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02/02/2022 | FRANCE | N°20-16123

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 02 février 2022, 20-16123


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 144 F-D

Pourvoi n° P 20-16.123

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société Flowbird, société par actions

simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Parkeon, a formé le pourvoi n° P 20-16.123 contre l'arrêt rendu le 14 janvi...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

OR

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Rejet

Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président

Arrêt n° 144 F-D

Pourvoi n° P 20-16.123

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société Flowbird, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], anciennement dénommée société Parkeon, a formé le pourvoi n° P 20-16.123 contre l'arrêt rendu le 14 janvier 2020 par la cour d'appel de [Localité 3] (chambre sociale), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [B] [W], domicilié [Adresse 11],

2°/ à Pôle emploi Occitanie, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Barincou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Flowbird, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [W], après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Barincou, conseiller rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué ([Localité 3], 14 janvier 2020), M. [W] a été engagé, à compter du 24 août 1992, en qualité de technicien assurance qualité par la société Schlumberger Technologies, devenue la société Flowbird.

2. Par courrier du 7 mars 2017, le salarié a été licencié pour inaptitude.

3. Contestant son licenciement, il a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement, que le licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle du salarié, intervenu le 7 mars 2017, était sans cause réelle et sérieuse, puis, en conséquence, de le condamner à payer au salarié les diverses sommes à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 19 649,46 euros à titre d'indemnité de préavis, 1 964,94 euros à titre de congés payés afférents et 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et de le débouter de ses demandes, alors :

« 1°/ que le juge est tenu de juger et de vider le litige qui lui est soumis ; que lorsque les documents sur lesquels se fondent les parties sont rédigés en langue étrangère, et qu'ils sont indispensables à la solution du litige, le juge qui estime nécessaire d'en avoir la traduction doit, sous peine de déni de justice, obtenir cette traduction au besoin en imposant aux parties de la produire ; qu'en écartant les pièces d'appel de l'employeur numérotées 23 à 26, dont le sens n'était pas contesté, au prétexte qu'elles étaient rédigées en langue étrangère et qu'aucune traduction en langue française n'était versée aux débats, sans exiger des parties la production d'une traduction, la cour d'appel a, en méconnaissance de l'étendue de son office, commis un déni de justice, et partant a violé l'article 4 du code civil et les articles 3 et 12 du code de procédure civile ;

2°/ qu'il ne peut être porté aucune entrave disproportionnée au droit d'accès au juge ; qu'en écartant les pièces d'appel de l'employeur numérotées 23 à 26, dont le sens n'était pas contesté, au prétexte qu'elles étaient rédigées en langue étrangère, la cour d'appel a apporté au droit à l'accès au juge de la société Flowbird un obstacle disproportionné, et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°/ que lorsqu'aucune des parties n'a opposé à la production de pièces rédigées en langue étrangère l'impossibilité de les comprendre ni invoqué qu'elles soient écartées des débats faute de traduction, les juges ne peuvent, sans dénaturer les termes du litige, les écarter ; qu'en l'espèce, pour établir avoir interrogé les sociétés du groupe au sein duquel le reclassement du salarié devait être recherché et le fait que ces dernières lui avaient répondu négativement, l'employeur avait versé aux débats plusieurs échanges de courriels correspondant à ses pièces d'appel n° 23 à 26 ; que le salarié n'avait à aucun moment prétendu ne pas comprendre ces pièces, ni n'avait sollicité qu'elles soient écartées des débats faute de traduction en langue française ; qu'en écartant ces pièces écrites en langue étrangère au prétexte qu'aucune traduction en langue française n'était versée aux débats, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°/ que le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour établir avoir interrogé les sociétés du groupe au sein duquel le reclassement du salarié devait être recherché et le fait que ces dernières lui avaient répondu négativement, l'employeur avait versé aux débats plusieurs échanges de courriels correspondant à ses pièces d'appel n° 23 à 26 ; que le salarié n'avait aucun moment prétendu ne pas comprendre ces pièces, ni n'avait sollicité qu'elles soient écartées des débats faute de traduction en langue française ; qu'en écartant d'office des débats les pièces d'appel de l'employeur numérotées 23 à 26 au prétexte qu'elles étaient rédigées en langue étrangère et qu'aucune traduction en langue française n'était versée aux débats, sans provoquer les explications préalables des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°/ que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir avoir procédé à une recherche de reclassement au sein de l'ensemble des ''agences'' situées sur le territoire national, l'employeur avait versé aux débats un échange de courriels entre Mme [U] et Mme [M] du 9 janvier 2017 ; qu'en affirmant, par motifs éventuellement adoptés, que l'employeur ne justifiait d'aucune recherche de postes au sein des ''agences'' régionales situées à [Localité 10], [Localité 3], [Localité 12], [Localité 8], Nantes, [Localité 6], [Localité 7], Bordeaux, sans viser ni analyser le document susvisé, dûment versé aux débats par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

