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02/02/2022 | FRANCE | N°19-21998

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 février 2022, 19-21998


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 115 F-D

Pourvoi n° D 19-21.998

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société Marionnet père et fils, société civile d'exploitat

ion agricole, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 19-21.998 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel d'Orléans (cha...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 février 2022

Rejet

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 115 F-D

Pourvoi n° D 19-21.998

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 2 FÉVRIER 2022

La société Marionnet père et fils, société civile d'exploitation agricole, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° D 19-21.998 contre l'arrêt rendu le 15 mai 2019 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant à l'association InterLoire, Interprofession des vins du Val de Loire, Bureau des vins d'Anjou, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Vitse, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Marionnet père et fils, de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de l'association InterLoire, interprofession des vins du Val de Loire, bureau des vins d'Anjou, après débats en l'audience publique du 7 décembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Vitse, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 15 mai 2019), l'association Interloire (l'association) a assigné la société Marionnet père et fils (la société) en paiement de cotisations volontaires obligatoires au titre des années 2014 à 2016.

2. En appel, la société a sollicité un sursis à statuer en faisant valoir que la légalité des arrêtés d'extension, sur lesquels l'association s'était fondée pour agir à son encontre, était contestée devant la juridiction administrative.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief à l'arrêt de refuser de surseoir à statuer, puis de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre des cotisations litigieuses, alors :

« 1°/ que, lorsqu'à l'occasion d'un premier litige, le juge judiciaire a posé une question préjudicielle au juge administratif portant sur la légalité d'un acte administratif, le sursis s'impose au juge saisi d'un second litige, quand bien même il intéresserait une autre partie, dès lors que le défendeur excipe de l'illégalité de l'acte administratif ayant donné lieu à la question préjudicielle ; qu'en l'espèce, une question préjudicielle avait été posée par le tribunal d'instance de Nantes s'agissant des actes administratifs susceptibles de fonder l'action en recouvrement de l'association ; qu'à partir du moment où la société se prévalait elle-même de l'illégalité de ces arrêtés, les juges du fond, en refusant le sursis à statuer, ont violé les articles 49 et 378 du code de procédure civile ;

2°/ à partir du moment où une question préjudicielle portant sur la légalité d'un acte administratif a été posée à l'occasion d'un premier contentieux, le juge saisi d'un second contentieux devant lequel l'illégalité de ce même acte administratif est invoquée, ne peut se prononcer, ni sur la recevabilité du recours au juge administratif, ni sur le caractère sérieux ou non de l'illégalité invoquée ; que pour s'être reconnu le pouvoir d'apprécier la recevabilité de la saisine du juge administratif et le pouvoir de se prononcer sur le fond, la cour d'appel a de nouveau violé les articles 49 et 378 du code de procédure civile ;

3°/ qu'en tout état de cause, si dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, la partie doit agir dans le délai de deux mois tel que prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative, en revanche, l'exception d'illégalité peut être invoquée à tout moment ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

4°/ que le jugement du tribunal d'instance de Nantes du 13 novembre 2018 visait de façon claire et précise l'illégalité d'un certain nombre d'arrêtés et non l'illégalité des accords ; qu'en estimant que la contestation relative à la légalité touchait aux accords, la cour d'appel a dénaturé le jugement du tribunal d'instance de Nantes du 13 novembre 2018 ;

5°/ qu'en s'expliquant sur les accords et leur régularité, comme s'ils étaient la cible de l'illégalité invoquée, quand cette illégalité visait les arrêtés d'extension, la cour d'appel s'est déterminée sur la base de motifs inopérants ; qu'à cet égard encore, l'arrêt encourt la censure pour violation des articles 49 et 378 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Le fait qu'une partie allègue devant le juge civil que le juge administratif est saisi d'un recours en appréciation de la légalité d'un acte administratif ne constitue pas par lui-même une question préjudicielle motivant un sursis a statuer, de sorte que c'est à bon droit que la cour d'appel s'est prononcée sur la nécessité de poser une telle question.

