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26/01/2022 | FRANCE | N°20-15139

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 26 janvier 2022, 20-15139


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° U 20-15.139

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022

Mme [J] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pour

voi n° U 20-15.139 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2020 par la cour d'appel de Nancy (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] ...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 26 janvier 2022

Cassation partielle

M. CHAUVIN, président

Arrêt n° 88 F-D

Pourvoi n° U 20-15.139

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022

Mme [J] [L], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° U 20-15.139 contre l'arrêt rendu le 10 janvier 2020 par la cour d'appel de Nancy (3e chambre civile), dans le litige l'opposant à M. [K] [P], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de Mme [L], et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nancy, 10 janvier 2020), de l'union de M. [P] et Mme [L] sont nés [R], le 14 décembre 2006, et [S], le 16 octobre 2008. Un jugement du 16 décembre 2014 a prononcé le divorce des époux, dit que les parents exerceront conjointement l'autorité parentale, fixé la résidence habituelle des enfants chez leur mère et accordé un droit de visite et d'hébergement au père.

2. En juillet 2017, M. [P] a saisi le juge aux affaires familiales pour voir fixer la résidence de [R] et [S] à son domicile.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. Mme [L] fait grief à l'arrêt de M. [P], alors :

« 1°/ que lorsque le juge prononce une décision concernant un enfant, il doit avoir une considération primordiale pour l'intérêt supérieur de celui-ci ; qu'en fixant la résidence principale de [S] et [R] chez leur père, sans avoir recherché la cause de la tentative de défenestration de [R], sans qu'elle ne fût blessée, à la suite de laquelle M. [P] a demandé le transfert la résidence des enfants à son domicile, tandis que cette tentative n'était pas imputable à Mme [L], la cour d'appel n'a pas apprécié l'intérêt supérieur des enfants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-9 du code civil et de l'article 3, § 1, de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

2°/ qu'en fixant la résidence principale des enfants au domicile de M. [P] sans répondre aux conclusions de Mme [L] faisant valoir qu'elle avait été victime de violences répétées de M. [P] durant leur union, même quand les enfants étaient présents au domicile, ce qui excluait qu'il soit dans l'intérêt de [R] et [S] de résider principalement chez leur père, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

4. Ayant, d'une part, retenu que les éléments produits, dont les auditions des enfants et l'enquête sociale, faisaient ressortir que la grande fragilité de la mère entravait ses relations avec ses enfants et le bon développement de ceux-ci, dont le mal-être avait atteint son point paroxystique avec la tentative de défenestration de [R], d'autre part, relevé que le père avait mis en place tous les suivis nécessaires et que les enfants évoluaient positivement et s'épanouissaient chez eux et à l'école, la cour d'appel, qui n'a pas imputé à Mme [L] la responsabilité de l'accident survenu à sa fille et n'avait pas à la suivre dans le détail de son argumentation a légalement justifié sa décision au regard de l'intérêt des enfants.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

6. Mme [L] fait grief à l'arrêt de lui accorder, sauf meilleur accord des parties, un droit de visite pour une durée de dix mois s'exerçant dans la structure Entre parent'aise du CIDFF de Lunéville, de dire qu'avant la première rencontre, les parties devront prendre attache avec l'association afin de définir les jours et horaires d'exercice du droit de visite, en fonction du règlement intérieur et des disponibilités et que l'organisme adressera un rapport à l'issue de sa mission à la cour d'appel, alors « que le juge qui décide que le droit de visite d'un parent s'exercera dans un espace de rencontre doit fixer, dans le même temps, la durée de la mesure et déterminer la périodicité et la durée des rencontres ; qu'en accordant un droit de visite en espace de rencontre à Mme [L] deux fois par mois pour une durée de dix mois sans fixer la durée des rencontres, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article 1180-5 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1180-5 du code de procédure civile :

7. Il résulte de ce texte que, lorsque le juge décide qu'un droit de visite s'exercera dans un espace de rencontre, il fixe la durée de la mesure et détermine la périodicité et la durée des rencontres.