5. En premier lieu, c'est sans méconnaître l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain et hors toute dénaturation, écarté comme élément de preuve les pièces rédigées en langue étrangère, sans qu'il soit nécessaire d'ouvrir à nouveau les débats ou d'inviter les parties à produire une traduction.

6. En second lieu, sous le couvert d'un grief non fondé de défaut de motifs, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve qui leur étaient soumis dont ils ont déduit, sans être tenus de s'expliquer sur chacun de ceux qu'ils ont décidé d'écarter, que l'employeur n'avait pas satisfait de manière loyale et sérieuse à son obligation de reclassement.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Flowbird aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Flowbird et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour la société Flowbird

MOYEN UNIQUE DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé en toutes ses dispositions le jugement rendu le 29 novembre 2018 par le conseil de prud'hommes de [Localité 3], qui a dit que l'employeur n'avait pas respecté son obligation de reclassement, que le licenciement pour inaptitude physique d'origine non professionnelle du salarié intervenu le 7 mars 2017 était sans cause réelle et sérieuse, a, en conséquence, condamné l'employeur à payer au salarié les sommes de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de 19 649,46 euros à titre d'indemnité de préavis, de 1 964,94 euros à titre de congés payés afférents, de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, a dit que les sommes allouées porteraient intérêt au taux légal à compter du jour de la demande, soit le 23 mai 2017, et ce conformément à l'article 1231-6 du code civil, et a condamné l'employeur outre aux dépens, à rembourser, sur le fondement de l'article L. 1235-4 du code du travail, les organismes concernés les indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois, d'AVOIR, y ajoutant, débouté la société SAS Flowbird de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, de l'AVOIR condamnée sur ce fondement à payer, au salarié la somme de 1 500 euros et de l'AVOIR condamnée aux dépens d'appel ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « Sur le caractère réel et sérieux du licenciement Qu'il est constant que M. [W] a fait l'objet de deux avis successifs d'inaptitude à son poste émis par la médecine du travail respectivement les 6 et 28 décembre 2016, et ce, en application de l'article R. 4624-31 du code du travail, pris dans rédaction antérieur applicable au présent litige ; qu'il est avéré que la lettre de licenciement du 7 mars 2017 vise expressément les deux avis d'inaptitude ;
Qu'il convient de considérer que les compléments d'information apportés par le médecin du travail dans deux courriels en date des 19 janvier et 13 février 2017 dans le cadre du reclassement du salarié n'affectent en rien la régularité initiée par l'employeur dès lors que celle-ci repose sur les deux avis d'inaptitude sus-visés ;
Ensuite que l'article L. 1226-2 du code du travail, pris dans sa version antérieure applicable à la présente affaire disposait :
« Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise.L'emploi proposé est aussi comparable que possible précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures de telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. »
Que le 18 janvier 2017 la SAS Flowbird a communiqué à la médecine du travail pour avis deux propositions de reclassement destinées à M. [W], un poste de technicien logistique « J + 1 » à [Localité 3] et un poste de chargé de déploiement [Localité 5] (92) ; que dans un courriel en date du 19 janvier 2017 le médecin du travail a émis l'avis suivant : « l'état de santé de M. [W] fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise » ;
