LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 26 janvier 2022
Rejet
M. CHAUVIN, président
Arrêt n° 91 F-D
Pourvoi n° W 20-19.465
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022
Mme [W] [X] [R], domiciliée [Adresse 5], agissant en qualité de légataire universelle de [C] [G], a formé le pourvoi n° W 20-19.465 contre l'arrêt rendu le 2 octobre 2019 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 2-4), dans le litige l'opposant à Mme [S] [F], épouse [K], domiciliée [Adresse 7], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [X] [R], de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de Mme [F], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 2 octobre 2019) et les productions, [H] [D] est décédée le 4 septembre 2009, en l'état d'un testament olographe daté du 2 juillet 1998 et instituant [M] [G], son compagnon, légataire de l'ensemble des biens meubles et immeubles qu'elle possédait sur la commune de Boulbon, à l'exception d'une maison léguée à Mme [F].
2. [M] [G] a assigné Mme [F] pour voir trancher leur désaccord sur la portée du legs à titre particulier.
3. Celui-là étant décédé le 20 mars 2020, Mme [X] est venue à ses droits.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
4. Mme [X] fait grief à l'arrêt de dire que Mme [F] est légataire particulière de la maison sise [Adresse 6], comprenant les parcelles F [Cadastre 8], F [Cadastre 1], F [Cadastre 2] et F [Cadastre 3], alors « que les juges ne peuvent sous couvert d'interprétation, méconnaître le sens ou la portée des dispositions d'un testament dépourvues d'ambiguïté ; qu'en l'espèce, le testament olographe d'[H] [D] attribuait à M. [G] « tous les biens mobiliers et immobiliers que je possède sur la commune de [Localité 9], à l'exception de la maison sise [Adresse 6], que je [X] à ma petite nièce [S] [F], épouse [K] » ; qu'il en résultait clairement, que Mme [F] ne pouvait prétendre qu'à la maison située [Adresse 6], sans qu'aucune interprétation ne soit nécessaire ; qu'en décidant au contraire, qu'elle pouvait prétendre à l'intégralité de l'ensemble immobilier situé au [Adresse 6] constitué de lots achetés à des dates et à des propriétaires divers, et comprenant notamment un atelier de peintre entièrement rénové par M. [G] situé sur une autre parcelle séparée par un chemin communal, la cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a dénaturé les termes clairs et précis du testament olographe du 2 avril 1998, en violation des dispositions des articles 895 et 1103 du code civil, et de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
5. Après avoir relevé qu'il résultait de l'extrait cadastral et du plan topographique produits que les parcelles F [Cadastre 1] et F [Cadastre 2] étaient attenantes à la maison principale édifiée sur la parcelle [Cadastre 10] dont une partie du bâti, ainsi que la terrasse, empiétaient sur les deux premières parcelles litigieuses, la cour d'appel a estimé que ces parcelles faisaient nécessairement partie du legs à titre particulier consenti à Mme [F] par [H] [D], qui n'avait pu consciemment et volontairement amputer la maison d'une partie de son bâti, de sa terrasse et de son jardin.
6. La cour d'appel a ensuite constaté que le chemin communal séparant la parcelle F[Cadastre 3] des trois autres ne desservait que ces parcelles et était traversé par des escaliers ainsi que par une terrasse permettant de relier les deux fonds, l'ensemble étant entouré d'un mur de soutènement, estimé qu'il résultait du procès-verbal de constat d'huissier de justice que les deux constructions en cause, maison principale et atelier, constituaient un seul ensemble foncier, la seconde ayant manifestement été conçue comme une dépendance de la première, en l'absence d'équipements propres en eau et en électricité, et relevé que, si les parcelles F [Cadastre 8] et F [Cadastre 3] étaient dotées d'entrées distinctes, elles portaient toutes les deux le numéro [Adresse 4], matérialisant, en l'état de cette seule et unique adresse, l'existence d'une unité foncière.
7. Dès lors, c'est par une interprétation rendue nécessaire par l'ambiguïté et l'imprécision de la disposition testamentaire de Mme [D] et ainsi exclusive de dénaturation que la cour d'appel a, dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, estimé que le legs consenti à Mme [F] s'étendait à l'unité foncière comprenant l'ensemble des parcelles litigieuses.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [X] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [X] et le condamne à payer à Mme [F] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [X] [R]
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir dit que Mme [F] épouse [K] est légataire particulière de la maison sise [Adresse 6], comprenant les parcelles : F [Cadastre 8] F [Cadastre 1] F [Cadastre 2] et F [Cadastre 3] ;
ALORS QUE les juges ne peuvent sous couvert d'interprétation, méconnaître le sens ou la portée des dispositions d'un testament dépourvues d'ambiguïté ; qu'en l'espèce, le testament olographe de Mme [H] [D] attribuait à M. [G] « tous les biens mobiliers et immobiliers que je possède sur la commune de [Localité 9], à l'exception de la maison sise [Adresse 6], que je [X] à ma petite nièce [S] [F] épouse [K] » ; qu'il en résultait clairement, que Mme [F] ne pouvait prétendre qu'à la maison située [Adresse 6], sans qu'aucune interprétation ne soit nécessaire ; qu'en décidant au contraire, qu'elle pouvait prétendre à l'intégralité de l'ensemble immobilier situé au [Adresse 6] constitué de lots achetés à des dates et à des propriétaires divers, et comprenant notamment un atelier de peintre entièrement rénové par M. [G] situé sur une autre parcelle séparée par un chemin communal, la Cour d'appel, excédant ses pouvoirs, a dénaturé les termes clairs et précis du testament olographe du 2 avril 1998, en violation des dispositions des articles 895 et 1103 du Code civil, et de l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause.