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02/02/2022 | FRANCE | N°20-15737

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 février 2022, 20-15737


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 122 F-D

Pourvoi n° U 20-15.737

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

1°/ M. [Z] [O], domicilié [Adresse 1] (Luxembourg),

2°/ l

a société DTO, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° U 20-15.737 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

SG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 122 F-D

Pourvoi n° U 20-15.737

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

1°/ M. [Z] [O], domicilié [Adresse 1] (Luxembourg),

2°/ la société DTO, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° U 20-15.737 contre l'arrêt rendu le 29 janvier 2020 par la cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section A), dans le litige les opposant à la société Banque CIC Est, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de M. [O], de la société DTO, de Me Le Prado, avocat de la société Banque CIC Est, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 29 janvier 2020), le 29 septembre 2008, la société CIC Est (la banque) a consenti à la société DTO (la société) un prêt destiné au financement de l'acquisition d'un terrain en vue d'une opération de promotion immobilière et garanti par l'engagement de cautionnement de M. [O] (la caution), gérant et associé unique de la société. Le 3 septembre 2009, ce prêt a fait l'objet d'un avenant afin de réaménager ses modalités de remboursement.

2. Le 11 juillet 2014, invoquant, notamment, une erreur affectant le taux effectif global du prêt et l'absence de communication du taux et de la durée de période, la société et la caution ont assigné la banque en déchéance de son droit aux intérêts conventionnels.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en sa seconde branche, et sur le second moyen, ci-après annexés

3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société et la caution font grief à l'arrêt de dire prescrite leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre de l'erreur invoquée affectant le taux effectif global, alors « que le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG ; qu'en jugeant, pour déclarer prescrite la demande de la caution et de la société relative au TEG, que la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court à compter de la date à laquelle le contrat est définitivement formé, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et L. 110-4 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 110-4 du code de commerce et 2224 du code civil que la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts engagée, en raison d'une erreur affectant le taux effectif global, par un emprunteur qui contracte un prêt pour les besoins de son activité professionnelle, court à compter du jour du contrat, qui est celui où il a connu ou aurait dû connaître cette erreur.

6. La cour d'appel a constaté que la société avait accepté le 22 septembre 2008 l'offre de prêt immobilier destiné à l'acquisition d'un terrain en vue d'une opération de promotion immobilière.

7. Il en résulte que le délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts formée à l'encontre de la banque par la société, pour les besoins de son activité professionnelle, a commencé à courir à compter de cette date, et que la prescription était acquise au moment de l'introduction de l'instance, le 11 juillet 2014.

8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [O] et la société DTO aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [O] et la société DTO et les condamne à payer à la banque CIC Est la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.
Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat aux Conseils, pour M. [O] et de la société Dto

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR jugé prescrite la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels et d'AVOIR en conséquence débouté M. [O] et la société DTO de leur demande ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE les appelants forment une demande relative à la stipulation du TEG dans le contrat de prêt, qu'elles estiment erronée ; que le premier juge, faisant droit à l'argumentation de la société CIC EST, a déclaré la demande prescrite, en retenant que le délai de prescription de cinq ans avait commencé à courir à la date de conclusion du prêt, le 22 septembre 2008 ; que pour solliciter l'infirmation de la décision entreprise sur ce point, M. [O] et la société DTO indiquent que le point de départ du délai de prescription doit être placé au moment de l'avenant au contrat de prêt, signé le 3 septembre 2009, et non à la date de l'acceptation de l'offre de prêt immobilier, intervenue le 22 septembre 2008 ; qu'ils en déduisent que, l'assignation ayant été délivrée le 11 juillet 2014, la demande relative au TEG n'était pas prescrite ; que néanmoins, il convient de retenir que c'est à bon droit que le premier juge a fixé le point de départ du délai de prescription à la date de l'acceptation de l'offre de prêt immobilier, soit le 22 septembre 2008 ; qu'ainsi que le souligne pertinemment la société CIC EST, l'avenant ne constitue pas un nouveau contrat ; qu'en outre, l'avenant du 3 septembre 2009 n'était pas relatif au TEG, mais portait uniquement sur le montant des échéances, et stipulait expressément qu'il n'était pas dérogé autrement aux autres dispositions du contrat de prêt ; qu'en conséquence, l'assignation étant intervenue le 11 juillet 2014, soit plus de cinq ans après la conclusion du prêt le 22 septembre 2008, la demande relative au TEG doit être considérée comme prescrite ; que le jugement sera confirmé sur ce chef ;

ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'en matière de crédit immobilier, le prêteur doit respecter un certain nombre d'obligations. En application des dispositions visées à l'article L 312-8 du code de la consommation l'offre de prêt doit mentionner notamment, le taux effectif global (TEG) du crédit conformément aux modalités fixées par l'article L 313-1 du même code ; que le TEG doit comprendre les frais de toute nature, directs ou indirects, qui sont dûs dans l'octroi du prêt, car le TEG est le taux qui permet de savoir quel est le coût réel du prêt pour l'emprunteur ; qu'un TEG erroné est susceptible de sanction au même titre qu'un TEG non mentionné (Cass. 1 er Civi1.9/11/2004 pourvoi n°02-20.664) ; que la sanction résulte des dispositions de l'article L 312-33 du code de la consommation ; que selon la Cour de Cassation, c'est à l'emprunteur de prouver le défaut de prise en compte de certains éléments ou un mode de calcul inexact (Cass 1er 1/10/14) ; que par un arrêt récent du 25 Février 2016 (pourvoi n°X 14-29.838), la Première Chambre Civile de la Cour de Cassation rappelle que « la seule sanction civile de l'inobservation des dispositions de l'article L 312-8 du code de la consommation est la perte en totalité ou partie du droit aux intérêts dans la proportion fixée par le juge » ; que la sanction spécifique est en conséquence la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, et non plus l'annulation de l'intérêt conventionnel et la substitution de l'intérêt légal ; qu'en l'espèce dès lors que le demandeur fait grief au CIC EST de lui avoir fait souscrire un prêt dont les stipulations du TEG méconnaissaient les dispositions légales visées par l'article L 312-8 du code de la consommation, l' action en ce qu'elle conteste la régularité du TEG doit s'analyser en une action en déchéance du droit aux intérêts ; qu'or depuis une jurisprudence récente et non remise en cause de la 1re Chambre Civile de la Cour de Cassation, (Cass. lre civ., 3 juill. 2013, n° 12-12350: LEDB juill. 2013, p. 2, n° 107) l'action tendant à la déchéance du droit aux intérêts d'un prêt immobilier, que celle-ci soit présentée par voie d'action ou de défense au fond est soumise à la prescription prévue à l'article L 110-4-1 du code de commerce, désormais quinquennale, depuis la loi du 17 Juin 2008, avec computation à compter de la date à laquelle le contrat est définitivement formé ; qu'en l'espèce le prêt immobilier conclu entre le CIC EST et la société DTO a fait l'objet d'une acceptation expresse et non équivoque le 22 Septembre 2008 ; qu'en conséquence la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts était nécessairement acquise à la date de l'assignation intervenue le 11 Juillet 2014 ;

1° ALORS QUE le point de départ du délai de prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels se situe au jour où l'emprunteur a connu ou aurait dû connaître l'erreur affectant le TEG ; qu'en jugeant, pour déclarer prescrite la demande de M. [O] et de la société DTO relative au TEG, que la prescription de l'action en déchéance du droit aux intérêts conventionnels court à compter de la date à laquelle le contrat est définitivement formé, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles L. 312-33 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et L. 110-4 du code de commerce ;

2° ALORS QU'en toute hypothèse, le taux effectif global doit être mentionné dans tout avenant à un contrat de prêt ; qu'en se bornant à retenir, pour juger qu'aucun délai de prescription n'avait couru à compter de la signature de l'avenant, que celui-ci ne constituait pas un nouveau contrat et n'avait pas modifié le TEG, la cour d'appel a violé, ensembles, les articles L. 312-14-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce, et L. 110-4 du code de commerce.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté M. [O] et la société DTO de leur demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels ;

AUX MOTIFS QUE les appelants arguent que le contrat de prêt n'est pas conforme à l'article R. 313-1 II ancien du Code de consommation, qui prévoit que la mention de la durée de la période entre deux remboursements est obligatoire ; que pour contrer ce moyen, l'intimée soutient à bon droit que les dispositions réglementaires invoquées par les appelants ont été introduites par le décret n° 2011-135 du 1 février 2011, et sont entrées en vigueur le 1 mai 2011. Le contrat de prêt en cause ayant été souscrit le 29 septembre 2008, soit avant l'entrée en vigueur des dispositions susvisées, celles-ci ne lui étaient pas applicables ; que ce moyen manque dès lors en droit et sera écarté ;

ALORS QUE l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction issue du décret n° 2002-927 du 10 juin 2002, impose, quelle que soit l'opération, la communication expresse du taux et de la durée de période à l'emprunteur ; qu'en jugeant, pour débouter M. [O] et la société DTO de leur demande au titre du défaut de mention de la durée de la période, que le décret du 1er février 2011 n'était pas applicable à l'espèce, de sorte que l'article R. 313-1, dans sa rédaction antérieure, n'aurait pas exigé la mention du taux de période pour les prêts souscrits pour des besoins professionnels ou immobiliers, la cour d'appel a violé l'article R. 313-1 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à l'espèce.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-15737
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 29 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 fév. 2022, pourvoi n°20-15737


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, SARL Le Prado - Gilbert

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15737
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