5. Le moyen, inopérant en ses trois dernières branches qui s'attaquent à des motifs surabondants, dès lors que la cour d'appel a constaté que la société ne formulait pas de moyens lui permettant de relever une question préjudicielle, n'est donc pas fondé pour le surplus.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

6. La société fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme au titre des cotisations litigieuses, alors « que faute de s'être expliqués sur le point de savoir si les cotisations collectées n'étaient pas destinées, fût-ce pour partie, à financer des dépenses excessives voire somptuaires, sans lien avec la mission dévolue à l'association qui seule justifie les cotisations, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales. »

Réponse de la Cour

7. Ayant relevé qu'il résultait des rapports d'activité de l'association et des conclusions de son commissaire aux comptes que les dépenses exposées par celle-ci étaient conformes à l'intérêt général, la cour d'appel, qui s'est expliquée sur la destination des cotisations collectées, a ainsi légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Marionnet père et fils aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux février deux mille vingt-deux.

Le conseiller referendaire rapporteur le president

Le greffier de chambre

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Marionnet Père et fils

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a refusé de surseoir à statuer, puis, confirmant le jugement, condamné en paiement la SCEA MARIONNET PERE ET FILS au profit de l'ASSOCIATION INTERLOIRE ;

AUX MOTIFS QUE « la partie appelante sollicite un sursis à statuer invoquant les dispositions de l'article 49 et des articles 378 et suivant du code de procédure civile, exposant que les arrêtés d'extension pris entre le 20 avril 2009 et le 12 octobre 2015 auraient été transmis au contrôle de légalité du Conseil d'Etat par les tribunaux de [Localité 4] et de [Localité 3] dans des actions similaires, et que c'est précisément sur ces arrêtés d'extension que l'association InterLoire s'est fondée pour agir en recouvrement de cotisations volontaires obligatoires à son encontre, déclarant que si ces textes doivent être annulés, l'action de son adversaire se retrouvera nécessairement dépourvue do base légale ; que la partie intimée fait remarquer à juste titre que le tribunal d'instance de Saumur n'a pas soulevé la question préjudicielle, mais seulement sursis à statuer dans l'attente du sort de la procédure engagée devant la juridiction administrative sur la question de la légalité des arrêtés ministériels d'extension ; que la SCEA Marionnet Père et Fils prétend que le succès de cette procédure conditionne celui de la procédure engagée par son adversaire devant la juridiction judiciaire ; que, s'il est indiscutable que cette dernière ne saurait s'immiscer dans le fonctionnement des juridictions de l'ordre administratif, il n'en demeure pas moins que la procédure devant lesdites juridictions obéit à des règles que la juridiction judiciaire ne peut ignorer, en particulier celles qui imposent des délais pour agir par la voie de l'action ; que ces délais sont fixés à deux mois par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ; que cette cour ne saurait ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision concernant des tiers ayant introduit un recours dont tout laisse à penser qu'ils est irrecevable ; que la juridiction nantaise a saisi le conseil d'État, également dans le cadre d'une procédure concernant un tiers, étant observé que la personne qui a engagé cette procédure conteste en réalité devant la juridiction administrative des accords interprofessionnels qui sont des actes de droit privé, alors qu'il a déjà été confirmé que les cotisations sont différentes et obéissent à un régime différent de celui des aides de l'État, et que le Conseil constitutionnel a rejeté une question prioritaire de constitutionnalité ; que c'est à la partie appelante qu'il appartient de justifier les irrégularités de la procédure de fixation des taux de cotisations volontaires obligatoires qu'elle invoque, alors qu'elle ne peut en la cause reprocher à l'association InterLoire de ne pas produire aux débats des procèsverbaux des assemblées générales ainsi que les résultats des consultations préalables obligatoires des syndicats, et ne peut non plus se limiter à invoquer l'irrégularité de la procédure, et en tirer pour conséquences que les arrêtés d'extension sont eux-mêmes passibles d'une déclaration d'illégalité notamment par la voix préjudicielle, conséquence de leur inopposabilité ; qu'elle ne fait état d'aucun moyen sérieux qui permettrait à la cour de relever une question préjudicielle » ;

