des capitaux propres de la société [N] SA à hauteur de 524.918,86 € aurait entraîné une augmentation du prix de 470.051,57 €, après l'abattement de 9,5 % ; que la société Artimon a en conséquence subi une perte de 49.867,30 € ; que contrairement à ce qu'affirment M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N], ce préjudice est certain dès lors qu'il représente la perte subie par la société [N] SA, du fait de la minoration fautive de ses capitaux propres, après déduction du supplément du prix qu'aurait dû payer la société Artimon et qu'il tient compte de la confusion des patrimoines de ces deux sociétés à la suite de la fusion-absorption de 2000 ; que le fait que la société Artimon ait, le cas échéant, enregistré des profits après l'acquisition de la société [N] SA est sans influence sur l'existence du préjudice subi et qu'il en est de même des buts poursuivis lors du rachat ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les intimés au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ; que, sur le redressement fiscal, la société Sofipe fait valoir que la société [N] Sa a été dans l'obligation de régler, au titre du redressement fiscal, la somme principale de 288 705 euros de rappel d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle, ainsi que celle de 38 975 euros de pénalités de retard, et que ce préjudice a été causé par les fautes des administrateurs de la société [N] Sa ; que M. [B] [N] fait valoir que le fait que la société Artimon ait eu à payer un supplément d'impôt ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'il est exact que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue au juste prix, tel que retenu par l'administration fiscale, la société [N] SA aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspond à ce supplément d'impôt ; que cependant, la société Artimon, aux droits de la société [N] SA, a dû s'acquitter de cet impôt sans avoir perçu la partie du prix de vente sur laquelle il a été calculé ; qu'il s'en déduit, d'une part, que la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice, d'autre part, que ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable ; qu'il ne peut être retenu l'analyse de M. [B] [N] selon laquelle l'intervention de l'administration fiscale aurait rompu le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises par les administrateurs de la société [N] Sa ; que le contrôle a été opéré par l'administration fiscale dans le cadre de ses prérogatives et le redressement fiscal qui s'en est suivi a été uniquement causé par la faute commise par les administrateurs, qui ont vendu les titres de la société [N] frères à bas prix ; que le préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance d'échapper à un contrôle fiscal comme le soutient M. [B] [N], mais en l'obligation d'assurer le paiement d'un impôt sur une somme qui n'est pas entrée dans l'actif de la société [N] Sa ; que la société Sofipe conteste l'argumentation des intimés, qui soutiennent qu'il convient de prendre en considération l'absence de garantie de passif au profit de la société Artimon ; qu'ainsi qu'il a été rappelé ci-avant, du fait de la fusion-absorption intervenue en 2000, les patrimoines des sociétés Artimon et [N] SA sont confondus, de sorte que le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation doit prendre en considération les éventuels avantages dont a bénéficié la société Artimon ; que cette dernière ne conteste pas qu'à l'occasion des négociations entre les parties, deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif ; que les parties se sont accordées sur la seconde solution, ce dont il se déduit que la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % ; qu'elle a ainsi payé 17.619.053 francs, au lieu de 18.424.536 francs, soit une économie de 805.483,48 francs (122.795,16 euros) ; que ce choix de la société Artimon ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] frères et des conséquences qui pouvaient en découler ; que toutefois, il convient de tenir compte de l'économie réalisée de 122.795,16 euros dans l'évaluation du préjudice et de fixer celui-ci, au titre du redressement fiscal, à la somme de 204.884,84 euros ;

1°) ALORS QU'en l'absence de dissimulation, l'action en responsabilité contre les administrateurs se prescrit par trois ans à compter du fait dommageable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que le prix de cession des titres de la société [N] Frères Sa par les administrateurs de la société [N] Sa – prix jugé ultérieurement trop bas – avait été arrêté et communiqué dès l'assemblée générale de la société [N] Sa du 17 décembre 1998 (arrêt attaqué, p. 11, §.8 et 9) ; qu'en énonçant, pour fixer le point de départ du délai de prescription à la date de la cession intervenue le 14 avril 1999 et dire en conséquence que l'action en responsabilité engagée le 12 avril 2002 contre les anciens administrateurs de la société [N] Sa n'était pas prescrite, que les conditions de la cession, à commencer par son prix, n'avaient pas été précisées lors cette même assemblée (arrêt attaqué, p. 9, §.8 à 10), la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article L. 225-254 du code de commerce ;

2°) ALORS QUE le redressement fiscal ne fait que rétablir l'impôt normalement dû en vertu de la loi, le principal de l'imposition redressée ne constituant pas un chef de préjudice réparable pour le contribuable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue à son juste prix, la société [N] Sa aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspondait à ce supplément d'impôt ; qu'en mettant cependant à la charge des consorts [N] le montant du redressement fiscal, la cour d'appel a violé l'article L. 225-251 du code de commerce ;

3°) ALORS EN OUTRE QU'en mettant à la charge des consorts [N] le montant du redressement fiscal, quand celui-ci correspondait au montant de l'impôt qui aurait été légalement dû par la société Artimon si la cession litigieuse avait été réalisée à un prix normal, la cour d'appel a alloué à la société Artimon la réparation d'un préjudice qui n'était pas en relation de causalité avec la faute de gestion attribuée aux consorts [N] et a violé l'article L. 225-251 du code de commerce, ensemble l'article 1151 du code civil, devenu 1231-4 du même code ;

4°) ALORS QUE le cessionnaire qui a renoncé volontairement à solliciter une garantie de passif afin de réaliser une plus-value immédiate constituée par une réduction du prix et choisi ainsi de supporter un risque fiscal éventuel, ne peut solliciter la condamnation du cédant aux causes d'un redressement fiscal ultérieur, en l'absence de lien de causalité entre ledit redressement et une faute du cédant ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Artimon avait accepté d'assumer les risques de la cession risque en ne concluant pas de garantie de passif, en contrepartie notamment d'une réduction du prix de 4 %, soit une économie de 805.483,48 francs (122 795,16 euros) ; qu'en se bornant à déduire des causes du redressement fiscal la somme de 122.795,16 euros, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si en raison de cette acceptation du risque de redressement fiscal, le cessionnaire n'était pas définitivement privé du droit de solliciter la condamnation du cédant aux causes du redressement fiscal, en l'absence de tout lien de causalité entre ledit redressement et une faute du cédant, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce ;

5°) ALORS QUE M. [B] [N] et les consorts [N] faisaient valoir que le cessionnaire avait renoncé à solliciter une garantie de passif afin notamment de réaliser une plus-value immédiate constituée par la réduction du prix de cession, en choisissant ainsi de supporter le risque fiscal, de sorte qu'il ne pouvait solliciter la condamnation du cédant aux causes du redressement fiscal, en l'absence de tout lien de causalité entre redressement et faute du cédant ; que la société Sofipe déniait quant à elle que la renonciation à une garantie de passif ait eu une quelconque contrepartie ; qu'en retenant que la société Artimon avait accepté de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 %, soit une économie de 805 483,48 francs (122 795,16 euros) et qu'il convenait, à ce titre, seulement de déduire la somme de 122 795,16 euros des causes du redressement fiscal, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE les dommages et intérêts doivent réparer intégralement le préjudice subi, sans perte ni gain pour la victime ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a indemnisé la société Sofipe, venant aux droits de la société Artimon, à hauteur de 49.867 € en réparation de son préjudice résultant de la cession par la société [N] Sa d'un actif à un prix jugé anormalement bas ; que dès lors, la société Sofipe, venant aux droits de la société Artimon, ne pouvait obtenir également une somme correspondant au montant du redressement fiscal découlant de cette même cession réalisée à un prix minorée ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé le principe susvisé, ensemble l'article 1382 du code civil, devenu 1240 du même code. Moyens produits AU POURVOI INCIDENT n° U 20-11.137 par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N].