8. Après avoir fixé la résidence des enfants chez M. [P], l'arrêt décide que Mme [L] disposera d'un droit de visite en lieu neutre deux fois par mois pendant une durée de dix mois, les premières visites étant médiatisées et les parties devant prendre attache, avant la première rencontre, avec la structure Entre parent'aise du CIDFF de Lunéville afin de définir les jours et horaires d'exercice du droit de visite, en fonction du règlement intérieur et des disponibilités de l'association.

9. En statuant ainsi, sans déterminer la durée des rencontres, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du second moyen, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il accorde à Mme [L], sauf meilleur accord des parties, un droit de visite pour une durée de dix mois s'exerçant dans la structure Entre parent'aise du CIDFF de Lunéville, de dire qu'avant la première rencontre, les parties devront prendre attache avec l'association afin de définir les jours et horaires d'exercice du droit de visite, en fonction du règlement intérieur et des disponibilités et de dire que l'organisme adressera un rapport à l'issue de sa mission à la cour d'appel, l'arrêt rendu le 10 janvier 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nancy autrement composée ;

Condamne M. [P] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour Mme [L]

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir fixé la résidence habituelle de [R] et [S] au domicile de M. [P] ;

AUX MOTIFS QU' il ressort des dispositions de l'article 373-2-9 du code civil que la résidence de l'enfant peut être fixée en alternance au domicile de chacun des parents ou au domicile de l'un d'eux ; que l'article 373-2-11 du code civil dispose que lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération : la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure, les sentiments exprimés par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 du code civil, l'aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l'autre, le résultat des expertises éventuellement effectuées tenant compte notamment de l'âge de l'enfant, les renseignement qui ont été recueillis sur les éventuelles enquêtes et contre enquêtes sociales, les pressions, violences à caractère physique ou psychologique exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre ; que les éléments versés par les parties et ressortant des auditions des enfants et de l'enquête sociale initiale ont conduit le juge aux affaires familiales à constater, au-delà des griefs entre parents et des relations conflictuelles qui perdurent entre eux, à constater la grande fragilité de la mère qui entravait les relations qu'elle entretenait avec ses enfants et le bon développement de ceux-ci, Mme [L] reconnaissant une communication compliquée avec ses enfants alors âgés de 11 et 9 ans, qui adoptaient une attitude fuyante dans les mesures avant dire-droit, et la tentative de défenestration de sa fille de 10 ans, point paroxystique du mal-être des enfants constatés par plusieurs intervenants ; que le juge aux affaires familiales ordonnait à compter de l'été 2018 le transfert de résidence de [R] et [S] au domicile du père, qui présentait toutes les garanties au terme de l'enquête sociale ; que le complément d'enquête sociale diligenté depuis démontre que la décision était adaptée à l'intérêt des enfants et à la situation ; que le père a mis en place tous les suivis nécessaires, les deux enfants évoluent positivement et s'épanouissent au domicile et à l'école, ils s'autorisent aujourd'hui à parler des difficultés rencontrées avec leur mère ; dans un discours qui n'est pas dicté par le père selon les déclarations de leur psychologue ; que l'enquêteur social fait état de la complexité de personnalité de la mère mise en avant par les enfants ; qu'il apparait alors que le droit de visite et d'hébergement de la mère a été mis en place sans difficulté, elle a invoqué une attitude opposante de [R] le dernier jour pour arrêter d'exercer son droit de visite et d'hébergement et est restée sans voir ses enfants jusqu'à une audience au mois de mai 2019 devant le juge des enfants (qui a abouti à un non-lieu à assistance éducative) ; qu'il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance contestée en ce qu'elle a ordonné le transfert de résidence au domicile du père, conforme à l'intérêt des deux enfants ;

1°) ALORS QUE lorsque le juge prononce une décision concernant un enfant, il doit avoir une considération primordiale pour l'intérêt supérieur de celui-ci ; qu'en fixant la résidence principale de [S] et [R] chez leur père, sans avoir recherché la cause de la tentative de défenestration de [R], sans qu'elle ne fût blessée, à la suite de laquelle M. [P] a demandé le transfert la résidence des enfants à son domicile, tandis que cette tentative n'était pas imputable à Mme [L], la cour d'appel n'a pas apprécié l'intérêt supérieur des enfants et a privé sa décision de base légale au regard de l'article 373-2-9 du code civil et de l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant du 20 novembre 1989 ;