ALORS QUE, premièrement, lorsqu'à l'occasion d'un premier litige, le juge judiciaire a posé une question préjudicielle au juge administratif portant sur la légalité d'un acte administratif, le sursis s'impose au juge saisi d'un second litige, quand bien même il intéresserait une autre partie, dès lors que le défendeur excipe de l'illégalité de l'acte administratif ayant donné lieu à la question préjudicielle ; qu'en l'espèce, une question préjudicielle avait été posée par le Tribunal d'instance de NANTES s'agissant des actes administratifs susceptibles de fonder l'action en recouvrement de l'ASSOCIATION INTERLOIRE ; qu'à partir du moment où la SCEAU MARIONNET PERE ET FILS se prévalait elle-même de l'illégalité de ces arrêtés, les juges du fond, en refusant le sursis à statuer, ont violé les articles 49 et 378 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, deuxièmement, à partir du moment où une question préjudicielle portant sur la légalité d'un acte administratif a été posée à l'occasion d'un premier contentieux, le juge saisi d'un second contentieux devant lequel l'illégalité de ce même acte administratif est invoquée, ne peut se prononcer, ni sur la recevabilité du recours au juge administratif, ni sur le caractère sérieux ou non de l'illégalité invoquée ; que pour s'être reconnu le pouvoir d'apprécier la recevabilité de la saisine du juge administratif et le pouvoir de se prononcer sur le fond, la cour d'appel a de nouveau violé les articles 49 et 378 du code de procédure civile ;

ALORS QUE, troisièmement, et en tout état de cause, si dans le cadre d'un recours pour excès de pouvoir, la partie doit agir dans le délai de deux mois tel que prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative, en revanche, l'exception d'illégalité peut être invoquée à tout moment ; qu'en décidant le contraire, les juges du fond ont violé l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;

ALORS QUE, quatrièmement, le jugement du Tribunal d'instance de Nantes du 13 novembre 2018 visait de façon claire et précise l'illégalité d'un certain nombre d'arrêtés et non l'illégalité des accords (p. 4) ; qu'en estimant que la contestation relative à la légalité touchait aux accords, la cour d'appel a dénaturé le jugement du Tribunal d'instance de Nantes du 13 novembre 2018 ;

ALORS QUE, cinquièmement, en s'expliquant sur les accords et leur régularité, comme s'ils étaient la cible de l'illégalité invoquée, quand cette illégalité visait les arrêtés d'extension, la cour d'appel s'est déterminée sur la base de motifs inopérants ; qu'à cet égard encore, l'arrêt encourt la censure pour violation des articles 49 et 378 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

L'arrêt attaqué encourt la censure ;