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré M. [S] [N], M. [B] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N] responsables des préjudices subis par la société Sofipe à raison des fautes de gestion commises par MM. [V], [S] et [D] [N] ; et de les AVOIR condamnés in solidum à payer à la société Sofipe la somme de 49.867,30 euros en réparation du préjudice lié au prix de cession anormalement bas ;

AUX MOTIFS QUE contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], le préjudice allégué est en lien de causalité directe avec les fautes retenues à l'encontre des administrateurs, dès lors qu'il est établi que les titres de la société [N] Frères ont été cédés à un prix anormalement bas ; que la société Sofipe soutient que les titres de la société [N] SA, valorisés à 24 500 000 francs n'ayant été cédés que pour la somme de 14 999 000, cette dernière, aux droits de laquelle elle se trouve, a subi une sous-évaluation de 9 501 000 francs, soit 1 448 418 euros, ce qui constitue son préjudice ; qu'elle précise qu'elle réclame l'indemnisation du préjudice subi par la société [N] SA et non l'indemnisation de son propre préjudice en qualité d'acquéreur et que s'il n'y avait pas eu de fusion-absorption entre la société Artimon et la société [N] SA, cette dernière aurait pu directement réclamer la condamnation de ses anciens dirigeants à lui verser cette différence de prix ; qu'à titre liminaire, l'on observera avec les intimés que l'administration fiscale a retenu en définitive une valeur vénale des titres de la société [N] Frères de 20 163 863 francs (3 073 961,10 euros), soit une sous-évaluation de 5 164 863 francs (787 378,29 euros) ; qu'en l'état des négociations ayant existé, il n'est pas certain que la société JBH aurait, en définitive, acquis les titres de la société [N] Frères pour la somme de 24 500 000 francs, il convient en conséquence de retenir que les titres de la société [N] Frères avaient une valeur de 20 163 863 francs (3 073 961,10 euros) ; que les intimés concluent à juste titre que la cession des titres à ce prix aurait donné lieu à un supplément d'impôt sur les sociétés, ce dont il se déduit que, compte tenu d'un taux d'imposition de 33,33 %, les capitaux propres de la société [N] SA auraient en réalité été augmentés de 3 443 242 francs (soit 524 918,86 euros, somme que M. [B] [N] arrondit à 524 920 euros), et non de 9 501 000 francs comme l'affirme la société Sofipe ; que par ailleurs, comme le font encore valoir les intimés, la fusion-absorption de la société [N] SA par la société Artimon, aux droits de laquelle se trouve la société Sofipe, n'est pas sans incidence sur son préjudice, dès lors que les patrimoines des deux sociétés sont confondus ; qu'il s'en déduit que la perte subie par la société [N] SA doit tenir compte du prix qu'aurait dû payer la société Artimon pour en acquérir les actions, si l'actif social avait été valorisé à sa juste valeur ; qu'il sera relevé qu'après la cession des titres de la société [N] frères, le seul actif de la société [N] SA était sa trésorerie ; que le protocole d'accord de cession des actions de la société [N] SA du 5 juillet 1999 stipulait en son article 2 que « la cession des actions sera consentie moyennant un prix global égal à la valeur des capitaux propres, telle qu'elle figurera au passif du bilan des sociétés, arrêté à la date du 30 juin 1999, diminué d'un abattement forfaitaire de 9,5 % » ; qu'ainsi, l'augmentation des capitaux propres de la société [N] SA à hauteur de 524 918,86 euros aurait entraîné une augmentation du prix de 470 051,57 euros, après l'abattement de 9,5 % ; que la société Artimon a en conséquence subi une perte de 49 867,30 euros ; que contrairement à ce qu'affirment M. [S] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N] ce préjudice est certain dès lors qu'il représente la perte subie par la société [N] SA, du fait de la minoration fautive de ses capitaux propres, après déduction du supplément du prix qu'aurait dû payer la société Artimon et qu'il tient compte de la confusion des patrimoines de ces deux sociétés à la suite de la fusion-absorption de 2000 ; que le fait que la société Artimon ait, le cas échéant, enregistré des profits après l'acquisition de la société [N] SA est sans influence sur l'existence du préjudice subi et il en est de même des buts poursuivis lors du rachat ; qu'il convient en conséquence d'infirmer le jugement et de condamner solidairement les intimés au paiement de cette somme, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;

ALORS QUE la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable ne donne lieu qu'à la réparation d'une perte de chance ; que la réparation d'une perte de chance doit être mesurée à la chance perdue et ne peut être égale à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée ; qu'en l'espèce, les consorts [N] faisaient valoir que rien ne permettait d'affirmer avec certitude que la société Artimon, dans les droits de laquelle se trouve la société Sofipe, aurait encore fait l'acquisition de la société [N] SA si elle avait dû payer un prix majoré de la valeur des fonds propres de la société cédée ; qu'en partant du principe que la société Artimon aurait acheté les titres de la société [N] SA pour un prix augmenté de 470.051,57 euros à l'effet de détenir une société disposant de fonds propres augmentés de 520.918,86 euros, sans rechercher, comme il lui était demandé, quelles auraient été les chances que la société Artimon puisse se maintenir pour un tel prix d'achat, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce, ensemble le principe de réparation intégrale sans perte ni profit pour la victime.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR déclaré M. [S] [N], M. [B] [N], Mme [K] [N], Mme [O] [Z], Mme [T] [N] et Mme [J] [N] responsables des préjudices subis par la société Sofipe à raison des fautes de gestion commises par MM. [V], [S] et [D] [N] ; et de les AVOIR condamnés in solidum à payer à la société Sofipe la somme de 204.884,84 euros en réparation du préjudice subi au titre du redressement fiscal ;

AUX MOTIFS QUE la société Sofipe fait valoir que la société [N] SA a été dans l'obligation de régler, au titre du redressement fiscal, la somme principale de 288 705 euros de rappel d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle, ainsi que celle de 38 975 euros de pénalités de retard, et que ce préjudice a été causé par les fautes des administrateurs de la société [N] SA ; que M. [B] [N] fait valoir que le fait que la société Artimon ait eu à payer un supplément d'impôt ne constitue pas un préjudice réparable ; qu'il est exact que si la vente des titres de la société [N] Frères avait été conclue au juste prix, tel que retenu par l'administration fiscale, la société [N] SA aurait dû s'acquitter de l'impôt sur les sociétés sur ledit prix et que la somme payée à la suite du redressement fiscal correspond à ce supplément d'impôt ; que cependant, la société Artimon, aux droits de la société [N] SA, a dû s'acquitter de cet impôt sans avoir perçu la partie du prix de vente sur laquelle il a été calculé ; qu'il s'en déduit, d'une part, que la faute des administrateurs ayant consisté en une vente des titres à un prix minoré est en lien causal avec le préjudice, d'autre part, que ce préjudice consistant à avoir payé un impôt sur une somme non perçue est réparable ; qu'il ne peut être retenu l'analyse de M. [B] [N] selon laquelle l'intervention de l'administration fiscale aurait rompu le lien de causalité entre le préjudice et les fautes commises par les administrateurs de la société [N] SA ; que le contrôle a été opéré par l'administration fiscale dans le cadre de ses prérogatives et le redressement fiscal qui s'en est suivi a été uniquement causé par la faute commise par les administrateurs, qui ont vendu les titres de la société [N] frères à bas prix ; que le préjudice ne s'analyse pas en une perte de chance d'échapper à un contrôle fiscal, comme le soutient M. [B] [N], mais en l'obligation d'assurer le paiement d'un impôt sur une somme qui n'est pas entrée dans l'actif de la société [N] SA ; que la société Sofipe conteste l'argumentation des intimés, qui soutiennent qu'il convient de prendre en considération l'absence de garantie de passif au profit de la société Artimon ; qu'ainsi, qu'il a été rappelé ci-avant, du fait de la fusion-absorption intervenue en 2000, les patrimoines des sociétés Artimon et [N] SA sont confondus, de sorte que le préjudice dont il est réclamé l'indemnisation doit prendre en considération les éventuels avantages dont a bénéficié la société Artimon ; que cette dernière ne conteste pas qu'à l'occasion des négociations entre les parties, deux options ont été envisagées : soit le paiement d'un prix égal à 94,5 % du montant des capitaux propres, en cas de fourniture d'une garantie de passif, soit le paiement d'un prix égal à 90,5 % du montant des capitaux propres, en l'absence de garantie de passif ; que les parties se sont accordées sur la seconde solution, ce dont il se déduit que la société Artimon a accepté de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif, moyennant une réduction du prix de 4 % ; qu'elle a ainsi payé 17 619 053 francs, au lieu de 18 424 536 francs, soit une économie de 805 483,48 francs (122 795,16 euros) ; que ce choix de la société Artimon ne saurait être qualifié de fautif, contrairement à ce qu'affirme M. [B] [N], dès lors qu'elle n'était pas en possession de toutes les informations sur la cession de la société [N] frères et des conséquences qui pouvaient en découler ; que toutefois, il convient de tenir compte de l'économie réalisée de 122 795,16 euros dans l'évaluation du préjudice et de fixer celui-ci, au titre du redressement fiscal, à la somme de 204 884,84 euros ;