Que nonobstant l'avis du médecin du travail la SAS Flowbird a proposé les deux postes à M. [W] lui impartissant un délai pour faire connaître sa réponse ; que par courrier du 31 janvier 2017 M. [W] a fait savoir qu'il serait intéressé par le poste de technicien logistique « J + 1 » sous réserve de quelques précisions sur ledit poste et d'une formation adéquate ;
Que pour dire que l'employeur n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement, les premiers juges ont retenu que le poste de technicien logistique « J + 1 » avait été attribué en interne à un autre salarié avant l'expiration du délai imparti à M. [W] pour donner sa réponse ; qu'ils en ont déduit que la recherche de reclassement n'avait pas été loyale et effective ; que ce motif ne saurait être repris par la cour dès lors que le poste dont s'agit était, selon l'avis du médecin du travail, incompatible avec l'état de santé du salarié ; qu'il convient d'ajouter que dans un courriel du 13 février 2017 le médecin du travail a maintenu son avis ;
Qu'il est fait également grief à la SAS Flowbird dans le jugement déféré d'avoir méconnu un certificat médical établi le 7 février 2017 par le médecin traitant de M. [W], dont elle avait eu connaissance, dans lequel il était précisé que le salarié pouvait reprendre son activité professionnelle compte-tenu de l'amélioration de son état clinique ; qu'un tel argument ne peut pas davantage être retenu , les textes n'imposant pas à l'employeur, dans l'hypothèse dans une amélioration de l'état de santé du salarié, de ressaisir le médecin du travail ; qu'il appartenait à M. [W] de solliciter de la médecine du travail un nouvel avis ;
Que la loi 2016-1088 du 8 août 2016 a notamment modifié les dispositions de l'article L. 1226-2 du code du travail ; que les nouvelles dispositions avaient vocation à entrer en vigueur à compter du 1er janvier 2017 (article 102 de ladite loi) ; que pour leur application il convient de prendre en considération la date de la déclaration d'inaptitude ;
Qu'en l'espèce la déclaration d'inaptitude résulte de deux avis émis par le médecin du travail en date des 6 et 28 décembre 2016 ; qu'il échet d'en conclure que les nouvelles dispositions prévoyant l'avis des délégués du personnel dans la procédure de reclassement n'avaient pas à s'appliquer dans le présent litige ;
Enfin qu'il n'est pas contesté que la SAS Flowbird est constituée de plusieurs agences régionales ; qu'il incombait donc à la SAS Flowbird de rechercher un reclassement du salarié au sein d'une de ses agences et de justifier de sa recherche ;
Que pour démontrer avoir procédé à ladite recherche la SAS Flowbird verse à son dossier plusieurs échanges de courriels (pièces 23 à 26) ; qu'il y a lieu de constater que ces documents sont rédigés dans une langue étrangère et ne sont accompagnés d'aucune traduction ;
Que si l'ordonnance de Villers-Cotterêts d'août 1539 ne vise que les actes de procédure, le juge est fondé, dans l'exercice de son pouvoir souverain, à écarter comme élément de preuve un document écrit en langue étrangère, faute de production d'une traduction en langue française (cass. 2ème 23 juin 2016, n °15-12410) ;
Qu'eu égard à ce qui précède, il convient de dire que la SAS Flowbird n'établit pas avoir procédé à une recherche de reclassement au sein du groupe dont elle fait partie ; qu'il s'ensuit que le jugement critiqué sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [W] ne reposait pas sur une cause réelle et sérieuse ;
Sur les sommes dues au salarié Que la décision déférée sera également confirmée en ce qu'elle a alloué à M. [W] en application de la convention collective de métallurgie (article 27) une indemnité compensatrice de préavis de 19 649,46 euros, correspondant à 6 mois de salaires (6 x 3 274,91 euros) outre les congés payés y afférents soit la somme de 1 964,94 euros ;
Que le jugement querellé sera approuvé en ce qu'il a fixé compte-tenu de l'ancienneté du salarié (24 années), à la somme de 50 000 euros le montant de l'indemnisation due à M. [W] en réparation de son préjudice résultant de son licenciement sans cause réelle et sérieuse » ;

ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Sur la rupture du contrat de travail de M. [W] et le respect de l'obligation de reclassement de la SAS Parkeon,
Qu'il s'infère de l'article L. 1226-2 du code du travail, alors applicable (dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur le 1er janvier 2017 de la loi Travail n° 2016-1088 du 08 août 2016), que lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.
Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer des tâches existantes dans l'entreprise.
L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail » ;
Qu'en l'espèce, il est constant et non contesté que M. [W] a fait l'objet de trois visites de reprises, les 03 novembre, 6 et 28 décembre 2016 ;
Que lors de la visite de reprise qualifiée par le médecin du travail de « 2ème visite d'inaptitude » du 28 décembre 2012, le médecin du travail a conclu « inapte au poste » ;
Que les avis complémentaires des 19 janvier et 1 » février 2017 émis par le médecin du travail font été de concert de l'impossibilité de reclassement du salarié dans l'entreprise ;
Que par lettre recommandée du 07 mars 2017, la SAS Parkéon a notifié à M. [W] la rupture de son contrat de travail pour inaptitude médiale non professionnelle ainsi libellée :
« (?) Par la présente, nous vous notifions votre licenciement pour inaptitude médicale non professionnelle étant donné que la médecine du travail indique que votre « état de santé fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ;
les motifs de votre licenciement sont ceux qui vous ont été exposé durant l'entretien préalable, à savoir :
le 06-12-2016, Mme [F], médecin du travail a émis un premier avis d'inaptitude en ces termes : « inapte au poste ».
Le 28-12-2016, Mme [F] vous a reçu dans le cadre d'une deuxième visite suite au premier avis d'inaptitude et a réitéré dans ses conclusions les propos suivants : « inapte au poste ».
Conformément à nos obligations, nous avons recherché les propositions de reclassement existantes dans notre entreprise.
Aussi, le 18 janvier 2017, nous avons pris soin de soumettre deux propositions de reclassement à Mme [F], médecin du travail, à savoir le poste de chargé de déploiement basé à [Localité 5], ainsi que le poste de technicien logistique au J + 1 basé à [Localité 3].
LE 19 janvier 2017, par retour de mail, celle-ci nous a répondu de la manière suivante : « l'état de santé de M. [W] fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ».
Pour autant, le 20 janvier 2012, nous vous avons tout de même proposé ces deux postes par courrier afin de connaître votre position par rapport à ces propositions.
Par courrier daté du 31 janvier 2017, vous nous avez indiqué être intéressé par le poste de technicien logistique au J + 1 .
En ce sens, nous nous sommes à nouveau rapprochés de la médecine du travail. Nous lui avons donc redemandé par mail envoyé le 8 février 2017, de se positionner quant à votre aptitude à occuper le poste de technicien logistique au J+1 en lui précisant, bien entendu, que vous aviez répondu positivement à cette proposition.
Aussi, le 13 février 2017, Mme [F] nous a répondu dans les termes suivants :
« Je maintiens l'avis du 19 janvier « l'état de santé de M. [W] fait obstacle à tout reclassement dans l'entreprise ».
pour ces raisons nous sommes contraints de rompre votre contrat de travail. Le préavis étant inexistante dans le cadre d'un licenciement pour inaptitude, vous cesserez de faire partie de nos effectifs le 07 mars 2017 au soir, date à laquelle le licenciement est prononcé (?) » ;
que les recherches de reclassement doivent être loyales, effectives, vérifiables, conformes aux moyens de l'entreprise ;
S'agissant du reclassement interne au sein de l'entreprise, Qu'il est constant en Droit que l'employeur doit impérativement respecter son obligation de reclassement du salarié quand bien même celui-ci est déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise ;
Que s'il est exact que M. [W] bénéficie de trois avis d'inaptitude au poste rendus par le médecin du travail les 03 novembre, 06 décembre et 28 décembre 2016, ainsi que de deux avis complémentaires des 19 janvier et 13 février 2017, il n'en demeure pas moins qu'il appartenait à l'employeur de rechercher des possibilités de reclassement au sein de l'entreprise par la mise en oeuvre de mesures telles que mutation, transformation de postes ou aménagement de travail ;
Qu'à cet égard, il est éclairant de constater d'une parte, que la SAS Parkéon a proposé à M. [W] une mobilité interne au poste de technicien logistique J + 1 par courrier du 20 janvier 2017, produit aux débats ;
Que sans attendre la réponse de M. [W], la SAS Parkéon a offert le poste de technicien logistique J + 1 en mobilité interne à M. [N] le 30 janvier 2017, comme le démontre la communication interne de l'entreprise (cf., Com'Hebdo du 10 mai 2017à et ce, alors même que M. [W] avait accepté par courrier du 31 janvier 2017 ce poste sous réserve d'une « légère » (sic) formation ;
Que d'autre part, il est également éclairant de constater que M. [W] avait communiqué à son employeur le certificat médical de son psychiatre, le Dr [G], daté du 27 février 2017 indiquant de manière expresse et sans équivoque que : « l'amélioration de l'état clinique de ce patient lui permet la reprise d'une activité professionnelle » (sic) ;