2°) ALORS QU' en fixant la résidence principale des enfants au domicile de M. [P] sans répondre aux conclusions de Mme [L] faisant valoir qu'elle avait été victime de violences répétées de M. [P] durant leur union, même quand les enfants étaient présents au domicile, ce qui excluait qu'il soit dans l'intérêt de [R] et [S] de résider principalement chez leur père, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

SECOND MOYEN DE CASSATION :
:

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir accordé à Mme [L], sauf meilleur accord des parties, un droit de visite pour une durée de 10 mois s'exerçant au sein de la structure Entre parent'aise du CIDFF de Lunéville, d'avoir dit qu'avant la première rencontre les parties devraient prendre attache avec cette association afin de définir les jours et horaires d'exercice du droit de visite, en fonction du règlement intérieur et des disponibilités de l'association, et d'avoir dit que l'organisme adresserait un rapport à l'issue de sa mission à la cour d'appel ;

AUX MOTIFS QUE, conformément à l'article 373-2 du code civil, chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l'enfant et respecter les liens de celui-ci avec l'autre parent ; que l'article 373-2-9 du code civil dispose notamment que lorsque la résidence de l'enfant est fixée au domicile de l'un des parents, le juge aux affaires familiales statue sur les modalités du droit de visite de l'autre parent ; que lorsque l'intérêt de l'enfant le commande ou lorsque la remise directe de l'enfant à l'autre parent présente un danger pour l'un d'eux, le juge en organise les modalités pour qu'elle présente toutes les garanties nécessaires ; que les critères visés à l'article 373-2-11 du code civil sont à prendre en compte ; qu'à l'heure actuelle, les liens entre les enfants et la mère sont rompus ; que si cette mise à distance a permis un certain apaisement des enfants, son maintien à long terme n'est pas souhaitable, les enfants devant pouvoir entretenir des relations personnelles avec chacun de leurs deux parents ; qu'il convient néanmoins de prendre en compte les relations complexes et à l'heure actuelle dégradées entre Mme [L] et ses enfants qui justifient une reprise progressive de leurs relations, dans des conditions pouvant mettre en confiance les enfants et soutenir la mère, qui présente des fragilités qui peuvent l'amener à adopter des comportements inadaptés ; qu'il convient en conséquence d'octroyer à la mère un droit de visite en lieu neutre deux fois par mois pendant une durée de 10 mois, à charge pour les parents, à défaut d'accord amiable, de ressaisir le juge aux affaires familiales ; que les premières visites devront être médiatisé et le service désigné pourra ensuite moduler le cadre en fonction de l'évolution (visite encadrées, droit de sortie libre) ; qu'il convient également de préciser que des visites médiatisées pourront être organisées avec la CMP qui suit les enfants, en fonction des capacités de ce service ;

1°) ALORS QUE le juge qui décide que le droit de visite d'un parent s'exercera dans un espace de rencontre doit fixer, dans le même temps, la durée de la mesure et déterminer la périodicité et la durée des rencontres ; qu'en accordant un droit de visite en espace de rencontre à Mme [L] deux fois par mois pour une durée de 10 mois sans fixer la durée des rencontres, la cour d'appel, qui a méconnu l'étendue de ses pouvoirs, a violé l'article 1180-5 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le juge qui accorde à un parent, chez qui l'enfant ne réside pas habituellement, un droit de visite uniquement en espace de rencontre doit en justifier la nécessité par une motivation spéciale ; qu'en se bornant, pour fixer le droit de visite de Mme [L] en lieu neutre deux fois par mois, à relever « qu'il convient de prendre en compte les relations complexes et à l'heure actuelle dégradées entre Mme [J] [L] et ses enfants qui justifient une reprise progressive de leurs relations », sans s'expliquer précisément sur les faits concrets et circonstanciés rendant nécessaires une telle mesure, la cour d'appel, qui n'a pas motivé spécialement sa décision, a violé l'article 373-2-9 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 20-15139
Date de la décision : 26/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 10 janvier 2020


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 26 jan. 2022, pourvoi n°20-15139


Composition du Tribunal
Président : M. Chauvin (président)
Avocat(s) : SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre

Origine de la décision
Date de l'import : 15/09/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:20.15139
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