1) ALORS QUE le principe de la réparation intégrale impose d'indemniser la victime à l'exacte mesure de son préjudice, sans perte ni profit ; qu'en décidant en l'espèce, après avoir rétabli la société Sofipe dans la situation qui aurait été la sienne en cas d'acquisition de la société [N] SA pour un prix augmenté de 470.051,57 euros, qu'il convenait en outre de l'indemniser de l'impôt supplémentaire acquitté sur la partie du prix que n'a pas perçue la société [N] SA dans la cession des titres de la société [N] frères, quand le rétablissement de la société Sofipe dans la première situation postulait que cette cession se soit effectuée au prix correspondant à la valeur vénale des titres, et que la société [N] SA, dans les droits de laquelle se trouve la société Sofipe, ait dû alors acquitter ce complément d'impôt, la cour d'appel a indemnisé un préjudice fiscal inexistant, en violation de l'article L. 225-251 du code de commerce et du principe de réparation intégrale sans perte ni profit ;

2) ALORS, subsidiairement, QUE le préjudice indemnisé doit être en relation de causalité directe avec la faute reprochée ; qu'en l'espèce, les consorts [N] faisaient valoir qu'en renonçant au bénéfice d'une garantie de passif, à l'effet de payer un prix de cession ne représentant qu'une fraction de la valeur des capitaux propres de la société [N] SA, la société Artimon, dans les droits de laquelle se trouve la société Sofipe, avait accepté de courir le risque d'avoir à supporter les conséquences d'un éventuel redressement fiscal de la société cédée ; qu'en se bornant à observer que le choix de la société cessionnaire de prendre en charge le risque de l'absence de garantie de passif n'était pas fautif, sans rechercher, comme il lui était demandé, si l'économie ainsi réalisée sur le prix de cession n'impliquait pas de la part de la société Artimon que celle-ci prenne en charge le risque du redressement fiscal que pourrait avoir à supporter la société cédée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 225-251 du code de commerce.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 19-26339;20-11137
Date de la décision : 09/02/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Commerciale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Lyon, 17 octobre 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 09 fév. 2022, pourvoi n°19-26339;20-11137


Composition du Tribunal
Président : M. Guérin (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SARL Ortscheidt, SCP Piwnica et Molinié, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.26339
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