EN CE QU'il a, confirmant le jugement, condamné en paiement la SCEA MARIONNET PERE ET FILS à l'égard de l'ASSOCIATION INTERLOIRE ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la société Marionnet Père et Fils invoque l'article 1r du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés, relativement à la propriété, expliquant qu'une atteinte aux droits d'une personne au respect de ses biens doit ménager un juste équilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu, même lorsque se trouve en cause le droit qu'ont les états de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ; qu'elle déclare qu'il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé, et que le juste équilibre exigé par le droit de l'Union européenne n'existerait pas en l'espèce, que le déséquilibre résulterait du fait de l'association InterLoire qui ne respecterait pas sa mission d'agir dans l'intérêt général ; que la partie appelante ne peut valablement contester que dans le cadre du processus légal conduisant aux arrêtés d'extension et au recouvrement des cotisations, a lieu un contrôle permanent des autorités administratives de tutelle mentionnées à l'article L. 632-8-1 du code rural qui assure en permanence le contrôle du juste équilibre entre intérêt général et cotisations, puisque les organisations interprofessionnelles rendent compte chaque année aux autorités administratives compétentes de leur activité en fournissant les comptes financiers, le rapport d'activité et les comptes-rendus des assemblées générales, le bilan d'application de chaque accord étendu et remettent tous documents dont la communication est demandée pour l'exercice du contrôle ; que des contrôles sont réalisés par le Contrôleur d'état, la Cour des Comptes et le conseil d'État ; que la société Marionnet Père et Fils ne peut valablement affirmer que le ministère se limiterait à se comporter en simple chambre d'enregistrement, en étendant des accords après n'avoir effectué qu'un simple contrôle de routine ; qu'il est en effet indiscutable que la réalité du mécanisme interprofessionnel démontre l'inanité de cette argumentation ; que la question de la conventionnalité des arrêtés d'extension a déjà été tranchée, puisque par une décision de la Cour de justice des communautés européennes , laquelle a décidé par un arrêt du 30 mai 2013 que « l'article 107 paragraphe 1 du TUFE doit être interprété en ce sens que la décision d'une autorité nationale étendant à l'ensemble des professionnels d'une filière agricole un accord qui, comme l'accord interprofessionnel en cause au principal, institue une cotisation dans le cadre d'une organisation interprofessionnelle reconnue par l'autorité nationale et la rend ainsi obligatoire en vue de permettre la mise en oeuvre d'actions de communication, de promotion, de relations extérieures, d'assurance qualité, de recherche et de défense des intérêts du secteur concerné, ne constitue pas un élément d'une aide d'État », cette juridiction considérant ainsi implicitement, dans le cas d'une institution telle que la partie intimée en la présente espèce, laquelle répond de façon exacte à la définition que formule la Cour européenne et aux finalités recherchées, que son activité est conforme aux engagements européens de la France ; que la société Marionnet Père et Fils ne rapporte pas la preuve de ce qu'il n'existe pas de rapport raisonnable, au sens de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme (e.g. Arrêt du 16 novembre 2010 Perdigao c. Portugal) entre les moyens employés et le but visé, les missions de la société intimée étant définies à l'article L. 632-3 du code rural (connaissance de l'offre, de la demande des mécanismes du marché, amélioration du fonctionnement du marché, qualité des produits, promotion des produits, organisation et harmonisation des pratiques, réalisation de programmes de recherche... etc) avec cette précision que l'énumération est précédée de l'adverbe « notamment », ce qui en démontre la grande étendue ; que l'argumentation relative à un prétendu déséquilibre entre les exigences de l'intérêt général de la communauté et les impératifs de la sauvegarde des droits fondamentaux de l'individu ne saurait être retenue, la partie appelante n'établissant pas que l'exécution des missions de son adversaire porterait Une atteinte disproportionnée à ses biens ; que la partie appelante prétend que le déséquilibre qu'elle allègue résulterait du fait que l'association InterLoire ne respecterait pas sa mission d'agir dans l'intérêt général, qu'il serait impossible de connaître les détails des produits et des charges d'exploitation, et qu'elle ne rapporte pas la preuve de ce que ces charges ont été faites dans l'intérêt général de la-profession ; qu'elle développe différents arguments en juxtaposant des affirmations sorties de leur contexte, alors qu'il n'est pas contestable que les comptes ont été approuvés à l'unanimité des membres composant l'assemblée générale d'InterLoire, ce qui ne serait évidemment pas le cas si un seul des nombreux membres, qui ne peuvent pas avoir tous des intérêts exclusivement convergents, avait pu émettre légitimement quelques doutes, le commissaire aux comptes concluant également dans son rapport que les orientations sont justifiées et conformes à l'intérêt général ; que la société appelante prétend qu'elle ne tirerait à titre personnel aucun avantage des actions menées par l'interprofession, puisqu'elle ne verrait augmenter ni son chiffre d'affaires ni sa marge ; que c'est pourtant à elle qu'il appartient de faire en sorte, si elle le souhaite, de profiter des actions de l'association InterLoire à laquelle elle cotise en participant aux diverses manifestations organisées ou en utilisant les actions de communications diverses afin d'en tirer profit et retentissement sur son activité ; qu'il est de jurisprudence constante qu'il n'appartient pas aux interprofessions de rapporter la preuve du bien-fondé des factures de cotisations ; que la partie intimée apporte à la procédure ses rapports d'activité pour les années 2012, 2013 et 2015 (pièces 24 à 26) ; que le contenu de ces pièces montre, après un bilan financier, l'importance et la qualité de ses nombreuses activités, ainsi que le contenu de ses missions ; qu'il y a lieu de souligner, dans le rapport 2012, en particulier dans le domaine de l'économie et des études, le chapitre relatif au positionnement et à la stratégie explicitant ses travaux en matière de positionnement et de marketing, la partie consacrée à la communication faisant apparaître de très nombreuses actions, qu'il s'agisse de dégustations, de cocktails, de la promotion de caves touristiques et de la promotion des vins auprès des organismes de distribution (e.g. Super U, Monoprix), du soutien des actions viticoles régionales, des relations publiques et des partenariats ainsi que des actions de communication d'envergure vers de nombreux pays, en Europe et dans le monde, alors que le chapitre consacré à la technique et à la qualité fait apparaître le soutien à différents actions, dont chacune fait l'objet d'un chiffrage, l'observatoire de la qualité pour 36 585 €, le transfert d'informations techniques pour 25 850 € et le soutien financier à la recherche et expérimentation pour 212 000 € ; que les deux autres rapports annuels font, par leur contenu, la même démonstration ; qu'il apparaît également que les différents salons organisés par l'interprofession permettent indubitablement à de nombreux viticulteurs de promouvoir leurs produits ; qu'il est démontré que l'activité de l'association InterLoire ne se limite pas à satisfaire les intérêts commerciaux de ses membres, mais concerne également la mise en oeuvre de la politique agricole de la France et de la politique agricole commune, l'extension du prélèvement des cotisations volontaires à l'ensemble des membres de la profession répondant donc, malgré la nature de droit privé de ses cotisations, à des objectifs d'intérêt général ou d'utilité publique et constitue donc une atteinte justifiée au droit de propriété sans que la partie appelante n'établisse un quelconque excès ou abus dans ce domaine ; par ailleurs que par un arrêt en date du 17 février 2012, le Conseil constitutionnel, ayant relevé que les cotisations prélevées par des organisations interprofessionnelles tendaient au financement d'activités menées en faveur de leurs membres dans le cadre défini par le législateur, a jugé que le dispositif prévoyant le prélèvement de cotisations n'était contraire à aucun droit ou liberté que la constitution garantit, et a dit que les dispositions de l'article L. 632-6 du code rural étaient conformes aux règles constitutionnelles ; que les arguments de la SCEA Marionnet Père et Fils relativement à l'existence de prêts qui seraient selon elle de nature à grever les finances de l'organisme intimé ne sauraient constituer une démonstration pertinente d'une mauvaise gestion de l'association ou d'une action différente des objectifs d'intérêt général, puisqu'il ne s'agit en réalité que d'opérations financières relatives à la gestion d'un organisme dans les finances sont saines ; que la critique de la société appelante relativement à l'activité du contrôleur d'Etat est inopportune, cette société se limitant à affirmer qu'il n'agirait pas en toute indépendance, et que son rapport serait bâclé, ce qui ne constitue que pure calomnie achevant de démontrer le peu de crédibilité d'une telle argumentation » ;

AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « Selon l'article L. 632-6 du code rural et de la pêche maritime, les organisations interprofessionnelles reconnues sont habilitées à prélever, sur tous les membres des professions les constituant, des cotisations résultant des accords étendus selon la procédure fixées aux articles L. 632-3 et L. 632-4. Tel est le cas de l'association INTERLOIRE qui justifie tant de la reconnaissance par les ministères de l'Agriculture et de l'Economie de sa qualité d'organisation interprofessionnelle que des arrêtés d'extension des accords conclus pour fixer le montant des cotisations de ses membres. Il est constant que la SCEA MARIONNET PERE ET FILS exerce une activité viticole relevant de l'association INTERLOIRE et assujettie à ce titre au paiement des cotisations volontaires obligatoires. De plus, la demanderesse verse aux débats les factures émises contre la SCEA MARIONNET PERE ET FILS pour la période du 31 octobre 2014 au 31 août 2016 pour un montant total de 6201,67 € (pièce 6 et 54). Il n'est démontré aucun paiement ni aucun fait justificatif exonérant la défenderesse du paiement de ces sommes. La SCEA MARIONNET PERE ET FILS sera donc condamnée à payer à l'association 1NTERLOIRE la somme de 6201,67 € avec intérêts de retard au taux légal à compter du 9 septembre 2016, date de la mise en demeure de payer » ;

ALORS QUE, faute de s'être expliqués sur le point de savoir si les cotisations collectées n'étaient pas destinées, fut-ce pour partie, à financer des dépenses excessives voire somptuaires, sans lien avec la mission dévolue à l'association qui seule justifie les cotisations, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la Convention européenne de sauvegarde des droits et des libertés fondamentales.

Le greffier de chambre


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-21998
Date de la décision : 02/02/2022
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Orléans, 15 mai 2019


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 fév. 2022, pourvoi n°19-21998


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Foussard et Froger, SCP Marc Lévis, SCP Marlange et de La Burgade

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.21998
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