Que l'employeur ne conteste pas avoir été informé de ce certificat médical du Dr [G] et par suite de cette évolution médicale favorable du salarié, comme le confirme, au demeurant, Mme [T], ayant assisté le salarié lors de l'entretien préalable au licenciement du 2 mars 2017 ;
Que dès lors, il appartenait à l'employeur de revenir vers le médecin du travail afin de lui communiquer l'évolution favorable émise par le médecin traitant de M. [W] et solliciter du médecin du travail de connaître la capacité résiduelle de travail de M. [W], ce que manifestement la SAS Parkéon s'est abstenue d'effectuer en licenciant le salarié le 07 mars 2017 ;
Que dès lors, la SAS Parkéon a manifestement violé son obligation de reclassement au sein de l'entreprise au détriment de M. [W] ;
S'agissant du reclassement dans le Groupe,
Qu'il est constant en Droit, applicable au jour de la rupture du contrat de travail, que le contenu de l'obligation qui pèse sur l'employeur est celui selon lequel les possibilités de reclassement doivent être recherchées non seulement dans l'entreprise au sein de laquelle travaille le salarié devenu inapte mais également dans toutes les entreprises du Groupe auquel appartient l'entreprise, dont les activités, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la mutation ou la permutation de tout ou partie du personnel ;
Que la preuve des recherches de reclassement incombe à l'employeur ;
Qu'en effet, l'employeur doit impérativement respecter son obligation de reclassement du salarié quand bien même celui-ci est déclaré inapte à tout emploi dans l'entreprise ;
Qu'en effet, l'avis du médecin du travail déclarant le salarié inapte à tout emploi dans l'entreprise ne dispense pas l'employeur de rechercher ne possibilité de reclassement au sein du groupe auquel celle-ci appartient ;
Qu'à cet égard, il est constant et non contesté que la SAS Parkéon fait partie d'un groupe ; que la SAS Parkéon, par la voix de son Conseil, indique notamment à l'audience de départage que des « sites » (sic) existent à l'étranger ;
Que les débats révèlent encore que la SAS Parkéon a des » agences » régionales situées à [Localité 10], [Localité 3], [Localité 12], [Localité 8], [Localité 9], [Localité 6], [Localité 7], [Localité 4] ;
Que la SAS Parkéon ne justifie d'aucune recherche de postes susceptibles d'être proposés à M. [W] au sein de ses « agences » ; qu'au surplus, aucune recherche n'est, au demeurant, justifiée sur des postes situés en dehors du territoire nationale ;
Que dès lors, la SAS Parkéon se devait d'effectuer des recherches loyales et sérieuses dans l'ensemble du périmètre des « sites » « agences » appartenant au groupe SAS Parkeon, tant sur le territoire national qu'en dehors de ce dernier ;
Qu'en conséquence, il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la SAS Parkéon n'a pas respecté son obligation légale de reclassement, rendant par la même le licenciement de M. [W] sans cause réelle et sérieuse ;
Sur l'indemnisation du préjudice de M. [W],
Que M. [W] justifie d'une ancienneté supérieure à 24 ans ; qu'à ce jour, il justifie être en recherche d'emploi et être indemnisé par Pôle emploi ;
Que néanmoins l'actualisation de sa situation sociale et matérielle s'arrêt en février 2018 ;
Que M. [W] percevait un salaire mensuel de 3 274,91 € de sorte que la présente juridiction lui allouera la juste somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Qu'il y a lieu de dire, pour répondre au moyen soulevé par M. [W], que les dispositions de l'article L. 1226-15 du code du travail mentionnant un minimum de 12 mois de salaire d'indemnité de rupture est inapplicable au cas présent dès lors que l'article L. 1226-15 précité n'est pas applicable au litige dans la mesure où la suspension du contrat de travail n'avait pas pour origine une maladie ou un accident professionnel de M. [W] ;
Qu'en conséquence, la SAS Parkéon sera condamnée à payer à M. [W] la juste somme de 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Que l'indemnité de préavis et de congés payés y afférent,
Qu'il est de principe juridique que l'employeur se trouve libéré de l'obligation de verser l'indemnité compensatrice de préavis si le salarié est dans l'impossibilité de fournir la prestation de travail à l'exception de l'hypothèse selon laquelle l'employeur a manqué à son obligation de reclassement consécutive à l'inaptitude ;
Qu'au cas présent, il est manifeste que la SAS a manqué à son obligation de reclassement en faveur de M. [W] de sorte que ce dernier a droit à l'allocation de l'indemnité de préavis et de congés payés y afférent ;
Qu'il est constant que la convention collective applicable, celle des ingénieurs et cadre de la métallurgie (art., 27), octroi au salarié de plus de 55 ans, un préavis de 6 mois, soit compte tenu d'un salaire brut mensuels de 3 274,91 €, l'allocation de la somme de 19 649,46 €, outre la somme de 1 964,94 € à titre de congés payés y afférents ;
Que la SAS Parkéon sera condamnée à payer à M. [W], âgé de plus de 55 ans, la somme de 19 649,46 € à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 1 964,94 € à titre de congés payés y afférents » ;

1°) ALORS QUE le juge est tenu de juger et de vider le litige qui lui est soumis ; que lorsque les documents sur lesquels se fondent les parties sont rédigés en langue étrangère, et qu'ils sont indispensables à la solution du litige, le juge qui estime nécessaire d'en avoir la traduction doit, sous peine de déni de justice, obtenir cette traduction au besoin en imposant aux parties de la produire ; qu'en écartant les pièces d'appel de l'employeur numérotées 23 à 26 (productions n° 9 à 12), dont le sens n'était pas contesté, au prétexte qu'elles étaient rédigées en langue étrangère et qu'aucune traduction en langue française n'était versée aux débats, sans exiger des parties la production d'une traduction, la cour d'appel a, en méconnaissance de l'étendue de son office, commis un déni de justice, et partant a violé l'article 4 du code civil et les articles 3 et 12 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QU' il ne peut être porté aucune entrave disproportionnée au droit d'accès au juge ; qu'en écartant les pièces d'appel de l'employeur numérotées 23 à 26 9 (productions n° 9 à 12), dont le sens n'était pas contesté, au prétexte qu'elles étaient rédigées en langue étrangère, la cour d'appel a apporté au droit à l'accès au juge de la société Flowbird un obstacle disproportionné, et violé l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

3°) ALORS à tout le moins QUE lorsqu'aucune des parties n'a opposé à la production de pièces rédigées en langue étrangère l'impossibilité de les comprendre ni invoqué qu'elles soient écartées des débats faute de traduction, les juges ne peuvent, sans dénaturer les termes du litige, les écarter ; qu'en l'espèce, pour établir avoir interrogé les sociétés du groupe au sein duquel le reclassement du salarié devait être recherché et le fait que ces dernières lui avaient répondu négativement, l'employeur avait versé aux débats plusieurs échanges de courriels correspondant à ses pièces d'appel n° 23 à 26 (productions n° 9 à 12) ; que le salarié n'avait à aucun moment prétendu ne pas comprendre ces pièces, ni n'avait sollicité qu'elles soient écartées des débats faute de traduction en langue française ; qu'en écartant ces pièces écrites en langue étrangère au prétexte qu'aucune traduction en langue française n'était versée aux débats, la cour d'appel a dénaturé les termes du litige et partant a violé l'article 4 du code de procédure civile ;

4°) ALORS subsidiairement QUE le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe du contradictoire ; qu'il ne peut fonder sa décision sur les moyens qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations ; qu'en l'espèce, pour établir avoir interrogé les sociétés du groupe au sein duquel le reclassement du salarié devait être recherché et le fait que ces dernières lui avaient répondu négativement, l'employeur avait versé aux débats plusieurs échanges de courriels correspondant à ses pièces d'appel n° 23 à 26 (productions n° 9 à 12) ; que le salarié n'avait aucun moment prétendu ne pas comprendre ces pièces, ni n'avait sollicité qu'elles soient écartées des débats faute de traduction en langue française ; qu'en écartant d'office des débats les pièces d'appel de l'employeur numérotées 23 à 26 (productions n° 9 à 12) au prétexte qu'elles étaient rédigées en langue étrangère et qu'aucune traduction en langue française n'était versée aux débats, sans provoquer les explications préalables des parties, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

5°) ALORS QUE les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner et analyser tous les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions ; qu'en l'espèce, pour établir avoir procédé à une recherche de reclassement au sein de l'ensemble des « agences » situées sur le territoire national, l'employeur avait versé aux débats un échange de courriels entre Mme [U] et Mme [M] du 9 janvier 2017 (production n° 8) ; qu'en affirmant, par motifs éventuellement adoptés, que l'employeur ne justifiait d'aucune recherche de postes au sein des « agences » régionales situées à [Localité 10], [Localité 3], [Localité 12], [Localité 8], Nantes, [Localité 6], [Localité 7], Bordeaux, sans viser ni analyser le document susvisé, dument versé aux débats par l'employeur, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 20-16123
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Besançon, 14 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 02 fév. 2022, pourvoi n°20-16123


Composition du Tribunal
Président : Mme Mariette (conseiller doyen faisant fonction de président)
Avocat(s) : SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, SCP Lyon-Caen et Thiriez

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.16123
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